DÉVELOPPEMENT LOCAL, INSTITUTIONS et CHANGEMENT CLIMATIQUE au SÉNÉGAL Analyse de la situation et Recommandations opérationnelles Draft final Janvier 2010 Département du Développement Social Institutions sociales et changement climatique BANQUE MONDIALE DEVELOPPEMENT LOCAL, INSTITUTIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE AU SENEGAL : Analyse de la situation et recommandations opérationnelles TABLE DES MATIERES AVANT PROPOS Carte 1 : Le Sénégal et ses régions administratives Liste des acronymes et abréviations Résumé analytique iv v vi vii 1. INTRODUCTION 1 2. LE CONTEXTE GENERAL 2 2 2 2 2 3 3 5 5 6 6 6 7 7 7 7 8 8 8 9 9 9 9 9 9 10 10 10 2.1 PROFIL DU PAYS 2.1.1 Superficie 2.1.2 Population 2.1.3 Contexte économique 2.1.4 Domaines climatiques 2.1.5 Zones agro-écologiques 2.2 ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT LOCAL 2.2.1 Principaux organes ministériels 2.2.2 Institutions nationales impliquées dans le développement local 2.3 DISPOSITIF INSTITUTIONNEL LOCAL EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT LOCAL 2.3.1 Les structures de la déconcentration : Région, Département et Arrondissement 2.3.2 Les structures de la décentralisation : Région, Commune et Communauté rurale 2.3.3 Les institutions communautaires 2.4 LES CADRES DE POLITIQUE GENERALE 2.4.1 La politique de décentralisation 2.4.2 La réduction de la pauvreté 2.4.3 La croissance accélérée 2.4.4 La bonne gouvernance 2.5 POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL 2.5.1 Développement local 2.5.2 Lois concernant le foncier, l’environnement, les forêts, l’agro-sylvo-pastoralisme 2.5.3 Le programme national d’adaptation au changement climatique 2.6 LE PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE AU SENEGAL 2.6.1 Le projet de développement local participatif (PLDP) 2.6.2 Le programme des services agricoles et organisations de producteurs 2.6.3 Le programme de renforcement et d'équipement des collectivités locales 2.6.4 Le projet de gestion durable des terres 3. VULNERABILITES AUX RISQUES ET STRATEGIES D’ADAPTATION LOCALES 3.1 LES UNITES D’ANALYSE 3.2.RISQUES, INCERTITUDES ET VULNERABILITES 3.3 STRATEGIES D’ADAPTATION AUX CRISES 3.3.1 Stratégies d’adaptation des ménages : études de cas 11 11 12 15 15 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - 3.3.2 L’agro-pastoralisme comme stratégie capitale d’adaptation 3.3.3 Les autres stratégies d’adaptation à long terme 3.3.4 Les stratégies de ‘sortie’ ou de ‘survie 3.4 INSTITUTIONS LOCALES ET VULNERABILITES AUX RISQUES 21 22 25 26 4. ACQUIS ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL DECENTRALISE 30 30 30 33 34 35 36 36 37 38 40 4.1 PRINCIPAUX ACQUIS DES EXPERIENCES DE DEVELOPPEMENT LOCAL 4.1.1 Au niveau des politiques gouvernementales 4.1.2 Au niveau des collectivités 4.2 PRINCIPALES CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL 4.2.1 Par rapport au dispositif institutionnel 4.2.2 Par rapport au dispositif technique d’appui 4.2.3 Par rapport à l’exercice des compétences 4.2.4 Par rapport aux dotations des collectivités 4.2.5 Par rapport à certains dispositifs juridiques 4.2.6 Au niveau des organisations communautaires de base 5. PERSPECTIVES DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL 5.1 PERSPECTIVES GENERALES 5.2 INITIATIVES SPECIFIQUES I. Mise a jour des cadres politiques et des stratégies opérationnelles II. Consolidation du dispositif institutionnel III. Renforcement des capacités des acteurs IV. Mise à niveau du processus de planification V. Consolidation et élargissement du dispositif financier 5.3 VUE D’ENSEMBLE 40 40 41 42 43 44 45 48 49 6. CONCLUSION 49 PRINCIPALES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 53 ANNEXES Annexe 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Sénégal Annexe 2 : Les politiques de développement local au Sénégal Annexe 3 : Les principaux programmes de la Banque mondiale au Sénégal Annexe 4 : Le plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (UNDAF) 55 56 67 75 80 Liste des Cartes, Encadrés, Figures et Tableaux Carte 1 : Le Sénégal et ses Régions Carte 2 : Les sept zones agro-écologiques du Sénégal Figure 3 : Des institutions emboîtées : du ménage à l’organisation communautaire Encadré 4 : Au sujet des notions de ‘risque’, ‘incertitude’ et ‘vulnérabilité’ Figure 5 : Stratégies adoptées par les ménages sénégalais face aux situations de crise Encadré 6 : Les Mourides du Sénégal Tableau 7 : Répartition de quelques compétences entre collectivités locales au Sénégal Encadré 8 : Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques Figure 9 : Initiatives recommandées concernant l’appui à l’adaptation au changement climatique Encadré 10 :Eléments concernant la mise en œuvre des initiatives _______________ [Source des photos de la page de couverture : http://digitalmedia.worldbank.org/slideshows/senegal-fr/] iii - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - AVANT PROPOS Ce rapport a été préparé par Angelo BONFIGLIOLI, consultant indépendant, expert en développement local. *** Ce document fait partie d’une série d’études commissionnées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale, dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’ (Area Based Development and Climate Change/ABDCC), mis en œuvre grâce au soutien du Programme de Partenariat Pays Bas-Banque Mondiale (BNPP) et le Fond Norvégien et Finlandais pour un développement social et environnemental durable (TFESSD). L’objectif de base du projet est de comprendre comment les initiatives de développement local peuvent améliorer la capacité d’adaptation et la résistance des acteurs et des groupes communautaires locaux face au changement climatique. Avant out, l’auteur désire exprimer sa reconnaissance à Robin Mearns, Nicolas Perrin, Minna Kononen et Eija Pehu (Département du Développement Social, Banque mondiale, Washington) qui lui ont assuré appui, assistance, information et suggestions tout au cours de l’étude. Un remerciement sincère est adressé à Souleymane Bassoum et Famara Diedhiou (AGRECOL Sénégal), pour leur hospitalité et collaboration lors de la mission effectuée au Sénégal, comme aussi pour leurs précieuses enquêtes sur le terrain. Enfin, un grand merci à Chérif Diagne, Directeur de l’Agence Régionale de Développement de Thiès, et à Mamadou Lamine Mar, assistant du Directeur Régional de l’ANCAR, pour avoir bien voulu partager leurs idées et suggestions au cours d’entretiens informels organisés par AGRECOL à Thiès du 22 au 25 janvier 2010. iv Carte 1 : Le Sénégal et ses Régions administratives [Source : Banque mondiale] LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS ______________________________________________________________________________________________ ADM AGETIP ANCAR ANCR AMS ARD ASPRODEB CERP CNDCL CONGAD CSE DAT DCL DRDR DSRP FDD FECL FENU FONGS IATL LOASP MDCL MEF OCB OMD ONG PANA PAPEL PDLP PNBG PNDL PNIR PNUD PRECOL PSAOP ROPPA SCA SRAT SRP UAEL UNDAF Agence de développement municipal Agence d’exécution des travaux d’intérêt public Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural Association nationale des conseils ruraux Association des Maires du Sénégal Agence Régionale de Développement Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base Centres d’expansion rural polyvalent Conseil national de développement des collectivités locales Conseil des ONG d’Appui au Développement Centre de Suivi Ecologique (Ministère de l’Environnement) Direction de l’Aménagement du Territoire (Min Coop. Inter, Aménagement du Territoire) Direction des Collectivités Locales (Ministère de l’Intérieur) Direction Régionale du Développement Rural Document de stratégie de réduction de la pauvreté Fonds de Dotation de la Décentralisation Fonds d’équipement des collectivités locales Fonds d’Equipement des Nations Unies Fédération des ONG sénégalaises Inspection de l’administration territoriale et locale (du MEF) Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale Ministère la Décentralisation et des Collectivités locales Ministère de l’Economie et des Finances Organisations communautaires à la base Objectifs du Millénaire pour le Développement Organisation non gouvernementale Programme d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques Projet d’Appui à l’Elevage (Ministère de l’Elevage) Projet de développement local participatif (Banque mondiale) Programme national de bonne gouvernance Programme National de Développement Local Programme National d’Infrastructures Rurales (Banque mondiale) Programme de Nations Unies pour le Développement Programme de renforcement & équipement des collectivités locales (Banque mondiale) Programme des Services Agricoles. & Organisations de Producteurs (Banque mondiale) Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest Stratégie de Croissance Accélérée Service Régional d’Aménagement du Territoire (Min Coop. Inter, Aménagement du Territoire) Stratégie de réduction de la pauvreté Union des Associations des Elus locaux Plan Cadre des Nations Unies pour l'Aide au Développement ___________________________________________________________________________________________________ RESUME ANALYTIQUE INTRODUCTION Le changement climatique pose une menace de plus en plus imminente à la viabilité des ménages et des communautés de la planète, en particulier dans les zones rurales. Ceci est particulièrement vrai en Afrique, puisque les modes et les moyens d’existence de la grande majorité de ses populations dépendent des ressources d’un environnement naturel de plus en plus fragilisé. C’est dans ce contexte qu’a été produit ce rapport, qui fait partie d’un ensemble d’initiatives lancées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’. En analysant la situation spécifique du Sénégal, ce rapport identifie, avant tout, les principales caractéristiques économiques, écologiques et climatiques du pays. Par la suite, il présente les principaux acteurs institutionnels impliqués dans le développement local, avant d’esquisser les caractéristiques essentielles du paradigme du développement local et les principaux cadres politiques et opérationnels, ainsi que les aspects essentiels de la planification et la gestion du développement. Après une analyse du rôle des institutions (à la fois publiques et privées, formelles et informelles, nationales et locales) par rapport à la gestion des crises de toute nature et l’appui aux stratégies locales d’adaptation, ce rapport formule un certain nombre de recommandations opérationnelles à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Sénégal. LES ACTEURS INSTITUTIONNELS NATIONAUX Directement ou indirectement, le développement local au Sénégal est pris en charge par un ensemble d’acteurs publics, au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe. Le Ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales (MDCL) est le ministère le plus directement impliqué par rapport à la mise en œuvre de la décentralisation au Sénégal et le suivi des collectivités locales. Le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) est aussi impliqué dans le développement local par rapport aux finances des collectivités. Il intervient par le biais plusieurs directions. Le Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures intervient dans le développement local par rapport aux infrastructures, aux gros ouvrages (travaux publics). Parmi les ministères sectoriels qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut énumérer les suivants : le Ministère de l’Agriculture, de la Pisciculture et des Biocarburants, le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des Lacs artificiels, le Ministère de l’Elevage et le Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la Microfinance et de la Petite Enfance (avec la Direction du Développement Communautaire). LES ACTEURS INSTITUTIONNELS LOCAUX (DECONCENTATION ET DECENTRALISATION) Les deux piliers de l’architecture institutionnelle territoriale sénégalaise sont les structures de la déconcentration (circonscriptions administratives) et les structures de la décentralisation (ou collectivités locales). Les structures de la deconcentration sont la Région, administrée par le Gouverneur, le Département, administré par le Préfet, et l’Arrondissement, administré par le Sous-préfet. Ainsi, l’ensemble du territoire national est divisé en 14 régions. Chaque région est subdivisée en 3 départements, pour un total de 34 départements. Les structures de la décentralisation comprennent la Région (avec le Président du Conseil régional élu et les membres conseil régional), la Commune, administrée par un maire élu, et la Communauté rurale, dirigée aussi par un maire élu et des conseillers élus. Les dernières élections municipales ont eu lieu le 22 mars 2009, en même temps que les élections rurales et régionales. Le mandat des élus est de cinq ans. Depuis 2008, il y a un total de 14 Régions, 67 Communes urbaines et 43 Communes d’arrondissement et 370 communautés rurales. LES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES DE BASE Au Sénégal, il y a toute une gamme d’institutions ou organisations communautaires à la base, qui interviennent d’une manière plus ou moins efficace et active, dans le développement local et peuvent jouer un rôle capital pour aider les ménages à faire face aux risques de toute nature. La dynamique associative est une réalité palpable dans la majorité des villages et des villes au Sénégal. En fait, en fonction de leur typologie et de leur mandat, ces organisations interviennent dans des domaines différents et variés, appuyant toute une gamme de stratégies de - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - production ou d’adaptation à court et à moyen terme. D’une manière générale, au Sénégal comme ailleurs, elles jouent surtout un rôle de médiation entre les réponses individuelles et collectives vis-à-vis de l’impact des crises et en canalisant, en quelque sorte, l’aide extérieure en aide aux réponses d’adaptation. Les Institutions basées sur les valeurs sociales et culturelles locales (groupes de parenté, groupes de jeunes, groupes de travaux communautaires, etc.) sont bâties sur le capital social local, à savoir solidarité, entraide et confiance réciproque. Ancrées sur un ou plusieurs villages, ces institutions entreprennent de nombreuses initiatives pour venir au secours des membres individuels pendant des périodes spécifiques (par exemple, au moment des grands travaux agricoles) ou de crises et post-crises (par le biais de dons d’aliments, prêts d’animaux laitiers, activités des ‘tontines’ etc.). Au Sénégal, la chefferie traditionnelle influence fortement le champ social et politique, bien qu’elle ne possède pas d’attributions juridiques particulières. Les Institutions de production visent essentiellement à protéger et consolider les stratégies des ménages (stratégies d’investissement et de production, quand cela est possible, ou alors simplement stratégies d’adaptation). Ces institutions s’organisent à partir de réseaux assez denses comportant des structures villageoises et inter-villageoises (les ONG s’y greffant pour donner une dimension régionale, voire même nationale, à ces réseaux). Dans le domaine de la gestions des ressources naturelles, ce type d’institution a souvent permis la définition de règles concernant l’accès des membres à la terre, eau et pâturages et leurs utilisation. Les Institutions de gestion des services et des actifs intègrent des objectifs de productivité et de croissance avec les valeurs sociales locales, en assurant la gestion et le développement durable des moyens de production locaux (actifs). Ces institutions dérivent directement de comités de développement antérieurs en charge de puits et d’autres infrastructures hydrauliques, d’écoles ou de centres de santé, comme aussi de comités de gestion de ressources forestières, animales, hydrauliques, etc. Par rapport aux autres institutions, celles-ci tendent à être beaucoup plus inclusives, dans la mesure où elles ne s’adressent pas seulement aux membres appartenant à un groupe sociolinguistique particulier ou à un village ou à un groupe de villages voisins, mais à des producteurs sur la base de leurs intérêts collectifs. On inclut dans cette catégories les coopératives, les groupements de producteurs, les structures d’épargne et de crédit, comme aussi les ONG. POLITIQUES NATIONALES DE DEVELOPPEMENT LOCAL, DECENTRALISATION ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE Au cours des dernières années, les cadres conceptuels et les stratégie de développement social et économique et de lutte contre la pauvreté ont pu être approfondis et clarifiés. Les thèmes du développement rural, de la lutte contre la pauvreté et de l’appui aux stratégies locales de production, de survie et d’adaptation aux crises ont été développés en parallèle avec la réforme démocratique de la société. En matière de décentralisation, le Sénégal est le pays qui, en Afrique de l’Ouest, a la plus longue expérience en matière de communalisation. Depuis 1996, la décentralisation a atteint de nouvelles dimensions. Elle repose sur les principes essentiels de la gouvernance décentralisée, comme de la libre administration des collectivités locales par des assemblées élues, et une gestion locale démocratique. En matière de réduction de la pauvreté, la ‘Stratégie de réduction de la pauvreté’ (SRP) constitue le nouveau cadre de dynamisation des différentes stratégies et politiques visant à faire du Sénégal un pays émergent. En matière de croissance accélérée, la ‘Stratégie de Croissance Accélérée’ (SCA) vise à rendre opérationnel l’axe ‘création de richesse du DSRP’ et réduire, voire éradiquer la pauvreté. La SCA vise à développer et à diversifier les sources de création de richesses. En matière de bonne gouvernance, le ‘Programme national de bonne gouvernance’ (PNBG) vise à consolider le processus de démocratisation et renforcer l’Etat de droit ainsi que les capacités nationales de gestion du développement. A court et moyen termes, le PNBG vise à créer de conditions propices à la croissance économique et au développement humain durable. Enfin, en matière de développement local, le ‘Programme National de Développement Local’ (PNDL), conçu comme un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation de toutes les interventions en matière de viii - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - réduction de la pauvreté et de développement local, vise à devenir le pilier central de la mise en œuvre du DSRP. STRATEGIES DES MENAGES ET DES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES FACE AUX CRISES Au Sénégal, des facteurs écologiques et climatiques ont un impact profond sur les moyens d’existence locaux en concomitance avec des facteurs externes puissants. Outre la croissance démographique, la combinaison d’une monétisation rapide de l’économie rurale, le transfert de la propriété de la terre et du cheptel dans les mains d’une élite minoritaire (généralement urbaine et absentéiste) et la désintégration progressive des systèmes fonciers communautaires ont accentué la fragilisation des groupes ruraux, tout en modifiant les modes de fairevaloir et compromettant les conditions préalables à une gestion durable des ressources naturelles. Mais les ménages ruraux sénégalais ne se contentent pas de subir passivement les incitations et les contraintes auxquelles ils sont soumis. Unités de base de propriété de biens, de production, de consommation et de vie sociale, les ménages mettent en œuvre toute une gamme de stratégies d’adaptation vis-à-vis des risques et des incertitudes de toute nature (le plus souvent avec l’appui des organisations communautaires auxquelles ils adhérent). Par ailleurs, au-delà du choix ponctuel de pratiques et techniques spécifiques (cultures, outils, techniques de travail, mobilité, etc.), c’est la pratique associée et plus ou moins harmonieuse de l’agriculture et de l’élevage (agro-pastoralisme) qui est considérée comme la principale stratégie d’adaptation face aux crises de toute nature, susceptible de conférer aux ménages un niveau plus élevé de résilience. Dans les bouleversements affectant la société sénégalaise actuelle, d’une particulière importance sont aussi les liens stratégiques qui s'établissent entre ménages voisins d'un même village ou entre membres d’un même groupement d’intérêt économique villageois et inter-villageois. Ces liens tendent à devenir encore plus grands que ceux qui existent entre parents d'un même clan qui vivent loin les uns des autres. Dès lors, cette communauté pragmatique qui émerge au-delà de la communauté idéologique, se construit sur la base d’un nombre d’objectifs concrets et de stratégies communes relatives à la production et la survie. Pour faire face aux crises récurrentes de toute nature, les ménages, grâce aussi à leur intégration aux organisations communautaires, adoptent un ensemble de stratégie ‘de sortie’, ‘d’adaptation’ ou ‘de survie’, à plus ou moins long terme. RECOMMANDATIONS Un certain nombre de recommandations peuvent être formulées à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Sénégal. Ces recommandations concernent des initiatives proactives pour influencer les politiques et les pratiques nationales et mieux intégrer le changement climatique dans ses programmes actuellement en cours. A la lumière d’axes stratégiques précis, ces initiatives spécifiques devraient pouvoir constituer une véritable ‘feuille de route’ visant à intégrer le changement climatique dans le discours et les pratiques du développement local. Les principaux volets seraient les suivants : 1. Cadre politiques : Mise a jour des cadres politiques et des stratégies opérationnelles 2. Dispositif institutionnel : Consolidation des institutions pour une bonne gouvernance 3. Capacités : Renforcement des capacités des acteurs 4. Planification : Mise à niveau du processus de planification en fonction des problèmes créés par le changement climatique 5. Dispositif financier : Consolidation et élargissement des instruments financiers. CONCLUSION Le Sénégal dispose de politiques de développement local et de réduction de la pauvreté claires et détaillées. De plus, il s’est donné une architecture institutionnelle décentralisée, qui est à la fois un projet de société et un moyen pour réduire la pauvreté d’une large frange de sa population. Ces politiques et ce cadre institutionnel apparaissent aussi susceptibles de permettre un effort collectif visant à renforcer et soutenir les principales stratégies dont les communautés et les ménages sénégalaises disposent pour réduire l’impact des crises liées au changement climatique. ix DEVELOPPEMENT LOCAL, INSTITUTIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE AU SENEGAL Analyse de la situation et recommandations opérationnelles 1. INTRODUCTION Le changement climatique pose une menace de plus en plus imminente à la viabilité des ménages et des communautés de la planète, en particulier dans les zones rurales. Ceci est particulièrement vrai en Afrique, puisque les modes et les moyens d’existence de la grande majorité de ses populations dépendent des ressources d’un environnement naturel de plus en plus fragilisé. Mais les risques climatiques actuels ne peuvent pas être séparés de l’ensemble des risques de nature écologique, économique, alimentaire et sociale auxquels déjà doivent faire face les populations africaines. En fait, les risques climatiques ne font qu’exacerber la vulnérabilité de leurs systèmes socioéconomiques. Croissance démographique, sécheresses récurrentes, stagnation de la production agricole et dégradation de l’environnement ont suscité, d’une manière combinée, une spirale descendante de la pauvreté. Tout au cours des dernières années, la plupart des pays africains, avec l’appui de la communauté internationale, ont défini des politiques novatrices et proactives de lutte contre la pauvreté et mis en œuvre des programmes de développement local soucieux de répondre aux besoins prioritaires des populations les plus vulnérables. Des processus institutionnels démocratiques ont permis de renforcer le rôle des partenaires locaux et leur conférer la capacité de gérer leurs ressources productives. C’est dans ce contexte qu’a été produit ce rapport, qui fait partie d’un ensemble d’initiatives lancées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’.1 En analysant la situation spécifique du Sénégal, ce rapport identifie, avant tout, les principales caractéristiques économiques, écologiques et climatiques du pays. Par la suite il présente les principaux acteurs institutionnels impliqués dans le développement local. Successivement, il esquisse les caractéristiques essentielles du paradigme du développement local et les principaux cadres politiques et opérationnels, ainsi que les aspects essentiels de la planification et la gestion du développement. Il analyse, par la suite, le rôle des institutions (à la fois publiques et privées, formelles et informelles, nationales et locales) par rapport à la gestion des crises de toute nature et l’appui aux stratégies locales d’adaptation. Enfin, après avoir présenté les forces et faiblesses du modèle sénégalais de développement local, ce rapport formule un certain nombre de recommandations à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Sénégal. Cela concerne des initiatives proactives visant à la fois à influencer les politiques et 1 Area Based Development and Climate Change/ABDCC), mis en œuvre grâce au soutien du Programme de Partenariat Pays Bas-Banque Mondiale (BNPP) et le Fond Norvégien et Finlandais pour un développement social et environnemental durable (TFESSD). D’autres rapports similaires concernent le Sénégal et le Niger, comme aussi trois pays d’Amérique latine (Mexique, République Dominicaine et Pérou). Voir : http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTSOCIALDEVELOPMENT/0,,contentMDK:22187478~pagePK:210058~piPK:210062~the SitePK:244363,00.html. - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - les pratiques nationales et à mieux intégrer le changement climatique dans ses programmes actuellement en cours. En d’autres mots, en répondant aux questions essentielles du qui fait quoi et comment en matière de développement local au Sénégal, ce rapport vise finalement à identifier les principaux facteurs et les principales conditions qui, d’un point de vue institutionnel, favoriseraient l’adaptation des ménages aux risques climatiques, la réduction de leur vulnérabilité face aux effets de ces risques et la promotion de modes et moyens d’existence durables par le biais d’une plus grande résilience climatique. La conclusion est simple et problématique à la fois : l’adoption de pratiques soutenables de lutte contre les risques climatiques ne sera possible à l’échelon local que par l’existence d’institutions efficaces et durables régissant la gouvernance environnementale et des modèles d’action collective contre les risques. Et en cela, ce rapport donne à la notion d’institution la double signification de structure organisationnelle (les acteurs institutionnels ou ‘les joueurs’) et cadre normatif et réglementaire (les normes, les mécanismes ou ’les règles de jeu’ permettant aux acteurs d’opérer individuellement et collectivement). 2. LE CONTEXTE GENERAL 2.1 PROFIL DU PAYS 2.1.1 Superficie Le Sénégal s’étend sur une superficie de 196.722 Km2 et partage ses frontières au Nord avec la Mauritanie, à l’Est avec le Mali, au Sud avec la Guinée et la Guinée-Bissau. La Gambie est située dans la partie australe du territoire sénégalais. 2 2.1.2 Population L’estimation de la population du Sénégal s'appuie sur les trois recensements effectués en 1976, 1988 et 2002. D’après des projections de 2004, la population du Sénégal s'élèverait aujourd'hui à plus 11,3 millions de personnes (estimation de 2007) et pourrait atteindre plus de 13,7 millions de personnes à la fin de 2015 (avec un taux de fécondité supérieur à 4 enfants par femme). 3 2.1.3 Contexte économique Entre la moitié des années 1990 et 2005, le Sénégal a connu l’une des meilleurs performances économiques parmi tous les pays de l’Afrique subsaharienne, avec une augmentation annuelle du PIB d’environ 5% (cela se traduisant sur une nette diminution de sa dette). Cependant, à partir de 2006-07, son économie a été affectée par une série de chocs, suite à l’augmentation du prix du pétrole et des denrées alimentaires (le pays important 100% de ses besoins en riz et blé). A cela il faut ajouter les effets de la sécheresse de 2006 et 2007, avec une chute substantielle de la production agricole et la diminution des activités minières. D’une manière générale, la pauvreté est essentiellement un phénomène rural et le milieu rural contribue à hauteur de 65% à la pauvreté, pour une population de moins de 55% du total (en excluant la zone urbaine de Dakar qui compte près d’un quart de la population totale). D’après le Rapport sur le 2 Le territoire sénégalais est compris entre 12°8 et 16°41 de latitude Nord et 11°21 et 17°32 de longitude Ouest. Pour une présentation générale des caractéristiques physique du pays, voir :http://www.fao.org/nr/water/aquastat/countries/senegal/indexfra.stm 3 Projections de la Direction de la Prévision et de la Statistique. 2 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Développement Humain de 2009, le Sénégal figure parmi le groupe des pays les moins avancés et est placé au 166 rang sur 182 pays d’après les indices de développement humain. 4 2.1.4 Domaines climatiques L’environnement au Sénégal est caractérisé par un climat aride, une vulnérabilité aux variations pluviométriques et une forte pression exercée sur les ressources naturelles par une population pauvre. Le pays comprend cinq types de domaines climatiques appartenant au climat tropical : La zone sahélienne, au nord de la région de Saint-Louis, est le domaine de la steppe arborée ou arbustive. La zone sahélo-soudanienne, comprenant les régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Louga, Matam, a une savane arborée et sèche. La zone soudanienne, avec les régions de Fatick, Kaolack, tout le nord et le centre de la région de Tambacounda a une végétation de type savane. La zone soudano-guinéenne, avec au nord les régions de Ziguinchor, Kolda, et au sud la région de Tambacounda, est une zone de forêts ainsi que de grandes savanes très denses. La zone guinéenne, avec le sud des régions de Ziguinchor et Kolda, est la zone la plus humide, avec des forêts assez denses. 2.1.5 Zones agro-écologiques Le Sénégal est en généralement divisé et sept zones agro-écologiques, à partir de critères biophysiques et socio-économiques , à savoir : (i) La vallée du Sénégal; (ii) Niayes; (iii) Nord Bassin arachidier; (iv) Sud Bassin arachidier; (v) Zone sylvo-pastorale; (vi) Sénégal Oriental et Haute Casamance; et (vii) Basse et Moyenne Casamance (voir la Carte 2). Ces zones agro-écologiques représentent de vastes surfaces avec des caractères physiques et humains plus ou moins spécifiques qui les distinguent les unes par rapport aux autres. Autrement dit, chaque zone est une véritable région naturelle.5 Chacune de ces zones a ses propres potentialités et aussi ses propres vulnérabilités face aux risques écologiques et climatiques. La vallée du fleuve Sénégal couvre une bande de 10 à 15 km, avec les départements de Dagana, Podor, Matam et Bakel. Cette zone est composés par un ensemble de plaines alluviales et de hautes terres sableuses. D’un point de vue écologique, elle comporte la zone dite Walo (parte inondable, avec des sols lourds, avec les aménagements rizicoles), le Delta (avec climat marin) et le Jéri (zone à vocation pastorale). Dans le delta, la culture pluviale est presque inexistante et l’essentiel de la production provient des culture irriguées (d’où des phénomènes importants de salinisation des terres). Dans toute la vallée moyenne du Sénégal et dans le delta, la reproduction de la fertilité des sols est assurée par les crues (laissant une couche de limons, qui permet une culture en permanence et ne rend pas nécessaire la jachère). D’un point de vue de vulnérabilité climatique, la vallée du Fleuve est caractérisée par la faiblesse et l’irrégularité des pluies, le développement des plantes aquatiques invasives, la réduction des aires de reproduction halieutique, les inondations à SaintLouis associées aux crues du fleuve, l’érosion côtière et l’intrusion saline dans le fleuve.6 4 Le Burkina Faso est au 177 rang et le Niger au dernier rang (voir : http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2009_EN_Indicators.pdf). A noter que c’est le CSE évoque la notion de sept zones, alors que la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT) reste aux six zones jadis utilisées par l’administration territoriale (depuis l’époque coloniale). Voir : B. Ba , 2008. 6 PANA, 2006:28 5 3 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Carte 2 : Les sept zones agro-écologiques du Sénégal (Source : PAM, SENEGAL 2008) 7 8 Le Bassin arachidier (avec ses parties septentrionale et méridionale), constitué des départements de Thiès, Fatick et Kaffrine, a un grand poids démographique et ses exploitations agricoles et ses communautés villageoises ont été sévèrement affectées par la crise arachidière. La zone a été marquée par une sécheresse persistante au cours des dernières décennies. Les conditions climatiques ont accéléré la dégradation des écosystèmes, accentué l’épuisement du patrimoine foncier (fertilité des sols et ressources ligneuses) et la faible régénération des sols, avec l’acidification des sols des hautes terres (tannes) et la salinisation des bas-fonds, comme aussi, dans la partie côtière, l’invasion marine dans le fleuve Saloum, la dégradation des mangroves et la pollution marine. 7 La zone du Sénégal oriental/Haute Casamance, qui correspond à la zone cotonnière, avec les départements de Kédougou, Tamba, Vélingara et Kolda, connaît une grande pauvreté rurale malgré de fortes potentialités agricoles et pastorales, et une grande pression sur les ressources naturelles. Les sols de cette zone sont peu profonds et très vulnérables à l’érosion éolienne et aux eaux de ruissellement. La Basse et Moyenne Casamance est caractérisée par l’acidification des sols des basfonds, l’érosion hydrique, la perte de la diversité forestière (à cause, entre autres, des feux de brousse), l’augmentation du taux de salinité, acidité, toxicité du fer et aluminium des rizières, comme aussi la forte dégradation des mangroves dans l’estuaire de la Casamance. 8 La zone des Niayes (une bande de 5 à 10 km sur le littoral) est la principales zone de cultures maraîchère du Sénégal. C’est une zone à forte concentration de la population nationale (plus de 20% sur moins d’1% du territoire). La menace de l’avancée des dunes vives et la remise en mouvement des dunes anciennes, la salinisation des sols, l’ensablement des terres des bas-fonds, la salinisation PANA, 2006:30 PANA, 2006:31 4 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - des puits, l’érosion des la zone côtière et l’invasion marine constituent parmi les effets les plus importants du changement climatique. 9 La zone sylvo-pastorale, peuplée en majorité par des population de Peuls nomades, est la principale zone d’élevage du Sénégal. D’un point de vue climatique, cette zone est caractérisée par une forte détérioration des ressources ligneuses et fourragères, la déstructuration des sols, la destruction du couvert végétal et la faible disponibilité des ressources en eau. Par rapport aux crises alimentaires, les zones agro-écologiques de Niayes et le la Basse et Moyenne Casamance ont les taux les plus élevés d’insécurité (la production céréalière permettant aux ménages de subvenir à leurs besoins alimentaires pendant moins de trois mois par an, la moyenne nationale étant voisine à 5 mois).10 Les régions de Ziguinchor et de Kolda enregistrent les taux les plus élevés de pauvreté (ceci étant l’effet, entre autres, de la situation d’insécurité civile en Casamance). Elles sont suivies de Kaolack et Diourbel, qui se situent au cœur du bassin arachidier et qui subissent les effets du déclin des activités économiques liées à l’arachide et l’absence d’activités économiques alternatives et Tambacounda (56,2%).11 Il faut aussi souligner que : Environ 11% de la superficie agricole utile se trouve dans une zone à pluviométrie inférieure à 500 mm, à savoir la région du Fleuve, les Niayes, la partie Nord du Bassin arachidier et le Ferlo. L’espace agricole est dominé par la culture de l’arachide et du mil dans le bassin arachidier, suivi de l’élevage extensif en zone sylvo-pastorale. Les cultures vivrières et forêts du Sud -Est viennent ensuite et précèdent les cultures de décrue, le long de la vallée du fleuve Sénégal, et la zone de culture du coton qui épouse les contours de la moitié Est du territoire gambien. La riziculture traditionnelle se localise dans le bassin versant du fleuve Casamance, tandis les cultures irriguées sont localisées dans le Delta et la Moyenne vallée du fleuve Sénégal et dans la cuvette de l’Anambé au Sud. Les cultures irriguées horticoles sont principalement localisées dans la zone des Niayes. D’une manière générale, l’agriculture sénégalaise reste tributaire d’une pluviométrie en baisse constante (moins 35% en quantité, avec une diminution de la durée de la période pluvieuse et une baisse de la fréquence des jours de pluie entre la période 1950-1965 et la période 1970-1995).12 2.2 ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT LOCAL 13 2.2.1 Principaux organes ministériels Directement ou indirectement, le développement local au Sénégal est pris en charge par un ensemble d’acteurs publics, au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe. Le Ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales (MDCL) est le ministère le plus directement impliqué par rapport à la mise en œuvre de la décentralisation au Sénégal et le suivi des collectivités locales. Le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) est aussi impliqué dans le développement local par rapport aux finances des collectivités. Il intervient par le biais plusieurs directions. 9 PANA, 2006:29 PAM, Sénégal, 2008. 11 DRSP 2006-2010. 12 Diagne, 2000 cité par NAPA. 13 Pour une analyse détaillée du dispositif institutionnel du développement local, voir l’Annexe 1 (en particulier la Figure 1). 10 5 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Le Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures intervient dans le développement local par rapport aux infrastructures, aux gros ouvrages (travaux publics). Parmi les ministères sectoriels qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut énumérer les suivants : Le Ministère de l’Agriculture, de la Pisciculture et des Biocarburants. Parmi ses dix directions, le ministère compte la Direction Régionale du Développement Rural (DRDR), avec ses structures déconcentrées au niveau de chacune des 14 régions. Le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des Lacs artificiels. Au sein de ce ministère, le Centre de Suivi Ecologique (CSE) a pour mission la collecte, la saisie, le traitement, l'analyse et la diffusion des données et des informations sur le territoire, sur les ressources naturelles. Parmi ses projets, le Ministère de l’Elevage gère le Projet d’Appui à l’Elevage (PAPEL), dont l’un des volets concerne la gestion durable des ressources naturelles. Au sein du Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la Microfinance et de la Petite Enfance, la Direction du Développement Communautaire est chargée, entre autres, d’appuyer les initiatives des organisations communautaires de base et la coordination et à l’évaluation des activités des Organisations Non Gouvernementales (ONG). 2.2.2 Institutions nationales impliquées dans le développement local D’autres entités étatiques interviennent, en différentes manières, dans la définition des politiques concernant le développement local. Parfois, leurs mandats respectifs se chevauchent. Le Conseil national de développement des collectivités locales (CNDCL) (présidé par le chef de l’Etat) établit les bilans concernant l’évolution des collectivités locales. Le Comité interministériel de l’administration territoriale et le Comité interministériel sur l’aménagement du territoire sont placés sous la présidence du Premier ministre. Au Sénégal, des organismes d’appui technique/financier aux collectivités locales et aux producteurs jouent un rôle d’accompagnement, conseil et appui très important : Avec ses branches régionales, l’Agence Régionale de Développement (ARD) accompagne le processus d’autonomisation des collectivités locales et subvient aux faibles capacités des collectivités locales en matière de ressources humaines. Les ARD sont ainsi des structures techniques d’accompagnement, assurant conseil et appui aux collectivités locales et assumant, par une sorte de délégation, la maîtrise d’ouvrage actuelle de toutes les opérations que les collectivités entreprennent à tous les niveaux. L'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR), disposant aussi de directions régionales, pilote le conseil agricole et rural sur toute l'étendue du territoire national, selon une nouvelle approche fondée sur la demande des producteurs et en partenariat avec les organisations paysannes et les principaux acteurs du développement rural. 6 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - 2.3 DISPOSITIF INSTITUTIONNEL LOCAL EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT LOCAL Les deux piliers de l’architecture institutionnelle territoriale sénégalaise sont les structures de la déconcentration (circonscriptions administratives) et les structures de la décentralisation (ou collectivités locales).14 2.3.1 Les structures de la deconcentration : Région, Département et Arrondissement La Région, administrée par le Gouverneur, exerce des missions de coordination des différentes collectivités de la région et des services déconcentrés de l’État au niveau régional et de toute autre structure (le Gouverneur exerçant un contrôle de légalité sur les délibérations du conseil régional). Le Département, administré par le Préfet, a la charge de superviser la coordination des activités départementales (communes, services étatiques déconcentrés et associations de la société civile). L’Arrondissement, administré par le Sous-préfet, a la charge de coordonner les communautés rurales et la société civile. Ainsi, l’ensemble du territoire national est divisé en 14 régions. Chaque région est subdivisée en 3 départements - à l’exception de Dakar qui en compte 4 – pour un total de 34 départements. Chaque département est subdivisé en un nombre variable d’arrondissements. En total, il y a 103 arrondissements au Sénégal. 2.3.2 Les structures de la décentralisation : Région, Commune et Communauté rurale La Région est une collectivités locale placée sous le Président du Conseil régional (élu). Le conseil régional, organe délibérant, constitué de 52 à 62 membres élus, suivant la taille démographique de la région. La Commune (ou : Commune urbaine et Commune d’arrondissement), administrée par un maire élu est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière et constituée par un ensemble de quartiers qui forment son territoire. La Communauté rurale (ou Commune rurale), dirigée par un maire élu et des conseillers élus, est aussi une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière et constituée par un certain nombre de villages, unis par une solidarité résultant du voisinage. Les dernières élections municipales ont eu lieu le 22 mars 2009, en même temps que les élections rurales et régionales. Le mandat des élus est de cinq ans. Depuis 2008, il y a un total de 14 Régions, 67 Communes urbaines et 43 Communes d’arrondissement et 370 communautés rurales. 2.3.3 Les institutions communautaires Au Sénégal, il y a toute une gamme d’institutions ou organisations communautaires à la base, qui interviennent d’une manière plus ou moins efficace et active, dans le développement local. La dynamique associative est une réalité palpable dans la majorité des villages et des villes au Sénégal. D’une manière générale, les Organisations non gouvernementales (ONG) peuvent aussi être considérées comme des éléments importants de l’architecture institutionnelle concernant le développement local (leur rôle, cependant, est plus complexe, dans la mesure où elles sont à la fois des prestataires de services pour les programmes de développement, des partenaires financiers des projets, des fournisseurs de services techniques ou, d’une manière générale, des partenaires des collectivités locales). On estime à 200 à 300 le nombre d’ONG intervenant au Sénégal dans le développement local. La plupart d’elles font partie du Conseil des ONG d’Appui au Développement (CONGAD), un consortium 14 Voir la Figure 2 de l’Annexe 1. 7 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - de 166 ONG nationales, étrangères et internationales, qui est le principal interlocuteur du Gouvernement et des partenaires au développement au sein de la société civile sénégalaise. 2.4 CADRES POLITIQUES GENERAUX 15 2.4.1 La politique de décentralisation En Afrique de l’Ouest, le Sénégal est le pays qui a la plus longue expérience en matière de communalisation. Dans les temps modernes, la phase institutionnelle de la réforme a commencé dans les années 1960 avec la réforme du régime municipal et la distinction de la commune à statut spécial et la commune de droit commun, la création des collectivités locales en milieu rural, le transfert de la gestion des Communautés Rurales du Sous-préfet au Président du Conseil Rural et la régionalisation. Depuis la promulgation le 22 mars 1996 de la loi portant Code des Collectivités Locales et d’une série de textes subséquents, la décentralisation a atteint de nouvelles dimensions. Elle repose sur les principes essentiels de la gouvernance décentralisée, comme de la libre administration des collectivités locales par des assemblées élues, une gestion locale démocratique, la suppression du contrôle d’opportunité des collectivités locales de la part des représentants de l’Etat, le contrôle de légalité et le caractère exécutoire des actes des collectivités locales. Le lien ombilical entre collectivités locales et l’Etat est maintenu par la technique de transfert de compétences suivant les responsabilités partagées. Par le biais du financement, l’Etat a transféré des impôts aux collectivités locales, mais il a mis en place un dispositif financier pour les collectivités locales. 2.4.2 La réduction de la pauvreté La Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) constitue le nouveau cadre de dynamisation des différentes stratégies et politiques visant à faire du Sénégal un pays émergent. Cette stratégie met l’accent sur la nécessité d’une mobilisation des décideurs politiques, des acteurs nationaux et des partenaires au développement pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion à travers l’établissement d’un lien étroit entre la réduction de la pauvreté, le progrès économique et le renforcement des capacités. Pour l’élaboration des plans sectoriels de développement et des programmes d’investissement, le DSRP-II constitue un cadre de référence des interventions du gouvernement et des partenaires au développement comme aussi des autres acteurs (la société civile, le secteur privé, les collectivités locales). 2.4.3 La croissance accélérée En complément à la SRP, la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) vise à rendre opérationnel l’axe ‘création de richesse’ du DSRP et réduire, voire éradiquer la pauvreté. La SCA vise avant tout à développer et diversifier les sources de création de richesses. 2.4.4 La bonne gouvernance Le Programme national de bonne gouvernance (PNBG), rattaché directement à la Présidence de la République, vise à consolider le processus de démocratisation et renforcer l’Etat de droit ainsi que les capacités nationales de gestion du développement. 16 A court et moyen termes, le PNBG vise à créer de conditions propices à la croissance économique et au développement humain durable. 15 16 Pour une analyse détaillée des politique de développement local, voir l’Annexe 2 (en particulier la Figure 1).. Voir le site internet : http://www.gouv.sn/spip.php?article785. 8 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - 2.5 POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL 2.5.1 Développement local Le Programme National de Développement Local (PNDL) s’inscrit directement dans le cadre de la politique globale mise en œuvre par le Gouvernement du Sénégal pour atteindre les objectifs du Document de réduction de la pauvreté (DSRP)et ceux du Développement pour le Millénaire (OMD). En d’autres mots, le PNDL vise à devenir le pilier central de la mise en œuvre du DSRP. Le PNDL a été conçu comme un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation de toutes les interventions en matière de réduction de la pauvreté et de développement local. 2.5.2 Lois concernant le foncier, l’environnement, les forêts et l’agro-sylvo-pastoralisme La Loi 64-46 du 17 juin 1964 sur le domaine national est la loi essentielle régissant le domaine foncier au Sénégal. C’est une loi très contestée qui, entre autres, ne reconnaît pas les droits fonciers coutumiers comme droits de propriété et ne prévoit pas des dispositions concernant le pastoralisme. La loi n°2001-01 du15 Janvier 2001 portant code de l’environnement est le principal instrument de gestion de l’environnement au Sénégal. Cette loi dégage d’abord les grands principes environnementaux et définit des cadres d’action privilégiés. La Loi n°93-06 du 4 février 1993 portant Code forestier reconnaît entre autres, le droit de propriété des personnes privées sur leurs formations forestières et l'obligation pour tout propriétaire ou usufruitier de gérer sa formation forestière de façon rationnelle, sur la base de techniques sylvicoles rendant obligatoire le reboisement. La loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) prend place dans le contexte d’une réflexion sur les nombreuses insuffisance de la loi essentielle régissant le foncier au Sénégal, En plus, elle s’inscrit dans le cadre du DSRP. Votée en mai 2004, cette loi a pour ambition de constituer le cadre de développement de l’agriculture sénégalaise pour les 20 prochaines années. L’une des grandes innovations de cette loi consiste à revaloriser les métiers de l’agriculture au Sénégal par leur reconnaissance formelle, en leur donnant un statut juridique mais aussi, et surtout l’accès à une protection sociale. Par ailleurs, le texte de loi reconnaît statutairement les organisations interprofessionnelles agricoles par zone d’intervention, par produit ou groupe de produits. 2.5.3 Le programme national d’adaptation au changement climatique Sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature, le Programme d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques (PANA) a été élaboré en 2006 par une équipe pluridisciplinaire, en utilisant une approche inclusive et participative. 17 La vision globale du PANA s’intègre dans les stratégies de lutte contre la pauvreté et épouse les objectifs du millénaire pour le développement. Dans l’optique du PANA, les populations pauvres, en raison de leur situation économique sont davantage vulnérables aux impacts négatifs des changements climatiques. 2.6. LES PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE AU SENEGAL 18 2.6.1 Le Projet de Développement Local Participatif (PDLP) Le PDLP fait partie intégrante du Programme national de développement local (PNDL). Il s’inscrit parfaitement dans le paradigme du développement local du Gouvernement sénégalais, dans la mesure où il apporte une contribution substantielle aux objectifs du PNDL qui, à son tour, est conçu comme une contribution au PRSP surtout par rapport au renforcement des capacités de tous les acteurs 17 18 Voir le texte en ligne : http://unfccc.int/resource/docs/napa/bfa01f.pdf Pour une analyse plus détaillée des programmes de la Banque mondiale au Sénégal, voir l’Annexe 3. 9 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - institutionnels à tous les niveaux. Le PLDP vise les communautés et les administrations locales démunies, en permettant de renforcer la planification et le développement local participatifs et fournir des ressources pour la promotion d’initiatives économiques locales. Il affecte toutes les 110 Communes urbaines et les 320 Communautés rurales du pays. Un élément capital du projet concerne le réalignement de tous les ministères sectoriels par rapport à la décentralisation (par rapport à leurs logiques et pratiques) et, au nom du principe de la subsidiarité, une meilleure intégration des organisations villageoises/communautaires de base aux pratiques d’un développement local géré par les collectivités locales. Au niveau financier, le projet vise à mettre un place un système viable de financement des investissements des collectivités locales (fonds de développement local, FDL), qui permettrait aux collectivités à la fois de financer directement des infrastructures sociales et économiques collectives (sur la base de leurs plans de développement local, PDL) et d’appuyer les priorités des organisations communautaires (financement de micro-projets communautaires). 2.6.2 Le Programme des Services Agricoles et Organisations de Producteurs (PSAOP) Dans sa première phase (2000/2005), le PSAOP a contribué à l’habilitation des organisations de producteurs, à la mise en place des services agricoles déconcentrés dans une partie des zones rurales du Sénégal, ainsi qu’au renforcement de leur réactivité et de leur responsabilité envers les producteurs. Il a aussi contribué à la promulgation d’un nouveau cadre réglementaire pour l’agriculture, la création de l’ANCAR (voir ci-dessus), et mis en place un réseau de cadres locaux de concertation (les CLCOP) dans 152 des 320 Communautés rurales du Sénégal, en vue d’organiser la demande des producteurs et de leurs organisations. L’objectif de sa deuxième phase (2006/2010), cofinancée par le FIDA, est de renforcer l’accès des petits producteurs aux services et innovations agricoles durables et diversifiées, en vue d’accroître la productivité agricole et de renforcer la sécurité alimentaire des ménages. L’approche du PSAOP vise à combiner les rôles d’organisations de producteurs, rendues capables de co-gérer les ressources naturelles, et ceux des départements ministériels déconcentrés, dans le cadre de la formulation des politiques, l’établissement des système de planification et le suivi-évaluation et la définition du cadre réglementaire, et des services agricoles capables de créer et de diffuser des innovations sur une base contractuelle. 2.6.3 Le programme de renforcement et d'équipement des collectivités locales (PRECOL) Le PRECOL a pour but de promouvoir la bonne gouvernance, le développement local et l'Etat de droit. Il vise, à terme, la mise en place d'infrastructures et de services sociaux de base apte à valoriser le capital humain, tout en veillant à améliorer la mobilisation des ressources et la gestion municipale et urbaine. Il a une durée de cinq ans (2006-2011) et il comprend trois volets ou composantes : (i) Renforcement des capacités au niveau local et central; (ii) Investissements communaux et intercommunaux ; et (iii) Mise en œuvre du programme et suivi évaluation. 2.6.4 Le Projet de Gestion Durable des Terres Approuvé en 2009, ce projet propose un nouveau système de gestion durable des terres pour l’amélioration de la productivité de la terre, en fonction d’un environnement politique et juridique plus approprié, capable de stimuler l’adoption de pratiques durables de la part des producteurs. Le projet prêtera une attention particulière aux risques associés au changement climatique et à la définition d’initiatives appropriées. Le projet doit contribuer à réduire la dégradation des terres et améliorer le fonctionnement des écosystèmes surtout dans le bassins arachidier du Sénégal (qui est l’aire géographique la plus dégradée du pays), par l’adoption de pratiques durable de gestion des terres. 10 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - 3. VULNERABILITES AUX RISQUES ET STRATEGIES D’ADAPTATION LOCALES 3.1 LES UNITES D’ANALYSE Au Sénégal, le ménage ou groupe domestique constitue une unité de base de propriété de biens, de production, de consommation et de vie sociale. En tant que cellule socio-économique élémentaire, c'est le ménage qui commande la division du travail entre ses membres, les modèles de consommation et les choix techniques et productifs. C'est lui aussi qui met en œuvre les principales stratégies d’adaptation vis-à-vis des risques et des incertitudes de toute nature. D’après les données disponibles, la taille moyenne du ménage rural sénégalais varie entre 7 et 10 personnes (mais il y a des variations considérables entre les régions et les zones rurales/urbaines).19 Cependant, les ménages individuels font partie d’unités plus vastes sur la base des liens de sang (groupes de parenté) et/ou de co-résidence (communauté villageoise). En fait, dans les bouleversements affectant la société sénégalaise actuelle, d’une particulière importance sont les liens qui s'établissent entre voisins d'un même village ou entre membres d’un même groupement d’intérêt économique villageois et inter-villageois. Face aux crises écologiques, climatiques et économiques actuelles, ces liens tendent à devenir encore plus grands que ceux qui existent entre parents d'un même clan qui vivent loin les uns des autres. Dès lors, cette communauté pragmatique qui émerge au-delà de la communauté idéologique, se construit sur la base d’un nombre d’objectifs concrets et de stratégies communes relatives à la production et la survie. Le village constitue ainsi l'entité sociale la plus immédiatement visible de ces communautés pragmatiques. Au sein d'un village, les différences entre les unités domestiques individuelles ne sont pas, en principe, très marquées (tous les ménages vivant, travaillant et se nourrissant de la même manière). Ainsi, des mécanismes de coopération et d’action collective s’établissent directement. Figure 3 : Des institutions emboîtées : du ménage à l’organisation communautaire Organisation communautaire Réseau de villages Communauté villageoise Ménage D'autre part, devant la multitude de forces de changement exogènes, aucun village ne peut vivre en isolation. Ainsi, la membres de la communauté villageoise tendent de plus en plus à faire partie d'un ensemble de réseaux de relations qui s'étendent au-delà du village et même de autres villages proches, 19 Les données proviennent essentiellement de la deuxième enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM II 2001-2002) et de la Banque de Données des Indicateurs Sociaux (BADIS édition 2001-2002) élaborée par la Direction de la Prévision et de la Statistique (DPS). 11 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - à une région géographique tout entière, surtout par le biais de l’intégration des membres du village à route une multitude d’institutions locales ou organisations communautaires. Les crises de toute nature, y compris les crises climatiques, sont ressenties au niveau des unités domestiques individuelles et par les groupes villageois dont elles font partie. Elles déclenchent des réponses d’adaptation adéquates au niveau des membres individuels. Mais les solutions les plus durables sont celles qui sont recherchées au niveau des réseaux plus vastes dans lesquelles la communauté villageoise est intégrée à partir de critères géographiques et/ou sociologiques, sur la base d’intérêts de production et de survie communs. 3.2. RISQUES, INCERTITUDES ET VUNERABILITES Instabilité et précarité Les modes et les moyens d’existence des ménages, des communautés villageoises et des organisations communautaires sénégalaises sont extrêmement instables et précaires. L’existence est comme rythmée par l'expérience de crises plus ou moins sévères et par l'effort constant pour lutter contre leurs effets, se réhabiliter, reconstituer les réserves des greniers et les troupeaux, continuer à reproduire la société ou, tout simplement, survivre. L’exposition des populations rurales sénégalaises aux nombreux risques liés au climat et à la dégradation des sols n’a fait que croître au cours de l’histoire récente. Les activités productives des ménages sénégalais souffrent de précipitations instables et imprévisibles, de manque d’eau répétés et chroniques, d’inondations, de phénomènes de déforestation, d’épuisement des nutriments des sols, de leur acidification et de leur érosion, de la baisse des rendements, de la dégradation des parcours, de l’épuisement des stocks de poissons, et de la perte de biodiversité. Des enquêtes récentes menées auprès des ménages sénégalais 20 ont montré la virulence des effets des risques collectifs (surtout de nature écologique et climatique), qui s’exercent sur l’ensemble de ménages vulnérables des différentes zones, en anéantissant tous leurs avoirs (ou actifs), ont accéléré la dégradation de leurs conditions de vie et l’érosion des mécanismes internes d’entraide et de solidarité. A cet égard, d’après les données recueillies dans le cadre de la préparation du DSRP,21 il apparaît que : 20 21 L’incidence de la pauvreté augmenterait avec la taille du ménage : ainsi, la taille moyenne des ménages des 20 % les plus pauvres est de plus de 10 personnes alors que parmi les 20 % les plus riches, elle est de 8 personnes. La pauvreté serait plus répandue au sein des ménages dont les chefs de ménage ont un niveau d’instruction bas (près de 55% des chefs de ménage sans instruction seraient pauvres contre 46% pour ceux qui ont le niveau primaire). Dans le cadre de la préparation du DRSP. Unité de Coordination et de Suivi de la Politique Economique (UCSPE), Ministère de l’Economie et des Finances. 12 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Le milieu rural contribuerait à hauteur de 65% à la pauvreté, pour une population de moins de 55% du total. Les régions de Ziguinchor et de Kolda, confrontées pendant plusieurs années à l’ insécurité (crise casamançaise) et l’enclavement, enregistrent les taux les plus élevés de pauvreté (supérieure à la moyenne nationale). Ces régions sont suivies de Kaolack et Diourbel, qui, situées au cœur du bassin arachidier, subissent les effets du déclin des activités économiques liées à l’arachide dans un contexte d’absence d’activités économiques alternatives, et Tambacounda (56,2%). Encadré 4 : Au sujet des notions de ‘risque’, ‘incertitude’ et ‘vulnérabilité’ L’objet d’un risque concerne conceptuellement quelque chose de connu (soit par une estimation préalable soit à la suite de conclusions empiriques) et le risque peut être prévu d’une manière plus ou moins objective. Par contre, l’objet d’une incertitude est inconnu, du fait qu’il est singulier, voire même unique, et qu’il est lié à toute une multitude des situations possibles imprévisibles. Devant une incertitude, il n’y a que des estimations, des intuitions subjectives. Cette distinction est pertinente par rapport à l’analyse des comportements des ménages et des communautés, du fait qu’un ensemble de choix stratégiques leur permet d’aligner et adapter leurs modes et moyens d’existence aux risques et aux incertitudes. Dans cette perspective, la vulnérabilité est une conjonction de risques et d’incertitudes et définit le degré selon lequel un système est plus ou moins capable de faire face aux conséquences des risques et aux effets des incertitudes. L’opposé de vulnérabilité est sécurité (ainsi, les antonymes de ‘vulnérabilité alimentaire et vulnérabilité climatique’ sont respectivement ‘sécurité alimentaire’ et sécurité climatique’). Dans cette perspective, un ménage est vulnérable : (i) s’il est à risque par rapport aux variations économiques, écologiques et climatiques; (ii) s’il est susceptible de ressentir, d’une manière plus ou moins directe, les effets d’événements externes de nature économique, commerciale, épizootique, démographique et climatique; et (iii) s’il ne dispose pas de stratégies d’adaptation (ou s’il n’est pas à même de les adopter) lui permettant de réduire l’incidence des risques, de limiter les dégâts et de profiter des opportunités. A noter qu’au Sénégal, la notion de crise est surtout utilisée pour décrire une situation englobant la chute de la production de l’arachide, la stagnation de la production céréalière et des indicateurs de la dégradation de l’environnement liée à 22 la croissance démographique. La pauvreté monétaire de 6594 ménages est analysée à partir de l’Enquête sénégalaise auprès des ménages de 2000-2001. Il apparaît, entre autres, que les femmes chef de ménage souffrent de handicaps plus sérieux que les hommes. Leur plus faible dotation en capital humain et une médiocre intégration au marché du travail se traduisent par des activités précaires et faiblement productives. En outre, la vulnérabilité des ménages dirigés par des femmes est attribuable à l’absence d’un conjoint 22 A. Fall, 2001 :13. 13 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - actif, au fait que les membres secondaires du ménage sont eux-mêmes, pour une grande part, des personnes vulnérables (jeunes, vieux, femmes) et enfin à des revenus plus précaires que dans les ménages masculins. 23 C’est la conscience aiguë du risque qui détermine les techniques d'exploitation du milieu naturel et les stratégies de production. Dès lors, c’est la réduction ou la minimisation des risques et des incertitudes qui semble être l’objectif fondamental des ménages pour la croissance, la reproduction ou la simple survie. Les causes de la vulnérabilité Par rapport aux causes de la vulnérabilité des ménages sénégalais, il ne semble pas y avoir des modèles explicatifs linéaires. En effet, au Sénégal, comme pour la plupart des pays sahéliens, l’explication naturaliste, qui considère les changements climatiques (diminution des pluies) comme la cause fondamentale des perturbations écologiques), doit impérativement être complétée par une explication sociopolitique, qui, dans une perspective historique, lie les crises économiques et alimentaires à des déséquilibres structurels (engouement pour les cultures commerciales, entre autres). 24 On peut dès lors distinguer deux types de causes de vulnérabilité, chacun étant imbriqué dans l’autre : 25 ‘Les causes sous-jacentes’ ou ‘les causes d’origine’,26 à savoir les causes de nature économique, démographique et politique, qui affectent l’allocation et la distribution des ressources, ces causes étant fonction de la structure économique, de droits, de rapports entre personnes d’âge ou de genre différent et, partant, de l’idéologie du groupe. ‘Les forces de pression dynamiques’,27 qui traduisent les effets des causes d’origine dans des formes spécifiques de vulnérabilité et les canalisent, en quelque sorte, dans des insécurités particulières, plus ou moins constantes, en fonction des risques (y compris la pression démographique, les épidémies, les guerres et aussi les changements climatiques). Au Sénégal, les ménages et les communautés, qui sont déjà rendus vulnérables par un ensemble de ‘causes sous-jacentes’ (en vertu de leur statut social, par exemple, leur genre, âge ou marginalité politique), peuvent succomber plus rapidement à ces forces de pressions. Elles peuvent ainsi ressentir, d’une manière plus sévère, les effets du changement climatique (et cela en fonction des caractéristiques climatiques des différentes zones agro-écologiques pu pays). Les facteurs qui affectent de manière particulière les relations des ménages sénégalais à leur environnement sont : La récurrence des sécheresses et d’autres facteurs physiques et bio-climatiques, dont les effets ont pris des proportions immenses tout au long de ces dernières décades, a des dimensions spécifiques liées à la variabilité extraordinaire des caractéristiques climatiques d'une année à l'autre et leurs fluctuations extrêmes ou changements. 23 Voir l’analyse de ces données par M. Kebe & Y. Charbit, 2007. Voir C. Raynaut (ed), 1997:24. 25 En suivant P. Blaikie-T. Cannon- I. Davis- B. Wisner, 1994. 26 En anglais root causes. 27 En anglais, dynamic pressures. 24 14 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Les effectifs de population avec les conséquences qu’ils entraînent par rapport à l’exploitations des ressources. Les variations et les fluctuations du marché de céréales et de bétail qui affectent de manière sévère la vulnérabilité des ménages/communauté, par rapport à leurs objectifs fondamentaux qui sont l'autosuffisance alimentaire et le commerce. Enfin, les effets d’une multitude de phénomènes incontrôlables et de conditions techniques et matérielles, qui contribuent à rendre instable l'environnement socio-économique des ménages et des communautés (y compris les effets de politiques gouvernementales). En d’autres mots : l’impact des facteurs écologiques et climatiques sur les moyens d’existence locaux est aggravé par la concomitance de facteurs externes puissants. La combinaison de croissance démographique, monétisation rapide de l’économie rurale, transfert de la propriété de la terre et du cheptel dans les mains d’une élite minoritaire (généralement urbaine et absentéiste) et désintégration progressive des systèmes fonciers communautaires a accentué la fragilisation des groupes ruraux, tout en modifiant les modes de faire-valoir et en compromettant les conditions préalables à une gestion durable des ressources naturelles. 3.3 LES STRATEGIES D’ADAPTATION AUX CRISES 3.3.1 Stratégies d’adaptation des ménages : études de cas Etude de cas 1 : Stratégies de survie et mobilité dans la zone du Ferlo Tout au long de ces dernières décades, les sociétés pastorales et agro-pastorales du Ferlo ont été sujettes à des crises traditionnelles (sécheresses récurrentes, épizooties, inondations, criquets pèlerins). A ces crises, s’ajoutent les crises sociales (dues aux pressions démographiques), politiques (effets des politiques d’ajustement structurel et des stratégies de stratification économiques des zones d’élevage) et environnementales (dégradation des ressources naturelles). Face à ces incertitudes, les populations du Ferlo (Ferlankobé) ont progressivement mis au point plusieurs stratégies d’adaptation en vue de réduire l’impact de ces crises et de trouver de nouveaux équilibres sociaux, économiques et écologiques. 28 Pour ces populations, la notion de kisal a une importance tout à fait particulière, puisqu'elle désigne l'un des objectifs fondamentaux de leur vie sociale et économique. Elles ont, en effet, l'habitude de dire que ‘toute la vie est une lutte, une lutte pour la survie’. Pour eux, le terme kisal désigne, avant tout, la fuite du danger, la sécurité vis-à-vis de toute forme de menace. C'est aussi, d'une manière plus générale, la survie, le salut et la subsistance. Les modèles de production et les relations sociales qui y sont liées, répondent à cet objectif primordial, à cette sorte d'obsession collective et individuelle de recherche de kisal, plus qu'à celui de l'augmentation de la productivité et de l'accumulation des richesses.29 Pour atteindre cet objectif, c’est l’agro-pastoralisme qui permet de trouver des équilibres environnementaux et économiques, au prix de certaines ajustements sociaux. Dans ce contexte, le ménage ‘nanti’ n’est pas celui qui est capable d’accumuler du capital ou de produire un surplus, mais tout simplement de garder un niveau de vie équilibré standard même pendant des saisons difficiles et des années mauvaises. Ainsi, le ménage non vulnérable aux crises de toute nature est celui qui peut surmonter les crises saisonnières récurrentes et de mettre en œuvre des pratiques et des techniques adéquates, en fonction du savoir-faire local.30 28 O. Touré 1987. Y.D. Diallo. & A. Bonfiglioli, 1988. 30 A. Bonfiglioli – Y.D. Diallo – S. Fagerberg-Diallo, 1996. 29 15 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - La mobilité des hommes et des troupeaux a toujours été la fer de lance de fer de ces stratégies, d’autant plus qu’elle ne concerne plus uniquement les groupes pastoraux (à la recherche d’eau et de pâturages au fils de l’alternance des saisons), mais aussi les groupes d’agriculteurs en quête de terres agricoles nouvelles, dans un contexte de raréfaction des ressources et d’arrivée massive (dès le début des années 1990) de migrants agricoles. En tant que stratégie, la mobilité tente en effet de contourner le manque ou la dégradation des ressources locales par une fuite en avant à la recherche de nouvelles ressources dans d’autres latitudes. Etude de cas 2 : Stratégie d’adaptation dans la zone de Thieul Dans la zone de Thieul, localisée dans la partie méridionale du Ferlo à la limite du bassin arachidier et au cœur de l'expansion de l'agriculture, le terroir agro-sylvo-pastoral constitue une zone tampon aux plans morpho-pédologique, climatique et socio-économique caractérisée par une grande diversité.31 Le climat local est de type sahélien avec quelques influences du domaine soudanien comme en atteste l'immense couverture herbacée en saison humide. Les ressources hydriques sont constituées d'une part par les points d'eau permanents (puits, forage et antennes de forage) et d'autre part des mares et vallées situées autour de Thieul avec un écoulement temporaire pluvial. Des caractéristiques bioclimatiques spécifiques ont attiré de nouvelles populations d'agriculteurs dont le nombre de campement a augmenté de 70% entre 1980 et 2000 contre seulement 30% entre 1935 et 1980. Ce flux de migrants a provoqué un accroissement et une extension des zones de cultures de 13% entre 1980-1999 matérialisé par une fragmentation des paysages sur le front agricole et une réduction des terres de parcours du sud au nord. Les ménages et les communautés agro-pastorales de cette région ont mis au point plusieurs stratégies d’adaptation : 32 31 32 Des stratégies agro-foncières d’occupation des sols sont, le plus souvent, des stratégies offensives et agressives par nature, dans la mesure où agriculteurs wolof et pasteurs peuls entrent en compétition dans l’occupation des mêmes ressources. Des stratégies de mobilité sont propres aux agropasteurs sereer et pasteurs peuls et peuvent avoir deux motivations : offensives ou défensives. Il s’agit d’une mobilité dictée par la recherche de pâturages pour le cheptel, mais qui se couple souvent à une transhumance à motivation purement commerciale (les destinations choisies étant des régions proches des grands marchés à bestiaux du bassin arachidier comme Mbirkilane, Mbane, Guinguinéo, Dinguiraye.) Des stratégies productives expliquent l’allocation des ressources tirées de l’environnement de production. Leur mise en œuvre implique des ressources humaines, mais aussi physiques, financières, relationnelles et organisationnelles. Les décisions concernant les activités productives engagent la viabilité du patrimoine familial, la pérennité de l’exploitation, bref, le long terme. Les objectifs stratégiques visent à s’assurer une sécurité sociale, alimentaire et économique. Des stratégies de diversification concernant des activités extra-agropastorales. Dans la zone de Thieul, ces activités sont le transport en commun de marchandises et des personnes et le ‘maraboutage’ - pratique basée sur des prestations de services occultes, moyennant rémunération financière ou en nature, pour la résolution de problèmes de la vie (famille, carrière, promotion sociale, gris-gris contre le vol du bétail, santé, pharmacopée). Les revenus de ces stratégies peuvent aussi avoir une connexion avec le milieu urbain. Dans ce cas, c’est l’ancrage urbain d’un ou plusieurs membres de la famille ou de parents installés durablement dans les grands centres urbains, qui génère ces revenus. Voir : http://cormas.cirad.fr/fr/applica/Thieul.htm. Pour toute cette section : I. Thiam, 2008. 16 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Etude de cas 3 : Stratégies d’adaptation dans la zone de Diourbel Des études conduites en 2001 dans la région de Diourbel 33 ont permis d’identifier plusieurs formes de stratégies d’adaptation des ménages. Stratégies visant à accroître les revenus non-agricoles : Dans la région de Diourbel, les revenus nonagricoles peuvent se diviser en deux catégories: (i) ceux réalisés localement (ou grâce à la migration saisonnière pendant la saison sèche) ; et (ii) ceux tirés de la migration quasi permanente d’un membre de la famille. La plupart des migrants permanents (des jeunes) sont partis à Dakar ou à Touba, où ils trouvent surtout des emplois faiblement rémunérés, mais qui ne demandent pas de qualifications professionnelles. Dans ce contexte, la migration a été une stratégie fondamentale adoptée par les ménages affectés par des conditions économiques difficiles et la sécheresse. Les déplacements migratoires confirment les coûts d’opportunité faibles des salariés agricoles, surtout depuis la diminution des surfaces consacrées à la production de l’arachide. Ils confirment en outre les données sur la migration collectées dans la région de Diourbel au début des années 1990. Stratégies d’adaptation au changement climatique : Les paysans se sont adaptés au raccourcissement des saisons des pluies en abandonnant la culture des variétés de mil à cycle long (>90 jours) et du sorgho (>120 jours), en leur préférant des variétés à cycle court, plus tolérantes à la sécheresse ou moins exigeantes en eau. Ils ont également abandonné la culture de certaines variétés de riz qui étaient adaptées à la culture dans les bas-fonds. Les variétés de niébé adaptées aux courtes saisons des pluies ont aussi été utilisées avec succès par les paysans, qui ont accru progressivement les surfaces cultivées. Stratégies de diversification : En fonction des coûts d’opportunité liés à la pénurie, les ménages rurales exploitent de manière autonome leurs ressources en travail, terres et capitaux de façon rationnelle. Dans cette dynamique, particulièrement importantes sont les stratégies de diversification des revenus, en particulier par rapport aux réponses positives aux marchés et aux prix (pour les produits, la main d’œuvre, les intrants) et à l’évolution du régime pluviométrique (modification des spéculations, des variétés etc.) et la réponse sélective par rapport à l’information et à la disponibilité des nouvelles techniques. Stratégie visant à accroître les cultures commerciales et renforcer les entreprises marchandes : En ce qui concerne les cultures, l’adoption de nouvelles cultures spéculatives (niébé, hibiscus sabdariffa appelé localement bissap) indique une réponse positive par rapport à l’évolution des marchés. Ainsi, la rentabilité des produits commercialisés est un facteur motivant qui incite les paysans à investir dans la conservation et la mise en valeur des terres. Les Wolof, et plus récemment les Sereer également, ont réussi à développer la culture de l’arachide dans des terres non exploitées jusqu’à présent, à faire de gros investissements au niveau de l’aménagement urbain dans des villes comme Touba et Dakar, à transformer les marchés à bétail en nouveaux marchés ruraux après la désorganisation créée par l’Etat dans le système de commercialisation dans les années 1960, à profiter des différences au niveau des prix entre les pays frontaliers (de manière légale ou pas), à développer la fabrication artisanale de l’huile d’arachide, et à développer la commercialisation de la fane d’arachide. Ils ont également établi un réseau international de vendeurs à la sauvette qui vendent des souvenirs et des produits ethniques un peu partout et notamment aux États-Unis, en Afrique du Sud, et en Europe. 33 Ces études ont été conduites par le Drylands Research (Somerset, United Kingdom), sous la direction de M. Mortimore et M. Tiffin. Pour cette étude de cas, voir: A. Faye &A. Fall &- M .Tiffen & M. Mortimore& J. Nelson (2001). L’ensemble de la documentation est disponible en ligne (http://www.drylandsresearch.org.uk/dr_senegal.html). 17 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Etude de cas 4 : Ménages, institutions et adoption de stratégies d’adaptation Dans le cadre du projet ABDCC (‘Institutions et changement climatique’), l’ONG AGRECOL/Sénégal a mené des enquêtes auprès d’un échantillon de 128 ménages et conduit des entretiens avec 30 groupes de discussions homogènes, appartenant à 16 différents villages de 8 Communautés rurales dans 6 Régions.34 L’enquête a concerné à la fois des zones à forte pression démographique (Fatick, Kaolack et Kaffrine) et des zones à faible pression démographique (les parties septentrionales de Louga, Diourbel et Thiès). Parmi toutes les informations disponibles dans un ensemble de rapports, 35 on retient ici celles qui concernent les perceptions locales des crises climatiques et les stratégies individuelles et collectives des ménages face aux crises. a) Perceptions des crises climatiques La prise de conscience de l’impact des crises climatiques sur les modes et moyens d’existence locaux semble être relativement assez élevée chez les populations. On considère ces modifications climatiques comme imprévisibles et contrastantes. Au cours des dernières années, on fait unanimement état d’une alternance irrégulière des saisons (avec un raccourcissement de la période des pluies, la concentration de pluies violentes sur uns période de temps relativement assez courte ou l’allongement de la période ‘fraîche’,36 selon les cas). On rapporte aussi une récurrence inhabituelle de sécheresses, tourbillons, orages, inondations, feux de brousse causés par la chaleur et le tarissement inopiné de puits. Cela conduit, entre autres, à la salinisation rapide de terres fertiles et l’ensablement de vallées (du fait aussi de la culture d’arachide et de la violence des vents), comme aussi à une prolifération du striga, mauvaise herbe particulièrement préjudiciable aux cultures. Des pluies hors saisons, qui peuvent pourtant alimenter les nappes phréatiques, sont la cause d’une forte mortalité du bétail et provoquent le pourrissement des récoltes. Dans l’imaginaire des gens, ces phénomène climatiques sont accompagnés par l’éruption, jugée pareillement inhabituelle, de formes virulentes de paludisme, diarrhées, vomissements, hypertensions, arthrites et rhumatismes. La baisse des productions agricoles constitue, dans toutes les régions, l’un des effets les plus directs du changement climatique. Dans la Communauté rurale de Latmingué, Région de Kaolak, les producteurs rapportent une baisse de près de 50%, due soit à un excès de pluie ou un manque de pluies et/ou à des vents chauds et violents. Au niveau social, les crises climatiques, à l’instar d’autres formes de crises, se traduisent (dans la Communauté rurale de Latmingué, Kaolack, par exemple) par une augmentation de conflits entre producteurs ou entre systèmes de production (problèmes liés à la divagation des animaux dans les champs, à la colonisation agricoles de zones de parcours, etc.), comme aussi à la recrudescence de l’insécurité (nombreux cas de vol de bétail à main armée). Dans le cas spécifique des communautés de pécheurs de la zone de Fimela, Région de Fatick, il y a aussi des conflits potentiels entre les pratiques de pêche des groupes locaux et des pêcheurs saisonniers manding (qui ne respecteraient pas les conventions et les normes locales). Toujours au niveau social, dans le Département de Linguére, cela se traduit par un dépeuplement massif de nombreux villages (la plupart de leurs habitants se rendant dans les villes pour chercher du travail salarié ou pour se signer) Les ménages les plus vulnérables aux crises climatiques sont ceux de femmes veuves ou femmes seules avec de nombreux enfants qui n’ont pas encore l’âge de travailler : ceci constitue un véritable 34 REGION DE THIES : 32 ménages de 4 villages des CR de Notto Diobass et Méouane ; Région de Diourbel : 16 ménages de 2 villages de ka CR de Touba Mosquée ; REGION DE LOUGA : 16 ménages des 2 villages de la CR de Déaly ; REGION DE FATICK, 16 ménages de 2 villages de la CR de Fimela ; REGION DE KAOLACK, 16 ménages de la CR de Latmingué; REGION DE KAFFRINE : 32 ménages des CR de Kahi et Nganda. 35 Voir : AGRECOL, 2009. 36 Dans la zone de Nguèye-Nguèye, Communauté rurale de Méouane, par exemple, la période fraîche peut durer jusqu’à 9 mois (au lieu de 6 mois habituels), avec des effets importants sur les cultures. 18 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - problème dans les zones à faible pression démographique (à cause de l’émigration massive des hommes). Face à ces crises, la résilience des ménages apparaît de moins en moins forte. Après des crises climatiques qui ne sont pas nécessairement jugées très virulentes, l’on estime que selon les ménages, il faut compter sur une période de récupération allant de 6 à 12 mois – au cours de cette période, les ménages les plus pauvres devant adopter toute une gamme de ‘stratégie de sortie de crise’ très douloureuses, les conduisant à une véritable situation de ‘non retour’. b) Les principales stratégie des ménages Il y a une nette différence entre les stratégies en fonction de la pression démographique. Dans les zones à faible pression démographique, où la plupart des hommes sont déjà partis ailleurs et les femmes ont toutes les charges de leur ménage, les stratégies sont limitées : Ventes de détresse : Vente des biens familiaux pour acheter de la nourriture : il s’agit le plus souvent de bradage ou ventes à bas prix, ventes de détresse (appelées localement bana-bana) qui peuvent toucher à tout (produits agricoles, équipement agricole, cheptel). Stratégies alimentaires : modification du régime alimentaire (moins de repas journaliers, moins de quantité de nourriture consommée : jusqu’à 50% de réduction à Nganda, Région de Kaffrine, par exemple). Emprunt d’argent (auprès de commerçants locaux) à de taux prohibitifs et pour des durées très courtes (avec l’implication de collatéraux qui peuvent être saisis). Par contre, dans les zones à forte pression démographique, les principales stratégies sont les suivantes : Exode vers les villes : Départ d’hommes et de femmes vers les villes (Dakar, Fatick, Kaolack, et Mbour) à la recherche d’un travail salarié (départ massif de jeunes dans le cas de la Communauté rurale de Fimela, région de Fatick). Pratique généralisée de petits métiers : Pratique saisonnière ou habituelle de toute une gamme de petits métiers de la part des hommes et des femmes : travail agricole salarié; fauchage, transport et vente de paille; collecte et vente de bois de chauffage (y compris de mangroves, à certains endroits); cueillette (par exemple, feuille de baobab et de ‘pain de singe’); travail ambulant, de maison en maison, pour vendre l’eau, laver du linge ou vendre des repas; petits travaux de maçonnerie; transport de personnes ou de marchandise dans des charrettes; artisanat pour les femmes; production de savon artisanal (par les femmes de Nganda, par exemple). Des anciens métiers sont revalorisés (couture, broderie, coiffure) à Méouane, Région de Thiès, par exemple. Modification des pratiques agricoles : Cela implique une tendance vers une plus grande diversification des cultures agricoles, avec l’introduction de variétés précoces (variétés hâtives de mil et arachide, le niébé mélax, le maïs amélioré) ; construction de petits barrages pour lutter contre la salinisation des terres fertiles et la régénération des sols (en arrêtant l’eau de ruissellement, ces barrages contribueraient à refouler le sel et, à certains endroits, à s’opposer à l’avancée de la mer). Dans certaines zones (comme à Fimela, dans la région de Fatick), les producteurs agricoles se donnent de plus en plus à la pratique de la pêche (quitte à emprunter matériel et équipement auprès des pêcheurs traditionnels). D’une manière générale, dans les deux zones, les ménages individuels gardent un rapport ambivalent avec les organisations communautaires (au niveau villageois ou intervillageois) En effet, devant les crises, les ménages adoptent soit un reflex identitaire (avec une tendance à davantage s’intégrer à la 19 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - communauté et adhérer aux valeurs du capital social traditionnel) soit une attitude de préservation (en se renfermant, en quelque sorte, sur eux-mêmes, et en ne se souciant que de leur propre survie): Expressions de solidarité communautaire et retour aux valeurs communautaires : Pratique de formes d’entraide et de solidarité entre les ménages (dons d’habits et de nourriture); travaux dans des champs collectifs; mise en place de ‘tontines’ simplifiées (fonds rotatif), surtout au niveau de groupes de femmes, pour permettre aux membres individuels de démarrer de petites activités génératrices de revenus (à Méouane, par exemple, les femmes reçoivent une formation appropriée ai niveau de ‘la case de foyer’). Cela concerne aussi des rencontres religieuses plus ou moins formelles, ayant le but de se réconforter réciproquement, prier pour la pluies et chercher d’autres formes de sécurisation psychologique (organisation de dahiras, rencontres religieuses informelles, comportant des chants, avec cotisations et prise en charge de problèmes communautaires). Le rôle di Conseil rural et des chefs coutumiers semble être particulièrement efficace (et apprécié) pour susciter des actions collectives, comme aussi celle des coopératives agricoles (comme les SECCO). A certains endroits (exemple, Linguére, Région de Louga), le ‘marabouts’ assurent un rôle d’appui aux familles nécessiteuses en période de soudure. Expressions d’individualisme et changement des comportements vis-à-vis des autres : A Nganda, la recherche de nourriture est devenue la principale activité des ménages, de manière qu’ils disent n’avoir plus de temps pour participer à des actions communautaires. A Notto, Région de Thiès, les ménages pauvres ne participent pas aux activités d’associations qui leur demandent des contributions. Les comités de vigilance contre les feux de brousse ne fonctionnent presque plus dans la région de Nganda, faute de motivation (et probablement aussi de mauvaises politiques foncières). Cette configuration où les valeurs communautaires semblent érodées et une attitude individualiste du ‘chacun pour soi’ semble prévaloir, est explicitée par des propos d’un groupe de discussion à Fimela: « Celui qui ne peut pas manger ne peut plus se permettre d’acheter des semences. Désormais, celui qui a des semences, les vend pour acheter de la nourriture. Autrefois, on te prêtait la semence dont tu avais besoin. Aujourd’hui on ne te prête plus les semences, puisqu’elles ont acquis une grande valeur monétaire, mais on te les vend. De plus, si tu es pauvre, ce sont des semences de mauvaise qualité qu’on te vendra.» Par ailleurs, sur la base des données quantitatives collectées par AGRECOL, en groupant les ménages en fonction de quelques variables (niveau de risques, exposition au risque, stratégies d’adaptation et accès aux institutions publiques et privées), un rapport séparé et complémentaire tire un certain nombre de conclusions très générales par rapport aux interactions entre ménages et institutions (ces conclusions préliminaires, cependant, mériteraient d’être davantage vérifiées dans le contexte spécifique du Sénégal) 37 : Les ménages les plus exposé au risque climatique ont généralement un niveau élevé d’accès aux institutions locales (dans le cas du Sénégal, cela semble, entre autres, lié au fait que les ONG tendent à se concentrer toutes dans les mêmes zones à risque, comme la zone de Thiès); L’accès de ces ménages à risque aux institutions leur permet d’adopter et utiliser toute une gamme de stratégies d’adaptation; Les ménages capables d’utiliser ces stratégies d’adaptation sont aussi ceux qui sont les plus susceptibles d’avoir accès aux institutions gouvernementales et aux associations de la société civile. 37 Voir le rapport préparé par un groupe d’étudiants de l’Université de Michigan (Etats Unis) qui a participé à une partie du travail d’AGRECOL: University of Michigan (2009). Il s’agit d’un rapport qui présente de manière cumulative et comparative, des données quantitatives, qui, dans le cadre du projet ABDCC, ont été collectées au Sénégal, comme aussi au Niger et Burkina Faso, pour ce qui concerne l’Afrique, et le Pérou, Mexique et République Dominicaine, pour ce qui concerne l’Amérique latine. 20 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Les ménages les plus exposés aux risques climatiques sont ceux qui ont aussi des revenus bas, des activités économiques peu diversifiées et dont la taille serait inférieure à la moyenne (ces ménages utilisent peu les institutions et adoptent faiblement des stratégies d’adaptation); Les ménages ayant le niveau le plus élevé d’adaptation, en termes de stratégies, sont aussi ceux qui retirent leurs revenus d’activités agricoles et commerciales. Les groupes de ménages qui sont particulièrement susceptibles de ressentir les effets du changement climatique montrent un niveau critique de vulnérabilité et des efforts devraient viser à renforcer leur niveau de résilience. 3.3.2 L’agro-pastoralisme comme stratégie capitale d’adaptation A partir des conclusions de ces études de cas et d’autres nombreuses analyses concernant la situation présente et passée, il apparaît bien que les populations sénégalaises, comme toutes les sociétés paysannes sahéliennes, ne se contentent pas de subir passivement les incitations et les contraintes auxquelles elles sont soumises. En effet, elles les interprètent en fonction de leurs propres priorités, à savoir la minimisation des risques et la valorisation de la force de travail.38 D’une manière générale, au-delà du choix ponctuel de pratiques et techniques spécifiques (cultures, outils, techniques de travail, mobilité, etc.), c’est bien la pratique associée et plus ou moins harmonieuse de l’agriculture et de l’élevage (agro-pastoralisme) qui peut être considérée comme la principale stratégie d’adaptation face aux crises de toute nature. Il est, par conséquent, tout à fait légitime de penser que, dans le cadre des nouveaux risques liés au changement climatique, c’est encore à l’agro-pastoralisme que les ménages feront recours. D’un côté il y a un engouement croissant des agriculteurs pour un élevage spéculatif et, d’autre coté, un désillusionnement progressif des éleveurs pour une forme de pastoralisme nomade de plus en plus limité par le manque de terres à pâturages. En effet, au Sénégal, comme dans la plupart des pays sahéliens, l’agro-pastoralisme permet aux ménages de minimiser les risques inhérents à chacune de ces formes de production et d’améliorer les conditions de vie et de production dans un contexte social et économique éminemment précaire. Complexe et varié, l'agro-pastoralisme sahélien est un phénomène difficile à saisir, parce qu'il est le résultat de l'intégration ou de l'imbrication de toute une gamme de comportements agricoles et pastoraux. Par ailleurs, les formes de cette association varient dans le temps et sont sujettes aux oscillations perpétuelles de l'histoire (il faudrait en effet distinguer, d’une part, l’agro-pastoralisme embrassé par des groupes qui pratiquaient traditionnellement uniquement des activités pastorales et, d’autre part, l’agro-pastoralisme des groupes jadis uniquement impliqués uniquement dans des activités agricoles). Ainsi, l'agro-pastoralisme apparait au carrefour d'une même recherche d'équilibre. 39 L’agro-pastoralisme, en tant que stratégie de diversification, vise à réduire les risques inhérents à une pratique séparée de l’agriculture ou de l’élevage (à condition cependant que les deux activités agricoles et pastorales gardent une certaine autonomie). L’agro-pastoralisme est en mesure de conférer aux ménages sénégalais un niveau plus élevé de résilience, c’est-à-dire une capacité de revenir à l’état d’équilibre qui existait avant le choc. 38 39 C. Raynaut (éd.), 1997:258. Voir: A. Bonfiglioli, 1990:255. 21 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - En époque normale, en vertu des taux d'échange entre les produits de l’élevage et de l’agriculture, un ménage agro-pastoral peut obtenir un nombre plus grand de calories avec l'échange de la viande et du lait contre des céréales et peut satisfaire les besoins énergétiques de sa famille. Mais ce rapport est instable et, à court terme, les fluctuations peuvent changer en faveur des produits céréaliers.40 D’un point de vue technique, le recyclage des nutriments est un élément essentiel de l’intégration de l’élevage à la culture agricole, liée à la pression démographique. Aux yeux d’agriculteurs comme les Sereer et les Wolof, l’acquisition de bétail est justifiée par des raisons économiques (en termes d’énergie animale, transport, embouche, épargne, lait, fumier). Dans cette perspective, les ressources nécessaires à l’élevage des animaux (résidus de récoltes, les concentrés, la pâture, les enclos, et peutêtre bientôt, l’accès à des pâturages pendant la transhumance et même à l’eau) sont en train d’acquérir ou d’accroître leur valeur commerciale. 41 Dans l’agro-pastoralisme, cependant, le problème essentiel est celui de la coexistence de systèmes de culture et de systèmes d’élevage en principe très complémentaires, mais en pratique compétitifs dans un espace où la biomasse végétale est insuffisante pour couvrir les besoins énergétiques et vivriers de la population rurale et les besoins fourragers du bétail. 42 3.3.3 Les autres stratégies d’adaptation à long terme A part l’agro-pastoralisme, les ménages sénégalais adoptent toute une gamme de stratégies d’adaptation complémentaires ou alternatives. Ces stratégies sont souvent rendues possibles par l’appui des organisations communautaires auxquelles les ménages adhérent, en fonction d’une multitude d’objectifs de production et de survie. Partout au Sénégal, la pratique d’activités d’indépendantes (menuiser, chauffeur de taxi, tapissier, etc.), de rémunérations salariales ou de petit commerce sont les stratégies d’adaptation les plus communes et constituent la source de revenus plus ou moins importants. D’après un rapport récent, les ménages dont l’agriculture est la principale source de revenu gagnent en moyenne 41.000 FCFA par mois alors que dans les ménages qui associent à l’agriculture une autre activité, le revenu moyen mensuel est supérieur à 60.000 FCFA. 43 Dans le Bassin arachidier, sous l’effet de la saturation foncière (effet combiné de la densité humaine très forte et de la demande accrue de terres de culture induite par l’économie arachidière dévoratrice d’espace), les modes et les moyens d’existence ont été bouleversés, entre autres, par la disparition de la jachère, la dégradation du parc d’Acacia albida, la réduction des apports de fumure (causée, à son tour, par une insuffisance des ressources fourragères. La reproductibilité des potentialités de la production agricole se trouve menacée. Les sociétés paysannes sereer et wolof ont répondu à cela non pas en cherchant des ajustement internes, mais par des formes de décompression démographique (migrations massives vers les marges du bassin arachidier, d’abord, et vers les zones urbaines, par la suite).44 C’est par la mobilisation des réseaux sociaux et surtout la rente migratoire que les femmes chef de ménage, plus vulnérables que les hommes face aux crises, peuvent atteindre un certain équilibre, car les ménages féminins se caractérisent par une plus grande proportion de migrants 40 Voir : O. Touré, 1987. A. Faye – A. Fall - M .Tiffen – M. Mortimore,- J. Nelson, 2001:32. 42 Piéri, cité par C. Raynaut (ed.) 1997 :184. 43 PAM (2008) op.cit. 44 C. Raynaut (à cure de), 1997. 41 22 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - internationaux, qui de plus travaillent dans les pays occidentaux, d’où sont envoyés les transferts monétaires les plus importantes et les plus réguliers.45 Une étude menée à Niakhar, dans la région de Fatick, montre que près de 50 % des ménages sont vulnérables aux crises alimentaires. Le recours à la migration et à l'entraide familiale permet de compenser en grande partie ce déficit. Certaines caractéristiques des ménages sont défavorables à la productivité : c'est le cas lorsqu'ils sont de grande taille, que le chef du ménage est une femme ou qu'il appartient à une caste. D'autres caractéristiques sont garantes d'une meilleure capacité productive: le grand âge, la polygamie. Toutefois, si les ménages de petite taille dirigés par des femmes sont moins productifs, ils compensent efficacement par une bonne aptitude à capter les ressources extérieures.46 Dans la commune de Diawara, à l'extrême Est du Sénégal dans la région de Tambacounda, la pêche constitue une activité très importante pour la population Soninké. Le parc piroguier de la zone de Kayar, Région de Thiès, par exemple, est constitué de 350 embarcations dont 93% sont motorisées, mais en période de campagne de pêche, la flotte peut atteindre 960 pirogues. Face aux problèmes économique et écologiques nouveaux, les pêcheurs de Kayar ont fait le choix d’un modèle de gestion communautaire, basé sur la concertation et la définition de règles consensuelles de gestion. Ce modèle a démontré qu'une régulation de l'effort de pêche et une augmentation de la taille minimale des poissons capturés, combinées à une bonne organisation du marché pouvait aboutir à une augmentation substantielle des revenus des pêcheurs.47 En milieu rural, le ménage sénégalais est confronté à des risques liés aux conditions des pratiques culturales (liés aux conditions du climat, les attaques des criquets, les dégâts des oiseaux) et à des risques économiques (incertitude des prix de vente des produits et sur la rentabilité des techniques nouvelles ou les conséquences de l’endettement). Un risque climatique se traduit vite en risque économique, en fragilisant l’économie du ménage. Par ailleurs, et des réponses inadéquates aux risques économiques peuvent aggraver les risques des cultures et exacerber l’impact des risques climatiques. Par ailleurs, les populations ne s’adaptent pas simplement à leur environnement naturel, elles le modifient en adoptant toute une gamme de technologies flexibles. Les producteurs pauvres vivant sur des terres fragilisées ont accumulé des siècles d’expérience dans la gestion d’environnements naturels à risque, ce qui les aide à identifier et à expérimenter de nouvelles options technologiques. Dès lors, les objectifs de minimisation des risques peut alors conduire les ménages à adopter des attitudes techniques et économiques multiples et parfois même contradictoires, mais qui ont une rationalité et une logique interne. Ainsi, une forte prise de conscience du risque peut conduire certains ménages à refuser toute innovation technique (rejet d’une variété céréalière plus performante que les variété locales, mais dont la résistance aux conditions arides n’est pas prouvée) ou alors à accepter des efforts économiques additionnels pour garantir un certain niveau de productivité (achat d’engrais par les producteurs de coton, par exemple). Cela conduit aussi à : préférer des cultures vivrières plus que des cultures commerciales; 45 M. Kebe & Y. Charbit, 2007. A. Adjamagbo & V. Delaunay & P. Levi & O. Ndiaye, 2006. 47 Voir: http://www.diawara.org/index.php 46 23 Figure 5 : Stratégies adoptées par les ménages sénégalais face aux situations de crise SITUATION DE CRISE TEMPORAIRE Stratégies de sortie SITUATION DE CRISE PERSISTANTE Stratégies d’adaptation SITUATION DE CRISE CHRONIQUE Stratégies de survie Réduction du régime alimentaire (nombre repas, quantité nourriture) Modification du régime alimentaire (produits de cueillette) Modification des pratiques agricoles Travail agricole salarié sur place et pratique de petits métiers Emprunt de bêtes laitières auprès de parents Gardiennage saisonnier d’animaux d’autrui Recherche de travail salarié extra-agricole local Emprunt de petites quantités d’argent et/ou nourriture Bradage (ventes de détresse) de biens, produits agricoles et cheptel Agro-pastoralisme Mobilité accrue des hommes et des troupeaux Recherche de travail agricole salarié permanent et gardiennage permanent d’animaux d’autrui Travail salarié extra-agricole local permanent (ex. maraboutage) Emprunts d’argent et de nourriture Priorité aux espèces céréalières résistantes et à cycle court Plus grande diversification des espèces animales élevées Préservation de bétail âgé, mais résistant et immunisé Mobilisation des réseaux sociaux et participation à la vie associative Consolidation de réseaux d’entraide et de solidarité Plus grand accès aux services des institutions publiques locales Mécanismes de prévention/gestion de conflits fonciers Modification radicale du régime alimentaire Pratique de travaux dégradants Mise en œuvre de logiques individualistes Pratique accrue de la cueillette (pour la subsistance) Vente de la terre et du cheptel productif Départ définitif de membres actifs vers les villes Exode permanent de tout le ménages vers les villes SITUATION DE NON RETOUR - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - utiliser des espèces céréalières moins performantes, mais plus sûres et plus résistantes aux conditions culturales semi-arides, avec des exigences pédologiques modestes (c'est seulement le producteur aisé qui est en mesure de prendre la décision de pratiques novatrices, par exemple de nouvelles espèces avec des rendements plus forts, mais variables); garder des bêtes laitières relativement peu productives, mais plus résistantes, voire immunisées visà-vis des principaux phénomènes épizootiques locaux; pratiquer des modèles de mobilité très astreignants, acceptant de vivre dans un environnement rudimentaire et sommaire (habitat, équipement), pour permettre au troupeau d'exploiter des niches écologiques variées et favorables, et obtenir une production laitière régulière constante. Dans le contexte d’appauvrissement des ressources halieutiques, la restauration des écosystèmes fragilisés et des stocks de pêche surexploités par une pêche intensive et destructrice est considérée par les pêcheurs sénégalaise comme une stratégie prioritaire, dans le sens d’une pêche de qualité plutôt qu’à une pêche de quantité et le choix de techniques qui respectent tant l’environnement marin que la qualité du produit. Mais il faut aussi ajouter que certains ménages peuvent aussi être absolument incapables de gérer les situations de détresse à cause de l’accumulation de toute une gamme de facteurs qui traduisent les aléas climatique en détresse et pertes. Ces facteurs sont, entre autres, liés à des formes d’injustice et inégalité sociales, un accès inéquitable aux ressources, des infrastructures sociales insuffisantes, le manque de représentation et de systèmes appropriés de sécurité sociale.48 3.3.4 Les stratégies ‘de sortie’ ou ‘de survie’ Les stratégies d’adaptation, 49 analysées précédemment, visent à permettre aux ménages de s’ajuster aux changements à plus long terme intervenant dans l’environnement physique ou économique, en modifiant leurs modes de vie et de production. Elles s’opposent aux ‘stratégies de sortie’, 50 ou ‘stratégie de survie’, qui, quant à elles, répondent à une pénurie à court terme. Par contre, les ménages qui sont tombées en dessous d’un certain seuil de pauvreté et qui ont perdu toute résilience face aux crises, ne peuvent qu’adopter des stratégies extrêmes ‘de retrait’, 51 qui sont de véritables stratégie de ‘détresse’ (voir Figure 6). La modification du régime alimentaire et la diminution du nombre des repas (surtout pour les adultes) constituent certainement les stratégies les plus communément utilisées par les ménages sénégalais pour sortir d’une crise transitoire. Leur adoption varie selon les années (d’après les données officielles, en 2007-2008 un nombre de ménage plus important qu’en 2006-2007 aurait utilisé cette stratégie). Trois zones agro-écologiques semblent avoir des proportions de ménages ayant des consommations alimentaires pauvres supérieures à la moyenne nationale (Haute Casamance et Sénégal Oriental, Bassin Arachidier et Basse et Moyenne Casamance). En associant les ménages ayant une consommation alimentaire pauvre et ceux dont la consommation alimentaire est à la limite de l’acceptable, le Nord Bassin Arachidier est considéré comme la zone du pays où les ménages ont l’alimentation la moins fréquente et la moins diversifiée. 48 J. Ribot, 2010 :49. En anglais : adaptive strategies. 50 En anglais : coping strategies. 51 En anglais : restrictive strategies. 49 25 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Dans une situation de crise qui perdure, à ces stratégies alimentaires transitoires s’ajoutent, de manière progressive, tout un ensemble de stratégies de détresse: l’emprunt de nourriture chez les parents et les voisins, une intensification des pratiques de cueillette et d'artisanat, la vente de jeunes animaux du troupeau ‘de spéculation’, la vente de la force de travail familial, la pratique intense de travaux inhabituels voire même dégradants, l’exode saisonnier de plus en plus important et long de certains membres actifs vers les centres urbains et les ventes de détresse de parcelles de terre et d'animaux du troupeau ‘de subsistance’, qui précédent enfin l'exode permanent de toute l'unité familiale vers les centres urbains: c'est alors un point de non-retour, la fin d’un mode de vie. 3.4 INSTITUTIONS LOCALES ET VULNERABILITES AUX RISQUES Dans la situation actuelle, les stratégies traditionnelles des ménages, ainsi que les techniques qui leur sont associées, ne sont pas toujours en mesure de contrebalancer les impacts négatifs de la croissance démographique, des changements climatiques et de la pression anthropique sur la fertilité des sols. Certaines techniques (comme celle de maîtrise de l’eau et des sols) peuvent même aggraver la situation, en augmentant le ruissellement des eaux, entraîner l’érosion, et diminuer l’infiltration de l’eau dans le sol. Ce sont alors les organisations communautaires locales (y compris les organisations villageoises) qui peuvent jouer un rôle capital pour aider les ménages à mieux faire face aux risques de toute nature. En fonction de leur typologie et de leur mandat, les organisations paysannes interviennent dans des domaines différents et variés, en appuyant toute une gamme de stratégies à court et à moyen terme. D’une manière générale, au Sénégal comme ailleurs, ces organisations jouent surtout un rôle de médiation entre les réponses individuelles et collectives vis-à-vis de l’impact des crises et en canalisant, en quelque sorte, l’aide extérieure visant à faciliter les réponses d’adaptation. 52 Les Institutions basées sur les valeurs sociales et culturelles locales (groupes de parenté, groupes de jeunes, de travaux communautaires, etc.) sont bâties sur le capital social local, à savoir solidarité, entraide et confiance réciproque. Ancrées sur un ou plusieurs villages, ces institutions entreprennent de nombreuses initiatives pour venir au secours des membres individuels pendant des périodes spécifiques (par exemple, au moment des grands travaux agricoles) ou de crises et post-crises (dons d’aliments, prêts d’animaux laitiers, ‘tontines’ etc.). Au Sénégal, la chefferie traditionnelle influence fortement le champ social et politique, bien qu’elle ne possède pas d’attributions juridiques particulières. Le rôle des leaders communautaires sociaux et religieux traditionnels a été bouleversé par l’émergence des conseillers régionaux, municipaux et ruraux. Les chefs coutumiers, pour gagner une certaine légitimité, sont maintenant obligés à jouer les nouvelles règles du jeu démocratique. Le but de ces institutions est de réduire les insécurités des activités agricoles, stabiliser les conditions de la production et pallier aux besoins en main d’œuvre au moment des activités agricoles : elles sont des instruments développés par les sociétés rurales pour ‘réglementer les relations’ entre leurs membres au sujet de l’accès aux moyens de production (terre et eau), le calendrier agricole, les pratiques technique et ainsi de suite. 53 52 53 A. Agrawal (2008); A. Agrawal & N. Perrin & M. Kononen (2009). Rondot P. & Collion M.H. (eds.) (2001). 26 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - En milieu rural wolof, l’une des formes les plus courantes par lesquelles s’exprime le capital social local c’est l’échange de travail entre gens de même famille, de même village, voire de villages différents (appelé santaanelou ligey). On a traditionnellement recours à cette prestation de travail au nom de l’esprit d’entraide des communautés villageoises, et ceci à l’occasion d’événements précis comme la campagne agricole ou la construction d’une nouvelle demeure. La formule est simple : un chef de carré (famille) fait appel à d’autres carrés pour l’aider pendant une journée à des travaux agricoles par exemple. Cette prestation de service n’est pas soumise à rémunération, le bénéficiaire devant tout simplement offrir un repas à la mesure de ses moyens. Naturellement, la réciprocité est observée ici, et tout chef de carré peut profiter de cette structure d’entraide. Même système chez les Diola de Basse Casamance, organisés en sociétés de secours mutuel appelé eribane . Tout ceci naturellement, exprime le degré de cohésion.54 Dans la région de Diourbel, certaines traditions imposent un support mutuel entre les membres de la famille et entre les confréries religieuses qui se traduisent par des transferts de ressources entre les membres des zones rurales et ceux des zones urbaines, dans le pays et à l’étranger. Ces traditions concernent également les modes d’épargne et de crédit (tontines).55 Chez les groupes d’agro-pasteurs du Ferlo, les structures socioprofessionnelles traditionnelles sont fonctionnelles (elles se prolongent généralement dans les nouvelles structures suscitées par les autorités gouvernementales et les projets, comme les comités de gestions des forages ou de lutte contre les feux de brousse) et les rapports sociaux et politiques survivent encore dans un contexte affectés par des mutations importantes.56 Pareillement, le travail de la collectivité en faveur des familles individuelles est très important: c'est la pratique du doftal, véritable fête communautaire et célébration de la solidarité. Le doftal est pratiqué surtout dans le cadre de la vie agricole, au cours de la saison des pluies. Mais, il y a aussi une forme de doftal organisée dans d'autres circonstances, à toute époque de l'année (à l'occasion de l'enterrement de toute personne connue et respectée; de la construction d'une maison ou à l'occasion de la pose d'un toit sur une maison). 57 Les Institutions de production visent essentiellement à protéger et consolider les stratégies des ménages (stratégies d’investissement et de production, quand cela est possible, ou alors simplement stratégies d’adaptation). Ces institutions s’organisent à partir de réseaux assez denses comportant des structures villageoises et inter-villageoises (les ONG s’y greffant pour donner une dimension régionale, voire même nationale à ces réseaux). Dans le domaine de la gestions des ressources naturelles, ce type d’institution a souvent permis la définition de règles concernant l’accès des membres à la terre, eau et pâturages et leurs utilisation. Par rapport aux organisations coutumières, ces nouvelles organisations formelles de producteurs sont de nature différente, dans la mesure où leur fonction essentielle est d’organiser les relations avec le monde extérieur. Structures de médiation, elles peuvent être soit des moyens capables d’accélérer l’intégration des communautés rurales au marché et à la société globale soit des moyens susceptibles d’améliorer les relations de ces communautés avec leurs environnement marchand et social. Ainsi, elles assurent une meilleure gestion des ressources naturelles et des actifs (en tant qu’associations d’usagers), 54 Voir C. Tidiane Sy (http://www.refer.sn/ethiopiques/). A. Faye – A. Fall - M .Tiffen – M. Mortimore,- J. Nelson, 2001. 56 Cette remarque semble être toujours valable aujourd’hui. Voir : O. Touré, 1987. 57 Voir : Y. D. Diallo & A. Bonfiglioli, 1988. 55 27 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - améliorent l’accès aux services économiques et sociaux et permettent aux producteurs de participer aux prises de décision. En particulier, ces organisations paysannes peuvent provoquer et faciliter des changements techniques, économiques et institutionnels. 58 A cet égard, au niveau de très nombreux villages sénégalais, à la fois chez les agriculteurs et les éleveurs, on trouve des Groupements d’initiative économique (GIE), dont l’objectif est aussi de créer un cadre d’échange d’expériences et de réflexion. Ces regroupements peuvent donner naissance, au niveau local, à une Fédération de Groupements d’initiative économique, qui associe plusieurs villages à la commercialisation des produits, Pour les éleveurs, ces regroupements tentent d’aider les éleveurs sénégalais à résoudre des problèmes comme l’accès aux crédits, l’hydraulique pastorale, et la sécurité foncière (la fédération des GIE des éleveurs a aussi installé des kiosques à lait pour permettre aux femmes de vendre leurs produits).59 Les associations locales évoluant dans la pêche artisanale (comités locaux de pêche, GIE de femmes transformatrices, GIE de mareyeurs) ont en général une bonne assise populaire défendant directement les intérêts de leurs membres au niveau local. C’est le cas des comités locaux de pêche, des GIE de femmes transformatrices ou de mareyeurs. Les associations nationales quant à elles, sont à l’origine créées avec une structuration des instances nationales, qui précède leur structuration au niveau local qui se traduit par la mise en place des comités ou unions locales. Ce qui pose d’ailleurs des difficultés pour avoir une adhésion réelle des acteurs à la base. Aujourd’hui, il existe une demie douzaine d’organisations (CNPS, FENAGIE PECHE, UNAGIEMS, FENAMS voire CONIPAS).60 Encadré 6 : Les Mourides du Sénégal Un rôle particulier est joué par l’institution des Mourides, confrérie religieuse soufi qui a un impact profond sur la société sénégalaise, en général, et sur les modes et les moyens d’existence de nombreux ménages et communautés villageoises du Bassin arachidier et des villes, en particulier. Le Mouridisme influence des choix agricoles (culture commerciale des arachides) et la manière de gérer la ressource-terre de ses adeptes, tout en créant entre eux des liens de solidarité et d’entraide très forte (y compris ceux qui ont émigré en Europe ou aux Etats Unis et qui renvoient des sommes d’argent relativement très importantes au Sénégal). Depuis l’époque coloniale à nos jours, les Wolof ont confié à leurs chefs spirituels (cheikhs) un rôle de plus en plus important, dans le cadre d’une organisation et d’une éthique du travail qui leur a permis d’exploiter de nouvelles terres dans un environnement souvent hostile. Les chefs religieux exercent un pouvoir très grand à la fois sur des familles de paysans et sur des jeunes disciples (talibé) – ces derniers dans le cadre de groupements appelés daara. De cette manière, les cheikhs sont progressivement devenus de gros exploitants-commerçants. Initié chez les Wolof, le mouvement mouride s’est par la suite répandu aussi chez les groupes sereer. 58 Rondot P. & Collion M.H. (eds.) (2001). Voir des informations sur la Fédération Nationale des Groupements d’Initiative Economique des Eleveurs su Sénégal : http://base.d-ph.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-5958.html 60 P.G. Ndiaye (2004). 59 28 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Le Collectif national des pêcheurs artisanaux du Sénégal regroupe plus de 8.500 membres, pêcheurs pour la plupart (1200 femmes transformatrices et revendeuses en font également partie). Son objectif est la mise en œuvre d’un programme d’action et la réunion des moyens indispensables pour franchir les obstacles vers un développement durable de la pêche.61 De nombreux Groupements de Promotion Féminine (GPF) ont été créés sur la base de mbottaye ou d’associations de quartier. Ils constituent un élément indispensable d’un dialogue entre les populations et les services étatiques (certains de ces groupements sont endogènes, d’autres ont été constitués partir d’une volonté politique concernant l’amélioration de la condition féminine).62 Des organisations de producteurs peuvent établir des conventions avec des projets de développement, dans le cadre de la mise en œuvre d’activités spécifiques. Dans le cadre du PAPEL (projet d’appui à l’élevage, mentionné précédemment), des protocoles ont été signés avec plusieurs organisations : Dans la zone sylvo-pastorale : les deux Maisons des Eleveurs (MDE) et les deux Directoires des Femmes en Elevage (DIRFEL) de Louga et de Saint-Louis, l'Association pour le Développement de Namarel (ADENA), l'Association pour le Développement de Dodji et Yang-Yang (ADYD) et Fédé Bamtaaré Aynabé Djolof (FBAJ) Dans la Bassin arachidier : les deux Maisons des Eleveurs (MDE) et les deux Directoires des Femmes en Elevage (DIRFEL) de Kaolack et Fatick, l'Association des Groupements de Producteurs Ovins (AGROPROV), l'Association pour l'Elevage moderne de Kaolack (APREMKA) et l'Association des Eleveurs de Métis (ASEM). Les Institutions de gestion des services et des actifs intègrent des objectifs de productivité et de croissance avec les valeurs sociales locales, en assurant la gestion et le développement durable des moyens de production locaux (actifs). Ces institutions dérivent directement de comités de développement antérieurs en charge de puits et d’autres infrastructures hydrauliques, d’écoles ou de centres de santé, comme aussi de comités de gestion de ressources forestières, animales, hydrauliques, etc. Par rapport aux autres institutions, celles-ci tendent à être beaucoup plus inclusives, dans la mesure où elles ne s’adressent pas seulement aux membres appartenant à un groupe sociolinguistique particulier ou à un village ou à un groupe de villages voisins, mais à des producteurs sur la base de leurs intérêts collectifs. On inclut dans cette catégories les coopératives, les groupements de producteurs, les structures d’épargne et de crédit, comme aussi les ONG locales et les fédérations d’ONG. Un exemple de ce genre d’institution est constitué par le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), une institution créée en 1993, qui regroupe en son sein les petits producteurs, les organisations paysannes et les coopératives et favorise leur dialogue avec les structures publiques de l’Etat. 63 La finalité du CNCR est de contribuer au 61 On estime que la pêche artisanale sénégalaise comporte environ 12.000 pirogues, avec 60.000 pêcheurs et autant d’emplois indirects créés dans les communautés de pêcheurs : femmes transformatrices, mareyeurs et autres activités annexes.. 62 D. Diop (2006) op. cit. 63 Voir des renseignements généraux sur le Conseil : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6391.html. 29 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - développement d’une agriculture paysanne qui assure une promotion socio-économique durable des exploitations familiales. 64 Les Conseils locaux de Pêche, institués par la Loi 98/32 portant code de la pêche maritime, sont installés à travers le territoire national. Le Conseil local de pêche artisanale (CLPA) est un organe de co-gestion des ressources et des infrastructures communautaires (quai de pêche, sites de transformation). Il implique la base et regroupe les acteurs de la pêche. Egalement, les sages et notables ainsi que les élus locaux y sont représentés. Les CLPA aident aussi l’application de l’ensemble des mesures du code de la pêche. 4. ACQUIS ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL L’analyse précédente permet d’identifier un certain nombre d’acquis en matière de politiques et de dispositifs institutionnels pour le développement local au Sénégal (section 2), ainsi que la manière où les ménages individuelles peuvent adopter des stratégies d’adaptation devant les risques de toute nature (dans le cadre de leur participation à des organisations communautaires ou institutions locales plus larges à commencer par les collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés) (section 3). D’une manière plus ou moins directe, ces forces ou ces faiblesses affectent toutes les initiatives susceptibles de favoriser l’adoption de stratégies d’adaptation aux risques liés au changement climatique. 4.1 PRINCIPAUX ACQUIS DES EXPERIENCES DE DEVELOPPEMENT LOCAL 4.1.1 Au niveau des politiques gouvernementales Selon les principes de la politique sénégalaise en matière de décentralisation, les collectivités locales (institutions englobantes qui comprennent les autorités locales élues et la société civile locale) sont devenues des acteurs incontournables du développement local. Pour cela, elles peuvent se réclamer d’une double légitimité: celle des urnes, puisque ses membres sont élus par la population locale, et celle des institutions, puisque leur exécutif prend toute décision au nom de l’Etat. La politique de décentralisation poursuivie par le gouvernement sénégalais réaffirme le principe du transfert de compétences aux collectivités locales dans neuf domaines du développement social et économique local. De cette manière, les autorités locales sont effectivement responsabilisées par rapport aux aspects cruciaux du développement local. Parmi ces compétences, particulièrement importantes sont celles qui concernent l’environnement, la gestion des ressources naturelles et l’aménagement du territoire, c’est-à-dire des domaines qui sont particulièrement susceptibles de ressentir les effets des changements climatiques et sur lesquels, par conséquence, le rôle des collectivités locales sera incontournable (voir Tableau 7). 64 La presse sénégalaise a récemment rapporté (janvier 2009) un conflit intervenu entre le Ministère de l’Agriculture et le CNCR – le ministère ayant banni toute participation du CBCR et de ses membres de toute action et programme public en matière de développement agricole et rural (voir http://www.cncr.org/spip.php?article185). 30 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Tableau 7 : Répartition de quelques compétences entre collectivités locales au Sénégal DOMAINE DE COMPETENCE Domaine foncier REGION Gestion et utilisation du domaine privé de l’État, du domaine national et du domaine public Gestion et utilisation du domaine privé de l’État, du domaine national et du domaine public * Création et gestion des forêts, zones protégées et sites naturels d’intérêt régional * Autorisation de coupe * Mise en défens, lutte contre incendies & protection nature Environnement et gestion des ressources naturelles * Répartition des quotas régionaux d’exploitation forestière entre les communes et les communautés rurales * Elaboration et mise en œuvre de plans régionaux d’action pour l’environnement, d’intervention d’urgence et de gestion des risques * Autorisation de défricher après avis du conseil rural Aménagement du territoire Urbanisme et habitat COMMUNE COMMUNAUTE RURALE Gestion et utilisation du domaine privé de l’État, du domaine national et du domaine public * Gestion des forêts de terroirs * Reboisement * Gestion des déchets et lutte contre la pollution * Protection des eaux souterraines et de surface * Élaboration de plans communaux d’action pour l’environnement Autorisation de coupe * Lutte contre les feux de brousse * Avis sur les autorisations à défricher * Gestion des sites naturels * Création et gestion des bois, mares artificielles, etc. * Élaboration et mise en œuvre des plans locaux d’action pour l’environnement Avis sur le projet de schéma régional d’aménagement du territoire approuvé par l’État Avis sur le projet de schéma régional d’aménagement du territoire approuvé par l’État Elaboration du projet de schéma régional d’aménagement du territoire approuvé par l’État Élaboration du plan directeur d’urbanisme (PDU), du SDAU, des plans d’urbanisme de détail des zones d’aménagement concerté, de rénovation urbaine et de remembrement Élaboration du plan directeur d’urbanisme (PDU), du SDAU, des plans d’urbanisme de détail des zones d’aménagement concerté, de rénovation urbaine et de remembrement Approbation des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) Lotissement, permis de construire, de démolir et de clôturer, certificats d’urbanisme Lotissement, permis de construire, de démolir et de clôturer, certificats d’urbanisme Permis de coupe et d’abattage Autorisation d’installer et de travaux divers [Source : Loi 96-06 du 26 mars 1996] 31 Soutien aux communes et communautés rurales - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Dans le cadre de la politique de décentralisation, le transfert de compétences de l’Etat central en faveur des collectivités locales a été accompagné du transfert concomitant de ressources nécessaires à l’exercice normal desdites compétences. Ces transferts fiscaux, qui ont utilisé le canal des différents dispositifs financiers, ont été en augmentation constante : le FDD et le FECL, par exemple, ont permis aux collectivités d’assumer les compétences que les lois leur ont conféré et financer leurs investissements. Cela est certainement l’expression d’une volonté politique visant à appuyer la décentralisation et la gouvernance locale en matière de développement local. Il faut noter que ces dispositifs financiers devraient permettre aux collectivités locales d’identifier et soutenir rapidement des actions de lutte contre l’impact du changement climatique. Les politiques nationales ont aussi réaffirmé les principes essentiels de la libre administration des collectivités locales et de la subsidiarité.65 Elles ont aussi souligné une stratégie qui consiste à renforcer les compétences des collectivités locales, sans cependant jamais rompre le lien entre les collectivités locales et l’Etat. Enfin, les organisations professionnelles agricoles (OPA) bénéficient également d’un statut reconnu et protégé et d’un système d’aide publique. Tout cela revêt une importance capital en matière de stratégie d’adaptation aux crises climatiques, dans la mesure où ces crises se manifestent localement, mais nécessitent des solutions locales dans un cadre globale. Dans ce sens, une valeur particulière assument toutes les formes de partenariats horizontaux entre collectivités locales, appuyés par les lois dans le cadre l’intercommunalité (au niveau surtout de ‘la communauté urbaine’ et de l’Entente intercommunale), dans la limite des compétences dévolue aux collectivités. Toute les collectivités peuvent former des commissions spécialisées dans des domaines variés et prioritaires. Les actions envisageables au niveau des communautés sénégalaises pour s’adapter au changement climatique devraient impérativement s’appuyer sur ce dispositif juridique, assorti de mesures incitatrices de nature financière. La stratégie sénégalaise de réduction de la pauvreté souligne fortement la notion de ‘vulnérabilité’ des ménages et des communauté vis-à-vis des risques et des chocs. Dès lors, toute action visant à réduire la vulnérabilité comporte à la fois un volet protection (contre risques, chocs et crises) et un volet renforcement des capacités (pour permettre aux ménages et aux communautés de garder leur résilience et affronter ces situations sans subir des pertes sévères). En d’autres mots, dans la vision du DRSP sénégalais, pauvreté et vulnérabilité sont inextricablement liées. Et ce sont justement les ménages qui sont davantage exposés aux chocs de toute nature (y compris ceux qui sont relatifs au changement climatique) qui ont le plus de probabilités de rester ou devenir pauvres. Dans le cadre de la politique de décentralisation, les lois confèrent aux collectivités et aux communautés rurales un pouvoir considérable en matière de gestion des ressources naturelles. La loi LOASP, par exemple, reconnaît le rôle de toutes les exploitations agricoles dans la gestion des ressources naturelles, la protection de l’environnement et un aménagement du territoire équilibré et cohérent et permet aux organisations professionnelles agricoles de bénéficier d’un statut reconnu et protégé et d’un système d’aide publique. Ces avancées juridiques constituent des atouts certains dans toute entreprise visant à contrecarrer les effets néfastes du changement climatique. D’une manière particulière, la loi sénégalaise attribue aux collectivités un rôle incontournable en matière de gestion des espaces forestiers relevant de leurs limites administratives (cela étant même 65 Le principe de la subsidiarité affirme que l’ensemble du processus de planification et de mise en œuvre des activités devient la responsabilité du niveau le plus proche de la base, du fait de l’avantage comparatif de chaque institution 32 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - un dispositif assez particulier au Sénégal). Malgré certains ambigüités (voir ci-dessous au sujet des contraintes), cela constitue un acquis considérable, dans la mesure où le problème de la gestion des ressources forestières est très complexe et a souvent été le théâtre de conflits entre les services de l’Etat et les usagers (les changements climatiques pourraient fortement exacerber ces conflits). La mise en place du Programme National de Développement Local (PNDL, voir ci-dessus), véritable cadre fédérateur de référence et d’harmonisation des interventions en matière de réduction de la pauvreté et de développement local, et la restructuration des Agences Régionales de Développement (ARD) en mars 2006, expriment une volonté politique renouvelée de l’Etat sénégalais visant à renforcer le processus de décentralisation et de développement local. Des initiatives précises visant à accroître la résilience climatique des ménages devraient avoir lieu dans le contexte du PNDL, avec l’appui des ARD. Au Sénégal, la nouvelle approche de ‘conseil agricole et rural’ (officialisée, en quelque sorte, par la mise en place d’institutions comme l’ANCAR) constitue une rupture avec l'ancien système d’encadrement du monde rural. La nouvelle approche repose sur la reconnaissance des producteurs comme les principaux acteurs de leurs systèmes de production, de l’aménagement de leurs terroirs et de la gestion de leurs ressources naturelles. Elle est aussi bâtie sur la reconnaissance des savoirs des populations rurales. Cette stratégie constitue un atout énorme dans toute vision stratégique de lutte contre les effets climatiques, dans la mesure où les connaissances environnementales locales et le savoir-faire traditionnel sont hautement valorisés. 4.1.2 Au niveau des collectivités Les textes de loi sur la décentralisation au Sénégal octroient des compétences à toutes les collectivités territoriales, à savoir les régions, les communes et les communautés rurales (voir le Tableau 9). C’est la loi 96-07 du 22 mars 1996 qui précise les compétences exactes de chaque niveau de la décentralisation, dans des domaines aussi variés que la gestion et utilisation du domaine privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national, l’environnement et les gestions des ressources naturelles, la santé, population et action sociale, etc. La loi fait la distinction entre deux types de compétence : Compétences générales, à savoir celle qui définissent la mission générale des collectivités locales (planification, programmation et mise en œuvre des actions de développement à caractère économique, éducatif, social et culturel d’intérêt régional, communal ou rural), Compétences transférées relatives, par exemple, à la gestion et l’utilisation du domaine privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national, l’environnement et la gestion des ressources naturelles, la santé, la population et l’action sociale ou l’aménagement du territoire. Les collectivités locales sénégalaises ont acquis une expérience considérable en matière de planification et mise en œuvre du développement local. Des programmes de formation ont pu toucher un grand nombre de représentants des collectivités et des communautés rurales, comme aussi des services techniques déconcentrés. De nombreux outils pédagogiques ont pu être élaborés, particulièrement dans le cadre des nombreux programmes de développement rural. Les politiques sénégalaises de mise en œuvre du développement local montrent une conscience très forte du problème du manque de capacités des élus locaux et du manque d’expérience locale. C’est cela qui explique la mise en place successive, quoique d’une manière peu cohérente (voir ci-dessous 33 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - au sujet des contraintes), de tout un nombre de dispositifs institutionnels d’appui/conseil. Au niveau régional, cette approche concerne les ARD (mises en place en 1998 et réorganisées en 2005), les structures déconcentrées de la Direction Régionale du Développement rural (DRDR), les antennes régionales du Projet d’Appui de l’Elevage, les services déconcentrés de l’Aménagement du territoire, comme aussi les CERP au niveau provincial. Enfin, cela concerne, d‘ une part, la mise en place d’agences de conseil des associations de producteurs, comme l’ANCAR, l’ADM et les AGETIP; et, d’autre part, l’émergence d’une administration locale avec le recrutement généralisé d’assistants communautaires (ASCOM) pour justement pallier l’insuffisance des ressources humaines dans les communautés rurales. Toutes ces structures devraient faire l’objet d’une sensibilisation appropriée en matière d’identification et planification d’initiatives de lutte contre les effets néfastes du changement climatique Par ailleurs, la maîtrise d’ouvrage locale a été appuyée grâce au développement d’outils de planification et de programmation adaptés, comme le Plan régional de développement intégré (PRDI), le Plan d’investissement local (PIL), le Plan local de développement (PLD) et le Plan annuel d’investissement (PAI). Certains des outils de programmation, comme le PLD, ont permis l’émergence de véritables cadres de contractualisation ou de conventions entre les acteurs locaux et les partenaires techniques et financiers. Cela a fortement promu des mécanismes appropriés de mobilisation des ressources financières nécessaires. Tout cela constitue un atout certain dans la perspective de la planification et de la mise en œuvre d’initiatives concernant l’adaptation des populations au changement climatique. Vis-à-vis des collectivités locales (communes et communautés rurales), c’est le Préfet qui assure, en principe, une tutelle générale et un contrôle a posteriori (contrôle de légalité). En plus, le Préfet exerce un contrôle de tous les services techniques déconcentrés de l’État au niveau départemental : urbanisme, domaines, cadastre, agriculture, eaux et forêts, développement social, l’inspection départementale de l’éducation, district médical. Au niveau des régions, des départements et des arrondissement, existent des espaces de concertation entre toutes les parties prenantes et de coordination de leurs activités. Tout cela devrait constituer une garantie d’homogénéité et mise en cohérence entre les initiatives de lutte contre la pauvreté et de lutte contre les effets du changement climatique. Au niveau national, le CONGAD offre un cadre permettant la concertation entre certains acteurs institutionnels qui supportent financièrement et techniquement le développement local au Sénégal (même si le CONGAD ne peut pas jouer un rôle de coordination qui permettrait d’assurer l’harmonisation des approches). 4.2 PRINCIPALES CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL De nombreuses analyses soulignent, cependant, les contraintes et les faiblesses du paradigme sénégalais de développement local, voire même les facteurs de blocage qui empêchent l’émergence d’un véritable système de gouvernance locale. Dans la mise en place d’une stratégie visant à appuyer les communautés sénégalaises à s’adapter au changement climatique, il est capital de bien identifier l’ensemble de ces facteurs de blocage généraux et de leur trouver rapidement des solutions pragmatiques et réalistes. 34 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - 4.2.1 Par rapport au dispositif institutionnel D’une manière générale, nombreux sont au Sénégal ceux qui questionnent la capacité des politiques de croissance et de lutte contre la pauvreté à réduire les inégalités sociales.66 Par ailleurs, le développement local décentralisé est souvent perçu comme le prétexte un certain désengagement de l’Etat, ce qui laisserait les collectivités locales comme des maîtres d’ouvrages du développement local dépourvus de moyens humains et financiers adéquats. Une pléthore d’institutions publiques et d’organismes gouvernementaux et non-gouvernementaux accompagnent les collectivités en matière de développement local, développement communautaire, aménagement du territoire, appui technique, conseil-appui, etc. Cela n’est pas sans créer une certaine confusion, des tiraillements et un manque de cohérence, parfois même des formes de compétition. L’absence d’harmonisation d’ acteurs multiples et opérant de manière presque autonome, sans coordination rend illisible et inefficace les actions entreprises.67 Les mandats de certaines institutions ne sont pas tout à fait clairs ou alors se chevauchent et leurs approches sont fragmentées, manquent de cohésion et sont souvent contradictoires en termes de logiques et modes d'intervention. En plus, certaines de ces institutions jouissent d’une certaine autonomie, d’autres sont rattachées à la Présidence ou à la Primature ou à un ministère sectoriel. Ce véritable ‘labyrinthe institutionnel’, avec toutes ses lourdeurs administratives, pourrait être préjudiciable aux actions visant les effets du changement climatique, qui doivent nécessairement être rapides, efficaces, ponctuelles. Par ailleurs, les fréquents changements de tutelle de certaines directions ont entraîné des initiatives qui se superposent, voire même se contredisent. Cela est aussi le cas pour les programmes de lutte contre la pauvreté qui sont actuellement écartelés entre plusieurs ministères (finances, développement rural, développement social). La préparation d’un ‘plan national quinquennal’ a été remise en question à la fois par la disparition, il y a quelques années de cela, du ministère du Plan et l’émergence de nouveaux outils de planification liés à la lutte contre la pauvreté et l’achèvement des objectifs de développement pour le millénaire. Pourtant, à l’avis de nombreux analystes, le plan national devrait toujours constituer un outil majeur du développement local, d’autant plus que la plupart des Communautés rurales et des Collectivités régionales respectent leur propre obligation de préparer des plans de développement pluri-annuels (pratique moins fréquente chez les Communes urbaines). La tutelle administrative que les représentants de l’Etat sont supposés assurer vis-à-vis des services déconcentrés n’est pas toujours effective. En réalité, les agents techniques dépendent plutôt des leurs directions centrales respectives. En revanche, un préfet dispose sur les services techniques d’une autorité qui est bien plus importante que celles des élus locaux (malgré le fait que c’est aux élus des collectivités que la loi transfère les compétences). Les Collectivités locales n’ont pas encore pu s’imposer comme des interlocuteurs organisés dans leurs relations avec l’Etat, et cela malgré l’existence d’unions et d’associations d’élus. Cela est le reflet des tensions internes, du faible niveau d’instruction des élus locaux et aussi du fait que des préoccupations propres à chaque niveau de collectivités ont prévalu sur le principe de solidarité. 66 67 Voir : G. Daffé & A. Diagne & A. Cres, 2008. D. Diop, 2006. 35 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Au niveau général, la démocratie locale ne semble pas être nécessairement garantie par l’élection au suffrage universel, dans la mesure où ce sont les partis politiques qui préparent (d’une manière souvent peu transparente et participative) les listes de candidats et que des candidats indépendants ne sont pas admis. Les limites des circonscriptions territoriales restent parfois floues, d’un point de vue géographique et sociologique. Par ailleurs, des ententes horizontales entre collectivités sont encore relativement rares. Une approche axée sur la réduction de l’impact des crises climatiques devrait impérativement tenir compte des problèmes locaux, mais dans le cadre de dynamiques sociales et institutionnelles plus vastes. Entre 1995 et 2005, on estime qu’environ 195 milliards FCFA ont été injectés pour appuyer la décentralisation sénégalaise par le gouvernement et différents partenaires financiers. Mais les résultats de cet effort considérable semblent être assez mitigés. 68 D’autant plus que cela ne semble pas avoir contribué à réduire l’inégalité sociale.69 4.2.2 Par rapport au dispositif technique d’appui Le système des ARD fournit un appui technique nécessaire aux collectivités. La création de ces structures et leur restructuration en 2004 a constitué un atout essentiel pour le développement local au Sénégal, ayant créé des nouvelles énergies. Cependant, les ARD comportent des insuffisances ne leur permettant pas d’assumer leurs responsabilités. Leur statut juridique et leur mandat ne sont pas tout à fait clairs. Leurs moyens financiers ne leur permettent pas d’opérer de manière adéquate. En effet, pour pouvoir fonctionner, les ARD dépendent des contributions des collectivités locales membres – contributions qui sont obligatoires et qui sont fixées annuellement par un arrêté conjoint des ministres de la Décentralisation et des Finances. Cependant, certaines collectivités ont eu des difficultés à s’acquitter de cet engagement. D’autant plus que les élus des communautés rurales entretiennent une relation ambiguë avec l’ARD et continuent à la considérer comme une structure d’appui technique à la collectivité régionale. 70 4.2.3 Par rapport à l’exercice des compétences La responsabilisation effective des collectivités par rapport à leurs compétences est encore limitée. L’une des raisons est que le personnel des collectivités locales est quantitativement et qualitativement insuffisant. Un véritable service administratif et technique des collectivités n’existe pas (par manque de ressources financières et/ou manque de volonté politique). D’autre part, les autorités locales ont rarement la capacité de recruter du personnel. La mise en œuvre des principes de la décentralisation et de la bonne gouvernance ne semble pas être uniforme. En effet, dans les zones couvertes par des projets et programmes de développement financés par des partenaires internationaux, le processus de mise en œuvre de la décentralisation est accompagné par la mise en place d’institutions appropriées, l’organisation de programme de formation des acteurs locaux, l’élaboration d’outils de planification71 et la création de dispositifs financiers adéquats. A cet effet, on constate qu’environ 10% des communes abrite environ 71% des 68 Voir certaines remarques provocatrices de D. Diop (http://www.sendeveloppementlocal.com/Le-PNDL-Une-grosse-arnaque-ou-uneveritable-strategie-de-developpement-local_a1222.html). 69 Les allocations budgétaires des 320 communautés rurales correspondraient à environ un-sixième des allocations des 103 communes urbaines 70 Toutes ces remarques reflètent les conclusions d’une évaluation de la Banque mondiale au cours de la préparation du PLDP. 71 Il n’y a pas de guides officiels pour la planification locale. En fait, la préparation d’outils de planification est laissé aux projets ou programmes de développement individuels, ce qui veut dire que les zones non couvertes par des projets sont laissées à elles-mêmes. 36 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - projets et des actions des bailleurs de fonds.72 Par contre, les zones géographiques ‘hors projet’ sont peu ou très peu affectées par des pratiques décentralisatrices.73 Malgré le fait que l’Etat ait transféré aux collectivités des compétences dans neuf secteurs bien précis, le financement par l’Etat ne concerne que trois secteurs : santé, éducation et jeunesse. Il n’y a pas de dispositions financières par rapport aux autres compétences. Ainsi, l’exercice effectif de ces compétences de la part des collectivités locales est loin d’être une réalité. Cet exercice dépend assez souvent de conditions juridiques insuffisantes (textes d’application sur les modalités de mise en œuvre de lois) et de capacités techniques et financières défaillantes au niveau des collectivités locales. Les lois existent, mais ce sont les principes d’application qui posent problèmes en l’absence de décrets devant définir les responsabilités propres à chaque niveau de collectivité. Par ailleurs, les mêmes compétences sont souvent attribuées à plus d'un niveau sans grande distinction des tâches. Les analyses relèvent plusieurs conflits: (i) au niveau des villes, entre la commune et les communes d’arrondissement, à propos de la gestion de l’espace communal, des affaires domaniales et de la prise en charge des équipements, notamment ceux qui procurent des recettes (marchés, stades); (ii) entre les communautés rurales et les communes, concernant les limites physiques et les périmètres d’extension; et (iii) entre les communautés rurales et les régions, sur la gestion des espaces naturels et des bords de mer. Les services de l’État résistent encore fortement au transfert des compétences. Les ministères techniques continuent à exercer une bonne partie des attributions relevant des collectivités territoriales dans les domaines des politiques sectorielles publiques. Les institutions publiques centrales et locales sont réticentes à s’appuyer sur les institutions locales et nationales. Les collectivités font l’objet de critique pour leur manque de personnel qualifié et le nombre élevé de conseillers analphabètes. Les institutions communautaires sont critiquées pour leur immobilisme et les ONG pour leur manque de transparence, voire des formes de corruption. Les compétences en matière d’éducation sont entièrement exercées par les services déconcentrés du ministère. Par rapport à la santé, par exemple, le rôle des collectivités locales est confiné à une fonction de représentation au sein du comité de gestion et une fonction d’intermédiaire dans la gestion des crédits transférés par l’Etat. Les élus locaux n’ont aucun pouvoir sur les décisions de santé publique impliquant leur localité, et les plans d’opération qui organisent la vie des districts médicaux ne sont pas soumis au conseil municipal pour avis.74 D’une manière générale, les collectivités locales peuvent mal assurer leurs compétences. D’autant plus que le processus de transfert des compétences n’a pas été accompagné par des mécanismes appropriés de redéploiement des ressources humaines. Les collectivités locales manquent de ressources humaines et techniques (à la fois d’un point de vue quantitatif et qualitatif). Pour exercer leurs missions, elles doivent faire recours aux ARD, aux CERP et aux services techniques de l’État (qui ont, par ailleurs, des moyens de fonctionnement limités) ou alors, si leurs finances le permettent, doivent engager des opérateurs et prestataires de services privés (qui sont assez rares dans les zones rurales, puisqu’ils préfèrent opérer dans les milieux urbains). Toute cette situation pourrait se révéler préjudiciable dans le contexte d’initiatives visant à fournir un appui rapide et efficace aux communautés locales dans leur adaptation au changement climatique 72 Voir : C. Fournier, 2006. Sur ce sujet, voir: J. Ribot, 2009. 74 Voir :P.D. Diouf, 2006. 73 37 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - 4.2.4 Par rapport aux dotations des collectivités Le transfert de compétences vers les collectivités territoriales sénégalaises ne s’est pas accompagné d’un transfert suffisant des ressources de l’Etat. Les responsables de ces collectivités locales et plus particulièrement des Communautés Rurales, mais aussi et surtout ceux des Régions, estiment à raison qu’ils ne disposent pas d’assez de ressources pour faire face à leurs anciennes et nouvelles missions. Les dotations globales allouées par l’État aux collectivités locales masquent de profondes disparités et reflètent un déséquilibre dans la répartition entre niveaux de collectivités locales. En plus, elles sont très en deçà des charges que doivent supporter les collectivités locales. Par ailleurs, les notions de péréquation et d’équilibre fiscal devraient être introduites dans l’allocation des ressources aux collectivités locales, comme aussi un système d’évaluation permettant d’aligner les allocations financières annuelles à la performance institutionnelle. Contrairement aux autres niveaux de collectivités locales, la région n’a pas de ressources endogènes, ne dispose pas d’une fiscalité propre et elle est , de ce fait, complètement dépendante de l’Etat central pour la prise en charge des compétences qui lui ont été transférées. Le système de transferts des ressources de l’Etat connaît aussi d’autres contraintes : 75 La mise en place des crédits du fonds de dotation accuse des retards imputables à l’État (les délais d’attribution, de mobilisation et de mise à disposition du FECL sont particulièrement longs, de sept à neuf mois). Le traitement administratif des transferts est notoirement très lent et les procédures de transfert sont très lourdes et laborieuses. Les dotations de compensation allouées ne tiennent pas compte de certains paramètres objectifs tels que la carte sanitaire, la carte scolaire, la population à scolariser, etc. Les régions consacrent l’essentiel de leurs dotations à leurs dépenses de fonctionnement. Les transferts fiscaux ne sont pas sujets à l’indexation sur la taxe sur la valeur ajoutée. La masse globale des transferts n’est pas connue en avance. Les collectivités locales ne sont pas assujetties à une obligation de rendre compte de l’utilisation des fonds reçus. Ainsi, aucune garantie n’existe concernant la réalisation effective des investissements prévus. C’est le sous-préfet qui assure le contrôle de légalité sur les délibérations du conseil rural (budget, marchés, lotissement, gestion des terres, etc.). Mais la sous-préfecture ne dispose que d’un budget dérisoire et de moyens humains faibles. En plus, les moyens logistiques et financiers du CERP, qui constitue l’unique service de l’État implanté dans les communautés rurales, sont inadéquats. 4.2.5 Par rapport à certains dispositifs juridiques La loi de 1964 sur le régime foncier ne tient pas compte des valeurs sociales et culturelles locales. Traditionnellement, la terre est considérée comme un bien inaliénable, mais elle peut faire l’objet de transactions (louée, cédée, héritée). Les nouvelles dispositions légales ont voulu abolir tout cela. A l’origine, la loi foncière visait à protéger les paysans contre les gros exploitants terriens et à améliorer la productivité des activités agricoles. Or, de nombreuses études montrent que la réforme n’a pas été efficace. Les paysans n’ont jamais accepté les nouvelles dispositions, ils s’y sont simplement adaptés, tout en continuant à suivre leurs pratiques traditionnelles. Par ailleurs, ni l’état 75 Pour cette section, voir : C. Fournier, 2006. 38 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - ni les collectivités ne disposent de moyens leur permettant de faire respecter la loi. La situation a conduit à des ventes illégales de terres (surtout dans les zones périurbaines ou dans des endroits propices à l’irrigation). Tout cela a aussi provoqué une véritable fragmentation voire parcellisation des terres à la suite de la croissance démographique (surtout dans le bassin arachidier), avec le résultat d’un nombre élevé d’exploitations agricoles trop petites et non viables. 76 Le statut de la terre et son mode de gestion ne permettent pas encore de sécuriser les investissements. La loi est aussi un frein pour une modernisation des moyens de production, pour l’accès au crédit agricole car la terre ne peut pas servir de garantie au producteur puisqu’elle relève du domaine national. 77 C’est ce genre de problèmes, d’ailleurs, qui a même conduit, très récemment, à la dissolution (par le chef de l’Etat) de six conseils communaux et de quatre conseils ruraux. Il est prévisible que toute initiative visant à renforcer la résilience climatique des ménages et des communautés rencontrera ce genre d problèmes. Par ailleurs, des raisons historiques liées au passé colonial et aux conséquences des dispositions juridiques mentionnées précédemment ont contribué à aliéner les paysans par rapport à leur environnement naturel. D’une certaine manière, cela n’est qu’un symptôme d’un problème beaucoup plus profond dont semble souffrir, à l’avis de certains analystes, la société sénégalaise : celui d’une fracture entre une autorité en manque de représentation et les populations. L’urgence et la virulence des crises climatique pourrait permettre aux autorités de mettre en œuvre les voies et moyens leurs permettant d’acquérir une nouvelle légitimité, en aidant à promouvoir, favoriser, faciliter et appuyer d’une manière rapide et efficace les priorités locales. En principe, la décentralisation concède un pouvoir de gestion relativement important aux communautés rurales sur les espaces forestiers relevant de leurs limites administratives (les questions foncières sont désormais déléguées aux commissions domaniales des collectivités locales). Mais, en réalité, les communautés rurales ne peuvent pas exercer leurs prérogatives sur ces espaces, qui sont des lieux convoités par divers acteurs (la gestion des ressources naturelles étant une source de revenus potentiellement importants). 78 Aujourd’hui certains organismes, comme le Conseil de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), l’Association des Présidents de Conseils Ruraux (APCR), sont favorables à une révision de cette loi qui en dernier ressort freine le développement du monde rural et la rentabilisation des ouvrages (par exemple, les barrages). Un autre problème empêchant des investissements fonciers (et, par conséquent, pouvant rendre difficiles certaines initiatives d’adaptation aux risques climatiques) est constitué par la taille des communautés rurales et leurs délimitations.79 76 Voir: J. Faye, 2008. Voir article de H. D. Fall. 78 L. Boutinot, 2008). Ce même auteur remarque comment les projets participatifs de gestion des ressources forestières tendent à favoriser un certain statu quo, dans la mesure où ils font des forêts communautaires des espaces en partie soustraits à l’autorité des conseils ruraux. Par ailleurs, les modes de régulation et de gestion des profits sont directement contractualisés avec les chefs de village et laissent à la marge les élus locaux aussi bien dans l’exercice de leur pouvoir que dans la redistribution des recettes. 79 Dans une série d’articles publiés en 2007, le quotidien sénégalaise Le Soleil a souligné les problèmes concernant la gestion foncière des collectivités territoriales. Il y est notamment question d’incohérence entre la localisation géographique de villages et leur rattachement administratif, du ‘gigantisme spatial’ de certaines régions (comme celle de Tamba) et de l‘extrême éparpillement des établissements humains, de la gestion d’espaces intercommunautaires, de l’implantation de promoteurs économiques sur de grands espaces, de l’accès des femmes à la terre, des préoccupations liées au parcours du bétail, des lotissements effectués sur les terres de la collectivité voisine, de l’aménagement du territoire. La mise en place d’un cadastre rural , la création de Groupements d’intérêt communautaire et l’intercommunalité sont citées comme pistes de solutions. (Voir : http://www.lesoleil.sn/). 77 39 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Par rapport aux ressources forestières, les pouvoirs des collectivités locales sont en principe assez importants : elles peuvent attribuer des concessions d’exploitation à certains usagers ou peuvent exclure d’autres. Mais, dans la réalité, les communautés rurales sénégalaises bénéficient peu pu pas du tout de leurs droits. Les élus font souvent l’objet de mesures de pression ou intimidation pour octroyer des droits d’exploitation forestières (bois, charbon de bois) et les représentants de l’Etat (préfet et sous-préfets) ne sont pas suffisamment motivés pour faire respecter les régulations. 80 4.2.6 Au niveau des organisations communautaires de base Force est de constater que les objectifs et le mandat de certaines organisations communautaires, y compris d’ONG locales, ne sont pas toujours clairs. Certaines parmi elles manquent de représentativité et légitimité, utilisent des procédures peu ou pas du tout transparentes et sont incapables de rendre compte de leurs activités et de leurs finances. Elles ne sont pas toujours enracinées localement et semblent surgir surtout là où des projets et programmes de développement sont mis en œuvre, pour en tirer des profits propres. D’autres, au contraire, sont dépourvues de tout pouvoir réel et sont franchement inefficaces. Cette situation n’est pas propre au Sénégal et semble être vrai surtout dans le contexte d’activités environnementales.81 En effet, les analyses et les évaluations montrent de manière incontestable que toute initiative de gestion des ressources naturelles communes nécessite une solide capacité interne de direction, la participation active de tous les membres, une gestion financière saine, et des règles, règlements et lignes directrices reposant sur une légitimité reconnue; et enfin des mécanismes effectifs de mise en œuvre et de sanction. On peut donc dire que la mise en œuvre d’initiatives environnementales, en générale, et de mesure de lutte contre les risques climatiques, en particulier, dépend directement de l’existence et de la robustesse d’institutions appropriées à l’échelon local. 5. PERSPECTIVES DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL 5.1 PERSPECTIVES GENERALES Au Sénégal, comme ailleurs, les axes stratégiques de toute politique de développement local intégrant le changement climatique devraient protéger et valoriser le capital dont disposent les ménages et les communautés rurales de base. Ainsi, dans une perspective visant à améliorer et renforcer les modes et les moyens d’existence locaux, il s’agira de mettre en œuvre un ensemble d’initiatives distinctes et complémentaires : Par rapport au capital naturel : Améliorer la résilience des ressources naturelles et leur productivité (par le biais d’une gestion durable des terres), de manière à pouvoir supporter les modes et moyens d’existence des ménages vulnérables 82 et renforcer les stratégies locales d’adaptation au changement climatique (résilience climatique) en fonction des caractéristiques des zones agroécologiques du pays. 80 Pour toute cette section, voir : J. Faye (2008); J. Ribot, 2009. Voir J. Ribot, 2003. 82 L’expression ‘modes et moyens d’existence’ sert à traduire l’expression anglaise ‘household livelihood’, à savoir l’ensemble de potentiels, actifs (ressources à la fois matérielles et sociales) et activités nécessaires pour assurer l’existence (réserves, produits alimentaires et biens monétaires pour répondre aux besoins de base). 81 40 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Par rapport au capital physique : Créer et gérer les infrastructures sociales et économiques collectives en fonction d’une technologie appropriée (en mettant un accent plus explicite sur la résilience de ces infrastructures au changement climatique). Par rapport au capital économique : Identifier les pratiques techniques visant à mieux associer les activités d’agriculture et d’élevage (agro-pastoralisme), comme aussi soutenir des activités productives extra-agricoles dans les zones rurales permettant aux ménages pauvres et particulièrement vulnérables au changement climatique de produire un revenu adéquat. Aussi : améliorer les synergies entre l’économie rurale et l’économie urbaine, à partir de l’hypothèse que l’amélioration des échanges entre la zone rurale et les zones urbaines (surtout villes rurales moyennes) peut contribuer à réduire la vulnérabilité des ménages ruraux vis-à-vis des crises alimentaires, écologiques et climatiques. Par rapport au capital social : Consolider les énormes potentialités des réseaux de solidarité existants et les modèle d’entraide locaux, et affermir le rôle juridique des associations de la société civile et des organisations communautaires de base en matière de lutte contre les risques du changement climatique. 83 Par rapport au capital humain : Mettre en place des programmes de sensibilisation, information et formation adéquats au sujet du changement climatique – les politiques et les stratégies ne pourraient pas produire des résultats concrets, sans une prise de conscience préalable, au niveau des populations et des décideurs, de la réalité du changement climatique et de son impact sur les modes et moyens d’existence locaux. Par rapport au capital financier : Améliorer la fourniture de services financiers appropriés (microfinance) en faveur des ménages pauvres et particulièrement vulnérables aux crises climatiques (qui normalement resteraient coupés de toute approche conventionnelle). Dans la définition et la mise en œuvre de cette politique, le rôle des collectivités territoriales est crucial en vertu du principe de leur maîtrise d’ouvrage du développement local et de leurs avantages comparatifs. A cause même de leur nature (à la fois locale et régionale), les crises climatiques devraient permettre de mieux préciser la signification de cette maîtrise d’ouvrage, comme aussi les pouvoirs réglementaires que les collectivités exercent à l’intérieur de leurs juridictions et les mécanismes de concertation nécessaires entre collectivités, d’une part, et entre collectivités, organisations paysannes et services techniques, d’autre part. 5.2 INITIATIVES SPECIFIQUES Les axes stratégiques devraient être traduits par tout un ensemble d’initiatives spécifiques, une véritable ‘feuille de route’ politique, institutionnelle et financière, visant à intégrer le changement climatique dans le discours et les pratiques du développement local. Les recommandations suivantes s’adressent en 83 On rappelle que le capital social fait référence “aux institutions, relations et normes qui modèlent la qualité et la quantité des interactions sociales au sein d’une société. Il a été prouvé de plus en plus, que la cohésion sociale est essentielle à la prospérité économique des sociétés et à leur développement soutenable. Le capital social n’est pas seulement la somme des institutions qui sous-tendent une société— il est le ciment qui les unit ». (traduction non officielle). La notion de cohésion sociale (un synonyme parfois utilisé est celui de capital social) se rapporte aux valeurs communes et à la culture civique, la solidarité, le contrôle social, les réseaux sociaux et l’identité commune. (Voir : ww.worldbank.org/poverty/scapital). 41 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - priorité aux opérations actuellement en cours de la Banque mondiale (voir la représentation graphique de ces initiatives dans la Figure 8). I. MISE A JOUR DES CADRES POLITIQUES ET DES STRATEGIES OPERATIONNELLES : Processus de prise en compte et intégration (mainstreaming) du thème du ‘changement climatique’ dans les politiques et les pratiques de développement I.1 Intégrer la perspective du changement climatique dans la DRSP et le PNDL La Stratégie de Réduction de la Pauvreté (en tant que cadre de référence de toute la politique de développement social et économique du Sénégal), et le Programme National de Développement Local (en tant que pivot opérationnel auquel toutes les interventions en décentralisation se rattachent) devraient pouvoir intégrer le changement climatique (surtout par rapport aux initiatives appropriées destinées à affermir l’adaptation des populations vulnérables). Cela pourrait être rendu possible par l’intégration et l’approfondissement du concept clé de ‘gouvernance environnementale locale’.84 Pareillement, la réflexion concernant le changement climatique devrait exercer une influence déterminante sur l’ensemble des stratégies sectorielles et devrait faire partie d’un stratégie globale de protection sociale. Action : Concertations avec la Cellule de suivi du Programme de lutte contre la Pauvreté du MEF (pour le DRSP) et le Cabinet du Premier Ministre (pour le PNDL), comme aussi avec les responsables de départements techniques et les comités interministériels concernés. I.2 Intégrer la perspective du développement décentralisé dans le PANA Le PANA actuel ne constitue que le commencement d’un processus visant à influencer progressivement les politiques nationales par rapport au changement climatique. Cependant, dans son état actuel, le PANA n’est pas suffisamment relié au cadre politique général (réduction de la pauvreté et gouvernance décentralisée). Les liens entre le dispositif technique proposé par le PANA et le dispositif institutionnel, juridique et financier devraient être affermis et approfondis. Il serait aussi nécessaire de créer des synergies plus grandes entre les différentes approches sectorielles, par le biais d’un renforcement des institutions locales particulièrement susceptibles d’affermir les stratégies locales d’adaptation. Le modèle de planification et de programmation du PANA devra nécessairement s’aligner avec les plans de développement local gérés par les collectivités territoriales et les initiatives proposées devront être gérées d’après les modèles de gestion du développement local déjà en vigueur . Action : Appui au Ministère de l’Environnement et à ses unités spécialisées I.3 Approfondir la méthodologie concernant les études diagnostiques sur les risques (risk assessments), sur les vulnérabilités (vulnerability assessment) et les effets sociaux du changement climatique Les paramètres sociaux concernant l’impact du changement climatique au Sénégal sont connus surtout par le biais d’une réflexion sur les sécheresses, les famines et les problèmes écologiques. D’après les spécialistes, le changement climatique rendra encore plus probables les sécheresses et augmentera leur sévérité et leur impact sur les modes et moyens locaux d’existence. Des études diagnostiques préliminaires ont été conduites dans le cadre de la préparation du PANA. Ces études devraient être poursuivies et approfondies, en intégrant des dimensions 84 Le concept de gouvernance environnementale locale désigne la qualité et l’efficacité de la gestion de l’environnement exercée par les administrations locales, ainsi que sa transparence, son aptitude à rendre des comptes, et la façon générale dont pouvoir et autorité environnementaux sont exercés à l’échelon local. 42 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - socio-économiques, pour mieux identifier les dimensions de la vulnérabilité des ménages au changement climatique et les mesures d’adaptation locales. Ces études devraient aussi inclure, d’une manière systématique, les perceptions locales concernant les changements écologiques et climatiques dans une perspective historique, pour donner un poids plus grand aux expériences et aux points de vue locaux. Une cartographie des zones à risque climatique devrait compléter d’autres efforts cartographiques en cours (à l’instar de l’effort accompli par rapport aux ‘zones à risque alimentaire’ (ZAR) par le Commissariat à la sécurité alimentaire). L’état des lieux concernant la situation de référence devrait impliquer les principaux départements techniques (voir, par exemple, le travail du PAPEL en matière de l’état des lieux des infrastructures hydrauliques). Action : Concertation avec les institutions spécialisées (comme le CSE), la DAT (pour la cartographie), PAPEL (pour les infrastructures hydrauliques), la Direction de la Météorologie, les ARD et les cellules ‘suivi et études’ des principaux programmes actuellement en cours. II. CONSOLIDATION DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL POUR UNE BONNE GOUVERNANCE: Des mesures peuvent contribuer à la mise en œuvre des principes essentiels de la bonne gouvernance (transparence, participation et reddition des comptes) et d’espaces de concertation et réflexion sur le thème du changement climatique au niveau des collectivités locales. II.1 Accélérer le processus de mise en œuvre des liens horizontaux entre collectivités locales (entre organisations paysannes au sein d’une communauté rurale, et entre communautés rurales d’une même région) Cela pourrait favoriser, d’un point de vue juridique et institutionnel, la définition de mesures globales intercommunales et intercommunautaires de lutte contre les changements climatiques et la mise au point de mesures incitatrices financières appropriées. Action : PDLP avec structures d’accompagnement (principe de l’Entente intercommunale). II.2 Contribuer à la mise en œuvre de toutes les dispositions de la LOASP (la sécurisation foncière des producteurs étant un élément essentiel des stratégies d’adaptation des communautés et des ménages au changement climatique). Action : PDLP avec les structures d’accompagnement II.3 Définir les modalités d’un véritable système d’alerte précoce concernant les changements climatiques et mise en place d’un réseau de cellules d’alerte précoce sur les changements climatiques’ (au sein de chaque communauté rurale). Les systèmes d’alerte précoce existants opérant surtout dans le domaine des crises alimentaires ont montré leur efficacité, et constituent un bon exemple surtout par rapport à leur charpente institutionnelle. Les 14 structures régionales du PNDL/ARD pourraient constituer la charpente du système d’alerte climatique. A cet égard, le rôle des structures régionales de l’ANCAR et de leurs agents placés au niveau de nombreuses Communautés rurales, devrait aussi être précisé, dans la mesure où, d’un point de vue institutionnel et financier, l’ANCAR est appuyée par la Banque mondiale. Cela nécessitera le renforcement des capacités analytiques des principales institutions gouvernementales et des synergies avec des services spécialisés (comme la Direction de la Météorologie et le CSE). Un autre élément concerne les mécanismes permettant une remontée rapide des informations. Action : Concertations avec les ministères sectoriels concernées et avec les programmes/projets de développement, systèmes actuels d’alerte précoce, et avec le PNDL et l’ARD. 43 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - II.4 Consolider les dispositifs d’une bonne gouvernance environnementale locale Promouvoir la définition, l’introduction et l’institutionnalisation de dispositifs concernant la bonne gouvernance environnementale locale. Cela concernera l’appui à des pratiques, arrangements, contrats, mécanismes de planification participative, chartes interinstitutionnelles, mécanismes de recherche de consensus, procédures et processus de prise de décision, propres à assurer la prévention, la gestion et la résolution de tout genre de conflits liés à l’utilisation des ressources environnementales. Cela concernera aussi l’introduction de mécanismes de transparence et de reddition de comptes (tant horizontale que verticale, tant ascendante que descendante) et des procédures d’autoévaluation. Action concertée : Concertation avec toutes les parties prenantes locales III. RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS : Information, formation, réseaux d’alerte précoce, ‘menu’ d’initiatives appropriées (mesures d’adaptation) selon les zones agro-écologiques et les systèmes de production. III.1 Organiser des campagnes de sensibilisation des populations. Ces campagnes devraient porter sur les problèmes généraux liés au changement climatique et à ses effets sur les modes et moyens d’existence des ménages et des communautés rurales et urbaines. Action : Appui aux Comités interministériels et aux ARD et d’autres structures d’accompagnement des collectivités (y compris ANCAR).. III.2 Mettre en œuvre un programme d’information adéquate des acteurs nationaux, régionaux et locaux (élus et leaders communautaires, , y compris chefs coutumiers) sur le problème du changement climatique. Le concept du ‘changement climatique’ n’est as encore entré dans le discours politique local. Cette campagne d’information aurait par conséquent une importance cruciale, pour répondre aux besoins importants ressentis au niveau des acteurs en termes d’information sur les changements climatiques (origine, manifestations, conséquences, etc.). Ce volet pourrait susciter, entre autres, l’organisation d’ateliers ou séminaires permettant une meilleure collaboration entre spécialistes (climatologues, environnementalistes, météorologues, hydrologues, etc.) et décideurs nationaux et locaux. Action : Appui aux instances nationales, régionales et communales. Séances de sensibilisation organisées au niveau des Conférences Régionales d’Harmonisation (qui constituent des espaces de concertation relativement nouveaux entre acteurs locaux) et au niveau des Conseils d’Administration des collectivités (formés par les Présidents des Conseils régionaux, les Maires des Communes urbaines et les Présidents des Communautés rurales). III.3 Former des animateurs et des enquêteurs communautaires. Des animateurs communautaires seraient capables de gérer la mise en œuvre de pratiques communautaires appropriées pour combattre l’impact du changement climatique (par le biais, le plus souvent, de la méthode dite ‘Haute Intensité de la main d’œuvre’, HIMO). Les enquêteurs seraient à même de collecter les informations climatiques appropriées, opérant au sein de véritables ‘cellules d’alerte précoce sur les changements climatiques’ au sein de chaque collectivité communale (ou ensemble homogène de collectivités communales). Action : PDLP en appui aux structures régionales PNDL/ARD et aux autres structures d’accompagnement. 44 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - III.4 Améliorer les capacités des communautés locales en matière d’entretien et maintenance des infrastructures socio-économiques collectives Puisque certaines infrastructures sociales et économiques de zones particulièrement vulnérables au changement climatique peuvent nécessiter des formes d’entretien et de maintenance particulières, il serait opportun d’améliorer les capacités locales en cette matière. On pourrait penser, entre autres, aux infrastructures suivantes : forages et puits cimentés (équipement, abreuvoirs, voies d’accès à l’eau); marchés et abattoirs ; pompes éoliennes et solaires ; petits barrages, réservoir et retenues d’eau; bâtiments et clôtures d’écoles primaires; bâtiments et clôtures de postes de santé; etc. Action concertée au niveau de plusieurs ministères sectoriels en collaboration avec le programme/projets de développement actuellement en cours. IV. MISE A NIVEAU DU PROCESSUS DE PLANIFICATION : Intégration des niveaux de planification et responsabilisation des acteurs (en fonction du principe de la subsidiarité) IV.1 Améliorer les synergies entre différents acteurs institutionnels et différents niveaux institutionnels Cela concerne une meilleure mobilisation de toutes les instances nationales en charge de la planification du développement local au sujet de la lutte contre le changement climatique. Cela ne pourra avoir lieu que grâce à une campagne adéquate de sensibilisation des populations et de formation des cadres et des ‘décideurs’. Action concertée avec tous les ministères techniques concernés. IV. 2 Intégrer la dimension climatique dans les plans de développement communaux Grâce encore à une campagne adéquate de sensibilisation des populations et de formation des responsables des collectivités territoriales, il sera nécessaire de mieux intégrer dans les plans de développement communaux le changement climatique et son impact sur les modes et les moyens d’existence locaux (avec l’identification de différentes stratégies d’adaptation). Cela nécessitera une méthode de planification intégrée et efficace qui inclut les dimensions publiques et privées. Action : Appui aux Collectivités territoriales avec les services techniques concernés et les structures régionales et provinciales d’accompagnement. IV.3 Etablir un ‘menu’ d’initiatives à court terme permettant de mitiger l’impact négatif du changement climatique (actions spécifiques de lutte contre le changement climatique pour les plans d’investissements communaux) Au niveau de zones agro-écologiques homogènes - avec leurs propres caractéristiques climatiques et leurs propres systèmes ou sous-systèmes de production - il faudrait définir un ensemble de mesures permettant de réduire l’impact socio-économique des changements climatiques (en poursuivant ainsi le travail déjà initié dans le cadre de la préparation du PANA). Ces mesures de lutte contre le changement climatique devraient faire partie de la lutte contre la pauvreté et devraient par conséquent éviter de creuser davantage les inégalités sociales (entre groupes et/ou entre zones géographiques). Dans cette optique, il faudra aussi mieux intégrer les connaissances et les meilleurs pratiques environnementales locales dans la formulation de stratégies d’adaptation. 45 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Action : Appui aux ministères sectoriels en collaboration avec les structures régionales et provinciales d’accompagnement et les programmes/projets intervenant actuellement en matière de gestion durable des terres. Encadré 8 : Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques 85 Du 27 au 30 avril 2009 s’est tenu à Ouagadougou, au Burkina Faso, un Atelier international sur l’adaptation de l’agriculture ouest africaine aux changements climatiques. Cet atelier a regroupé plus de 70 experts et décideurs pour discuter et formuler des recommandations par rapport aux options d’adaptation au changement climatique dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, 86 des forêts et de la pêche en Afrique de l’Ouest. L’atelier a identifié plusieurs recommandations destinées à minimiser la vulnérabilité à court et à long termes de la région ouest africaine par rapport au changement climatique. Parmi ces recommandations, les suivantes revêtent une importance particulière: Intégrer dans les programmes nationaux et régionaux de développement les stratégies d’adaptation et de mitigation des changements climatiques ; Mettre en exergue dans les politiques de développement national le rôle primordial des services et produits météorologiques et climatiques dans la recherche des solutions d’adaptation aux changements climatiques de l’agriculture ouest africaine; Améliorer la gestion des ressources en eau et centrer principalement celle-ci sur le renforcement de la sécurité alimentaire de la région ; Mettre en place une base de données globale et orientée vers l’action, la documenter et diffuser les informations auprès des petits producteurs relativement aux options d’adaptation concernant les différents systèmes d’agriculture et moyens de subsistance et zones agro écologiques y compris les mesures et politiques ; Mobiliser les ressources nécessaires pour renforcer la recherche sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture dans les différentes zones agro écologiques d’Afrique de l’Ouest comme preuve empirique dans la mesure où les résultats de la recherche dans ce domaine restent largement insuffisants ; Faciliter un meilleur accès au crédit et aux intrants agricoles pour intensifier les systèmes de production intégrée comme agriculture-élevage et aquaculture-agriculture, à travers une gestion améliorée des ressources naturelles et l’utilisation de variétés et races d’animaux adaptées ; Initier et renforcer la coopération entre les institutions universitaires et de recherche, les organisations internationales et régionales, et les ONG pour offrir des opportunités en matière de renforcement institutionnel, de développement des ressources humaines et de renforcement des capacités pour faire face aux impacts du changement climatique. 85 Voir :http://www.wmo.int/pages/prog/wcp/agm/meetings/iwacc08/documents/Ouagadougou_declaration_fr.pdf. Cet Atelier avait été organisé conjointement par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Agence Météorologique de l’Etat espagnol (AEMET), la Banque Africaine de Développement (BAD), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Institut International de Recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), et l’Institut International de Recherche sur l’Elevage (ILRI) et la Direction Générale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Gouvernement du Burkina Faso. 86 46 Figure 9 : Représentation des initiatives recommandées concernant l’appui à l’adaptation au changement climatique (CC) POLITIQUES & STRATEGIES Intégration perspective changement climatique dans DRSP et PNDL Méthodologie diagnostic risques et vulnérabilités DISPOSITIF INSTITUTIONNEL Meilleurs liens horizontaux entre communes Mise en œuvre de la LOASP dans le cadre de la décentralisation Définition d’un système alerte précoce de crises liées au CC Consolider la bonne gouvernance environnementale locale DISPOSITIF FINANCIER RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS INSTITUTIONNELS Ligne ‘Appui adaptation au CC au sein du PDLP Appui à la création d’un dispositif financier contre CC Micro-finance ciblant ménages vulnérables au CC Campagnes de sensibilisation de la population sur le CC Programmes d’information pour décideurs, élus et leaders communautaires Formation animateurs et enquêteurs communautaires sur le CC Amélioration des capacités locales en maintenance des infrastructures collectives (affectées par le CC) PLANIFICATION ET PROGRAMMATION MESURES D’ADAPTATION AU CC Améliorer les synergies entre différentes institutions et différents niveaux institutionnels Intégrer le thème du CC dans les plans de développement communaux Définir procédures et modèles d’opérations contre le CC au niveau intercommunal Etablir un menu d’initiatives pour plans d’investissements communaux et intercommunaux Responsabiliser les institutions communautaires par rapport à la planification et la mise en œuvre de mesures d’adaptation au CC - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - IV.4 Envisager la planification/mise en œuvre d’actions intercommunales de lutte contre le changement climatique. Mettre en œuvre le principe de l’Entente intercommunale, pour lancer des initiatives de plus grande envergure de lutte contre les effets du changement climatique au niveau de plusieurs collectivités partageant les mêmes contraintes agro-climatiques. Action : Appui aux structures régionales et provinciales d’accompagnement et les programmes/projets intervenant actuellement en matière de gestion durable des terres. IV.5 Davantage responsabiliser les organisations communautaires de base Définir des mécanismes efficaces permettant aux organisations paysannes et aux institutions communautaires de mieux participer au diagnostic du changement climatique au niveau local et d’apporter leur savoir-faire et leur connaissance environnementale dans la définition des mesures d’adaptation appropriées. Action : Appui aux structures régionales et rurales d’accompagnement (ARD, ANCAR) et les programmes/projets intervenant actuellement en matière de gestion durable des terres. V. CONSOLIDATION ET ELARGISSEMENT DU DISPOSITIF FINANCIER : Instruments financiers V.1 A court terme, créer au niveau du PDLP une ligne budgétaire ‘Investissements CC ‘ Au sein du PDLP, une nouvelle ligne budgétaire d’investissement expérimentale (‘investissements Changement Climatique), par le biais d’un ‘Fonds d’investissement local’, pourrait permettre aux communautés rurales communales de planifier et programmer des investissements destinés explicitement à réduire l’impact néfaste du changement climatique sur les groupes de producteurs, particulièrement les groupes les plus vulnérables (il s’agirait d’investissements additionnels par rapport à ceux déjà prévus, mais qui seraient également inscrits dans les plans annuels d’investissements communaux). Action : PDLP V.2 A long terme, appuyer l’établissement d’ un fonds national (block grant) permettant de financer rapidement des actions d’adaptation communautaire au changement climatique Etudier avec les responsables gouvernementaux et les partenaires financiers qui soutiennent le Fonds la possibilité de créer un instrument financier spécialisé distinct permettant aux collectivités territoriales d’opérer des investissements dans le domaine de la lutte contre les effets sociaux du changement climatique. Il faudrait introduite dans ce dispositif des notions de péréquation et d’équilibre, pour mieux tenir compte des différences des collectivités vis-à-vis des risques climatiques. Action : PDLP avec principaux projets de développement local. V.3 Assister le Gouvernement à renforcer le système de micro-finance en faveur des ménages pauvres et vulnérables. Cela permettrait d’aider ces ménages à adopter des stratégies d’adaptation contre le changement climatique. Action : Concertation avec des institutions spécialisées dans la micro-finance, avec la collaboration des programmes/projets de développement actuellement en cours. 48 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Encadré 10 : Eléments concernant la mise en œuvre des initiatives Le cycle de planification et de mise en œuvre des initiatives d’adaptation aux risques climatiques devrait fonctionne selon un processus graduel et séquentiel qui respecte les principes essentiels du développement local : i) Conduite d’études référentielles sur les modèles de pauvreté/vulnérabilités aux crises, déterminants de la pauvreté, hétérogénéité des pauvres, comme aussi savoir-faire environnementale et stratégies d’adaptation traditionnelles. ii) Montage institutionnel des initiatives envisagées (rôle des différents acteurs, principes concernant le partage des responsabilités, cadre des normes de conduite ou ‘règles de jeu’ permettant au acteurs d’agir individuellement et collectivement). iii) Etablissement des mécanismes financiers appropriés (au niveau central et local), en insistant sur la coordination et la cohérence ; iv) Mise en place d’un système d’appui/conseil efficace capable de fournir aux collectivités territoriales l’assistance technique dont elles ont besoin ; v) Définition et mise en œuvre d’un système cohérent de suivi et d’évaluation (pour assurer la réalisation des résultats attendus et évaluer l’impact général des initiatives sur la réduction de la vulnérabilité climatique). 5.3 VUE D’ENSEMBLE La ‘feuille de route’ présentée ci-dessus identifie les cinq composantes essentielles de toute politiques visant à affermir l’adaptation au changement climatique : L’affermissement de l’architecture institutionnelle appropriée, La clarification de dispositions institutionnelles cohérentes permettant des actions collectives à partir du principe de la subsidiarité; Le renforcement des dynamiques que les acteurs institutionnels sont capables de générer (surtout par rapport à la libération des énergies des groupes vulnérables). L’élargissement du dispositif financier permettant des investissements appropriés, La mise en œuvre, la gestion et le suivi d’un ensemble varié et coordonnée d’initiatives 6. CONCLUSION Ce rapport a identifié les principaux acteurs institutionnels du développement local au Sénégal. Il a analysé les différents cadres de politique de développement local, voire les principaux axes stratégiques (surtout par rapport à la gouvernance décentralisée et à lutte contre la pauvreté) et identifié les 49 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - principaux aspects de la vulnérabilité des ménages et des communautés face aux crises de toute nature et les principales stratégies mise en œuvre pour augmenter la sécurité. Il a enfin présenté les principales leçons qu’on peut tirer de la mise en œuvre de ces politiques et formulé, à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Sénégal, un certain nombre de recommandations axées sur le rôle potentiel des institutions par rapport au changement climatique, élément nouveau du paradigme du développement local. L’un des concepts essentiels est celui de ‘gouvernance locale’, qui est une manière de connecter le plan local aux processus nationaux de gouvernement et de gouvernance. En tant que tel, le concept implique non seulement le ‘transfert vertical’ de responsabilités et de ressources du gouvernement central aux collectivités territoriales et aux communautés locales, mais aussi, et surtout, le développement de ‘réseaux horizontaux ‘ entre ces collectivités et les acteurs non étatiques. Dans cette perspective, au-delà des résultats issus de la partie analytique, ce rapport met l’accent sur un certain nombre d’éléments généraux, qu’il sera bien de rappeler de manière synthétique. L’existence d’un cadre de politique de développement local et de lutte contre la pauvreté Le Sénégal dispose de politiques de développement local et de réduction de la pauvreté claires et détaillées. De plus, il s’est donné une architecture institutionnelle décentralisée, qui est à la fois un projet de société et un moyen pour réduire la pauvreté d’une large frange de sa population. Ces politiques et ce cadre institutionnel apparaissent aussi susceptibles de permettre un effort collectif visant à renforcer et soutenir les principales stratégies dont les communautés et les ménages sénégalais disposent pour réduire l’impact crises liées au changement climatique. Toute initiative visant à réduire l’impact du changement climatique sur les modes et les moyens d’existence des populations sénégalaises devra nécessairement s’inscrire à l’intérieur de la vision de développement local existante et s’appuyer sur l’architecture institutionnelle décentralisée déjà en place. A condition que les lois soient rapidement suivies par des dispositions d’application, ce cadre politique peut permettre l’identification de mesures permettant aux populations locales de s’adapter aux crises climatiques. Cependant, il ne devrait pas être conçu comme une alternative à des mesures de réduction des concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ainsi, l’adaptation ne constituerait que l’une des dimensions d’une solution globale, qui est du ressort des politiques énergétiques du Gouvernement et de la communauté internationale. La vulnérabilité des communautés et des ménages sénégalais aux crises climatiques est un problème local, qui exige une approche locale, gérée par les institutions locales. Cependant, les solutions ne peuvent pas être uniquement locales, mais doivent être le résultat d’un processus de concertation qui s’établit entre plusieurs niveaux institutionnels (ou plusieurs ‘sphères de gouvernance’). Le Gouvernement a adopté une dynamique de gouvernance décentralisée, dans laquelle les collectivités locales détiennent la maîtrise d’ouvrage du développement local. Mais ces collectivités doivent être 50 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - considérées comme des institutions englobantes, ayant des avantages comparatifs évidents par rapport au développement social et économique local, en général, est par rapport à la lutte contre ‘impact du changement climatiques, en particulier. Une prise de conscience grandissante de la gravité du changement climatique Les effets du changement climatique sont déjà tangibles et réels, quoique différentes selon les zones agro-écologiques et les systèmes de production du pays. Cependant, le thème de ‘changement climatique’ ne semble pas encore exercer une influence directe ni sur le débat politique sénégalais ni sur les comportements des communautés. Ainsi, la réflexion au sujet des principaux paramètres écologiques, climatiques, météorologiques, sociaux et économiques du changement climatique est encore embryonnaire. Les décideurs sont encore peu sensibilisés par rapport à l’urgence du problème et à la virulence potentielle de ces facteurs climatiques sur les modes et les moyens d’existence. Une plus grande prise de conscience de la réalité et de la menace du changement climatique devrait conduire à intégrer des réponses et des mesures d’adaptation appropriées dans la politique de lutte contre la pauvreté et dans la stratégie de développement local, pour en garantir l’efficacité. Mais les cadres politiques et réglementaires existants démontrent une conscience élevée de la pauvreté du pays, des liens entre pauvreté et environnement, de la vulnérabilité des communautés et des ménages aux risques de nature économique, écologique et alimentaire et seront à même de favoriser une intégration du changement climatique dans les pratiques de développement local. Par ailleurs, les populations sénégalaises, comme la plupart des populations vivant dans des zones arides et semi-arides, ont depuis fort longtemps intégré la variabilité climatique dans leurs vies et sont, en quelque sorte, bien adaptées à un environnement extrêmement imprévisible. En effet, leurs modes et moyens d’existence et leurs institutions sociales tendent à être fondamentalement orientés vers l’adaptation climatique par le biais de stratégies flexibles visant, de manière préventive, à réduire la vulnérabilité. Un dispositif institutionnel opérationnel à tous les niveaux L’émergence des collectivités territoriales a eu un rôle direct sur un modèle décentralisé de la gestion des ressources naturelles, y compris par rapport à la protection de l’environnement. Cela constitue un atout institutionnel de taille dans la définition et la mise en œuvre de mesures de lutte contre le changement climatique au niveau local. A tous les niveaux (national, régional, communal et communautaire), de nombreux acteurs institutionnels gouvernementaux et non-gouvernementaux sont impliqués dans la mise en œuvre et la gestion du développement local. Souvent leurs interventions ne sont pas coordonnées et utilisent différentes approches, méthodologies et procédures. La nature même de crises climatiques exige la définition d’un dispositif de réponse rapide bâtie sur un système d’alerte des crises efficace et la mise en 51 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - œuvre d‘initiatives appropriées, à partir d’une méthodologie simple et de procédures rapides. Les décisions récentes concernant les dispositifs institutionnel et financier du développement local décentralisé peuvent cependant contribuer à harmoniser les approches et créer des synergies. On reconnaît aux responsables des collectivités locales une maîtrise d’ouvrage réelle en matière de développement local. Mais cette maîtrise signifie aussi qu’ils sont tenus d’impulser des formes horizontales de coopération avec les autres collectivités locales. Toute action efficace contre les effets du changement climatique nécessite impérativement l’ établissement au sein des collectivités de réseaux étendus de relations d’interdépendance et d’action collective impliquant les organisations communautaires, les services administratifs et techniques locaux, les chefs coutumiers et les associations de la société civile comme aussi les ONG. Les communautés sénégalaises disposent d’un capital social fort et varié. Le tissu associatif de la base est très dense. Cela constitue sans aucun doute un atout majeur pouvant contribuer à réduire la vulnérabilité des ménages et des communautés vis-à-vis des crises liées au changement climatique. Les problèmes qui surgissent du changement climatique sont complexes. Ils sont inextricablement liés à des causes multiples et différentes, comme la croissance démographique, la stagnation de la productivité agricole, l’insécurité foncière des producteurs, la dégradation de l’environnement ou le manque d’infrastructures rurales. Dès lors, la solution de ces problèmes nécessitera des approches englobant plusieurs domaines, pour tenir compte de facteurs biophysiques, politico-institutionnels, économiques, sociaux et démographiques. Par ailleurs, une politique qui souligne l’importance de mesures d’adaptation ne saurait pas être conçue comme une alternative à des mesures de réduction des concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. L’adaptation ne constitue que l’une des dimensions d’une solution globale, qui est du ressort des politique énergétiques du Gouvernement sénégalais et de la communauté internationale. 52 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - PRINCIPALES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Adjamagbo A. & Delaunay V. & Levi P. & Ndiaye O, (2006) ‘Comment les ménages d'une zone rurale du Sénégal o gèrent-ils leurs ressources?’ dans Etudes rurales 2006, n 177 Agrawal A. (2008) The Role of Local Institutions in Adaptation to Climate Change (Paper prepared for the Social Dimensions of Climate Change, Social Development Department, The World Bank, Washington DC) Agrawal A. & Kononen M. & Perrin N. 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University of Michigan (2009) Area Based Development and Climate Change in West Africa and Latin America (A report prepared for the ABDCC project by Babic N. & Bednarz A. & Brown S.& Leighton C.& Mahanti A.& Sintetos M.) 54 ANNEXES Annexe 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Sénégal Annexe 2 : Les politiques de développement local au Sénégal Annexe 3 : Les principaux programmes de la Banque mondiale au Sénégal Annexe 4 : Le plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (UNDAF) ANNEXE 1 : ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE DU DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL I. PRINCIPAUX ORGANES MINISTERIELS Directement ou indirectement, le développement local au Sénégal est pris en charge par un ensemble d’acteurs publics, au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe (voir le graphique 3). Au cours des dernières années, la décentralisation et les collectivités locales ont successivement été rattachées à de nombreux organes ministériels (voir la Figure 1). Le Ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales (MDCL) est le ministère le plus directement impliqué par rapport à la mise en œuvre de la décentralisation au Sénégal et le suivi des collectivités locales. A cet effet, parmi ses directions, les plus importantes sont les suivantes : (i) la Direction des Collectivités locales; (ii) la Direction de la Décentralisation; et (iii) la Direction de l’Appui au Développement local.87 Le ministère intervient aussi par le bais de deux agences rattachées, à savoir : l’Agence de Développement municipal et l’Agence de Développement local. Le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) est aussi impliqué dans le développement local par rapport aux finances des collectivités. Il intervient, en particulier, par le biais de sa Direction générale du Plan, qui comporte la Direction de la planification nationale et de la planification régionale et la Direction des Stratégies de Développement.88 Au sein du MEF, la Cellule de suivi du Programme de lutte contre la Pauvreté est en charge de la production et du suivi du document de stratégie de la réduction de la pauvreté (voir ci-dessous). L’Inspection de l’administration territoriale et locale (IATL) assure, au sein du MEF, le contrôle financier et budgétaire des collectivités. En fait, pendant de longues années, c’est le Ministère de l’Intérieur qui a effectivement eu la charge du suivi de la décentralisation, la Direction des Collectivités Locales (DCL) étant le bras opérationnel de la décentralisation. Aujourd’hui, au sein du Ministère de l’Intérieur, seulement la Direction des Affaires générales et de l’Administration territoriale est en quelque sorte liée au développement local. Le Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures intervient dans le développement local par rapport aux infrastructures, aux gros ouvrages (travaux publics), et en tenant compte des tendances démographiques du pays (pour la recherche d’un équilibre optimal entre les ressources et les populations). 87 88 Au sein de ce ministère, la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT) a des structures déconcentrées dans chacune des onze régional administratives du Sénégal (Service Régional d’Aménagement du Territoire, SRAT). Ses missions sont multiples, et elles concernent, entre autres : la définition de la politique d’aménagement du territoire, la mise en œuvre des décisions gouvernementales en matière d’aménagement du territoire, la coordination de la mise en œuvre des programmes régionaux, l’élaboration d’un Plan d’Aménagement du territoire (par Voir le site Internet du MDCL: http://www.gouv.sn/spip.php?article188 Voir le site Internet du MEF: http://www.gouv.sn/spip.php?article180 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - le biais notamment de Schémas régionaux), le contrôle de la cohérence des différents outils et instruments de planification au niveau national, régional et local, au Plan National d’Aménagement du Territoire ou le suivi de l’application des lois sur le Domaine National et la Réforme de l’Administration régionale et locale (y compris la délimitation des Collectivités locales, l’aménagement des terroirs, la hiérarchie des établissements humains, etc.). A noter que la DAT est en train de préparer une cartographie des zones à risque sur l’étendue du territoire national.89 II. MINISTERES SECTORIELS Parmi les ministères sectoriel qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut énumérer les suivants : Le Ministère de l’Agriculture, de la Pisciculture et des Biocarburants 90 Parmi ses dix directions, le ministère compte la Direction Régionale du Développement Rural (DRDR), avec ses structures déconcentrées au niveau de chacune des 14 régions. Les mandats de la DRDR concernent : (i) la définition des mesures de politique agricole adaptées aux conditions régionales et locales; (ii) le contrôle, le suivi et la coordination de la mise en œuvre des politiques et des activités retenues en vue de la réalisation des objectifs de développement agricole et rural de la région; (iii) l’appui technique aux producteurs et à leurs organisations ainsi qu’aux collectivités locales, dans l’élaboration et la mise en œuvre de programmes locaux et régionaux de développement agricole. A noter que, tout en étant responsable devant le Ministre de l’Agriculture, le Directeur Régional du Développement Rural est nommé par décret présidentiel. Le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des Lacs artificiels Au sein de ce ministère, le Centre de Suivi Ecologique (CSE) a pour mission la collecte, la saisie, le traitement, l'analyse et la diffusion des données et des informations sur le territoire, sur les ressources naturelles. Il utilise les technologies spatiales, en vue de l'amélioration de la gestion de ces ressources et de l'environnement. Le CSE conduit des études dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, y compris le suivi des changements à long terme du milieu et des études d’impacts. 91 Le Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Construction et de l’Hydraulique (surtout par le biais de la Direction de l’Hydraulique Rurale et la Direction de la Gestion et de la Planification des Ressources en Eau) Parmi ses projets, le Ministère de l’Elevage 92 gère le Projet d’Appui à l’Elevage (PAPEL), dont l’objectif est de contribuer de manière durable à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté au Sénégal. L’un des volets du PAPEL concerne la gestion durable des ressources 8989 Il faut souligner ici la spécificité de la notion d’aménagement du territoire dans la tradition francophone, qui n’a pas un équivalent dans la tradition anglo-saxonne (il faudrait la rendre par le biais d’un ensemble de concepts, tels que land use planning/ spatial planning / land use plan and development). 90 Voir le site Internet du ministère : http://www.agriculture.gouv.sn/ 91 Voir le site Internet du Centre : http://www.cse.sn/. 92 Voir le site : http://www.gouv.sn/spip.php?article198 57 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - naturelles, avec les objectifs spécifiques suivants : faciliter l'accès durable à l'eau potable, promouvoir la régénération des écosystèmes dégradés, mettre en place un système de surveillance et d'alerte précoce, être en mesure d'évaluer l'impact environnemental de l'action du projet, renforcer les capacités de la Direction de l'Elevage à suivre et coordonner l'exploitation des écosystèmes pastoraux. Plusieurs actions sont prévues, notamment : l'établissement de la situation écologique de référence, l'établissement de la situation de référence des infrastructures hydrauliques, la construction et la réhabilitation de nouvelles infrastructures hydrauliques et l'aménagement de l'espace et la gestion durable des ressources naturelles. 93 Au sein du Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la Microfinance et de la Petite enfance, la Direction du Développement Communautaire (créée en 1980 par le décret 80 – 799), est chargée, entre autres, d’appuyer les initiatives à la base en vue d’une participation effective des populations au processus de développement, de mettre en œuvre les actions d’animation pouvant permettre la mobilisation sociale, l’éducation, l’organisation, la sensibilisation, la formation et la participation des populations autour des politiques, programmes et projets nationaux et régionaux de développement, de veiller à la cohérence, à la coordination et à l’évaluation des activités des Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Organisations Communautaires de Base, d’apporter un appui assistance conseil aux organisations Communautaires de Base et de réaliser des études pouvant déboucher sur des orientations et actions opérationnelles en matière d’animation et de développement communautaire. III. INSTITUTIONS NATIONALES IMPLIQUEES DANS LE DEVELOPPEMENT LOCAL a) Entités étatiques issues des collectivités Le Sénégal est doté de nombreuses structures représentant les intérêts des collectivités locales. En effet, la Maison des élus locaux regroupe : l’Association des Maires du Sénégal (AMS), l’Association des présidents des conseils régionaux (APCR) et l’Association nationale des conseils ruraux (ANCR). Elle dispose aussi d’une cellule de liaison (Cellule d’appui aux élus locaux, CAEL). L’Union des Associations des Elus locaux (UAEL), créée en 2003, est une association apolitique, à but non lucratif, qui pour objectifs de lier les associations membres, favoriser le dialogue entre les associations membres, l’Etat et les partenaires au développement (ONG, secteur privé, acteurs internationaux de la coopération décentralisée, bailleurs de fonds), et contribuer à la promotion de la décentralisation, de la coopération décentralisée et du développement local. En principe, l’UAEL veille aussi à l’harmonisation des interventions des partenaires au développement. 93 Voir : http://www.papelsenegal.org/papel/ 58 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - b) D’autres entités étatiques D’autres entités étatiques interviennent en quelque sorte dans les politiques concernant le développement local. Parfois, leurs mandats respectifs se chevauchent. L’une des différences est leur ancrage institutionnelle, certaines de ces institutions étant rattachées directement à la Présidence de la République, d’autres à la Primature et d’autres, enfin, à des comités interministériels. Le Conseil national de développement des collectivités locales (CNDCL) est présidé par le chef de l’Etat et regroupe tous les ministères, les représentants des autorités locales et déconcentrées et la société civile ainsi que les élus des régions, des communes et des communautés rurales. La principale charge de ce Conseil est l’établissement de bilans concernant l’évolution des collectivités locales comme aussi l’état de la coopération décentralisée. Le CNDCL veille à l’application correcte des principes de la décentralisation et de la gouvernance locale. Le secrétariat du Conseil est assuré par le directeur des collectivités locales. Le Comité interministériel de l’administration territoriale est un organe de consultation sur l'organisation de l'administration territoriale qui gère les questions relatives à la déconcentration. Il est présidé par le Premier ministre. Le Comité interministériel sur l’aménagement du territoire est placé sous la présidence du Premier ministre. Il comprend les membres du gouvernement comme aussi, à titre purement consultatif, les présidents de conseil régional. Sur proposition du Ministre chargé de l'Aménagement du territoire, le Comité statue sur toutes les questions relatives à l’aménagement du territoire. La Commission nationale d'aménagement du territoire supervise les études relatives à l'élaboration et à la révision du Plan national d'aménagement du territoire. IV. ORGANISMES D’APPUI TECHNIQUE/FINANCIER AUX COLLECTIVITES LOCALES ET AUX PRODUCTEURS Ce sont des agences techniques qui ont été établies par la loi en vue de pallier à la faiblesse des capacités techniques et managériales des collectivités locales. Ces structures d’accompagnement technique des collectivités sont propres au Sénégal. L’Agence Régionale de Développement (ARD) est la plus importante de ces agences. Les branches de l’ARD ont été mises en place dans toutes les régions à partir de 1999 (et mises à jour en 2004), pour accompagner le processus d’autonomisation des collectivités locales. En fait, l’objectif principal des ARD a été de subvenir aux faibles capacités des collectivités locales en matière de ressources humaines. Les ARD sont ainsi des structures techniques d’accompagnement, assurant conseil et appui aux collectivités locales et assurant, par une sorte de délégation, la maîtrise d’ouvrage de toutes les opérations que les collectivités entreprennent à tous les niveaux. 59 Annexe 1, Figure 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Sénégal MINISTERE DE LA DECENTRALISATION ET DES COLLECTIVITES LOCALES (MDCL) MINISTERE DE L’ECONOMIE ET FINANCES Direction Affaires générales & l’Adminin. territoriale Direction des Collectivités locales MINISTERE DE L’INTERIEUR Direction de la Décentralisation Inspection de l’Adminin. territoriale et locale Direction de l’Appui au Développement Local MINISTERE FAMILLE & SECURITE ALIMENTAIRE MINISTERES SECTORIELS : Agriculture, Elevage, Environnement, etc. Direction du Développement Communautaire MINISTERE COOP INTERNAT & AMENAG TERRITOIRE Direction Régionale du Développement Rural Direction de l’Aménagement du Territoire Projet d’Appui à l’Elevage AGENCE REGIONAL DEVELOPPEMENT (ARD) Commis. rég, développement REGION Service Régional d’Aménagement Président Conseil régional CENTRE D’EXPANSION RURAL POLYVALENT (CERP) Commis. provinciale développ. COMMUNE Maire ANCAR ADM AGETIP Comité local développement du Territoire Organisations communautaires COMMUNAUTE RURALE Maire ONG - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Ensemble avec les Centres d’expansion rural polyvalents (CERP) qui opèrent au niveau des arrondissements (voir ci-dessous), les ARD constituent ainsi les instruments d’appui technique aux collectivités locales. Elles ont été instituées au Sénégal par la loi n° 96.06 portant code des collectivités locales (article 37). Ses organes, fonctions et ressources sont réglementés par décret n° 98-389 du mai 1998. L’ARD a pour missions, entre autres, d’assurer : (i) la coordination et l’harmonisation des plans et programmes d’action et d’investissement entre l’Etat et la région d’une part, et, à l’échelon régional, entre les différentes collectivités locales; (ii) la conduite des schémas d’aménagement du territoire, des plans environnementaux et sectoriels au niveau régional; (iii) l’élaboration et le suivi des conventions de mise à disposition des services extérieurs de l’Etat au profit des collectivités; et (iv) la conception et l’exécution de toutes études concernant le développement économique, social, éducatif et culturel. Au niveau régional, les Agences Régionales de Développement (ARD) coordonnent les activités du les activités du Programme. Les services de l’Etat déconcentrés au niveau de la région sont membres du comité technique de l’ARD et participent à son conseil d’administration à titre consultatif. Leurs compétences sont requises en appui aux activités de l’Agence dans le cadre des conventions types signées entre le représentant de l’Etat et le président de région. L'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR) a été créée par le Gouvernement du Sénégal en 1997 pour mettre en place un système de conseil agricole et rural sur toute l'étendue du territoire national. L'ANCAR, qui dispose de directions régionales, est une Société Anonyme à Participation Publique Minoritaire, avec une autonomie de gestion de type de droit privé. Avec ce statut, l'Etat a pu associer pleinement ses partenaires des organisations de producteurs. La création de l'ANCAR a été rendue nécessaire du fait des faibles progrès enregistrés dans l'agriculture sénégalaise, en dépit des importants efforts consentis par l'Etat pour le développement du secteur. L'ANCAR a été créée pour piloter le conseil agricole et rural sur toute l'étendue du territoire national, selon une nouvelle approche fondée sur la demande des producteurs et en partenariat avec les organisations paysannes et les principaux acteurs du développement rural (ONG, Projets, SRDR, etc.). L'approche veut, entre autres, contribuer à promouvoir le transfert de responsabilité aux organisations paysannes, aux Collectivités locales et au Secteur Privé; permettre et consolider la décentralisation; et garantir un partenariat entre l'Etat, les collectivités locales et les organisations paysannes. L’ANCAR intervient dans tous les secteurs (agriculture, foresterie, environnement et englobe plusieurs fonctions (appui conseil, transfert de technologie adaptée, sensibilisation, formation, information, intermédiation) et dans diverses activités (production, commercialisation, approvisionnement, crédit, transformation, artisanat, etc.) de la vie rurale. L’ANCAR intervient dans 144 communautés rurales, où 105 ‘conseillers agricoles et ruraux’ (CAR) assistent les organisations paysannes dans la formulation et la mise en œuvre des activités de développement agricole, dans le cadre de modalités contractuelles. L’Agence de développement municipal (ADM) une association sans but lucratif mise en place dans le cadre du Programme d’appui aux communes (PAC) financé par la Banque mondiale et l’Agence française de développement (AFD). L’ADM assure quatre fonctions au profit des communes : assistance, suivi de l’exécution des contrats de ville, responsabilisation des collectivités locales dans 61 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - la modalité de programmation et de financement des infrastructures et équipements urbains et renforcement des capacités institutionnelles. L’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (AGETIP), mise également en place dans le cadre d’un projet de la Banque mondiale, appuie la réalisation d’infrastructures communales et d’équipements marchands et socioculturels. A ces agences, s’ajoutent les structures mises en place par les nombreux projets travaillant dans le domaine du développement local (voir une liste des principaux projets). V. INSTITUTIONS LOCALES Les deux piliers de l’architecture institutionnelle territoriale sénégalaise sont les structures de la déconcentration (circonscriptions administratives) et les structures de la décentralisation (ou ‘collectivités locales’) (voir la Figure 4). V.1 LES STRUCTURES DE LA DECONCENTRATION : Région, Département et Arrondissement Les structures de la déconcentration constituent le cadre de représentation de l’État. Elles assurent la coordination des activités des différents services. Ces structures s’étalent sur trois niveaux: la région, le département et l’arrondissement (à cela s’ajoute le village, dont ‘le chef’ est nommé par l’État). La Région est gérée par le Gouverneur, fonctionnaire nommé par le gouvernement central. En tant que circonscription administrative, la Région exerce des missions de coordination par l’entremise de la Commission régionale de développement (CRD), une instance qui réunit les différentes collectivités de la région, les services déconcentrés de l’État au niveau régional, la société civile et toute autre structure. Le gouverneur assure la tutelle des services régionaux déconcentrés: urbanisme, aménagement du territoire, domaines, action sociale, planification. Par rapport à la collectivité régionale, le Gouverneur exerce un contrôle de légalité sur les délibérations du conseil régional (budget, convention de coopération, marchés) et aussi un pouvoir d’approbation sur les attributions de terrains dépendant des communes et communautés rurales. Le Département est présidé par le Préfet, fonctionnaire nommé par le gouvernement central, qui supervise la coordination des activités départementales à travers le Comité départemental de développement (CDD) qui regroupe les communes, les services étatiques déconcentrés et les associations de la société civile. L’Arrondissement est présidé aussi par un Sous-Préfet, nommé par le gouvernement central. Le Comité local de développement (CLD) est l’organe de coordination institué par la loi au niveau de l’arrondissement, pour regrouper les communautés rurales et la société civile, ainsi que le Centre d’expansion rurale polyvalent (CERP), unique service de l’État implanté dans l’arrondissement. Ainsi, l’ensemble du territoire national est divisé en 14 régions, chacune étant dirigée par un gouverneur, représentant de l’État, nommé par le gouvernement central. Chaque région est subdivisée en 3 départements - à l’exception de Dakar qui en compte 4 – pour un total de 34 départements. Chaque département est subdivisé en un nombre variable d’arrondissements. En total, il y a 103 62 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - arrondissements au Sénégal. Chaque gouverneur, préfet et sous-préfet représente le Président de la République et l’ensemble des ministres au niveau de sa circonscription. Ils sont également garants de la sécurité publique et de la protection des biens. Chacun d’eau est comme la voix autorisée du pouvoir central et des acteurs incontournables dans l’espace local, assurant le rôle de coordonnateur des actions gouvernementales entre le niveau local et le niveau central. 94 V.2 LES STRUCTURES DE LA DECENTRALISATION : Région, Commune et Communauté rurale La Région est une collectivités locale placée sous le Président du Conseil régional (élu). Depuis 2008, il y a un total de 14 Régions. Le conseil régional, organe délibérant, constitué de 52 à 62 membres élus, suivant la taille démographique de la région. Le président de région est assisté d’un bureau composé de deux vices présidents, deux secrétaires élus, et d’un secrétaire général qu’il nomme parmi les agents de la fonction publique, après avis du gouverneur, représentant de l’Etat. Le président de région est élu parmi les conseillers régionaux, pour la même durée (cinq ans). Il représente l’exécutif, prépare et exécute les délibérations du conseil régional. Il est administrateur des crédits et ordonnateur du budget de la région. Le conseil régional forme de droit quatre commissions : (i) commission des finances, des affaires économiques et juridiques, (ii) commission de l’éducation, de la santé, des affaires sociales, de la culture, de la jeunesse et des sports (iii) commission du plan et du développement économique et (iv) commission de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. La Commune (ou : Commune urbaine et Commune d’arrondissement) est administrée par un maire élu, assisté d'un Conseil municipal également élu. Au Sénégal, il y a un total de 67 Communes urbaines et 43 Communes d’arrondissement (le découpage en ‘communes d’arrondissement’ permet le fractionnement des grandes communes urbaines). La commune est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière, constituée par un ensemble de quartiers qui forment son territoire. Le maire est assisté d’un bureau comprenant des adjoints ayant chacun une attribution particulière et dont la taille est fonction de la population communale (18 adjoints maximum), ainsi que d’un secrétaire municipal recruté parmi les agents de la fonction publique, après avis du préfet, représentant de l’Etat. La Communauté rurale (ou Commune rurale) est aussi dirigée par un maire élu et des conseillers élus. Lors des dernières élections locales (mars 2009) le Sénégal comptait 370 communautés rurales.95 La communauté rurale est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière. Elle est constituée par un certain nombre de villages, unis par une solidarité résultant du voisinage. Les organes de la Communauté rurale sont le conseil rural (instance de délibération) et le président du conseil rural (PCR), organe exécutif de la Communauté rurale. Le Président est assisté de deux adjoints choisis au sein du conseil rural et d’un secrétaire communautaire. Le code des collectivités locales exige qu’une commune sénégalaise dispose d’au moins 10.000 habitants. La population moyenne d’une commune est de 70.000 habitants. Au Sénégal, 61 communes se partagent une population urbaine estimée à 4.270.000 hab.96 94 D. Diop, 2006. Pour la majorité des communes du Sénégal, la population est inférieure à 20 000 habitants. La ville de Dakar compte 19 communes d’arrondissement. 96 A titre de comparaison, le Burkina prescrit in minimum de 10,000 habitants et dispose de 64 communes pour une population urbaine de 2.240. 000 habitants, soit une taille communale moyenne de 35.000 habitants. 95 63 Annexe 1, Figure 2 : Structures de la décentralisation et de la déconcentration au Sénégal DECONCENTRATION DECENTRALISATION Circonscriptions administratives Collectivités territoriales REGION REGION 14 Gouverneur (nommé) Commission régionale développement DEPARTEMENT Président Conseil Régional (élu) Conseil régional (élus) 45 67 Communes urbaines 43 Communes arrondissement Préfet (nommé) Comité départementale développement ARRONDISSEMENT 103 Chef de village Maire (élu) Conseil municipal (élus) COMMUNAUTE RURALE (= Commune rurale) Maire (élu) Conseil rural (élus) Sous-préfet (nommé) Comité local de développement VILLAGE 370 COMMUNE Environ 13.000 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Les dernières élections municipales ont eu lieu le 22 mars 2009, en même temps que les élections rurales et régionales. Le mandat des élus est de cinq ans. Les collectivités ne font pas partie d’un cadre hiérarchique : en d’autres mots, aucune collectivité ne peut exercer une quelconque tutelle sur une autre et toute les collectivités jouissent d’une autonomie propre. Les collectivités peuvent toutefois entreprendre des actions conjointes sur des compétences conjointes ou des programmes spécifiques. En effet, l’intercommunalité (au niveau surtout de la Communauté urbaine et de l’Entente intercommunale) est reconnue par la loi sénégalaise, dans la limite des compétences dévolues aux collectivités. Toute les collectivités peuvent former des commissions spécialisées dans des domaines variés. VI. LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES Au Sénégal, il y a toute une gamme d’institutions ou organisations communautaires à la base (OCB), qui interviennent d’une manière plus ou moins efficace et active, dans le développement local. La dynamique associative est une réalité palpable dans la majorité des villages et des villes au Sénégal. Ces associations villageoises ont pris racine lorsque des défis sociaux et physiques se sont posés aux sociétés locales et se sont constituées face à la carence de l’Etat et à l’augmentation de la demande sociale. 97 Historiquement, ce sont aussi les politiques d’ajustement structurel et de libéralisation mises en œuvre de façon brutale à partir des années 1980 qui semblent avoir accéléré le développement et le regroupement des organisations de producteurs de façon à prendre en charge des fonctions abandonnées par l’Etat mais aussi pour négocier les politiques publiques les concernant.98 D’une manière générale, les Organisations non gouvernementales (ONG) peuvent aussi être considérées comme des éléments importants de l’architecture institutionnelle concernant le développement local.99 Mais leur rôle est plus complexe, dans la mesure où elles sont à la fois prestataires de services pour les programmes de développement, partenaires financiers des projets, fournisseurs de services techniques ou, d’une manière générale, partenaires des collectivités locales. Parmi elles, l’Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base (ASPRODEB) est une ONG née de la volonté réciproque du Gouvernement du Sénégal, des Organisations Paysannes et des élus locaux. Créée en février 1995, elle a le but de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des familles et des populations agricoles par des activités qui participent à la réalisation des objectifs nationaux de développement rural et urbain et s’inscrivant dans le cadre d’un développement durable. En agissant d’une manière tout à fait novatrice comme une courroie de transmission entre les organisations paysannes et les partenaires techniques et financiers, l’Association a pour vocation principale d’assurer le financement d’activités de production, d’activités de renforcement institutionnel et de toute activité qui concoure au développement rural initié par les organisations paysannes. L’ASPRODEB est un outil qui fournit aux organisations paysannes les services de renforcement de capacités, de gestion financière et de conseil.100 97 D. Diop (2006). Voir contribution de J. Faye sur la discussion initiée par la Banque mondiale sur institutions et changement climatique : http://wwwesd.worldbank.org/ricc/List/postdisp.cfm?PostID=672 99 Les ONG sénégalaises inscrivent leurs actions dans un cadre légal défini par l'Etat avec le décret 96-103 fixant les modalités d’intervention des ONG. Pour une liste assez complète des ONG sénégalaises ou opérant au Sénégal, voir : http://senegalphonebook.com/gouvernement/ organisation-nongouvernementale-ong/ 100 Voir : http://www.asprodeb.org/ 98 65 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - La Fédération des ONG sénégalaises (FONGS) est l’émanation d’environ 3.000 groupements villageois et touche plus de 2 millions de personnes dont 65 % de femmes. Créée en 1976 sur l’initiative de leaders d’associations paysannes, elle a été reconnue officiellement le 12 octobre 1978 comme une organisation à vocation socio-économique sans but lucratif. Il s’agit d’une véritable mouvement paysan autonome qui compte aujourd’hui plus de 150 000 membres actifs regroupés dans 32 associations paysannes de dimensions variées réparties sur l’ensemble des 11 régions du Sénégal, qui vise à réhabiliter le statut et l’identité du paysan par le biais de la responsabilisation et de l’autonomie dans la solidarité.101 Enfin, au niveau sous-régional, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) regroupe des organisations ou ‘cadres de concertation’ d su Sénégal et d’une dizaine d pays d’Afrique de l’Ouest. 102 Les ONG qui interviennent dans le secteur de la pêche au Sénégal ne sont pas nombreuses comparativement aux autres secteurs d’activités. Il est difficile de faire une typologie des ONG intervenant dans le secteur de la pêche. Cependant on peut distinguer trois catégories d’ONG : (i) les ONG intervenant dans la préservation et/ou l’aménagement des ressources halieutiques ; (ii) les ONG intervenant dans la formation/sensibilisation des acteurs de la pêche et toutes les autres formes de communication ; (iii) les ONG intervenant dans le financement du secteur, notamment la microfinance. Mais, une ONG peu aussi évoluer dans plusieurs catégories à la fois.103 On estime à 200 à 300 le nombre d’ONG intervenant au Sénégal dans le développement local. La plupart d’elles font partie du Conseil des ONG d’Appui au Développement (CONGAD), un consortium de 166 ONG nationales, étrangères et internationales, qui est le principal interlocuteur du Gouvernement et des partenaires au développement au sein de la société civile sénégalaise. Le CONGAD est une structure de simple concertation et échange, qui vise à promouvoir la solidarité inter-ONG dans l’appui aux communautés de base, de défendre les intérêts des ONG et de les mobiliser autour des préoccupations et besoins des ONG et de manière plus large, de la Société Civile.104 Les programmes d'investissement des ONG agréés par l'Etat sont évalués par la Direction du Développement communautaire (du Ministère de la Famille, voir ci-dessus). 101 Voir le site internet de la FONGS : http://www.fongs.sn/ Voir : http://www.roppa.info/ P.G. Ndiaye, 2004. 104 Voir : http://www.congad.sn/ 102 103 66 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - ANNEXE 2 : LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL I. LE CADRE POLITIQUE GENERAL I.1 LA POLITIQUE DE DECENTRALISATION En Afrique de l’Ouest, le Sénégal est le pays qui a la plus longue expérience en matière de communalisation. L’expérience de décentralisation administrative et territoriale remonte à la création des communes de Saint-Louis et de Gorée en 1872 et celle des communes de Rufisque et de Dakar en 1880 et 1887. Plusieurs réformes ont été mises en œuvre par l’Etat, en vue de consolider la décentralisation. Depuis la fin de l’époque coloniale, on distingue trois grandes étapes de mise en œuvre de la décentralisation: 105 La phase institutionnelle de la réforme de 1960 à 1990 : La réforme concerne particulièrement le régime municipal, avec la distinction de la commune à statut spécial et la commune de droit commun.106 Au cours de cette période, l’innovation majeure dans la politique sénégalaise de décentralisation administrative réside dans la création en 1972 des collectivités locales en milieu rural. Ainsi, avec la réforme de l’administration territoriale et locale instituée par la loi 72-25 du 19 Avril 1972, 320 communautés rurales ont progressivement vu le jour (les fonctions d’administrateur de crédits, et d’ordonnateurs du budget communautaire sont cependant confiées au Sous-Préfet) La phase d’approfondissement de la décentralisation de 1990 à 1996 : La loi n° 90-35 du 8 Octobre 1990 supprime le statut de commune spécial et toutes les communes sont désormais administrées par un maire élu et non plus par un fonctionnaire nommé par les pouvoirs publics. Dans la même mouvance, la loi n° 90-37 du 8 octobre 1990 modifiant la loi n°72-25 du 19 Avril 1972 transfère la gestion des Communautés Rurales du Sous-préfet au Président du Conseil Rural qui devient, à l’instar du maire, ordonnateur du budget communautaire. En 1992, un projet de loi érige la Région (qui était simplement une circonscription administrative) en collectivité territoriale décentralisée dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. La phase d’expérimentation de la réforme de 1996 à nos jours : La régionalisation constitue une dominante au cours de cette période. Elle repose sur un certain nombre de principes concernant le statut unique pour toutes les Régions : équilibre entre la décentralisation et la déconcentration; meilleure répartition des centres de décision dans le cadre des ressources disponibles; contrôle a posteriori de la part des instances étatiques, etc. La loi de 1966 est suivi par la Lettre de politique de développement rural décentralisé et par le Plan d’action de la Décentralisation 2003–2005. L’ensemble des principes juridiques aident à clarifier les rapports entre les trois ordres de collectivités locales fondés sur l’égalité tout en tenant compte de la spécificité de chacune d’elle. Les partenaires techniques et financiers (PTF) ont fortement appuyé le gouvernement du Sénégal dans la mise en œuvre de cette politique (d’où l’émergence d’un très grand nombre d’expériences sur le terrain). Par la suite, à l’initiative de la Banque mondiale, le Gouvernement a lancé le Programme 105 Pour toute cette section: http://www.cooperationdecentralisee.sn/spip.php?article82 En 1966, l’Assemblée Nationale adopte le Code de l’Administration Communale, complété par plusieurs textes réglementaires dont le décret n° 66-510 du 4 juillet 1966 fixant le régime financier des collectivités locales ; en 1972, fut votée la loi n° 72 - 25 du 19.4.1972, relative aux communautés rurales. 106 67 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - national de développement local (PNDL) véritable pivot opérationnel auquel toutes les interventions en décentralisation doivent en principe se rattacher (voir ci-dessous). Depuis la promulgation le 22 mars 1996 de la loi portant Code des Collectivités Locales et d’une série de textes subséquents, la décentralisation a atteint de nouvelles dimensions. Elle repose sur les principes essentiels de la gouvernance décentralisée, comme de la libre administration des collectivités locales par des assemblées élues, une gestion locale démocratique, la suppression du contrôle d’opportunité des collectivités locales de la part des représentants de l’Etat, le contrôle de légalité et le caractère exécutoire des actes des collectivités locales. Le lien ombilical entre collectivités locales et l’Etat est maintenu par la technique de transfert de compétences suivant les responsabilités partagées. Par le biais du financement, l’Etat a transféré des impôts aux collectivités locales, mais il a mis en place un dispositif financier pour les collectivités locales. Dans tout le processus, la stratégie consiste à renforcer les compétences des collectivités locales, sans cependant jamais rompre le lien entre les collectivités locales et l’Etat. Par rapport au dispositif financier, la création d’instruments financiers a permis un transfert de fonds substantiel et régulier de l’Etat et des partenaires au développement aux collectivités locales, pour leur permettre de fonctionner et d’opérer des investissements. Le Fonds de Dotation de la Décentralisation (FDD), institué en 1996, est destiné à compenser les charges de fonctionnement découlant du transfert des compétences aux collectivités initialement exercées par l’Etat. Sa répartition est faite par décret sur la base de deux critères : (i) un critère de compensation et (ii) un critère relatif à l’appui aux services déconcentrés de l’Etat pour leur permettre de faire face correctement aux sollicitations des collectivités locales Le Fonds d’équipement des collectivités locales (FECL), institué en 1977, est alimenté par les recettes générales de l’Etat. Il a pour mission d’accorder des fonds de concours ordinaires ou spéciaux à l’ensemble des collectivités locales pour la réalisation de leurs investissements. L’Etat distrait sur une partie de ce fonds une contrepartie versée à des projets de réalisation d’infrastructures mis en place avec l’appui des partenaires au développement. Le FECL est réparti sur la base des critères suivants : pour les régions, il s’agit d’un montant forfaitaire réparti suivant la démographie et la superficie ; et pour les communes et communes d’arrondissement, la répartition se fait en fonction des performances en matière de gestion administrative et financière. Avec l’aide des partenaires techniques et financiers, l’Etat du Sénégal a aussi mis en œuvre, entre 1996 et 2006, plusieurs projets et programmes d’appui à la décentralisation, comme les programmes financés par l’Union Européenne, à savoir : le, Programme de Soutien aux Initiatives de Développement Local (PSIDEL), le Programme d’Appui aux Régions (PAR) et le Programme d’Appui au Développement local urbain (PADELU) ou le programme de l’USAID DGL-FELO (pour la formation des élus locaux) et le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) de la Banque mondiale. La plupart de ces programmes ont visé la réalisation d’infrastructures de base, la promotion d’activités génératrices de revenus et le renforcement de capacités des acteurs (voir aussi le Tableau 5). A cet égard, le Programme National de Développement Local (PNDL) (voir ci-dessous) est désormais considéré comme in programme de consolidation et de capitalisation de l’ensemble de ces expériences. I.2 LA REDUCTION DE LA PAUVRETE La Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) constitue le nouveau cadre de dynamisation des différentes stratégies et politiques visant à faire du Sénégal un pays émergent. Un processus participatif 68 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - de préparation d’un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) avait commencé en 2000. Cette stratégie met l’accent sur la nécessité d’une mobilisation des décideurs politiques, des acteurs nationaux et des partenaires au développement pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion à travers l’établissement d’un lien étroit entre la réduction de la pauvreté, le progrès économique et le renforcement des capacités. Le DRSP-II, qui couvre la période 2006-2011, détermine à moyen et long termes, les objectifs pour la réduction de la pauvreté, définit des indicateurs sur l’état d’avancement et fixe les objectifs annuels et intermédiaires, ainsi que les moyens à mobiliser pour atteindre les résultats. Pour l’élaboration des plans sectoriels de développement et des programmes d’investissement, le DSRPII constitue un cadre de référence des interventions du gouvernement et des partenaires au développement mais aussi des autres acteurs (la société civile, le secteur privé, les collectivités locales). Par rapport au développement local et, potentiellement, à lutte contre les effets du changement climatique, particulièrement importants et pertinentes sont les deux axes suivants : (i) La Protection sociale, prévention et gestion des risques et catastrophes , qui prend en compte les nouvelles priorités de l’Etat mais aussi des populations en matière de gestion des risques et catastrophes auxquels elles ont été confrontées ces dernières années; (ii) La Bonne gouvernance et développement décentralisé et participatif , qui prend en compte les évolutions en matière de politiques de développement. I.3 LA STRATEGIE DE CROISSANCE ACCELEREE (SCA) En complément à la SRP, la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) vise à rendre opérationnel l’axe ‘création de richesse du DSRP’. En effet, la mise en œuvre de la SCA vise à permettre de réduire, voire éradiquer la pauvreté. Au niveau gouvernemental, l’élaboration de la Stratégie a été conduite suivant une démarche partenariale sous la supervision conjointe du Ministère de l’Economie et des Finances à travers le Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement (CEPOD) et de l’Agence nationale de Promotion des Investissements privés et des Grands Travaux (APIX). En s’inscrivant dans la vision qui sous tend les objectifs des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) et du DSRP, la SCA vise à développer et à diversifier les sources de création de richesses. L’objectif principal de la SCA est de doter le Sénégal d’un appareil de production restructuré, bénéficiant d’un cadre macroéconomique stable et sain, à même de s’adapter aux mutations nées de la mondialisation, restant sur un sentier de croissance forte, génératrice d’emplois, et réductrice des inégalités parce que bâtie sur l’exploitation du plein potentiel des individus, des communautés de base et des régions. Le défi fondamental de la SCA consiste à créer des avantages compétitifs sur les marchés porteurs, à diversifier les sources de croissance et à améliorer l’insertion de l’économie dans les marchés régional et mondial. Pour cela, il faut, entre autres, une lutte victorieuse contre la pauvreté pour sortir le Sénégal de la catégorie des pays moins avancés et réduire de façon considérable le pourcentage de pauvres surtout dans le milieu rural et une augmentation du taux d’emploi notamment chez les jeunes.107 107 La responsabilité de la définition et de la mise en œuvre de la SCA revient au Conseil national de la Stratégie de Croissance accélérée, auprès du Ministère de l’Economie et des Finances. Voir : www.finances.gouv.sn. 69 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - I.4 LE PROGRAMME NATIONAL DE BONNE GOUVERNANCE (PNBG) Le Programme national de bonne gouvernance (PNBG), rattaché directement à la Présidence de la République, vise à consolider le processus de démocratisation et renforcer l’Etat de droit ainsi que les capacités nationales de gestion du développement. 108 A court et moyen termes, le PNBG vise à créer de conditions propices à la croissance économique et au développement humain durable, à travers notamment un cadre institutionnel et administratif transparent, efficace et efficient; une consolidation du processus de décentralisation; un partenariat effectif entre l’Etat et les organisations du secteur privé et de la société civile; un environnement judiciaire sécurisant, serein et favorable au développement de l’initiative privée; des ressources humaines bien formées, motivées et imprégnées des principes de bonne gouvernance. Le PNGB comporte plusieurs composantes, dont les suivantes : La composante ‘amélioration de la qualité du service public’ touche au cadre organisationnel de l’administration publique. La composante ‘gouvernance locale’ approfondit l’expérience sénégalaise en matière de décentralisation et de gouvernance locale, tout en levant les contraintes inhérentes à la mise en œuvre des réformes entreprises jusqu’ici. La composante ‘gouvernance économique’ vise à créer un cadre propice au développement économique et social du pays afin que les finances publiques soient gérées de façon rationnelle, efficiente et transparente. La composante ‘gouvernance judiciaire’ vise enfin à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et assurer l’efficacité et l’application des décisions judiciaires. II. LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL II.1 DEVELOPPEMENT LOCAL Le Programme National de Développement Local (PNDL), qui a démarré ses activités en 2007, est placé directement sous le leadership du Premier Ministre. Le Comité de pilotage du PNDL est présidé par le Ministère de la Décentralisation et des Collectivités Locales et regroupe l’ensemble des ministères sectoriels impliqués dans le développement local, les élus locaux, la société civile et les partenaires techniques et financiers. Le PNDL s’inscrit directement dans le cadre de la politique globale mise en œuvre par le Gouvernement du Sénégal pour atteindre les objectifs du Document de réduction de la pauvreté (DSRP)et ceux du Développement pour le Millénaire (OMD). En d’autres mots, le PNDL vise à devenir le pilier central de la mise en œuvre du DSRP. Le PNDL a été conçu comme un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation de toutes les interventions en matière de réduction de la pauvreté et de développement local. Selon les mots même de ses initiateurs, il vise à ‘harmoniser et coordonner les interventions de ses partenaires au développement dans le domaine de la décentralisation et du développement local’, il est un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation des interventions. Le Programme a pour finalité de contribuer à la réduction de la pauvreté à travers l’action combinée des départements ministériels, des collectivités locales des communautés de base et du secteur privé. Son objectif principal est de promouvoir de façon efficace, efficiente et durable, l’offre de services socio-économiques de base aux populations.109 108 Voir le site internet : http://www.gouv.sn/spip.php?article785. Voir le site Internet du programme : http://www.pndl.org. Voir aussi: http://www.gouv.sn/spip.php?article808 et http://www. sendeveloppementlocal.com/Programme-National-de-Developpement-Local-PNDL_r19.html 109 70 Annexe 2, Figure 1: Cadre politique et légal concernant le développement local et la gouvernance Stratégie de Réduction de la Pauvreté (2006-2011) Loi sur le foncier (1964) Loi sur le code forestier (1993) Loi sur le code de l’environnement Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) Loi d’ Orientation agro-sylvo-pastorale Programme National de Bonne Gouvernance (PNBG) Programme Action Nationale Adaptation au Changement Climatique (PANA) Programme National de Développement Local (PNDL) DEVELOPPEMENT LOCAL - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Les éléments essentiels de l’approche du PNDL sont les suivants : (i) Augmentation de l’accès aux infrastructures et services sociaux de base de la part des populations; (ii) Amélioration de l’accès des populations les plus pauvres aux ressources financières (activités génératrices de revenus); (iii) Renforcement des capacités des acteurs locaux (collectivités locales, organisations communautaires de base, structures financières décentralisées, secteur privé); et (iv) Renforcement des capacités de l’Etat pour la mise en œuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté. Au niveau régional, les activités du Programme seront coordonnées par les Agences Régionales de Développement (ARD). D’une certaine manière, le PNDL capitalise les expérience de deux programmes antérieurs financés par la Banque mondiale, à savoir: (i) le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) qui a fait des réalisations dans plus de 100 communautés rurales du pays, de l’hydraulique rurale aux équipementiers scolaires, sanitaires, en passant par les activités génératrices de revenus, et la formation; et (ii) le Programme Fonds de Développement Social (PFDS), exécuté par l’Agence du Fonds de Développement Social (AFDS), qui est intervenu en matière d’appui au développement de base. Cependant, la différence principale entre le PNDL et ces programmes antérieurs est constitué par l’accent sur l’implication des populations, via les élus locaux et les Organisations Communautaires de Base (OCB), dans la gestion et la mise en œuvre du développement local. En effet, le PNDL comporte un appui précis à la politique de décentralisation, de déconcentration et au développement local participatif. II.2 LOIS CONCERNANT LE FONCIER, L’ENVIRONNEMENT, LES FORETS, l’AGRO-SYLVO-PASTORALISME ET LE PROGRAMME D’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE La Loi 64-46 du 17 juin 1964 sur le domaine national est la loi essentielle régissant le domaine foncier au Sénégal.110 A part ses distinctions entre types de domaine et d’autres dispositions juridiques, cette loi pose un principe intangible : toutes les terres non immatriculées ou dont la propriété n’avait pas été transcrite à la conservation des hypothèques au terme du délai fixé par le législateur, sont considérées d’office comme faisant partie du patrimoine public. Ce sont des biens incessibles et non appropriables, sauf lorsqu’ils font l’objet d’une déclassification selon la procédure prévue par la loi. Cette loi s’inspire en réalité du socialisme africain de Senghor, premier président du Sénégal. Cette loi de 1964 cherche à soustraire la terre d’une propriété coutumière. En d’autres mots, cette loi très contestée ne reconnaît pas les droits fonciers coutumiers comme droits de propriété, ne prévoit pas des dispositions concernant le pastoralisme, ne définit aucun droit d’indemnisation pour le paysan en cas de perte de la terre, décrète que la terre est indisponible (elle ne peut donc être vendue, prêtée, donnée en garantie ou héritée). Le seul droit prévu, celui d’affectation, est en fait une droit précaire, qui induit à une mise en valeur insuffisante des terres agricole due à l’insuffisance d’investissement. Ainsi les paysans ont du mal à obtenir un crédit avec un droit d’affectation précaire. Ce qui est encore plus important et chargé de conséquence c’est que les paysans ne veulent pas investir dans une terre sur laquelle ils n’ont pas de droit plus stable. 110 La loi n°2001-01 du15 Janvier 2001 portant code de l’environnement est le principal instrument de gestion de l’environnement au Sénégal. Cette loi dégage d’abord les grands principes environnementaux, définit des cadres d’action privilégiés. Selon toujours cette loi, tout projet de développement ou activité susceptible de porter atteinte à l’environnement, de même que les politiques, les plans, les programmes, les études régionales et sectorielles devront faire l’objet d’une Voir le texte de la loi : http://www.proddel.sn/IMG/pdf_L64-46-2.pdf. 72 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - évaluation environnementale. Ce code fait de l’évaluation environnementale un des outils d’aide à la décision pour les autorités compétentes chargé de l’environnement. Le décret n° 2001-282 du 22 Avril 2001 portant code de l’environnement est un instrument de mise en œuvre de la loi, à cet effet il fixe des obligations à la fois aux autorités, aux promoteurs de projet et programme. La partie consacrée à l’étude d’impact environnemental est le titre II articles L38 àL44 et l’annexe 2. Il impose l’évaluation de l’impact environnemental avant la réalisation de tout projet entrant dans cette annexe II. Cette partie du décret détermine la procédure à suivre et le contenu que doit comporter l’étude ou l’évaluation. Selon l'impact potentiel, la nature, l'ampleur et la localisation du projet, les types de projets sont classés entre ceux qui sont susceptibles d'avoir des impacts significatifs sur l'environnement et ceux qui ont des impacts limités sur l'environnement. La Loi n°93-06 du 4 février 1993 portant Code forestier et son décret d'application n° 95-357 du 11 avril 1995 reconnaît entre autres : Le droit de propriété des personnes privées sur leurs formations forestières; La faculté pour l'Etat de concéder la gestion d'une partie du domaine forestier à des collectivités locales, sur la base d'un plan d'aménagement;111 L'obligation pour tout propriétaire ou usufruitier de gérer sa formation forestière de façon rationnelle, sur la base de techniques sylvicoles rendant obligatoire le reboisement; La possibilité d'accorder aux collectivités locales des subventions sur le Fonds forestier national, selon des modalités fixées par décret. Ce cadre juridique allait être sensiblement renforcé avec l'entrée en vigueur des nouveaux textes sur la décentralisation : en effet, la loi de 1996 portant code des collectivités locales érige la région en collectivité locale, tandis que la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 consacre le transfert d'importantes compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales en matière forestière. La loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) prend place dans le contexte d’une réflexion sur les nombreuses insuffisance de la loi essentielle régissant le foncier au Sénégal, En plus, elle s’inscrit dans le cadre du DSRP. Elle a été votée en mai 2004 à l’issue d’un processus de concertation auprès des différents acteurs du développement rural du pays (en particulier avec la plateforme des organisations paysannes du Sénégal, à savoir le CNCR (Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux, voir ci-dessus). La loi a pour ambition de constituer le cadre de développement de l’agriculture sénégalaise pour les 20 prochaines années. Les objectifs spécifiques de la LOASP concernent la réduction des inégalités entre populations urbaines et rurales et entre les genres, et réduire (puis éradiquer) la pauvreté sont les suivants : la réduction de l’impact des risques climatiques, économiques, environnementaux et sanitaires pour améliorer la sécurité alimentaire et réaliser à terme la souveraineté alimentaire, l’amélioration du niveau de vie des populations rurales et la mise en place d’un régime de protection sociale en leur faveur, l’amélioration du cadre et des conditions de vie en milieu rural la protection de l’environnement et gestion durables des ressources naturelles, l’incitation à l’investissement privé dans l’agriculture et en milieu rural et l’amélioration de l’environnement et de la qualité de la production. 111 L’article 2 affirme : ‘En dehors des zones du domaine forestier de l'Etat, l'exercice des droits est transféré aux collectivités locales qui, en conséquence, disposent librement des revenus issus de l'exercice de ces droits’. Voir le texte du Code : http://lafrique. free.fr/sn/codeforestier_1998.htm 73 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - L’une des grandes innovations de cette loi est de revaloriser les métiers de l’agriculture au Sénégal par leur reconnaissance formelle en leur donnant un statut juridique mais aussi, et surtout l’accès à une protection sociale. Le texte de loi reconnaît statutairement les organisations interprofessionnelles agricoles par zone d’intervention, par produit ou groupe de produits. Les Organisations professionnelles agricoles (OPA) bénéficient également d’un statut reconnu et protégé et d’un système d’aide publique. L’exploitation agricole aussi bien familiale qu’industrielle et commerciale est définie. Ses divers statuts juridiques seront revus compte tenu des besoins de modernisation de l’agriculture. Outre sa fonction économique, la LOASP reconnaît le rôle de l’exploitation agricole dans la gestion des ressources naturelles, la protection de l’environnement et un aménagement du territoire équilibré et cohérent. Elle va même plus loin en prévoyant un système d’aides financières quand ces actions sont pérennisées par contractualisation. 112 Sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature, le Programme d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques (PANA) a été élaboré en 2006 par une équipe pluridisciplinaire, en utilisant une approche inclusive et participative. 113 La vision globale du PANA s’intègre dans les stratégies de lutte contre la pauvreté et épouse les objectifs du millénaire pour le développement. L’élaboration du PANA prend en compte ces différents axes stratégiques de développement pour analyser les priorités nationales en matières d’adaptation aux changements climatiques. La dimension lutte contre la pauvreté constitue le moteur des objectifs nationaux de développement et l’exécution du PANA contribue à cette satisfaction. En effet, les populations pauvres, en raison de leur situation économique sont davantage vulnérables aux impacts négatifs des changements climatiques. Le PANA du Sénégal tient compte de plusieurs plans, programmes et/ou stratégies comme : le Plan d’Orientation pour le Développement Economique et Social (PODES) qui définit les grandes orientations du gouvernement, le Programme de Lutte Contre la Pauvreté (PLCP) élaboré à partir du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui constitue le cadre national de référence en matière d’investissements, et enfin la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) qui cherche à promouvoir une prise de décisions fondée sur une réelle intégration des dimensions économique, sociale et environnementale. 112 Pour une analyse de la LOASP, voir: http://cmaoc.org/CMAAOC/PDF/pa/analyse_LAOSP_senegal.pdf. Et aussi: http://www.hubrural. org/spip.php?&page=details_avancee&id_rubrique=1&docPageStart=1&id_article=7122 113 Voir le texte en ligne : http://unfccc.int/resource/docs/napa/bfa01f.pdf 74 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - ANNEXE 3. LES PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE AU SENEGAL I. LE PROJET DE DEVELOPPEMENT LOCAL PARTICIPATIF (PDLP) Ancrage institutionnel Le Projet de développement local participatif (PDLP) fait partie intégrante du Programme national de développement local (PNDL). Démarré en 2006, le PDLP vise à capitaliser les expériences de deux programmes de la Banque qui arrivaient à leur conclusion, à savoir : (i) le Programme National d’Infrastructures Rurales(PNIR), qui, entre 2000 et 2005, avait appuyé la mise en place du processus de la décentralisation, et (ii) le Programme du Fonds Social de Développement (PFDS), qui avait promu l’accès des communautés aux services sociaux de base. De plus, le nouveau projet vise à compléter les approches d’autres projets actuellement en cours ou en préparation, à savoir : le PRSC, qui concerne la décentralisation, l’amélioration des services de la santé et l’amélioration des conditions de vie des groupes vulnérables; le projet QEFA-2 (arrivé à sa deuxième phase), qui vise à assurer la construction des écoles et l’alignement du Ministère de la Santé à une logique décentralisée; la deuxième phase éventuelle du PSAP qui intervient en appui aux communautés de base; et le futur projet LADP, Programme de développement des autorités locales, qui appuiera les communes urbaines. Le PDLP, dont le budget total est d’environ 400-450 millions US$, s’inscrit parfaitement dans le paradigme du développement local du Gouvernement sénégalais, dans la mesure où il apporte une contribution substantielle aux objectifs du PNDL qui, à son tour, est conçu comme une contribution au PRSP, surtout par rapport au renforcement des capacités de tous les acteurs institutionnels à tous les niveaux. Objectifs essentiels Le PLDP visera les communautés et administrations locales démunies. Il permettra de renforcer la planification et le développement local participatifs et fournira des ressources pour la promotion d’initiatives économiques locales. Il vise à toucher toutes les 110 communes urbaines et les 320 communautés rurales du pays. Entre autres objectifs du projet, la mise à la disposition des collectivités locales d’une plateforme minimale d’infrastructures, en l’occurrence, des infrastructures hydrauliques, scolaires et sanitaires. Mais aussi de rendre effective la décentralisation au Sénégal par le transfert de compétences relatives à la gestion des ressources naturelles et d’autres aspect tels que le sport, la culture, etc. Déconcentration, subsidiarité et identification des rôles des acteurs institutionnels Un élément capital du projet, qui correspond aux principales contraintes actuellement rencontrées par la mise en œuvre du processus de décentralisation, concerne le réalignement de tous les ministères sectoriels par rapport à la décentralisation (ses logiques et ses pratiques), en particulier pour les rapports entre gouvernement central, collectivités locales et organisations paysannes et la déconcentration et l’harmonisation des procédures de planification participative du développement local, comme aussi une meilleure intégration des organisations villageoises/communautaires de base aux pratiques d’un développement local géré par les collectivités locales, au nom du principe de la subsidiarité. Face aux contraintes actuelles, le projet estime qu’il soit impératif d’adopter une démarche pragmatique et efficace permettant de redéfinir le rôle de chaque acteurs institutionnel en matière de développement local (cela prenant la forme, entre autres, de guides de planification et manuels d’opération). 75 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Dispositifs financiers Le problème capital du financement du développement local est abordé par le projet à partir, avant tout, d’un appui à l’élaboration d’un cadre législatif approprié et la définition d’instruments adéquates, concernant à la fois la décentralisation fiscale, les transferts monétaires de l’Etat central en faveur des collectivités locales à partir d’un fond unifié (ou un circuit financier unifié) qui permettrait de véhiculer l’’ensemble des ressources destinées aux collectivités locales et les mécanismes concernant les allocations de fonds aux organisations communautaires de la part des communes urbaines et des communautés rurales. Par ailleurs, le projet vise à mettre un place un système viable de financement des investissements des collectivités locales (fonds de développement local, FDL), qui permettrait aux collectivités à la fois de financer directement des infrastructures sociales et économiques collectives (sur la base de leurs plans de développement local, PDL) et d’appuyer les priorités des organisations communautaires (financement de micro-projets communautaires. Capitalisation des expériences La conception du PDLP tient compte des enseignements tirés à partir d’autres projets financés par la Banque au Sénégal , en particulier le PNIR, le PFDS et le Projet de Promotion du biocarburant pour limiter la dépendance énergétique du Sénégal (PROGEDE), comme aussi d’autres projets de la Banque en Afrique inspirés de l’approche communautaire (Community-Driven Development, CDD). II. LE PROGRAMME DES SERVICES AGRICOLES ET ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS (PSAOP) Le Programme des Services Agricoles et Organisations de Producteurs (PSAOP) est le fruit d’un APL (prêt programme évolutif) appuyé par la Banque mondiale.114 Il y a des synergies particulièrement forte entre ce projet et le PLDP, dans la mesure où celui-ci prend en charge le programme de décentralisation et renforce les infrastructures rurales, les organisations communautaires et les services sociaux. Ensemble, ces deux projets (en plus du Projet de Développement des Marchés Agricoles du Sénégal/PDMAS) s’intègrent parfaitement sans se chevaucher, en visant des acteurs différents de l’espace rural (organisations de producteurs, producteurs et exportateurs spécialisés, autorités locales et organisations communautaires, respectivement) et des activités différentes (services agricoles, marchés d’exportation, services socioéconomiques et infrastructures, respectivement). LE PSAOP comporte trois phases : La première phase (2000/2005) a contribué à l’habilitation des organisations de producteurs, à la mise en place des services agricoles déconcentrés dans une partie des zones rurales du Sénégal, ainsi qu’au renforcement de leur réactivité et de leur responsabilité envers les producteurs : Outre les résultats obtenus sur le terrain, les réformes et approches promues par le PSAOP1 ont fortement influencé les fonctionnaires et les décideurs dans les départements ministériels. La promulgation d’un nouveau cadre réglementaire pour l’agriculture (Loi d’orientation agro-sylvopastorale – LOASP) de 2004 (voir ci-dessus), a apporté une reconnaissance légale aux réformes institutionnelles appuyées par le PSAOP. Le PSAOP1 a permis de créer une Agence Nationale de Conseil Agricole et Rurale (ANCAR) (mentionnée précédemment), co-gérée avec les OP et les entreprises agroalimentaires privées. Par le biais de l’ANCAR, le PSAOP a remplacé le modèle directif de diffusion de paquets techniques par un appui régi par la demande aux besoins des producteurs. 114 En anglais : The Senegal Agricultural Services & Producer Organizations Project. Voir le site du projet: http://www.psaop.sn/ (Pour le document du projet : http://www.psaop.sn.documents?PAD.fr). 76 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Le PSAOP1 a enfin mis en place un réseau de cadres locaux de concertation (les CLCOP) a dans 152 des 320 communautés rurales du Sénégal en vue d’organiser la demande des producteurs et de leurs organisations.115 Les organisations de producteurs sont à même d’apporter leur contribution à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes de recherche et de vulgarisation. Les OP mettent sur pied et organisent leur propre fonds de renforcement des capacités, en l’occurrence le Fonds de Services Ruraux Régis par la Demande (FSRRD qui affecte les ressources aux microprojets préparés par les OP et sélectionnés dans le cadre des CLCOP. Les CLCOP sont devenus des ‘points d’entrée’ pour toute activité ayant trait aux producteurs et à leurs organisations sur le terrain. L’objectif de développement de la deuxième phase (2006/2010), cofinancée par le FIDA, est de renforcer l’accès des petits producteurs aux services et innovations agricoles durables et diversifiées, en vue d’accroître la productivité agricole et de renforcer la sécurité alimentaire des ménages. Cette phase s’inscrit dans le cadre des réformes institutionnelles entreprises au cours de la première phase et définit le cadre de leur viabilité financière. La troisième phase vise à augmenter la productivité agricole et les revenus ruraux dans toutes les zones rurales du Sénégal. L’approche du PSAOP vise à combiner les rôles des organisations de producteurs, fortes et capables de co-gérer les ressources naturelles, des départements ministériels déconcentrés dans le cadre de la formulation des politiques, de planification, de suivi-évaluation, ainsi que sur la définition du cadre réglementaire, e des services agricoles capables de créer et de diffuser des innovations sur une base contractuelle. III. PROGRAMME DE RENFORCEMENT ET D'EQUIPEMENT DES COLLECTIVITES LOCALES (PRECOL) Le Programme de renforcement et d'équipement des collectivités locales (PRECOL), qui s'intègre dans la Stratégie de réduction de la pauvreté, a pour but de promouvoir la bonne gouvernance, le développement local et l'Etat de droit. Il vise, à terme, la mise en place d'infrastructures et de services sociaux de base apte à valoriser le capital humain, tout en veillant à améliorer la mobilisation des ressources et la gestion municipale et urbaine. D'un montant de 86,3 milliards de francs, il a été mis en place par le gouvernement de la République du Sénégal dans le cadre de sa politique de décentralisation avec le concours de la Banque mondiale (Bm), de l'Agence française de développement (Afd) qui en sont les principaux bailleurs de fonds et en liaison étroite avec l'Association des maires du Sénégal (Ams). Géré par l’ADM, le PRECOL a une durée de cinq ans (2006-2011) et il comprend trois volets ou composantes : 115 Renforcement des capacités au niveau local et central porte sur la mise en œuvre de programmes d'appui municipal des autorités locales et sur des mesures transversales en direction des institutions gouvernementales, des ministères sélectionnés et de l'Adm conçu en dehors des contrats de ville. Investissements communaux et intercommunaux pour le financement des investissements des Programmes d'investissements prioritaires (PIP) des 67 communes urbaines du Sénégal et aux programmes d'investissements intercommunaux dans les communautés d'agglomération de Dakar et Rufisque (Cadak et Car). La mise en œuvre du programme et suivi évaluation finance les frais de fonctionnement de l'ADM, les audits techniques et financiers, le soutien au suivi évaluation et les activités d'information, d'éducation et de communication sur le programme. Les CLCOP couvrent 63 % des OP répertoriés dans les zones rurales couvertes par le projet et représentent près de 50 000 producteurs 77 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - IV. LE PROJET DE GESTION DURABLE DES TERRES C’est le 27 Août 2009 que le Conseil d’Administration de la Banque mondiale a approuvé un nouveau programme GEF visant à appuyer le Sénégal en matière de gestion durables des terres (sustainable land management, SLM). Ce projet prend naissance à partir d’un certain nombre de constats : (i) un pourcentage très important de la population sénégalaise dépend des ressources de la terre pour leurs survie, subsistance et production ; (ii) la dégradation de la ressource terre est très importante et affecte environ deux-tiers de la terres cultivable (à cause de la sécheresse, de la croissance démographiques et de pratiques d’agriculture et d’élevage peu durables ; (iii) les conséquences de cette dégradation sont sévères à la fois d’un point de vue social et environnemental, étant l’une des principales causes de la pauvreté et vulnérabilité des ménages et de l’exode d’une partie importante de producteurs appauvris vers les villes, et aussi d’une des causes des équilibres des écosystèmes. Le projet propose un nouveau système de gestion durable des terres pour l’amélioration de la productivité de la terre, en fonction d’un environnement politique et juridique plus approprié, capable de stimuler l’adoption de pratiques durables de la part des producteurs. Le projet prêtera une attention particulière aux risques associés au changement climatique et à la définition d’initiatives appropriées. Le projet sera intégré (voir même partiellement fusionné) au PSAOP2, dans la mesure où les deux projets auront la même structure, les mêmes procédures institutionnelles et les mêmes mécanismes d’exécution. Le projet doit contribuer à réduire la dégradation des terres et améliorer le fonctionnement des écosystèmes surtout dans le bassins arachidier du Sénégal (qui est l’aire géographique la plus dégradée au Sénégal), par l’adoption de pratiques durable de gestion des terres. Un volet important du projet concerne l’attribution de fonds aux organisations de producteurs pour l’intégration de pratiques durable de gestion des terres dans leurs activités agricoles. Les fonds d’investissement seront intégrés à ceux du PSAOP-II. L’une de ses composantes concerne l’appui aux organisations de producteurs, de manière à (i) renforcer leurs capacité d’intégrer dans leurs systèmes de production des pratiques de gestion durable des terres ; (ii) augmenter la capacités des autorités locales et des leaders communautaires d’intégrer la gestion durable de terres dans les plans de développement locaux’ et (iii) mettre en place u système de financement des initiatives de gestion durable des terres. 78 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - Annexe 3, TABLEAU 1 : Liste de quelques projets intervenant dans le domaine du développement local et la décentralisation au Sénégal BANQUE MONDIALE Programme national d’infrastructures rurales (PNIR) sur tout le territoire national, en appui aux Communautés rurales et aux services de l’État Programme d’appui aux communes (PAC) sur tout le territoire national, en appui à des communes urbaines ème UNION EUROPEENNE (8 FED) Le Programme d’appui aux régions (PAR) : dans toutes les régions, appuie un programme de renforcement des capacités des élus régionaux et le personnel des agences régionales de développement Le Programme d’appui au développement local urbain (PADELU) : intervient auprès des communes urbaines de quelques départements Programme de soutien aux initiatives locales (PSIDEL) : intervient auprès des communes urbaines de quelques départements SYSTEME DES NATIONS UNIES (PNUD et FENU) Projet d’appui au développement en milieu rural – PADMIR, dans deux départements, en appui aux Communautés rurales et services déconcentrés AFD (Coopération française) Le Projet d’appui à la décentralisation et au développement local (ADDEL) en appui aux associations locales, groupements et communautés rurales de quelques départements GTZ/KfW (Coopération allemande) Le Programme sénégalo-allemand de lutte contre la pauvreté dans le bassin arachidier dans les régions de Fatick et Kaolack en appui aux collectivités locales et aux groupements. ACDI (Coopération canadienne) Programme d’appui aux associations d’élus locaux (PAEL) sur tout le territoire national, en appui aux trois associations d’élus locaux (AMS, APR et ANCR) USAID (Coopération des Etats Unis d’Amérique) Gestion locale et renforcement démocratique sur tout le territoire national, en appui aux Collectivités locales et bénéficiaires des services publics locaux 79 - Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal - ANNEXE 4 LE PLAN CADRE DES NATIONS UNIES POUR L'AIDE AU DEVELOPPEMENT (UNDAF) Le ‘Plan Cadre des Nations Unies pour l'Aide au Développement’ (appelé généralement UNDAF - de son acronyme anglais) 116 constitue la réponse collective du Système des Nations Unies aux principaux défis de développement du Sénégal, identifiés à travers un diagnostic commun de la situation issu du processus d’élaboration du nouveau Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP II). Il couvre la période de2007 à 2011117 L’UNDAF comporte trois axes stratégiques de coopération, qui correspondent aux quatre leviers stratégiques du DSRP II : La création de richesse et la lutte contre la faim pour un développement durable La promotion des services sociaux de base La gouvernance et la promotion du partenariat pour le développement D’après l’analyse de l’UNDAF, les crises, catastrophes naturelles et épidémies sont des facteurs clé de la vulnérabilité et de la pauvreté de la population du pays. Cette dimension est intégrée dans les diverses composantes de l’UNDAF, notamment par la protection des ressources naturelles et par la création de moyens d’existence durables ainsi que par le développement des capacités de prévention et de gestion des risques et catastrophes de la base au sommet. L’UNDAF cible de manière prioritaire les groupes extrêmement pauvres qui sont susceptibles de sombrer irrémédiablement dans la misère. Priorité est notamment donnée : i) aux zones rurales où l’incidence de la pauvreté est la plus marquée ; ii) aux femmes pauvres dans la mesure où elles sont davantage touchées que les hommes par la pauvreté ; iii) aux enfants et adolescents qui n’ont pas accès aux services sociaux de base et iv) aux jeunes qui sont privés d’emploi et de revenu. 116 117 United Nations Development Assistance Framework. Voir le texte de l’UNDAF : http://www.un.org.sn/IMG/pdf/3c1_UNDAF_SEN_2007_2011_3c1.pdf. 80