humains et le monde des non-humains. [...] La plupart des
plantes et des animaux ‚taient dot‚s de ce qu•on appelle, dans
notre jargon ethnographique et par commodit‚, une ‰•me ‹.
Ce terme correspond € de tr„s nombreuses entit‚s particuli„res
dans les soci‚t‚s que nous ‚tudions, et, en l•occurrence, € une
intentionnalit‚, un principe r‚flexif, une aptitude € communiquer
dans une langue universelle, une aptitude € signifier, qui fait
que les humains peuvent entretenir avec les non-humains des
rapports de personne € personne. D•ailleurs, le terme qu•on
pourrait traduire par ‰Š personne ‹ en achuar, Aents, englobe
toutes les entit‚s disposant de cette facult‚ int‚rieure, humains
comme non-humains. Certaines entit‚s dans le monde n•en
disposent pas, essentiellement tout ce qui se pr‚sente sous
forme de collection : les poissons lorsqu•ils sont en banc, par
opposition au poisson solitaire ; l•herbe, par rapport € un arbre,
etc.
7Les Achuars entretenaient des rapports avec les non-
humains dot‚s de cette facult‚ de diverses fa†ons. D•abord, en
leur adressant des injonctions par l•interm‚diaire de chants,
chant‚s mentalement (sotto voce), qui avaient pour effet d•agir
directement sur l••me de leurs interlocuteurs, qu•ils soient
humains ou non-humains. Ces chants ‚taient des discours de
l••me, c•est-€-dire qu•ils partaient de l••me et se dirigeaient vers
l••me en ‚vitant les barri„res induites par les contraintes
d•‚nonciation [...]. Les hommes, comme les femmes, avaient €
leur disposition un r‚pertoire immense de ces chants qui
permettaient d•intervenir € tous les moments de la vie
quotidienne, tant pour agir sur les humains (pour r‚parer, par
exemple, les brouilles conjugales, ou pour am‚liorer l•entente
entre les beaux-fr„res, etc.), que pour agir sur les plantes
cultiv‚es et sur les animaux chass‚s. Et comme les plantes et
les animaux ne r‚pondaient pas, en tout cas pas directement,
leur fa†on de r‚pondre se faisait dans les r‡ves.
8Dans cette soci‚t‚, on se r‚veille tr„s tˆt, vers trois heures du
matin, et la premi„re chose que l•on fait, c•est de commenter les
r‡ves, c•est-€-dire de commenter les informations que l•on a pu