Les économies de l`Afrique de l`Ouest : un portrait statistique

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Les économies de l’Afrique de l’Ouest : un portrait statistique
Ce bref portrait statistique porte sur l’Afrique de l’Ouest, région qui regroupe ici les quinze
pays membres de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Il
s’agit par ordre alphabétique du Bénin, du Burkina Faso, du Cap-Vert, de la Côte d’Ivoire, de
la Gambie, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Libéria, du Mali, du Niger, du
Nigéria, du Sénégal, de la Sierra Leone et du Togo. Les principaux thèmes traités sont : la
démographie, l’évolution de la croissance économique, le problème de la diversification
économique, l’intégration dans la mondialisation, les coûts économiques qui lui sont
associés et le défi environnemental.
Le défi démographique
L’Afrique de l’Ouest compte un peu plus de 300 millions d’habitants. Ce qui représente 35%
de la population de l’Afrique subsaharienne. A titre de comparaison, la population des EtatsUnis était évaluée à 310 millions en 2010. Le Cap-Vert est le plus petit pays de la zone avec
près de 500 mille habitants. A l’autre extrême, on retrouve le Nigéria avec près de 160
millions d’habitants, pays le plus peuplé de tout le continent africain.
Graphique : Population totale des pays d’Afrique de l’Ouest en 2010 (en millier)*
30000
25000
20000
15000
10000
5000
0
Source : Nations-Unies ; *le Nigéria a été omis par souci d’une meilleure présentation.
La population de l’Afrique de l’Ouest est très jeune. A l’exception du Cap-Vert (31,8%) et du
Ghana (38,6%), la part des moins de 15 ans va d’un minimum de 40% au Togo à un maximum
de 49% au Niger. C’est également une population qui s’urbanise de plus en plus. L’Afrique de
l’Ouest compte 134 millions d’urbains, soit un taux d’urbanisation de l’ordre de 45%. Le
Niger est le pays le moins urbanisé de la zone (16,7%). Le pays le plus urbanisé est le Liberia
dont la population compte 61% de citadins.
1
En 2010, la population active (travailleurs + chômeurs) s’établissait en 2010 à près de 107
millions dont 49 millions de travailleurs ruraux. En raison de la jeunesse de la population,
l’Afrique de l’Ouest demeure sous-représentée pour l’instant dans la population active
mondiale (3,3%). Les femmes représentent en moyenne 43% de la force de travail. Le Niger
(31,2%), le Mali (35,4%) et la Côte d’Ivoire (37,4%) sont les trois pays où les femmes sont
moins nombreuses dans la population active. Par contre, c’est au Togo (50,5%) et en Sierra
Léone (50,7%) que les femmes sont les plus nombreuses dans la population active. Les
travailleurs sont majoritairement employés dans l’économie informelle. D’où le fait que la
plupart d’entre eux ne bénéficie pas de mécanismes de couverture sociale. D’où également
le nombre important de travailleurs pauvres.
Graphique : Taux d’urbanisation
70
60
50
40
30
20
10
0
Source : Banque Mondiale
Entre 1955 et 2010, la population de l’Afrique de l’Ouest a été multipliée par quatre, passant
de 70 millions à un peu plus de 300 millions, ce qui représente 4,4% de la population
mondiale. Ce boum démographique a été favorisé par les améliorations obtenues dans le
domaine de la santé et par une fertilité encore importante malgré un déclin tendanciel. Les
progrès en matière sanitaire peuvent être constatés au niveau de l’espérance de la vie à la
naissance. Pour les deux sexes confondus, l’espérance de la vie à la naissance s’établissait
en moyenne à 35 ans en 1955 contre 52 ans de nos jours. Si ces tendances se poursuivent,
l’espérance de vie à la naissance devrait s’établir aux alentours de 67 ans à l’horizon 2050.
En ce qui concerne le taux de fertilité dans la région, il était en 1955 de 6,3 enfants par
femme en moyenne. Chiffre qui s’établit à 5,5 enfants par femme dans la période actuelle et
qui devrait chuter jusqu’à 3,3 enfants par femme à l’horizon 2050.
Cette croissance démographique soutenue est l’un des défis majeurs de tout le continent à
court terme comme à long terme. Selon les projections des Nations-Unies, la population
actuelle devrait être multipliée par 2,5 d’ici à 2050. Autrement dit, en l’espace d’un siècle,
2
l’Afrique de l’Ouest va voir sa population multipliée par 10. Dans dix ans, comparée aux
Etats-Unis, la population de l’Afrique de l’Ouest comptera 50 millions d’habitants de plus.
Alors qu’elle ne constituait que 2,8% de la population mondiale en 1955, l’Afrique de l’Ouest
représentera près de 8% de la population mondiale à l’horizon 2050. Autrement dit, près
d’un habitant sur 12 vivra dans cette zone dans quarante ans. D’où le caractère urgent de
performances économiques qui permettront de répondre à cette pression démographique.
Graphique : Population totale de l’Afrique de l’Ouest – projections 2010-2050 (en millions)
800
737
700
600
548
500
388
400
301
300
200
100
70
0
1955
2010
2020
2035
2050
Source : Nations-Unies
2. Le défi d’une croissance économique soutenue :
Les perspectives économiques du continent africain ont souvent dépendu de trois
contraintes majeures : la contrainte politique (les conflits et les guerres civiles), la contrainte
climatique (la récurrence de sécheresses et des inondations) et la contrainte globale
(l’évolution des termes de l’échange, de la finance et de l’investissement au niveau mondial).
Contrairement à une idée répandue, la croissance économique en Afrique n’a jamais été
faible. Elle a plutôt été volatile. Les pays africains sont capables de créer la croissance mais
jusque dans les années 2000, ils ont été incapables de créer la croissance économique de
manière soutenue du fait justement des trois contraintes susmentionnées. En effet, durant
ces cinquante dernières années, la croissance économique a eu une nature dialectique dans
la plupart des pays africains : les épisodes de croissance ont souvent alterné avec les
épisodes de contraction. Telle est la différence majeure entre les pays africains et les pays de
l’Asie de l’est qui ont pu avoir une croissance économique à la fois importante et soutenue
dans le temps.
L’instabilité de la croissance économique en Afrique pousse ainsi à réfléchir en termes de
trajectoires de croissance. Les taux de croissance moyen calculés pour l’Afrique
subsaharienne sont souvent trompeurs parce qu’ils agrègent des types de croissance
3
économique qui s’inscrivent dans des dynamiques qualitativement distinctes. En vue de ne
pas tomber dans le fétichisme de la croissance, il peut être utile de distinguer trois types de
dynamiques de croissance : la reconstruction, la stabilisation et l’accumulation. L’indicateur
utilisé est ici le PIB par habitant mesuré en dollars constants – avec pour base l’année 2000.
Les pays qui sont dans une dynamique de reconstruction sont ceux qui en 2009 n’avaient
toujours pas encore retrouvé le meilleur niveau de PIB par habitant acquis quelques
décennies plutôt. Par exemple, le Togo a connu une croissance économique non négligeable
de 1960 à 1980. Il avait alors atteint un niveau de PIB par habitant de 346 dollars (mesuré en
dollars constants). Depuis lors, le Togo peine laborieusement à retrouver ce pic historique du
PIB par habitant. Le Togo est donc un pays qui doit rattraper son niveau économique passé
et se reconstruire. En Afrique de l’Ouest, sept pays sont dans ce cas. Il s’agira pour eux dans
la décennie à venir de retrouver et d’essayer de dépasser la meilleure performance
économique acquise antérieurement.
Tableau : Taux de croissance du PIB par habitant (2000-9) et dynamique de croissance
Pays
Taux moyen de croissance du
PIB par habitant (2000-9) – en %
Accumulation (1)
Cap-Vert
4,3
Stabilisation (7)
Ghana
3,4
Bénin
0,8
Mali
3,1
Burkina Faso
1,9
Gambie
1,9
Guinée
0,8
Reconstruction (7)
Nigéria
3,6
Côte d’Ivoire
-1,3
Sénégal
1,3
Sierra Léone
6,5
Niger
0,8
Guinée-Bissau
-1,6
Togo
-0,3
Libéria
-3,2
Source : Sylla (2011)
Les pays qui sont dans une dynamique de stabilisation sont ceux qui avaient atteint en 2009
le meilleur PIB par habitant de leur histoire mais qui sur le long terme n’ont pas connu une
croissance moyenne supérieure à celle de l’économie mondiale. Cela concerne sept pays de
l’Afrique de l’Ouest. Le Ghana par exemple était plus productif en 2009 qu’en 1965.
Toutefois, sur l’ensemble de cette période, la croissance économique moyenne du PIB par
habitant était en dessous de celle constatée pour l’économie mondiale. Le Ghana avait un
PIB par habitant de 281 dollars en 1965. S’il avait enregistré depuis lors un taux de
croissance de 1,5% en moyenne annuelle, il aurait atteint 541 dollars en 2009 et non pas 343
4
dollars par habitant. Autrement dit, le Ghana a dépassé le stade de la reconstruction. Mais, il
n’en est pas encore au stade de l’accumulation, phase à partir de laquelle on s’inscrit
véritablement dans une logique de rattrapage économique.
Les pays qui sont dans une dynamique d’accumulation sont ceux qui ont enregistré en 2009
le meilleur niveau de PIB par habitant de leur histoire et dont la croissance économique a
été supérieure lors de la dernière décennie à la moyenne de long terme de l’économie
mondiale. Le Cap-Vert était le seul pays de la zone à avoir ce type de croissance économique.
Présentement, l’Afrique de l’Ouest représente 27% du PIB (mesuré en termes courants) de
l’Afrique subsaharienne et seulement 0,5% du PIB mondial. Même si c’est un colosse aux
pieds d’argile, le Nigéria est de très loin l’économie la plus puissante de la région. Il
représente 63,5% du PIB de la zone. Il est suivi par le Ghana (10,3%), la Côte d’Ivoire (7,5%)
et le Sénégal (4,2%). A elles seules, ces quatre économies représentent 85,5% des richesses
produites en Afrique de l’Ouest. La Gambie, la Guinée Bissau et le Libéria sont les trois plus
petites économies (avec 0,3% chacun).
Graphique 1 : Principales économies de l’Afrique de l’Ouest en 2010 (% du PIB de la zone)
14,5
Nigéria
4,2
Ghana
7,5
10,3
Côte d'Ivoire
Sénégal
63,5
Autres
Source : Banque Mondiale
En termes de revenu national brut par habitant (mesuré en dollars courants), le Cap-Vert est
le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest (3270 dollars US) alors que le Libéria (200 dollars
US) et la Sierra Leone (340 dollars) sont les plus pauvres. En 2010, cinq pays seulement
avaient dépassé le seuil de 1000 dollars par habitant. Le Cap-Vert et le Ghana sont les deux
pays de la zone qui ont un revenu par habitant supérieur à la moyenne de l’ensemble des
pays de l’Afrique subsaharienne. C’est ainsi que la plupart des pays de la zone sont classés
parmi les Pays les Moins Avancés (PMA) à l’exception de la Côte d’Ivoire, du Nigéria et du
Cap-Vert ; ce dernier pays étant le seul de la zone à être sorti de ce groupe, en 2007
notamment. De même, malgré les nombreux progrès qui ont été réalisés, les pays d’Afrique
5
de l’Ouest, exception faite du Cap-Vert et du Ghana, relèvent pour la plupart de la catégorie
« faible niveau de développement humain ». Ainsi, l’atteinte des objectifs du millénaire pour
le développement (OMD) se pose-t-elle avec acuité dans toutes les économies de la région,
notamment celles qui sont les plus pauvres et celles en proie à des conflits.
Tableau : Classement 2011 des pays de l’Afrique de l’Ouest selon l’IDH
Indice de développement Humain Rang 2011
(sur un total de 187 pays)
Cap-Vert
133
Ghana
135
Sénégal
155
Nigeria
156
Togo
162
Bénin
167
Gambie
168
Côte d'Ivoire
170
Mali
175
Guinée-Bissau
176
Guinée
178
Sierra Leone
180
Burkina Faso
181
Liberia
182
Niger
186
Source : UNDP, 2011
Le défi de la diversification économique :
L’agriculture représentait en 2009 plus d’un tiers du PIB dans 10 économies sur 15. Par
contraste, le secteur manufacturier ne dépassait la barre des 10% que dans quatre pays. La
Côte d’Ivoire est le pays où la part du secteur manufacturier dans la valeur ajoutée est la
plus élevée, avec 17%. A l’inverse, la Sierra Léone (1,8%) et le Nigéria (2,5%) sont les deux
pays les plus en retard sur ce volet. Pour ce qui est de l’industrie non manufacturière, les
industries extractives notamment, elle joue un rôle plus important dans les pays riches en
ressources naturelles. C’est le cas par exemple de la Guinée (31,4%) et du Nigéria (33,7%).
Enfin, en ce qui concerne le secteur des services, sa part dans le PIB ne dépasse les 50% que
dans quatre pays (Bénin, Gambie, Sénégal, Cap-Vert). Dans la petite économie capverdienne, le secteur des services entre jusqu’à hauteur de 75% dans la formation de la
valeur ajoutée. Le Libéria (23,8%) et le Nigéria (28,9%) sont les deux pays chez qui le secteur
des services occupe la part la plus faible.
6
Graphique : Part de chaque branche économique dans le PIB (%)
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Service
Autres industries
Manufacture
Agriculture
Source : CNUCED, 2011
Du point de vue de la structure des exportations, les pays de l’Afrique de l’Ouest demeurent
pour la plupart des pays exportateurs de matières premières. Cette spécialisation primaire a
souvent pesé comme une hypothèque sur les perspectives économiques de la zone, rendant
les économies très dépendantes des cours des matières premières pour ce qui est de leurs
recettes d’exportation et de leurs recettes fiscales. Dans des pays comme la Guinée-Bissau
et le Nigéria, un seul produit fournit plus de 85% des recettes d’exportation.
Tableau : Premier produit d’exportation en 2010 (selon le degré de dépendance)
Pays
Catégorie de produit
% des recettes d’exportation
Guinée Bissau
Fruits secs
89,5
Nigéria
Pétrole
85,4
Cap-Vert
Poissons
65,3
Mali
Or à usage non monétaire
58,6
Guinée
Aluminium
48,1
Ghana
Cacao
48
Burkina Faso
Coton
40,9
Libéria
Navires, bateaux
35,3
Gambie
Fruits secs
34,9
Bénin
Coton
34,7
Côte d’Ivoire
Cacao
33,4
Niger
Animaux vivants
25,5
Sénégal
Pétrole
24,7
Sierra Léone
Perles précieuses
24,2
Togo
Ciment, chaux
13,1
Source : CNUCED, 2011
En dépit de la faiblesse de son poids dans l’économie mondiale, l’Afrique de l’Ouest est un
acteur significatif pour certains produits d’exportation. Le Niger représente par exemple 26%
des exportations mondiales d’uranium et de thorium. 5% des exportations mondiales de
7
pétrole proviennent du Nigéria. La Côte d’Ivoire fournit 18% des exportations mondiales de
cacao. Le Bénin (3,1%), le Burkina Faso (3%) et le Mali (2,6%) sont également des acteurs
relativement importants dans la filière coton.
Bien que les PMA d’Afrique de l’Ouest soient pour la plupart des pays exportateurs de
matières premières, il existe des différences significatives pour ce qui est de la structure
globale de leur commerce extérieur. Quatre pays sont majoritairement exportateurs de
produits agricoles (Bénin, Burkina, Guinée-Bissau, Libéria), c’est-à-dire que les produits
agricoles représentent au moins 45% de leurs recettes d’exportations. L’Afrique de l’Ouest
compte quatre pays majoritairement exportateurs de minéraux (Guinée, Mali, Niger, Sierra
Léone). Deux pays ont une structure d’exportation plus diversifiée (Sénégal, Togo). Enfin, la
Gambie est le seul pays de la zone classée parmi les exportateurs de services.
Du point de vue du commerce des produits agricoles, il existe également une certaine
diversité. Notons qu’à l’exception du Cap-Vert, tous les autres pays de la zone font partie du
groupe des « pays à faible revenu et à déficit vivrier ». Le déficit vivrier est mesuré par la FAO
sur la base des importations nettes de produits alimentaires. Pour dire les choses autrement,
l’Afrique de l’Ouest n’a pas encore réussi à la fois à rehausser significativement son niveau
de vie et à assurer son autosuffisance alimentaire.
3. Le défi de la mondialisation :
On dit souvent que l’Afrique est « marginalisée » voire « exclue » par la mondialisation.
Cette lecture de la place du continent dans l’économie mondiale est erronée à l’évidence. Si
l’Afrique n’est pas encore un géant économique, il ne s’ensuit pour autant qu’elle soit
déconnectée des flux internationaux dans le domaine du commerce, de l’investissement et
de la finance. A regarder les choses d’un peu plus près, on s’aperçoit que l’Afrique participe
aux échanges économiques mondiaux autant que l’autorise son niveau de développement.
Contrairement aux préjugés ambiants, les pays d’Afrique de l’Ouest ne sont pas délaissés par
les flux internationaux de capitaux. Sur la période 2000-9, la part des Investissements Directs
Etrangers dans la formation de capital a été supérieure ou égale à 10% dans 12 pays sur les
15. Ce ratio s’établit par exemple à près de 180% pour le Libéria et 52% pour le Nigéria. Par
comparaison, on obtient pour cette même période 2,9% pour la Corée du Sud, 5,3% pour
Taiwan, 4,8% pour l’Inde, 8% pour la Chine et 14,8% pour la Thaïlande. Ce qui montre que le
capital international joue un rôle relativement plus important en Afrique de l’Ouest que dans
la plupart des pays émergents. A souligner que la définition statistique du concept d’IDE
tend également à sous-estimer une partie des investissements étrangers effectués en
Afrique. On peut penser notamment au capital international investi de plus en plus dans le
domaine foncier.
8
Graphique: Part des IDE dans la formation brute de capital fixe (moyenne 2000-9)*
Nigéria
Sierra Leone
Guinée
Cap-Vert
Côte d'Ivoire
Gambie
Togo
Mali
Guinée-Bissau
Ghana
Bénin
Niger
Burkina Faso
Sénégal
0
10
20
30
40
50
60
Source : CNUCED, * le Libéria a été omis par souci d’une meilleure présentation
Lorsque l’on s’intéresse également au ratio commerce international (exportations +
importations)/PIB, on s’aperçoit également que l’Afrique est très ouverte - voire très
dépendante - sur le plan commercial. A l’exception du Burkina Faso, le ratio commerce/PIB
est supérieur ou égal à 40% dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest. Mieux, il dépasse les
60% dans 11 pays de la zone. A titre de comparaison, le ratio commerce/PIB s’établit en
moyenne à 47% pour les pays de l’OCDE, 58% pour la Chine, 38% pour l’Inde et 57% pour
l’Asie de l’Est.
9
Graphique : Commerce international/PIB (moyenne 2000-9 ; en %)
120
100
80
60
40
20
0
Source : Banque Mondiale
Graphique : Part de l’Afrique de l’Ouest dans les exportations mondiales, les importations mondiales
et la production mondiale entre 1990 et 2010 (en %)
0,8
0,7
0,6
0,5
Exportations
0,4
Importations
0,3
Production
0,2
0,1
0
1990
2000
2010
Source : CNUCED
Le caractère mythique de la thèse de la marginalisation est également révélé par une autre
statistique : l’Afrique de l’Ouest occupe une part dans les exportations et les importations
mondiales conforme à sa part dans la production mondiale. En 2010, l’Afrique de l’Ouest
représentait 0,6% des exportations mondiales et 0,5% des importations mondiales. Ce qui
est en adéquation avec son poids économique dans la production mondiale (0,5%). L’Afrique
de l’Ouest a certes une grande marge de progrès. Mais, on ne peut en aucun cas soutenir
qu’elle est exclue de l’économie mondiale.
Lorsque l’on regarde du côté des sommes transférées par les travailleurs expatriés, on se
rend compte que l’Afrique de l’Ouest est une région plutôt dynamique de ce point de vue.
10
En 2010, l’Afrique de l’Ouest a reçu 12,8 milliards de dollars dans cette rubrique. Ce qui
représente près de 60% du total reçu par l’Afrique subsaharienne. Alors qu’en 1990,
l’Afrique de l’Ouest ne représentait que 0,9% du volume mondial des transferts de fonds des
travailleurs migrants, en 2010 ce chiffre atteignait 2,9%. Le Nigéria (9,9 milliards de dollars)
et le Sénégal (1,16 milliard de dollars) sont les deux principaux pays destinataires de ces
fonds.
Graphique : Evolution des transferts de fonds des migrants (en millions de dollars courants)
14000
12873
12000
10000
8000
5338
6000
4000
2000
1584
2170
679
0
1990
1995
2000
2005
2010
Source : CNUCED
Ainsi qu’on peut le constater, le véritable défi pour l’Afrique de l’Ouest n’est pas de s’insérer
dans la mondialisation quoi que l’on entende par là. Il s’agit plutôt pour elle de pouvoir
choisir les termes de son intégration économique.
4. Quelques coûts inaperçus de l’intégration économique :
Le caractère erroné de la thèse de la marginalisation de l’Afrique apparaît de manière plus
évidente lorsque l’on s’intéresse au « coût » de la croissance économique en Afrique ou plus
précisément aux « coûts » mesurables de son intégration dans le système économique
mondial. On peut avoir une évaluation de ce coût en étudiant la différence entre le PIB et le
PNB. Le PIB mesure la valeur créée par toutes les unités de production dans un pays donné
(les nationaux + les étrangers). Le PNB mesure par contre la valeur créée par les nationaux
uniquement. La différence entre ces deux indicateurs donne le Revenu Net des Facteurs.
Dans la comptabilité nationale, cette notion correspond aux sommes nettes transférées en
vue de la rémunération des facteurs de production (les rémunérations du travail, les intérêts
sur la dette, les dividendes perçus, les profits transférés par les multinationales, etc.). Que
montre ce dernier indicateur en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest ?
11
On constate que les transferts nets de revenus atteignent des proportions gigantesques dans
plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Durant la dernière décennie, le Libéria a par exemple
transféré chaque année au reste du monde des revenus équivalents en moyenne à 22,8% de
son PIB. Pour le Nigéria, le chiffre correspondant est de 8,8%. Ce qui est d’autant plus
alarmant que ce sont là deux pays très pauvres. Par comparaison, on obtient 0,1% pour la
Chine et 0,7% pour l’Inde.
Que les pays pauvres soient des exportateurs nets de capitaux est une donnée du système
capitaliste qui est bien connue et qui s’est rarement démentie. Dans le cas de l’Afrique de
l’Ouest, et celui de l’Afrique plus généralement, le fait inquiétant est que les transferts nets
de revenus ont eu tendance à augmenter durant cette dernière décennie pour les pays
riches en ressources naturelles et au moment où la croissance économique est devenue plus
importante. En effet, le boum des prix des produits primaires semble avoir stimulé
d’importants transferts de profits.
Tableau : Revenu Nets des Facteurs (en % du PIB ; moyenne décennale)
1960-9
1970-9
1980-9
1990-9
2000-9
Liberia
1,7
1,2
13,9
n.d.
22,8
Nigeria
2
3,6
4,6
8,3
8,8
Guinea
n.d.
n.d.
3,4
7,4
Gambie
n.d.
0,8
3,2
3,1
7,2
Côte d'Ivoire
2,4
3,6
8,5
9,7
5
Sierra Leone
n.d.
2,4
3,9
6,8
3,4
Mali
n.d.
0,6
1,7
1,2
3,2
Guinée-Bissau
n.d.
1,6
1,5
6,2
3,1
Cap-Vert
n.d.
n.d.
n.d.
0,7
2,5
Ghana
1,6
0,9
1,4
2
1,6
Togo
0,6
1,7
4,3
2,4
1,3
Sénégal
n.d.
2,4
3,9
2,5
1,2
Benin
0,3
0,2
1,5
1,8
1
Burkina Faso
-0,4
0,6
0,4
0,3
0,4
Niger
0,2
0,7
2,2
1,7
-0,2
Source : calculs de l’auteur basés sur la Banque Mondiale ; n.d. = non disponible
Les profits transférés dans le cadre des Investissements Directs étrangers (IDE) sont une
composante du Revenu Net des Facteurs. En regardant les données existantes à ce sujet, on
obtient une image conforme à ce qui vient d’être dit. L’Afrique de l’Ouest est une région très
profitable pour le capital international. Entre 2000 et 2008, le Nigéria a par exemple reçu
40,7 milliards de dollars au titre de l’IDE. Sur la même période, les profits transférés
s’élevaient à 51,9 milliards de dollars. Autrement dit, pour chaque nouveau dollar qui a été
investi au Nigeria durant cette période, 1,27 dollar a été transféré à l’étranger sous forme de
12
profit, soit un taux d’extraction de 127%. Eu égard à cet indicateur, le Mali et la Côte d’Ivoire
sont les pays de la zone les plus profitables pour le capital étranger. Par contre, le Libéria
semble être le pays le moins profitable de la zone. A titre de comparaison, on obtenait pour
cette même période un taux d’extraction de 35-40% pour la Chine et 38% environ pour
l’Inde. Ce qui montre, malgré la rhétorique de la « bonne gouvernance », que les pays
africains sont un véritable réservoir de profits pour le système économique mondial.
Tableau : Flux d’IDE entrants et Transferts de Profits au titre de l’IDE (2000-8)
Transferts
de Profits
(en million
de dollars)
Flux IDE
entrants Taux
CNUCED (en
d'extraction
million de
dollars)
1
2
(%)
Taux
d'extraction
(basé sur les
flux d'IDE
entrants Banque
Mondiale)
(%)
(1)/(2)
Mali
1745
1233
141,6
140,6
Côte d'Ivoire
3496
2708
129,1
130,8
51920
40762
127,4
155,4
Sierra Leone
312
420
74,3
73,5
Senegal
598
825
72,5
69,2
Togo
315
479
65,7
60,1
Gambia
175
326
53,5
49,1
Ghana
747
3447
21,7
16,8
Benin
126
597
21,2
21,5
Cape Verde
118
810
14,6
15,2
Niger
118
841
14
26,4
Liberia
64
598
10,7
8,1
Nigeria
Source : calculs de l’auteur basés sur la Banque Mondiale (transferts de profits, Flux IDE entrants) et la CNUCED
(Flux IDE entrants).
Le défi environnemental :
Telle qu’elle est mesurée de nos jours, la croissance économique ne prend pas en compte
d’un côté le fait que certaines ressources sont limitées voire non renouvelables et de l’autre
que les progrès économiques en eux-mêmes ont parfois un impact destructeur sur
l’environnement. Si bien que le PIB et le PNB sont de plus en plus perçus comme des
indicateurs limités du bien-être voire de la richesse véritable des nations. Dans la plupart des
pays pauvres, la croissance économique enregistrée a souvent eu pour contrepartie une
sérieuse déplétion et dégradation des ressources naturelles. La production augmente mais le
niveau de vie des populations devient de moins en moins soutenable sur le long terme du
fait des inégalités économiques et de leurs répercussions environnementales. En Afrique de
13
l’Ouest, ceci semble être le cas par exemple de pays comme le Nigéria, le Niger, le Togo et le
Mali. D’où le besoin de développer de nouveaux indicateurs qui prennent en compte ces
données écologiques majeures. D’où également, sur un volet plus pratique, la nécessité de
promouvoir une meilleure gestion des ressources environnementales ainsi qu’un nouveau
rapport à la consommation. L’Afrique, région fortement dépendante de l’agriculture, est plus
que jamais confrontée au défi du changement climatique.
Références
Banque Mondiale, Where is the Wealth of Nations? Banque Mondiale, 2006.
Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), Manuel des
Statistiques de la CNUCED, New York et Genève, 2011. www.unctad.org
Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), Les pays les
moins avancés. Rapport 2009. L’État et la gouvernance du développement, Nations-Unies, New York
et Genève, 2009. www.unctad.org
FAO,
Liste
2012
des
pays
à
faible
vivrier, http://www.fao.org/countryprofiles/lifdc.asp?lang=fr
revenu
et
à
déficit
Global Footprint Network (GFN). 2010. The Ecological Wealth of Nations, www.footprintnetwork.org
Sylla, Ndongo Samba, La croissance économique en Afrique (1960-2009) : particularités, dynamiques
et déterminants, manuscrit non publié.
United Nations Development Program (UNDP), Human Development Report 2011 Sustainability and
Equity: A Better Future for All, UNDP, New York, 2011. www.undp.org
Base de données
Banque Mondiale, Indicateurs de développement mondial – databank.worldbank.org
CNUCED – Statistiques en ligne de la CNUCED http://unctadstat.unctad.org/ReportFolders/reportFolders.aspx?sCS_referer=&sCS_ChosenLang=fr
Nations-Unies, World Population Prospects, Département des Affaires Economiques et Sociales, voir :
http://esa.un.org/unpd/wpp/unpp/panel_population.htm
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