COLLOQUE CLAUDE LEFORT
7, 8 et 9 juin 2016
Université Caen Normandie
Avec Lefort, après Lefort,
« Prendre en charge l’expérience de notre temps »
APPEL À COMMUNICATIONS
En 1966, Claude Lefort fut nommé à l’Université de Caen afin d’y créer le Département de sociologie.
Cinquante ans après, ce Département, entouré de la Revue du Mauss, d’Anamnèse et des laboratoires du
CERReV (EA 3918) et Identité et Subjectivité (EA 2129), entend fêter sa naissance en interrogeant à
nouveau l’œuvre de son fondateur.
Claude Lefort a passé cinq années à Caen. Cette période fait suite à l’autodissolution de Socialisme ou
Barbarie et est celle de la rédaction de sa thèse sur Machiavel ainsi que de ses analyses à propos de mai 68.
Son influence s’est marquée de façon forte et durable au Département de sociologie. Elle a, en premier lieu,
été suivie dans les choix d’enseignement et de recherche de nombre de ses membres. Ses propres
enseignements furent déterminants et, après son départ, ceux de l’équipe qu’il avait constituée autour de lui à
son arrivée les ont relayés auprès des générations successives d’étudiants. Une identité forte a ainsi pu se
construire et se perpétuer mettant en avant l’importance de la réflexion théorique en sociologie, des liens
nécessaires avec l’ethnologie, l’anthropologie et de l’ouverture indispensable à la philosophie. Place lui est
toujours faite dans les cours auprès d’auteurs comme Marcel Mauss ou Pierre Clastres auxquels il a donné le
plus grand écho auprès de ses étudiants et dans son œuvre. Le dialogue entre ces différents auteurs et
disciplines a montré tout son intérêt dans l’attention portée au conflit, dans sa conception du politique et de la
démocratie. Le phénoménologue a ainsi rappelé aux sociologues, d’une part, ce que la signification des faits
sociaux devait à l’institution politique et le sociologue a rappelé aux philosophes politiques, d’autre part, ce
que l’institution politique doit aux rapports sociaux.
Ensuite, ces années caennaises sont aussi celles à partir desquelles Claude Lefort s’est imposé dans le
paysage de la pensée politique. De façon directe, pour la génération des intellectuels qui furent ses étudiants
à Caen. Plus généralement, aussi, parce que ses réflexions sur la démocratie et le totalitarisme sont au cœur
d’un tournant dans la pensée politique des années 1970 dont nous sommes toujours redevables.
Plusieurs manifestations furent organisées autour de lui de son vivant ou après, notamment celles donnant
lieu aux deux publications La démocratie à l’œuvre1 et Cornélius Castoriadis et Claude Lefort, L’expérience
démocratique2 . Elles rappellent, d’une part, le paradoxe d’un effort solitaire de la pensée d’un auteur qui fut
aussi homme de débat et de revue et, d’autre part, la nécessaire radicalité de son questionnement de la
démocratie. Aussi, l’hommage que nous voulons lui rendre depuis Caen ne peut valoir qu’en s’inscrivant
dans la continuité de ces réflexions sur son rayonnement et donc, dans une nouvelle interrogation de la
pertinence de son œuvre et de sa démarche aujourd’hui et demain. Si l’héritage est assez bien connu, la
question de savoir qu’en faire maintenant est ouverte par la nouveauté de notre situation et peut appeler de
nouvelles réflexions et de nouvelles recherches en philosophie et sciences sociales.
Dans quelle mesure une pensée qui a tant apporté à la compréhension de la modernité et du XXe siècle peut
encore éclairer « les ténèbres » et « l’indétermination » du monde qui lui succède ?
« Comment prendre en charge [avec et après Claude Lefort],
les questions qui sourdent de l’expérience de notre temps ? »3
1 . Claude Habib et Claude Mouchard (sous la direction), Éditions Esprit, 1993.
2 . Nicolas Poirier (dir.), Le bord de l’eau, Bibliothèque du M.A.U.S.S., 2015.
3 . Essais sur le politique, XIXe-XXe siècles, Paris, Le Seuil, 1986, p.7.