Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques des Ecosystèmes Limniques CARRTEL Task Group on Aquatic Microbial Food Webs UMR CARRTEL - Station d’Hydrobiologie Lacustre Equipe de Microbiologie Aquatique MICROALGUES ET CYANOBACTERIES LACUSTRES Présentation, dynamique des populations, toxicité, un cas particulier sur le Bourget Stéphan JACQUET 18 mars 2003 1 Un échantillon prélevé dans le lac 2 Le phytoplancton du grec phyto: plante et plancton: qui flotte Le phytoplancton est composé d ’algues très petites incapables de lutter contre le courant. Néanmoins, certaines d’entre elles peuvent nager (flagelles) Le point commun à tous les organismes phytoplanctoniques est leur fonction photosynthétique qui est rendue possible grâce à la chlorophylle (molécule photoréceptrice) Le phytoplancton utilise - la lumière, - le gaz carbonique - et les composés minéraux solubles pour se nourrir, croître (fabriquer de la matière organique) et libérer de l’oxygène CO2 + H20 + nutriments ⇔ CH20 + O2 3 Poissons icthyophages (ex: brochet) Homme Poissons planctonophages (ex: perche) Zooplancton (ex: daphnies) Phytoplancton 4 On distingue au sein du phytoplancton les microalgues et les cyanobactéries Les microalgues regroupent l’ensemble des eucaryotes Les cyanobactéries sont des bactéries photosynthétiques Quelques caractéristiques - Organismes unicellulaires, filamenteux ou coloniaux - Taille de 1 à 400 µm - Distribution ubiquiste (océans, mers, lacs, rivières, sols, murs, troncs d’arbres, plantes, entre les poils des ours polaires!) - > 14 000 espèces recensées dans les eaux douces - Existence depuis plus de 2,5 milliards d’années (les cyanobactéries sont responsables de la production d’oxygène atmosphérique et de la formation de la couche d’ozone) - Reproduction asexuée ou multiplication le plus souvent - Nourriture pour animaux microscopiques (zooplancton) - Utilisation humaine (base alimentaire, colorants, cosmétiques) - Potentiellement nuisibles (proliférations ⇒ anoxie, toxines) 5 Les grands groupes du phytoplancton En faisant appel à deux critères: - la chimie des pigments et - la réserve cellulaire, il est relativement facile de classer les algues en plusieurs groupes. 6 Les grands groupes du phytoplancton Les chlorophycées Les diatomées Les dinophycées Les chrysophycées Les euglénophycées Microalgues (eucaryotes) (procaryotes) Les cyanobactéries 7 Les diatomées Les Diatomées se présentent comme une boite (de camembert) avec donc deux valves qui s’emboîtent l’une dans l’autre. Ce sont des algues siliceuses qui ne contiennent pas d’amidon mais un polysaccharide comme sucre de réserve. 8 Les diatomées 9 Les dinoflagellés Les Dinoflagellés se présentent comme un casque d’armure constitué par plusieurs plaques. Deux sillons logent chacun un flagelle. Les pigments caroténoïdes leur confèrent leur couleur brune-orangée. Pas d’amidon. 10 Les dinoflagellés 11 Les chlorophycées Les Chlorophycées sont des algues de couleur verte car très riches en chlorophylle a et b, leurs principaux pigments localisés dans les plastes. Dans ces plastes, on trouve de l’amidon, sucre de réserve. 12 Les chlorophycées 13 Les chrysophycées Les Chrysophycéess sont des algues libres ou coloniales le plus souvent flagellées (un court et un long). Les plastes jaune-or de ces organismes sont à l’origine de leur dénomination. Pas d’amidon. 14 Les euglénophycées Les Euglénophycées sont des algues unicellulaires le plus souvent mobiles grâce à leurs flagelles. Très proches des Chlorophycées, elles en différent par la nature des réserves qu’elles produisent (du paramylon). Il existe aussi des formes non chlorophylliennes. 15 Les cyanobactéries Les Cyanobactéries aussi appelées algues bleues ou algues vert-bleues sont des organismes intermédiaires entre bactéries et microalgues: - bactéries car leurs cellules sont dépourvues de vrai noyau - algues car elles contiennent des pigments photosynthétiques, typiquement la chlorophylle, la phycoérythrine, la phycocyanine. Elles ont aussi des formes très variées: - unicellulaires - coloniales - filamenteuses 16 Les cyanobactéries Ces algues ne possèdent ni noyau véritable (ce sont des procaryotes) ni chromatophore. La chlorophylle et les pigments qui l'accompagnent souvent, en modifient la couleur. Ils ne sont pas portés par des plastes mais sont diffus, dispersés dans le cytoplasme qui prend alors une couleur homogène. Cette couleur des Cyanophytes est très variable, généralement bleu-vert, parfois vert-noirâtre ou brunâtre, rouge, bleu ou même violet. Ces variations sont dues à des mélanges divers de chlorophylle verte, de phycoérythrine rouge et de phycocyanine bleue. Les réserves sont constituées par un polysaccharide voisin du glycogène et qui prend une teinte acajou avec la solution iodo-iodurée 17 Les cyanobactéries Microcystis Aphanizomenon Anabaena Anabaena Merismopedia Microcystis Gomphosphaeria Planktothrix 18 Prolifération de cyanobactéries 19 Les toxines de cyanobactéries (cyanotoxines) • Depuis l’An 1000 (Chine), intoxications de soldats (Chorus et Bartram, 1999) • Australie, mort d’animaux (Francis, 1878) • Tous les habitats (aquatiques dulçaquicole, saumâtre, marin, terrestres) • Tous les continents 20 Les toxines de cyanobactéries (cyanotoxines) • Tous les ordres de Cyanobactéries Chroococcales (3 genres) Oscillatoriales (6 genres) Nostocales (8 genres) Stigonématales (2 genres) la plupart des cyanobactéries communes formant des efflorescences sont potentiellement toxiques • Fortes proportions d’efflorescences toxiques (une sp. au moins) : 44 % en Finlande (Sivonen, 1990) 48 % Norvège (Willen et Mattsson, 1997) 53 % Suède (Willen et Mattsson, 1997) 60 à 80 % au Danemark (Henriksen et Moestrup, 1997) 72 % en Allemagne (Fastner et al., 1999) 21 Les toxines de cyanobactéries (cyanotoxines) • Genres toxiques (Chorus et Bartram, 1999) Une même espèce peut synthétiser plusieurs (types de) toxines, et pls toxines simultanément (ex.: A. flos-aquae) 22 Les toxines de cyanobactéries (cyanotoxines) ! ! ! ! !! ! !! ! ! !!! ! (Hawai) ! ! !! ! ! !! ! ! ! ! ! ! ! !! (Antarctique) ! microcystines ! nodularines ! cylindrospermopsine ! PSPs ! anatoxine-a ! anatoxine-a(S) ! homoanatoxine (source : thèse M. Gugger) 23 Impacts des cyanobactéries # Ecologique: - Perturbations du fonctionnement des écosystèmes - Ombrage - Chaînes trophiques - Anoxie à la fin du bloom # Sanitaires - Mortalité et morbidité chez les (in)vertébrés aquatiques et terrestres - Contamination humaine 24 Empoisennement humain par les cyanotoxines # Effets à court terme - Maladies gastro-intestinales et hépatiques - Mort de patients dialysés au Brésil # Effets chroniques - Carcinomes hépatiques Principales routes d’exposition - Orale: eaux de boisson, produits contaminés - Orale et dermatho: eaux de baignade - Hémodialyse 25 Signifiance biologique, rôle fonctionnel des toxines : - Assimilation et incorporation des nutriments pour la croissance - Associations bénéfiques avec d’autres microbes - Rôle protecteur vis-à-vis du zooplancton, bactéries, virus, champignons - Pool de réserves de métabolites Le contrôle environnemental est peu connu 26 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Quels sont les facteurs environnementaux et les processus favorisant ou non la croissance des populations phytoplanctoniques ? 27 La dynamique des populations Effectif des populations Propriétés individuelles des organismes populations + -----------------------------Facteurs-------------------------physiques chimiques biologiques Lumière Nutriments Nourriture Température Salinité Prédation Turbulence Polluants Compétition Advection Toxines Lyse virale Sédimentation Temps 28 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Contrôle des communautés phytoplanctoniques Prédation et parasitisme (zooplancton, virus…) Mortalité Cyanobactéries et microalgues Croissance Nutriments minéraux + lumière + température 29 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Lumière et température 0m profondeur 24 °C 7 °C 7 °C 50 m HIVER ETE 30 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Lumière et température 200 26 Échelles Saisonnière, annuelle -1 3 150 22 20 100 18 16 50 14 0 1 jan Temperature Surface (10 cell ml ) 24 1 mai 1 sep 1 jan 1 mai 1 sep Microalgue 1 Microalgue 2 Temperature 12 Date 31 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Échelles journalière, hebdomadaire Exemples de mésocosmes 32 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Nutriments, compétition, prédation Cyanobactéries 200 B A 150 -1 Concentration (x 10 cell.ml ) 100 50 3 Control 0 200 C +N +P D Prédateurs 150 100 50 0 + 10C +N +P +10C 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Time (days) Bactéries 33 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Le cas d’une cyanobactérie qui prolifère dans le lac du Bourget depuis 1996 0m 50 m Juil 99 Nov. Mars 00 Juil Nov Mars 01 Juil Planktothrix rubescens (« le sang des Bourguignons ») 34 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Le cas d’une cyanobactérie qui prolifère dans le lac du Bourget depuis 1996 Généralement, les cyanobactéries prolifèrent dans des milieux « pollués » par le surplus de nutriments (phosphore) Mais … … dans le lac du Bourget, les concentrations de ces nutriments diminuent depuis le début des années 80 ⇒ SITUATION INATTENDUE, PARADOXALE A EXPLIQUER 35 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Processus de restauration de la qualité des eaux du lac du Bourget 180 1969 - 2002 -1 P-PO4 (µg.l ) 150 120 90 Année 2001 PO4 ~ 18 µg.l-1 Ptot ~ 26 µg.l-1 60 30 0 36 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Processus de restauration de la qualité des eaux du lac du Bourget 7 Chl a (µg.l-1.year-1) Transp. (m) 1984 - 2001 6 5 4 printemps 10 1988 - 2001 9 8 7 6 5 4 Année 2001 Transp moy ~ 6.2 m Transp min ~ 3.3 m Chloro ~ 7.7 mg.m-3 37 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton cependant, depuis 1996 Depth (m) 0 20 40 Fluoroprobe (µg / L chlorophylle a) Fluoroprobe Depth (m) 0 Cell counting (Number of cells / mL) 20 40 Planktothrix rubescens Comptage cellulaire Été 2000 Automne 2000 Hiver 2000 / 2001 Printemps 2001 38 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Bloom et production de toxines 0m 50 m Eq. MCYS LR (µg.l-1) Conc. (µg.l-1) 6 WHO drinking water 5 guideline conc. of 1µg.l-1 10 m 4 15 m 3 20 m 2 03 -A ug 31 -99 -A u 13 g-9 -S 9 e 29 p-9 -S 9 ep 14 -99 -O c 03 t-9 -N 9 o 16 v-9 -N 9 o 29 v-9 -N 9 o 07 v-9 -D 9 e 22 c-9 -D 9 e 05 c-9 -J 9 an 18 -0 -J 0 an 31 -00 -J an 15 -00 -F eb -0 0 1 39 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Pourquoi ? Les blooms à cyanobactéries résultent de situations de compétition entre espèces phytoplanctoniques Facteurs environnementaux favorisant ces situations : # Pollution nutritive (54 % des lacs européens eutrophes) # Stabilité de la colonne d’eau (blooms en été principalement 40 La dynamique des populations ou l’écologie du phytoplancton Pourquoi les cyanobactéries gagnent la compétition ? - Contrôle de leur flottabilité - Hétérocystes - Capacité de stockage nutriment/lumière - Pigments accessoires (phycoérythrine,…) - Organisation multicellulaire (filament, colonie) - faible qualité nutritive - Synthèse de toxines Défense contre la prédation 36 Le cas particulier de P. rubescens (Exp. Labo, dynamique in situ, littérature) $ Faible lumière, faible température, faible conc. en nutriments $ Boosté par apports rapides de P $ Espèce de fin d’été – début d’automne $ Nécessite une colonne d’eau stabilisée $ Contrôle de la flottabilité $ Filamenteuse et toxique donc faiblement broutée $ probablement peu affectée par un contrôle par les virus $… Année 0 P +++ 24 °C P +++ P- 10 P+ 20 30 P +++ 7 °C Conditions eutrophes P +++ Conditions mésotrophes 84 01 Limité inférieure de P<10 µg.l-1 42 L’ influence du changement global? Température au fond Températures plus élevées Stratification plus longue Brassage écourtée 5.5 84 01 Years Avance de la stratification 120 100 80 60 84 01 Transp (m) 4.5 Julian days Temp (°C) 6.5 Transparence des eaux (printemps) 6 5 4 84 01 43 Un scénario réaliste Influence climatique = Hivers et printemps plus chauds Avance du bloom printanier & du dévelop. zooplanctonique = Avance du déclin des populations & avance de la phase d’eaux claires Pression humaine = Réduction de P Eaux de surface dépourvues de P = Enfoncement des populations & la zone dépourvue de P Espèces très compétitives pour ce nouvel environnement : faible nutriment, faible lumière, stabilité Bourget, Léman, Zurich, … Planktothrix rubescens pas ou peu broutée 44 Mesures de prévention/lutte # Pour les grands lacs: Réduction des nutriments: Phosphore (< 10 µg/l) Permissible and dangerous inputs for P and N in lakes Permissible inputs Mean Depth (m) <5 < 10 < 50 < 100 < 150 < 200 P (g m-2 a-1) < 0.07 < 0.1 < 0.25 < 0.4 < 0.5 < 0.6 N (g m-2 a-1) < 1.0 < 1.5 < 4.0 < 6.0 < 7.5 < 9.0 Renewal time of 2 m3 m-2 a-1 Dangerous inputs P (g m-2 a-1) N (g m-2 a-1) > 0.13 > 0.2 > 0.5 > 0.8 > 1.0 > 1.2 > 2.0 > 3.0 > 8.0 > 12.0 > 15.0 > 18.0 Vollenweider/OECD 45 Mesures de prévention/lutte # Pour les petits lacs: - Précipitation du phosphore - Construction de pré-reservoir pour retenir P - Dragage du sédiment et retrait de P - Traitements physiques et/ou chimiques: - Brassage vertical - Sulfate de cuivre - Bio manipulations - Poissons, virus… 46 Sources & Remerciements $ Luc BRIENT (photographies des microalgues) $ Robert G Wezel (Limnology, lake and river ecosystems) $ Hilda CANTER-LUND & John WG LUND (Freshwater algae: their microscopic world explored) $ Christer BRONMARK & Lars-Anders HANSSON (the biology of lakes and ponds) $ Jean-François BRIAND & Jean-François HUMBERT 47