Les critères de convergence : de Maastricht à Amsterdam Introduction : L’importance de la notion de critères communs I) Les critères de Maastricht 1 Les cinq critères de convergence 2 La signification économique des critères 3 Un oubli ( ?) : les critères sociaux II) L’évolution des critères 1 Le traité d’Amsterdam 2 La situation actuelle des pays par rapport aux critères 3 Une convergence inachevée Conclusion : La France entre retards et obligations. Introduction : l’importance de la notion de critères communs - les critères dont nous allons parler sont de nature économique et technique, donc jugés obscurs et peu compréhensibles. - ils sont pourtant d’une importance capitale : - Car c’est la 1° fois dans l’histoire économique que des Etats indépendants et souverains acceptent de renoncer à une de leur prérogative essentielle : mener la politique économique qu’ils souhaitent, et acceptent de se soumettre en la matière à une loi commune pour un objectif commun. - Car ces critères n’engagent pas simplement le passé, mais aussi l’avenir, et pour longtemps : désormais, toutes les politiques économiques qui seront menées seront soumises au double objectif de la lutte contre l’inflation et de l’équilibre des comptes financiers. - c’est donc bien une certaine conception de l’économie qui s’est imposée à Maastricht : une conception fondée sur la rigueur des lois économiques : et cette conception guide désormais la plupart des Etats dans leur politique économique - les critères de convergence ont donc une influence directe sur notre quotidien au travers par exemple de la future franchise hospitalière (nécessité de limiter les déficits publics) ou au travers de la valeur de l’euro. - ces critères sont enfin une double « certitude » - Les « nouveaux » pays qui souhaiteront adopter l’euro comme monnaie devront respecter ces critères : la crainte de nouveaux arrivants n’est donc pas fondée - Les pays ayant déjà adopté l’euro doivent continuer à respecter le plus possible ces critères ce qui limite les risques de dérapage, en particulier sur le plan de l’inflation mesurée. I) Les critères de Maastricht 1 Les cinq critères de convergence Pour adopter l’euro, tout pays doit satisfaire à cinq critères. Après l’adoption de l’euro, il ne reste plus par définition que 4 critères Pour les 15 « anciens » pays : quand ils respectent les critères, le passage à l’euro est automatique Le Royaume-Uni a été dispensé de cette obligation, le Danemark a dans un 1° temps rejeté le traité de Maastricht et a ensuite été dispensé de cette obligation, la Suède a fait valoir qu’elle ne respectait pas le critère de stabilité monétaire de 2 ans Pour les nouveaux pays : quand ils respectent les critères, le passage à l’euro peut demander un délai technique. Par exemple la Lituanie devrait adoter l’euro en 2009 et la Slovaquie en 2010. La République Tchèque ne s’estime pas encore prête 2 La signification économique des critères L’objectif principal de ces critères est la lutte contre l’inflation. Les critères partent d’une analyse monétariste de l’inflation : celle-ci s’expliquerait par une trop forte abondance monétaire. Cette abondance proviendrait d’une trop grande création de monnaie pour financer les déficits publics. La logique économique des critères est donc la suivante : Réduction des déficits publics et des dettes = réduction des crédits distribués = réduction de la croissance de la masse monétaire sans hausse trop importante des taux d’intérêts (qui pénaliserait la croissance économique)= rareté relative de la monnaie = stabilité des prix et de la valeur de cette monnaie Cette logique est donc clairement d’inspiration libérale (selon les travaux de l’américain Milton Friedman (1912-2006)). Elle attribue à la monnaie un rôle essentiellement neutre (théorie de la monnaie-voile de J.B. Say). La monnaie ne doit pas servir à un quelconque soutien à l’activité économique (ce qui est source d’inflation), sauf en cas de crise financière grave (exemple de la crise des subprimes aux Etats-Unis) On peut remarquer que, curieusement, les pays jugés les plus « libéraux » sont précisément ceux qui aujourd’hui ont le moins une vision libérale de la monnaie : les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne se privent pas d’utiliser la monnaie comme arme économique. 3 Un oubli (?) : les critères sociaux On l’aura compris, il ne s’agit en rien d’un oubli : pour les libéraux, le rôle d’une monnaie n’est pas de lutter contre le chômage (dans la mesure où pour les libéraux il est essentiellement de nature volontaire) ni de lutter contre les phénomènes de pauvreté. Le seuil des 3% est néanmoins critiqué : - pourquoi 3% et pas 4 ou 2 ? Ce sont les français qui avaient imposé ce seuil qui n’a pas de justification économique particulière. Il se trouve simplement qu’en 1992, les français jugeaient ce seuil suffisamment loin pour ne pas se sentir concernés… - surtout, ce seuil ne distingue pas le « bon » déficit et le « mauvais » -Le mauvais déficit est celui lié à des frais de fonctionnement trop élevés (surtout pour un résultat discutable). -Mais le bon déficit est celui qui repose sur des dépenses d’investissement d’avenir : éducation, recherche, infrastructures… Si l’on prend l’exemple de 2007 pour le France, on peut constater que si on retire des « autres dépenses » (109,214 milliards d’€) les dépenses de fonctionnement (33,555) et les dépenses d’intervention (61,267), il reste 14,392 milliards d’€. Il s’agit des dépenses d’investissements publics, et les allemands avaient proposé qu’ils soient retirés de la comptabilisation du déficit. Concrètement, cela aurait signifié pour la France en 2007, un déficit courant de 41,647 – 14,392 = 27, 255 milliards d’€. Le déficit en % du PIB aurait alors été de 1,5% du PIB et non pas de 2,5% du PIB Surtout, la lutte contre ce déficit courant serait plus justifiable que la lutte contre n’importe quel déficit. C’est d’ailleurs ce vers quoi tend le Pacte de stabilité et de croissance : le Traité d’Amsterdam (qui comporte d’autres dispositions) II) L’évolution des critères 1 Le Traité d’Amsterdam Le Traité d’Amsterdam a été signé le 2 Octobre 1997, pour une entrée en vigueur le 1° Mai 1999. Il instaure entre autre le Pacte de stabilité et de croissance qui part de deux constats : - d’une part la difficulté des Etats candidats à l’euro ou qui vont adopter l’euro de respecter 2 des 5 critères : le déficit public et l’endettement public, surtout au niveau de son seuil de 60%. Il est donc décidé que ce seuil doit-être compris « en tendance » : un pays qui dépasse le seuil des 60% mais qui tend à s’en rapprocher pourra être éligible à l’euro, à l’inverse d’un pays qui s’en éloignerait. - d’autre part la double nécessité de rester vigilant après le passage à l’euro tout en tenant compte des critiques émises sur le caractère rigide des critères initiaux Le pacte de stabilité et de croissance reprend assez largement les critères de convergence, mais en y ajoutant trois nouveautés essentielles : - les critères ne sont plus strictement automatiques mais dépendent du pouvoir d’appréciation de la Commission européenne d’abord et du Conseil européen ensuite : la Commission constate le dépassement des seuils, décide si oui ou non il y a des raisons de saisir le Conseil européen, et c’est ce dernier qui est seul habilité à prendre ou non des sanctions. - il existe des circonstances exceptionnelles pouvant justifier les dépassements : au départ ces circonstances étaient strictement économiques (notion de récession), elles sont devenues beaucoup plus structurelles : il faut vraiment qu’un pays ne fasse aucun effort pour être sanctionné. - il existe donc des sanctions pour des Etats ayant adopté l’euro et ne faisant plus d’effort pour respecter les critères. Ces sanctions correspondent en un dépôt sans intérêt correspondant à 0,2% du PIB du pays plus 10% de l’écart entre le déficit constaté et le déficit toléré. Chaque année ce dépôt peut augmenter de 10% des deux écarts. Au total, ce dépôt ne peut pas excéder plus de 0,5% du PIB du pays concerné. Si au bout de 2 ans aucun progrès n’est constaté, et en l’absence de circonstances exceptionnelles, le dépôt peut être converti en amende. Prenons un cas concret : en 2003, le déficit public de la France était de 4,2% du PIB et le PIB était de 1595 milliards d’€. Son dépôt aurait pu alors être de : (1595 x 0,2% ) + (1595 x 1,2% x 10%) = 5,1 milliards d’€ Pour l’instant quelques pays ont été mis sous surveillance pour cause de déficits excessifs (Allemagne, France, Grèce, Italie), mais aucun n’a été sanctionné par un dépôt et à fortiori une amende. Les sanctions restent donc plus incitatives que dissuasives. Elles visent à rappeler l’objectif essentiel de la zone euro : stabilité des prix, stabilité monétaire, sans que cela ne porte vraiment préjudice à la croissance économique. 2 La situation des pays par rapport aux critères On peut d’abord faire une petite comparaison entre la Zone euro et les Etats-Unis et le Japon : - la zone euro présente globalement des « fondamentaux économiques » (endettement, déficits publics, inflation) qui sont meilleurs que les deux autres zones - sa croissance économique est plus faible que celle des Etats-Unis mais meilleure que celle du Japon, mais son taux de chômage est plus élevé - sa situation commerciale est meilleure que celle des Etats-Unis, un peu moins favorable que celle du Japon, mais la zone euro est beaucoup plus ouverte que les deux autres zones. Si maintenant on regarde les pays membres de l’Union européenne (retour au doc 5) on peut en gros distinguer 3 cas différents : - il y a les « vieux pays européens » (France, Allemagne, Italie, Belgique, Royaume-Uni…) qui parviennent à limiter l’inflation mais qui peinent à équilibrer leurs finances publiques. - il y a les « nouveaux pays » (surtout issus des « démocraties populaires ») qui parviennent en gros à équilibrer leurs finances publiques (surtout au niveau de leur endettement), mais qui rencontrent des soucis inflationnistes et qui commencent à rencontrer des difficultés budgétaires. - il y a enfin les pays « exemplaires », surtout en Europe du nord, qui présentent des comptes publics parfaitement maîtrisés, une inflation très sage (et on pourrait ajouter une croissance économique forte et un chômage très faible, voire nul dans certains cas.) Les pays sont donc soumis aux mêmes critères, mais la convergence économique est encore loin d’être achevée 3 Une convergence inachevée Ce non achèvement se perçoit davantage dans les ordres de priorité affichés que dans les situations elle mêmes. Les « grands » pays d’Europe de l’ouest et les nouveaux pays d’Europe de l’est éprouvent des difficultés dans la tenue des comptes publics, pour deux raisons différentes: - les pays d’Europe de l’ouest doivent faire face à des revendications sociales de leurs populations (santé, retraite, emploi….) qui passent souvent avant les critères de convergence - les pays d’Europe de l’est doivent rebâtir des économies et développer des infrastructures, ce qui est également coûteux. Dans les deux cas, un respect strict des critères de convergence est perçu comme une contrainte peu supportable. En face, les pays d’Europe du nord, l’Irlande, l’Espagne, la Slovénie … du haut de leurs performances économiques ont du mal à comprendre les difficultés et hésitations des autres pays. Mais leur taille ne les soumet pas aux mêmes obligations sociales et d’infrastructures. La convergence des intérêts est donc difficile à obtenir, d’où la difficulté de la convergence économique. Conclusion : la France entre retards et obligations - incontestablement la France est en retard dans la maîtrise des déficits publics, malgré une amélioration récente : 4,1% de déficit en 2003, 2,5% en 2006, 2,3% prévu en 2008 - cette « amélioration » n’empêche pas la dette publique de gonfler pour atteindre aujourd’hui 1152 milliards d’€ soit 64% du PIB - ce qui est préoccupant, c’est que la France est obligée de consacrer 39 milliards d’€ par an au remboursement de sa dette, soit pratiquement 15% du budget (2° poste budgétaire aujourd’hui) - ceci ne contribue ni à améliorer les services publics rendus (d’où le sentiment de beaucoup de français de payer « cher » pour un service minimum), ni à réduire les prélèvements obligatoires qui atteignent 44% du PIB (3° position en Europe) La France est donc bien dans l’obligation de maîtriser ses dépenses publiques. Reste à savoir lesquelles.