sécurité. Or, la grande nouveauté de la tradition scientifique est de
soumettre les idées reçues – croyances, mythes ou théories -, à la
discussion rationnelle et à la critique. C’est cette tradition critique que
nous voyons se développer en Grèce au VI° siècle avant J.-C., comme
le montre l’exemple de l’école de Thalès7.
Popper considère en outre qu’il est de bonne méthode de partir
des questions actuellement débattues, de la situation du problème du
jour, qui résument à leur manière les acquis de la tradition, afin de
progresser dans la recherche8. Il rejette la position facile des
rationalistes qui condamnent les idées traditionnelles au motif de la
table rase qui préparerait, selon eux, le penser par soi-même. Non
seulement, aux yeux de Popper, une telle démarche n’est pas
productive – car nul ne peut aller plus loin dans le domaine de la
connaissance qu’en s’appuyant sur des résultats précédents -, elle
présente en outre le grave inconvénient de ne point s’interroger sur ses
propres fondements, de laisser ainsi en dehors de l’examen rationnel et
critique sa propre conception de la connaissance – sur deux points
notamment : la conception du déterminisme et celle du rôle de
l’observation dans la pensée scientifique.
On peut certes reprocher à Popper une vision optimiste, ne
retenant de la science qu’un aspect qui amplifie le rôle de la critique et
de la libre discussion, au détriment des déterminations et des enjeux
politiques et sociaux9. Il faut dire que, contrairement aux attentes de
Popper, la tradition pythagoricienne de la science grecque par exemple
était déjà fondée sur le culte du secret et de la vénération du maître, non
sur la critique et la libre discussion. De son côté, la science normale
selon Kuhn se constitue en échappant à la discussion générale, pour
devenir une affaire de spécialistes ayant leurs propres langages et
pratiques10. Cependant, il faut préciser que l’apport de l’épistémologie
7 K. Popper : La connaissance objective (1979), Aubier, 1991, p. 507.
8 K. Popper : Conjectures et Réfutations, p. 172-173.
9 Renée Bouveresse : Karl Popper ou le rationalisme critique, Vrin, 1998, p. 181.
10 T. S. Kuhn : La structure des révolutions scientifiques (1970), Flammarion,
1983, p. 278.