Développement local, Institutions et Changement climatique au

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DÉVELOPPEMENT LOCAL,
INSTITUTIONS et CHANGEMENT CLIMATIQUE
au SÉNÉGAL
Analyse de la situation
et
Recommandations opérationnelles
Draft final
Janvier 2010
Département du Développement Social
Institutions sociales et changement climatique
BANQUE MONDIALE
DEVELOPPEMENT LOCAL, INSTITUTIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE AU SENEGAL :
Analyse de la situation et recommandations opérationnelles
TABLE DES MATIERES
AVANT PROPOS
Carte 1 : Le Sénégal et ses régions administratives
Liste des acronymes et abréviations
Résumé analytique
iv
v
vi
vii
1. INTRODUCTION
1
2. LE CONTEXTE GENERAL
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3
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2.1 PROFIL DU PAYS
2.1.1 Superficie
2.1.2 Population
2.1.3 Contexte économique
2.1.4 Domaines climatiques
2.1.5 Zones agro-écologiques
2.2 ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT LOCAL
2.2.1 Principaux organes ministériels
2.2.2 Institutions nationales impliquées dans le développement local
2.3 DISPOSITIF INSTITUTIONNEL LOCAL EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
2.3.1 Les structures de la déconcentration : Région, Département et Arrondissement
2.3.2 Les structures de la décentralisation : Région, Commune et Communauté rurale
2.3.3 Les institutions communautaires
2.4 LES CADRES DE POLITIQUE GENERALE
2.4.1 La politique de décentralisation
2.4.2 La réduction de la pauvreté
2.4.3 La croissance accélérée
2.4.4 La bonne gouvernance
2.5 POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
2.5.1 Développement local
2.5.2 Lois concernant le foncier, l’environnement, les forêts, l’agro-sylvo-pastoralisme
2.5.3 Le programme national d’adaptation au changement climatique
2.6 LE PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE AU SENEGAL
2.6.1 Le projet de développement local participatif (PLDP)
2.6.2 Le programme des services agricoles et organisations de producteurs
2.6.3 Le programme de renforcement et d'équipement des collectivités locales
2.6.4 Le projet de gestion durable des terres
3. VULNERABILITES AUX RISQUES ET STRATEGIES D’ADAPTATION LOCALES
3.1 LES UNITES D’ANALYSE
3.2.RISQUES, INCERTITUDES ET VULNERABILITES
3.3 STRATEGIES D’ADAPTATION AUX CRISES
3.3.1 Stratégies d’adaptation des ménages : études de cas
11
11
12
15
15
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
3.3.2 L’agro-pastoralisme comme stratégie capitale d’adaptation
3.3.3 Les autres stratégies d’adaptation à long terme
3.3.4 Les stratégies de ‘sortie’ ou de ‘survie
3.4 INSTITUTIONS LOCALES ET VULNERABILITES AUX RISQUES
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26
4. ACQUIS ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL DECENTRALISE
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30
30
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4.1 PRINCIPAUX ACQUIS DES EXPERIENCES DE DEVELOPPEMENT LOCAL
4.1.1 Au niveau des politiques gouvernementales
4.1.2 Au niveau des collectivités
4.2 PRINCIPALES CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL
4.2.1 Par rapport au dispositif institutionnel
4.2.2 Par rapport au dispositif technique d’appui
4.2.3 Par rapport à l’exercice des compétences
4.2.4 Par rapport aux dotations des collectivités
4.2.5 Par rapport à certains dispositifs juridiques
4.2.6 Au niveau des organisations communautaires de base
5. PERSPECTIVES DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
5.1 PERSPECTIVES GENERALES
5.2 INITIATIVES SPECIFIQUES
I. Mise a jour des cadres politiques et des stratégies opérationnelles
II. Consolidation du dispositif institutionnel
III. Renforcement des capacités des acteurs
IV. Mise à niveau du processus de planification
V. Consolidation et élargissement du dispositif financier
5.3 VUE D’ENSEMBLE
40
40
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43
44
45
48
49
6. CONCLUSION
49
PRINCIPALES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
53
ANNEXES
Annexe 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Sénégal
Annexe 2 : Les politiques de développement local au Sénégal
Annexe 3 : Les principaux programmes de la Banque mondiale au Sénégal
Annexe 4 : Le plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (UNDAF)
55
56
67
75
80
Liste des Cartes, Encadrés, Figures et Tableaux
Carte 1 : Le Sénégal et ses Régions
Carte 2 : Les sept zones agro-écologiques du Sénégal
Figure 3 : Des institutions emboîtées : du ménage à l’organisation communautaire
Encadré 4 : Au sujet des notions de ‘risque’, ‘incertitude’ et ‘vulnérabilité’
Figure 5 : Stratégies adoptées par les ménages sénégalais face aux situations de crise
Encadré 6 : Les Mourides du Sénégal
Tableau 7 : Répartition de quelques compétences entre collectivités locales au Sénégal
Encadré 8 : Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques
Figure 9 : Initiatives recommandées concernant l’appui à l’adaptation au changement climatique
Encadré 10 :Eléments concernant la mise en œuvre des initiatives
_______________
[Source des photos de la page de couverture : http://digitalmedia.worldbank.org/slideshows/senegal-fr/]
iii
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
AVANT PROPOS
Ce rapport a été préparé par Angelo BONFIGLIOLI, consultant indépendant,
expert en développement local.
***
Ce document fait partie d’une série d’études commissionnées par le
Département du Développement Social de la Banque mondiale, dans le cadre
du projet ‘Institutions locales et changement climatique’ (Area Based
Development and Climate Change/ABDCC), mis en œuvre grâce au soutien du
Programme de Partenariat Pays Bas-Banque Mondiale (BNPP) et le Fond
Norvégien et Finlandais pour un développement social et environnemental
durable (TFESSD).
L’objectif de base du projet est de comprendre comment les initiatives de
développement local peuvent améliorer la capacité d’adaptation et la
résistance des acteurs et des groupes communautaires locaux face au
changement climatique.
Avant out, l’auteur désire exprimer sa reconnaissance à Robin Mearns,
Nicolas Perrin, Minna Kononen et Eija Pehu (Département du Développement
Social, Banque mondiale, Washington) qui lui ont assuré appui, assistance,
information et suggestions tout au cours de l’étude.
Un remerciement sincère est adressé à Souleymane Bassoum et Famara
Diedhiou (AGRECOL Sénégal), pour leur hospitalité et collaboration lors de la
mission effectuée au Sénégal, comme aussi pour leurs précieuses enquêtes
sur le terrain. Enfin, un grand merci à Chérif Diagne, Directeur de l’Agence
Régionale de Développement de Thiès, et à Mamadou Lamine Mar, assistant
du Directeur Régional de l’ANCAR, pour avoir bien voulu partager leurs idées
et suggestions au cours d’entretiens informels organisés par AGRECOL à Thiès
du 22 au 25 janvier 2010.
iv
Carte 1 : Le Sénégal et ses Régions administratives
[Source : Banque mondiale]
LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS
______________________________________________________________________________________________
ADM
AGETIP
ANCAR
ANCR
AMS
ARD
ASPRODEB
CERP
CNDCL
CONGAD
CSE
DAT
DCL
DRDR
DSRP
FDD
FECL
FENU
FONGS
IATL
LOASP
MDCL
MEF
OCB
OMD
ONG
PANA
PAPEL
PDLP
PNBG
PNDL
PNIR
PNUD
PRECOL
PSAOP
ROPPA
SCA
SRAT
SRP
UAEL
UNDAF
Agence de développement municipal
Agence d’exécution des travaux d’intérêt public
Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
Association nationale des conseils ruraux
Association des Maires du Sénégal
Agence Régionale de Développement
Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base
Centres d’expansion rural polyvalent
Conseil national de développement des collectivités locales
Conseil des ONG d’Appui au Développement
Centre de Suivi Ecologique (Ministère de l’Environnement)
Direction de l’Aménagement du Territoire (Min Coop. Inter, Aménagement du Territoire)
Direction des Collectivités Locales (Ministère de l’Intérieur)
Direction Régionale du Développement Rural
Document de stratégie de réduction de la pauvreté
Fonds de Dotation de la Décentralisation
Fonds d’équipement des collectivités locales
Fonds d’Equipement des Nations Unies
Fédération des ONG sénégalaises
Inspection de l’administration territoriale et locale (du MEF)
Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale
Ministère la Décentralisation et des Collectivités locales
Ministère de l’Economie et des Finances
Organisations communautaires à la base
Objectifs du Millénaire pour le Développement
Organisation non gouvernementale
Programme d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques
Projet d’Appui à l’Elevage (Ministère de l’Elevage)
Projet de développement local participatif (Banque mondiale)
Programme national de bonne gouvernance
Programme National de Développement Local
Programme National d’Infrastructures Rurales (Banque mondiale)
Programme de Nations Unies pour le Développement
Programme de renforcement & équipement des collectivités locales (Banque mondiale)
Programme des Services Agricoles. & Organisations de Producteurs (Banque mondiale)
Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest
Stratégie de Croissance Accélérée
Service Régional d’Aménagement du Territoire (Min Coop. Inter, Aménagement du Territoire)
Stratégie de réduction de la pauvreté
Union des Associations des Elus locaux
Plan Cadre des Nations Unies pour l'Aide au Développement
___________________________________________________________________________________________________
RESUME ANALYTIQUE
INTRODUCTION
Le changement climatique pose une menace de plus en plus imminente à la viabilité des ménages et des
communautés de la planète, en particulier dans les zones rurales. Ceci est particulièrement vrai en Afrique,
puisque les modes et les moyens d’existence de la grande majorité de ses populations dépendent des ressources
d’un environnement naturel de plus en plus fragilisé. C’est dans ce contexte qu’a été produit ce rapport, qui fait
partie d’un ensemble d’initiatives lancées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale
dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’. En analysant la situation spécifique du
Sénégal, ce rapport identifie, avant tout, les principales caractéristiques économiques, écologiques et climatiques
du pays. Par la suite, il présente les principaux acteurs institutionnels impliqués dans le développement local, avant
d’esquisser les caractéristiques essentielles du paradigme du développement local et les principaux cadres
politiques et opérationnels, ainsi que les aspects essentiels de la planification et la gestion du développement.
Après une analyse du rôle des institutions (à la fois publiques et privées, formelles et informelles, nationales et
locales) par rapport à la gestion des crises de toute nature et l’appui aux stratégies locales d’adaptation, ce rapport
formule un certain nombre de recommandations opérationnelles à l’intention des opérations de la Banque
mondiale au Sénégal.
LES ACTEURS INSTITUTIONNELS NATIONAUX
Directement ou indirectement, le développement local au Sénégal est pris en charge par un ensemble d’acteurs
publics, au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe. Le Ministère de la Décentralisation et des
Collectivités locales (MDCL) est le ministère le plus directement impliqué par rapport à la mise en œuvre de la
décentralisation au Sénégal et le suivi des collectivités locales. Le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) est
aussi impliqué dans le développement local par rapport aux finances des collectivités. Il intervient par le biais
plusieurs directions. Le Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports
aériens et des Infrastructures intervient dans le développement local par rapport aux infrastructures, aux gros
ouvrages (travaux publics). Parmi les ministères sectoriels qui sont particulièrement concernés par le
développement local, il faut énumérer les suivants : le Ministère de l’Agriculture, de la Pisciculture et des
Biocarburants, le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des Lacs
artificiels, le Ministère de l’Elevage et le Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat
féminin, de la Microfinance et de la Petite Enfance (avec la Direction du Développement Communautaire).
LES ACTEURS INSTITUTIONNELS LOCAUX (DECONCENTATION ET DECENTRALISATION)
Les deux piliers de l’architecture institutionnelle territoriale sénégalaise sont les structures de la déconcentration
(circonscriptions administratives) et les structures de la décentralisation (ou collectivités locales). Les structures de
la deconcentration sont la Région, administrée par le Gouverneur, le Département, administré par le Préfet, et
l’Arrondissement, administré par le Sous-préfet. Ainsi, l’ensemble du territoire national est divisé en 14 régions.
Chaque région est subdivisée en 3 départements, pour un total de 34 départements. Les structures de la
décentralisation comprennent la Région (avec le Président du Conseil régional élu et les membres conseil régional),
la Commune, administrée par un maire élu, et la Communauté rurale, dirigée aussi par un maire élu et des
conseillers élus. Les dernières élections municipales ont eu lieu le 22 mars 2009, en même temps que les élections
rurales et régionales. Le mandat des élus est de cinq ans. Depuis 2008, il y a un total de 14 Régions, 67 Communes
urbaines et 43 Communes d’arrondissement et 370 communautés rurales.
LES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES DE BASE
Au Sénégal, il y a toute une gamme d’institutions ou organisations communautaires à la base, qui interviennent
d’une manière plus ou moins efficace et active, dans le développement local et peuvent jouer un rôle capital pour
aider les ménages à faire face aux risques de toute nature. La dynamique associative est une réalité palpable dans
la majorité des villages et des villes au Sénégal. En fait, en fonction de leur typologie et de leur mandat, ces
organisations interviennent dans des domaines différents et variés, appuyant toute une gamme de stratégies de
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
production ou d’adaptation à court et à moyen terme. D’une manière générale, au Sénégal comme ailleurs, elles
jouent surtout un rôle de médiation entre les réponses individuelles et collectives vis-à-vis de l’impact des crises et
en canalisant, en quelque sorte, l’aide extérieure en aide aux réponses d’adaptation.



Les Institutions basées sur les valeurs sociales et culturelles locales (groupes de parenté, groupes de jeunes,
groupes de travaux communautaires, etc.) sont bâties sur le capital social local, à savoir solidarité, entraide et
confiance réciproque. Ancrées sur un ou plusieurs villages, ces institutions entreprennent de nombreuses
initiatives pour venir au secours des membres individuels pendant des périodes spécifiques (par exemple, au
moment des grands travaux agricoles) ou de crises et post-crises (par le biais de dons d’aliments, prêts
d’animaux laitiers, activités des ‘tontines’ etc.). Au Sénégal, la chefferie traditionnelle influence fortement le
champ social et politique, bien qu’elle ne possède pas d’attributions juridiques particulières.
Les Institutions de production visent essentiellement à protéger et consolider les stratégies des ménages
(stratégies d’investissement et de production, quand cela est possible, ou alors simplement stratégies
d’adaptation). Ces institutions s’organisent à partir de réseaux assez denses comportant des structures
villageoises et inter-villageoises (les ONG s’y greffant pour donner une dimension régionale, voire même
nationale, à ces réseaux). Dans le domaine de la gestions des ressources naturelles, ce type d’institution a
souvent permis la définition de règles concernant l’accès des membres à la terre, eau et pâturages et leurs
utilisation.
Les Institutions de gestion des services et des actifs intègrent des objectifs de productivité et de croissance
avec les valeurs sociales locales, en assurant la gestion et le développement durable des moyens de
production locaux (actifs). Ces institutions dérivent directement de comités de développement antérieurs en
charge de puits et d’autres infrastructures hydrauliques, d’écoles ou de centres de santé, comme aussi de
comités de gestion de ressources forestières, animales, hydrauliques, etc. Par rapport aux autres institutions,
celles-ci tendent à être beaucoup plus inclusives, dans la mesure où elles ne s’adressent pas seulement aux
membres appartenant à un groupe sociolinguistique particulier ou à un village ou à un groupe de villages
voisins, mais à des producteurs sur la base de leurs intérêts collectifs. On inclut dans cette catégories les
coopératives, les groupements de producteurs, les structures d’épargne et de crédit, comme aussi les ONG.
POLITIQUES NATIONALES DE DEVELOPPEMENT LOCAL, DECENTRALISATION ET LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE
Au cours des dernières années, les cadres conceptuels et les stratégie de développement social et économique et
de lutte contre la pauvreté ont pu être approfondis et clarifiés. Les thèmes du développement rural, de la lutte
contre la pauvreté et de l’appui aux stratégies locales de production, de survie et d’adaptation aux crises ont été
développés en parallèle avec la réforme démocratique de la société.





En matière de décentralisation, le Sénégal est le pays qui, en Afrique de l’Ouest, a la plus longue expérience en
matière de communalisation. Depuis 1996, la décentralisation a atteint de nouvelles dimensions. Elle repose
sur les principes essentiels de la gouvernance décentralisée, comme de la libre administration des collectivités
locales par des assemblées élues, et une gestion locale démocratique.
En matière de réduction de la pauvreté, la ‘Stratégie de réduction de la pauvreté’ (SRP) constitue le nouveau
cadre de dynamisation des différentes stratégies et politiques visant à faire du Sénégal un pays émergent.
En matière de croissance accélérée, la ‘Stratégie de Croissance Accélérée’ (SCA) vise à rendre opérationnel
l’axe ‘création de richesse du DSRP’ et réduire, voire éradiquer la pauvreté. La SCA vise à développer et à
diversifier les sources de création de richesses.
En matière de bonne gouvernance, le ‘Programme national de bonne gouvernance’ (PNBG) vise à consolider le
processus de démocratisation et renforcer l’Etat de droit ainsi que les capacités nationales de gestion du
développement. A court et moyen termes, le PNBG vise à créer de conditions propices à la croissance
économique et au développement humain durable.
Enfin, en matière de développement local, le ‘Programme National de Développement Local’ (PNDL), conçu
comme un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation de toutes les interventions en matière de
viii
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
réduction de la pauvreté et de développement local, vise à devenir le pilier central de la mise en œuvre du
DSRP.
STRATEGIES DES MENAGES ET DES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES FACE AUX CRISES
Au Sénégal, des facteurs écologiques et climatiques ont un impact profond sur les moyens d’existence locaux en
concomitance avec des facteurs externes puissants. Outre la croissance démographique, la combinaison d’une
monétisation rapide de l’économie rurale, le transfert de la propriété de la terre et du cheptel dans les mains
d’une élite minoritaire (généralement urbaine et absentéiste) et la désintégration progressive des systèmes
fonciers communautaires ont accentué la fragilisation des groupes ruraux, tout en modifiant les modes de fairevaloir et compromettant les conditions préalables à une gestion durable des ressources naturelles.
Mais les ménages ruraux sénégalais ne se contentent pas de subir passivement les incitations et les contraintes
auxquelles ils sont soumis. Unités de base de propriété de biens, de production, de consommation et de vie
sociale, les ménages mettent en œuvre toute une gamme de stratégies d’adaptation vis-à-vis des risques et des
incertitudes de toute nature (le plus souvent avec l’appui des organisations communautaires auxquelles ils
adhérent). Par ailleurs, au-delà du choix ponctuel de pratiques et techniques spécifiques (cultures, outils,
techniques de travail, mobilité, etc.), c’est la pratique associée et plus ou moins harmonieuse de l’agriculture et de
l’élevage (agro-pastoralisme) qui est considérée comme la principale stratégie d’adaptation face aux crises de
toute nature, susceptible de conférer aux ménages un niveau plus élevé de résilience.
Dans les bouleversements affectant la société sénégalaise actuelle, d’une particulière importance sont aussi les
liens stratégiques qui s'établissent entre ménages voisins d'un même village ou entre membres d’un même
groupement d’intérêt économique villageois et inter-villageois. Ces liens tendent à devenir encore plus grands que
ceux qui existent entre parents d'un même clan qui vivent loin les uns des autres. Dès lors, cette communauté
pragmatique qui émerge au-delà de la communauté idéologique, se construit sur la base d’un nombre d’objectifs
concrets et de stratégies communes relatives à la production et la survie. Pour faire face aux crises récurrentes de
toute nature, les ménages, grâce aussi à leur intégration aux organisations communautaires, adoptent un
ensemble de stratégie ‘de sortie’, ‘d’adaptation’ ou ‘de survie’, à plus ou moins long terme.
RECOMMANDATIONS
Un certain nombre de recommandations peuvent être formulées à l’intention des opérations de la Banque
mondiale au Sénégal. Ces recommandations concernent des initiatives proactives pour influencer les politiques et
les pratiques nationales et mieux intégrer le changement climatique dans ses programmes actuellement en cours.
A la lumière d’axes stratégiques précis, ces initiatives spécifiques devraient pouvoir constituer une véritable ‘feuille
de route’ visant à intégrer le changement climatique dans le discours et les pratiques du développement local. Les
principaux volets seraient les suivants :
1. Cadre politiques : Mise a jour des cadres politiques et des stratégies opérationnelles
2. Dispositif institutionnel : Consolidation des institutions pour une bonne gouvernance
3. Capacités : Renforcement des capacités des acteurs
4. Planification : Mise à niveau du processus de planification en fonction des problèmes créés par le changement
climatique
5. Dispositif financier : Consolidation et élargissement des instruments financiers.
CONCLUSION
Le Sénégal dispose de politiques de développement local et de réduction de la pauvreté claires et détaillées. De
plus, il s’est donné une architecture institutionnelle décentralisée, qui est à la fois un projet de société et un
moyen pour réduire la pauvreté d’une large frange de sa population. Ces politiques et ce cadre institutionnel
apparaissent aussi susceptibles de permettre un effort collectif visant à renforcer et soutenir les principales
stratégies dont les communautés et les ménages sénégalaises disposent pour réduire l’impact des crises liées au
changement climatique.
ix
DEVELOPPEMENT LOCAL,
INSTITUTIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
AU SENEGAL
Analyse de la situation et recommandations opérationnelles
1. INTRODUCTION
Le changement climatique pose une menace de plus en plus imminente à la viabilité des ménages et des
communautés de la planète, en particulier dans les zones rurales. Ceci est particulièrement vrai en
Afrique, puisque les modes et les moyens d’existence de la grande majorité de ses populations
dépendent des ressources d’un environnement naturel de plus en plus fragilisé.
Mais les risques climatiques actuels ne peuvent pas être séparés de l’ensemble des risques de nature
écologique, économique, alimentaire et sociale auxquels déjà doivent faire face les populations
africaines. En fait, les risques climatiques ne font qu’exacerber la vulnérabilité de leurs systèmes socioéconomiques. Croissance démographique, sécheresses récurrentes, stagnation de la production agricole
et dégradation de l’environnement ont suscité, d’une manière combinée, une spirale descendante de la
pauvreté.
Tout au cours des dernières années, la plupart des pays africains, avec l’appui de la communauté
internationale, ont défini des politiques novatrices et proactives de lutte contre la pauvreté et mis en
œuvre des programmes de développement local soucieux de répondre aux besoins prioritaires des
populations les plus vulnérables. Des processus institutionnels démocratiques ont permis de renforcer le
rôle des partenaires locaux et leur conférer la capacité de gérer leurs ressources productives.
C’est dans ce contexte qu’a été produit ce rapport, qui fait partie d’un ensemble d’initiatives lancées par
le Département du Développement Social de la Banque mondiale dans le cadre du projet ‘Institutions
locales et changement climatique’.1 En analysant la situation spécifique du Sénégal, ce rapport identifie,
avant tout, les principales caractéristiques économiques, écologiques et climatiques du pays. Par la suite
il présente les principaux acteurs institutionnels impliqués dans le développement local.
Successivement, il esquisse les caractéristiques essentielles du paradigme du développement local et les
principaux cadres politiques et opérationnels, ainsi que les aspects essentiels de la planification et la
gestion du développement. Il analyse, par la suite, le rôle des institutions (à la fois publiques et privées,
formelles et informelles, nationales et locales) par rapport à la gestion des crises de toute nature et
l’appui aux stratégies locales d’adaptation.
Enfin, après avoir présenté les forces et faiblesses du modèle sénégalais de développement local, ce
rapport formule un certain nombre de recommandations à l’intention des opérations de la Banque
mondiale au Sénégal. Cela concerne des initiatives proactives visant à la fois à influencer les politiques et
1
Area Based Development and Climate Change/ABDCC), mis en œuvre grâce au soutien du Programme de Partenariat Pays Bas-Banque
Mondiale (BNPP) et le Fond Norvégien et Finlandais pour un développement social et environnemental durable (TFESSD). D’autres rapports
similaires concernent le Sénégal et le Niger, comme aussi trois pays d’Amérique latine (Mexique, République Dominicaine et Pérou). Voir :
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTSOCIALDEVELOPMENT/0,,contentMDK:22187478~pagePK:210058~piPK:210062~the
SitePK:244363,00.html.
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
les pratiques nationales et à mieux intégrer le changement climatique dans ses programmes
actuellement en cours. En d’autres mots, en répondant aux questions essentielles du qui fait quoi et
comment en matière de développement local au Sénégal, ce rapport vise finalement à identifier les
principaux facteurs et les principales conditions qui, d’un point de vue institutionnel, favoriseraient
l’adaptation des ménages aux risques climatiques, la réduction de leur vulnérabilité face aux effets de
ces risques et la promotion de modes et moyens d’existence durables par le biais d’une plus grande
résilience climatique.
La conclusion est simple et problématique à la fois : l’adoption de pratiques soutenables de lutte contre
les risques climatiques ne sera possible à l’échelon local que par l’existence d’institutions efficaces et
durables régissant la gouvernance environnementale et des modèles d’action collective contre les
risques. Et en cela, ce rapport donne à la notion d’institution la double signification de structure
organisationnelle (les acteurs institutionnels ou ‘les joueurs’) et cadre normatif et réglementaire (les
normes, les mécanismes ou ’les règles de jeu’ permettant aux acteurs d’opérer individuellement et
collectivement).
2. LE CONTEXTE GENERAL
2.1 PROFIL DU PAYS
2.1.1 Superficie
Le Sénégal s’étend sur une superficie de 196.722 Km2 et partage ses frontières au Nord avec la
Mauritanie, à l’Est avec le Mali, au Sud avec la Guinée et la Guinée-Bissau. La Gambie est située dans la
partie australe du territoire sénégalais. 2
2.1.2 Population
L’estimation de la population du Sénégal s'appuie sur les trois recensements effectués en 1976, 1988 et
2002. D’après des projections de 2004, la population du Sénégal s'élèverait aujourd'hui à plus 11,3
millions de personnes (estimation de 2007) et pourrait atteindre plus de 13,7 millions de personnes à la
fin de 2015 (avec un taux de fécondité supérieur à 4 enfants par femme). 3
2.1.3 Contexte économique
Entre la moitié des années 1990 et 2005, le Sénégal a connu l’une des meilleurs performances
économiques parmi tous les pays de l’Afrique subsaharienne, avec une augmentation annuelle du PIB
d’environ 5% (cela se traduisant sur une nette diminution de sa dette). Cependant, à partir de 2006-07,
son économie a été affectée par une série de chocs, suite à l’augmentation du prix du pétrole et des
denrées alimentaires (le pays important 100% de ses besoins en riz et blé). A cela il faut ajouter les
effets de la sécheresse de 2006 et 2007, avec une chute substantielle de la production agricole et la
diminution des activités minières.
D’une manière générale, la pauvreté est essentiellement un phénomène rural et le milieu rural
contribue à hauteur de 65% à la pauvreté, pour une population de moins de 55% du total (en excluant la
zone urbaine de Dakar qui compte près d’un quart de la population totale). D’après le Rapport sur le
2
Le territoire sénégalais est compris entre 12°8 et 16°41 de latitude Nord et 11°21 et 17°32 de longitude Ouest. Pour une présentation générale
des caractéristiques physique du pays, voir :http://www.fao.org/nr/water/aquastat/countries/senegal/indexfra.stm
3
Projections de la Direction de la Prévision et de la Statistique.
2
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Développement Humain de 2009, le Sénégal figure parmi le groupe des pays les moins avancés et est
placé au 166 rang sur 182 pays d’après les indices de développement humain. 4
2.1.4 Domaines climatiques
L’environnement au Sénégal est caractérisé par un climat aride, une vulnérabilité aux variations
pluviométriques et une forte pression exercée sur les ressources naturelles par une population pauvre.
Le pays comprend cinq types de domaines climatiques appartenant au climat tropical :





La zone sahélienne, au nord de la région de Saint-Louis, est le domaine de la steppe arborée ou
arbustive.
La zone sahélo-soudanienne, comprenant les régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Louga, Matam, a une
savane arborée et sèche.
La zone soudanienne, avec les régions de Fatick, Kaolack, tout le nord et le centre de la région de
Tambacounda a une végétation de type savane.
La zone soudano-guinéenne, avec au nord les régions de Ziguinchor, Kolda, et au sud la région de
Tambacounda, est une zone de forêts ainsi que de grandes savanes très denses.
La zone guinéenne, avec le sud des régions de Ziguinchor et Kolda, est la zone la plus humide, avec
des forêts assez denses.
2.1.5 Zones agro-écologiques
Le Sénégal est en généralement divisé et sept zones agro-écologiques, à partir de critères biophysiques
et socio-économiques , à savoir : (i) La vallée du Sénégal; (ii) Niayes; (iii) Nord Bassin arachidier; (iv) Sud
Bassin arachidier; (v) Zone sylvo-pastorale; (vi) Sénégal Oriental et Haute Casamance; et (vii) Basse et
Moyenne Casamance (voir la Carte 2).
Ces zones agro-écologiques représentent de vastes surfaces avec des caractères physiques et humains
plus ou moins spécifiques qui les distinguent les unes par rapport aux autres. Autrement dit, chaque
zone est une véritable région naturelle.5 Chacune de ces zones a ses propres potentialités et aussi ses
propres vulnérabilités face aux risques écologiques et climatiques.

La vallée du fleuve Sénégal couvre une bande de 10 à 15 km, avec les départements de Dagana,
Podor, Matam et Bakel. Cette zone est composés par un ensemble de plaines alluviales et de hautes
terres sableuses. D’un point de vue écologique, elle comporte la zone dite Walo (parte inondable,
avec des sols lourds, avec les aménagements rizicoles), le Delta (avec climat marin) et le Jéri (zone à
vocation pastorale). Dans le delta, la culture pluviale est presque inexistante et l’essentiel de la
production provient des culture irriguées (d’où des phénomènes importants de salinisation des
terres). Dans toute la vallée moyenne du Sénégal et dans le delta, la reproduction de la fertilité des
sols est assurée par les crues (laissant une couche de limons, qui permet une culture en permanence
et ne rend pas nécessaire la jachère). D’un point de vue de vulnérabilité climatique, la vallée du
Fleuve est caractérisée par la faiblesse et l’irrégularité des pluies, le développement des plantes
aquatiques invasives, la réduction des aires de reproduction halieutique, les inondations à SaintLouis associées aux crues du fleuve, l’érosion côtière et l’intrusion saline dans le fleuve.6
4
Le Burkina Faso est au 177 rang et le Niger au dernier rang (voir : http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2009_EN_Indicators.pdf).
A noter que c’est le CSE évoque la notion de sept zones, alors que la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT) reste aux six zones jadis
utilisées par l’administration territoriale (depuis l’époque coloniale). Voir : B. Ba , 2008.
6
PANA, 2006:28
5
3
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Carte 2 : Les sept zones agro-écologiques du Sénégal
(Source : PAM, SENEGAL 2008)



7
8
Le Bassin arachidier (avec ses parties septentrionale et méridionale), constitué des départements de
Thiès, Fatick et Kaffrine, a un grand poids démographique et ses exploitations agricoles et ses
communautés villageoises ont été sévèrement affectées par la crise arachidière. La zone a été
marquée par une sécheresse persistante au cours des dernières décennies. Les conditions
climatiques ont accéléré la dégradation des écosystèmes, accentué l’épuisement du patrimoine
foncier (fertilité des sols et ressources ligneuses) et la faible régénération des sols, avec
l’acidification des sols des hautes terres (tannes) et la salinisation des bas-fonds, comme aussi, dans
la partie côtière, l’invasion marine dans le fleuve Saloum, la dégradation des mangroves et la
pollution marine. 7
La zone du Sénégal oriental/Haute Casamance, qui correspond à la zone cotonnière, avec les
départements de Kédougou, Tamba, Vélingara et Kolda, connaît une grande pauvreté rurale malgré
de fortes potentialités agricoles et pastorales, et une grande pression sur les ressources naturelles.
Les sols de cette zone sont peu profonds et très vulnérables à l’érosion éolienne et aux eaux de
ruissellement. La Basse et Moyenne Casamance est caractérisée par l’acidification des sols des basfonds, l’érosion hydrique, la perte de la diversité forestière (à cause, entre autres, des feux de
brousse), l’augmentation du taux de salinité, acidité, toxicité du fer et aluminium des rizières,
comme aussi la forte dégradation des mangroves dans l’estuaire de la Casamance. 8
La zone des Niayes (une bande de 5 à 10 km sur le littoral) est la principales zone de cultures
maraîchère du Sénégal. C’est une zone à forte concentration de la population nationale (plus de 20%
sur moins d’1% du territoire). La menace de l’avancée des dunes vives et la remise en mouvement
des dunes anciennes, la salinisation des sols, l’ensablement des terres des bas-fonds, la salinisation
PANA, 2006:30
PANA, 2006:31
4
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

des puits, l’érosion des la zone côtière et l’invasion marine constituent parmi les effets les plus
importants du changement climatique. 9
La zone sylvo-pastorale, peuplée en majorité par des population de Peuls nomades, est la principale
zone d’élevage du Sénégal. D’un point de vue climatique, cette zone est caractérisée par une forte
détérioration des ressources ligneuses et fourragères, la déstructuration des sols, la destruction du
couvert végétal et la faible disponibilité des ressources en eau.
Par rapport aux crises alimentaires, les zones agro-écologiques de Niayes et le la Basse et Moyenne
Casamance ont les taux les plus élevés d’insécurité (la production céréalière permettant aux ménages de
subvenir à leurs besoins alimentaires pendant moins de trois mois par an, la moyenne nationale étant
voisine à 5 mois).10 Les régions de Ziguinchor et de Kolda enregistrent les taux les plus élevés de
pauvreté (ceci étant l’effet, entre autres, de la situation d’insécurité civile en Casamance). Elles sont
suivies de Kaolack et Diourbel, qui se situent au cœur du bassin arachidier et qui subissent les effets du
déclin des activités économiques liées à l’arachide et l’absence d’activités économiques alternatives et
Tambacounda (56,2%).11 Il faut aussi souligner que :




Environ 11% de la superficie agricole utile se trouve dans une zone à pluviométrie inférieure à 500
mm, à savoir la région du Fleuve, les Niayes, la partie Nord du Bassin arachidier et le Ferlo.
L’espace agricole est dominé par la culture de l’arachide et du mil dans le bassin arachidier, suivi de
l’élevage extensif en zone sylvo-pastorale. Les cultures vivrières et forêts du Sud -Est viennent
ensuite et précèdent les cultures de décrue, le long de la vallée du fleuve Sénégal, et la zone de
culture du coton qui épouse les contours de la moitié Est du territoire gambien.
La riziculture traditionnelle se localise dans le bassin versant du fleuve Casamance, tandis les
cultures irriguées sont localisées dans le Delta et la Moyenne vallée du fleuve Sénégal et dans la
cuvette de l’Anambé au Sud.
Les cultures irriguées horticoles sont principalement localisées dans la zone des Niayes.
D’une manière générale, l’agriculture sénégalaise reste tributaire d’une pluviométrie en baisse
constante (moins 35% en quantité, avec une diminution de la durée de la période pluvieuse et une
baisse de la fréquence des jours de pluie entre la période 1950-1965 et la période 1970-1995).12
2.2 ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT LOCAL 13
2.2.1 Principaux organes ministériels
Directement ou indirectement, le développement local au Sénégal est pris en charge par un ensemble
d’acteurs publics, au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe.
 Le Ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales (MDCL) est le ministère le plus
directement impliqué par rapport à la mise en œuvre de la décentralisation au Sénégal et le suivi
des collectivités locales.
 Le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) est aussi impliqué dans le développement local
par rapport aux finances des collectivités. Il intervient par le biais plusieurs directions.
9
PANA, 2006:29
PAM, Sénégal, 2008.
11
DRSP 2006-2010.
12
Diagne, 2000 cité par NAPA.
13
Pour une analyse détaillée du dispositif institutionnel du développement local, voir l’Annexe 1 (en particulier la Figure 1).
10
5
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
 Le Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports
aériens et des Infrastructures intervient dans le développement local par rapport aux
infrastructures, aux gros ouvrages (travaux publics).
Parmi les ministères sectoriels qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut
énumérer les suivants :
 Le Ministère de l’Agriculture, de la Pisciculture et des Biocarburants. Parmi ses dix directions, le
ministère compte la Direction Régionale du Développement Rural (DRDR), avec ses structures
déconcentrées au niveau de chacune des 14 régions.
 Le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des
Lacs artificiels. Au sein de ce ministère, le Centre de Suivi Ecologique (CSE) a pour mission la
collecte, la saisie, le traitement, l'analyse et la diffusion des données et des informations sur le
territoire, sur les ressources naturelles.
 Parmi ses projets, le Ministère de l’Elevage gère le Projet d’Appui à l’Elevage (PAPEL), dont l’un des
volets concerne la gestion durable des ressources naturelles.
 Au sein du Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la
Microfinance et de la Petite Enfance, la Direction du Développement Communautaire est chargée,
entre autres, d’appuyer les initiatives des organisations communautaires de base et la coordination
et à l’évaluation des activités des Organisations Non Gouvernementales (ONG).
2.2.2 Institutions nationales impliquées dans le développement local
D’autres entités étatiques interviennent, en différentes manières, dans la définition des politiques
concernant le développement local. Parfois, leurs mandats respectifs se chevauchent.
 Le Conseil national de développement des collectivités locales (CNDCL) (présidé par le chef de
l’Etat) établit les bilans concernant l’évolution des collectivités locales.
 Le Comité interministériel de l’administration territoriale et le Comité interministériel sur
l’aménagement du territoire sont placés sous la présidence du Premier ministre.
Au Sénégal, des organismes d’appui technique/financier aux collectivités locales et aux producteurs
jouent un rôle d’accompagnement, conseil et appui très important :


Avec ses branches régionales, l’Agence Régionale de Développement (ARD) accompagne le
processus d’autonomisation des collectivités locales et subvient aux faibles capacités des
collectivités locales en matière de ressources humaines. Les ARD sont ainsi des structures techniques
d’accompagnement, assurant conseil et appui aux collectivités locales et assumant, par une sorte de
délégation, la maîtrise d’ouvrage actuelle de toutes les opérations que les collectivités
entreprennent à tous les niveaux.
L'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR), disposant aussi de directions régionales,
pilote le conseil agricole et rural sur toute l'étendue du territoire national, selon une nouvelle
approche fondée sur la demande des producteurs et en partenariat avec les organisations
paysannes et les principaux acteurs du développement rural.
6
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
2.3 DISPOSITIF INSTITUTIONNEL LOCAL EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
Les deux piliers de l’architecture institutionnelle territoriale sénégalaise sont les structures de la
déconcentration (circonscriptions administratives) et les structures de la décentralisation (ou
collectivités locales).14
2.3.1 Les structures de la deconcentration : Région, Département et Arrondissement
 La Région, administrée par le Gouverneur, exerce des missions de coordination des différentes
collectivités de la région et des services déconcentrés de l’État au niveau régional et de toute autre
structure (le Gouverneur exerçant un contrôle de légalité sur les délibérations du conseil régional).
 Le Département, administré par le Préfet, a la charge de superviser la coordination des activités
départementales (communes, services étatiques déconcentrés et associations de la société civile).
 L’Arrondissement, administré par le Sous-préfet, a la charge de coordonner les communautés
rurales et la société civile.
Ainsi, l’ensemble du territoire national est divisé en 14 régions. Chaque région est subdivisée en 3
départements - à l’exception de Dakar qui en compte 4 – pour un total de 34 départements. Chaque
département est subdivisé en un nombre variable d’arrondissements. En total, il y a 103
arrondissements au Sénégal.
2.3.2 Les structures de la décentralisation : Région, Commune et Communauté rurale
 La Région est une collectivités locale placée sous le Président du Conseil régional (élu). Le conseil
régional, organe délibérant, constitué de 52 à 62 membres élus, suivant la taille démographique de
la région.
 La Commune (ou : Commune urbaine et Commune d’arrondissement), administrée par un maire élu
est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière et constituée par un
ensemble de quartiers qui forment son territoire.
 La Communauté rurale (ou Commune rurale), dirigée par un maire élu et des conseillers élus, est
aussi une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière et constituée par un
certain nombre de villages, unis par une solidarité résultant du voisinage.
Les dernières élections municipales ont eu lieu le 22 mars 2009, en même temps que les élections
rurales et régionales. Le mandat des élus est de cinq ans. Depuis 2008, il y a un total de 14 Régions, 67
Communes urbaines et 43 Communes d’arrondissement et 370 communautés rurales.
2.3.3 Les institutions communautaires
Au Sénégal, il y a toute une gamme d’institutions ou organisations communautaires à la base, qui
interviennent d’une manière plus ou moins efficace et active, dans le développement local. La
dynamique associative est une réalité palpable dans la majorité des villages et des villes au Sénégal.
D’une manière générale, les Organisations non gouvernementales (ONG) peuvent aussi être
considérées comme des éléments importants de l’architecture institutionnelle concernant le
développement local (leur rôle, cependant, est plus complexe, dans la mesure où elles sont à la fois des
prestataires de services pour les programmes de développement, des partenaires financiers des projets,
des fournisseurs de services techniques ou, d’une manière générale, des partenaires des collectivités
locales). On estime à 200 à 300 le nombre d’ONG intervenant au Sénégal dans le développement local.
La plupart d’elles font partie du Conseil des ONG d’Appui au Développement (CONGAD), un consortium
14
Voir la Figure 2 de l’Annexe 1.
7
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
de 166 ONG nationales, étrangères et internationales, qui est le principal interlocuteur du
Gouvernement et des partenaires au développement au sein de la société civile sénégalaise.
2.4 CADRES POLITIQUES GENERAUX 15
2.4.1 La politique de décentralisation
En Afrique de l’Ouest, le Sénégal est le pays qui a la plus longue expérience en matière de
communalisation. Dans les temps modernes, la phase institutionnelle de la réforme a commencé dans
les années 1960 avec la réforme du régime municipal et la distinction de la commune à statut
spécial et la commune de droit commun, la création des collectivités locales en milieu rural, le transfert
de la gestion des Communautés Rurales du Sous-préfet au Président du Conseil Rural et la
régionalisation. Depuis la promulgation le 22 mars 1996 de la loi portant Code des Collectivités Locales
et d’une série de textes subséquents, la décentralisation a atteint de nouvelles dimensions. Elle repose
sur les principes essentiels de la gouvernance décentralisée, comme de la libre administration des
collectivités locales par des assemblées élues, une gestion locale démocratique, la suppression du
contrôle d’opportunité des collectivités locales de la part des représentants de l’Etat, le contrôle de
légalité et le caractère exécutoire des actes des collectivités locales. Le lien ombilical entre collectivités
locales et l’Etat est maintenu par la technique de transfert de compétences suivant les responsabilités
partagées. Par le biais du financement, l’Etat a transféré des impôts aux collectivités locales, mais il a
mis en place un dispositif financier pour les collectivités locales.
2.4.2 La réduction de la pauvreté
La Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) constitue le nouveau cadre de dynamisation des
différentes stratégies et politiques visant à faire du Sénégal un pays émergent. Cette stratégie met
l’accent sur la nécessité d’une mobilisation des décideurs politiques, des acteurs nationaux et des
partenaires au développement pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion à travers l’établissement
d’un lien étroit entre la réduction de la pauvreté, le progrès économique et le renforcement des
capacités. Pour l’élaboration des plans sectoriels de développement et des programmes
d’investissement, le DSRP-II constitue un cadre de référence des interventions du gouvernement et des
partenaires au développement comme aussi des autres acteurs (la société civile, le secteur privé, les
collectivités locales).
2.4.3 La croissance accélérée
En complément à la SRP, la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) vise à rendre opérationnel l’axe
‘création de richesse’ du DSRP et réduire, voire éradiquer la pauvreté. La SCA vise avant tout à
développer et diversifier les sources de création de richesses.
2.4.4 La bonne gouvernance
Le Programme national de bonne gouvernance (PNBG), rattaché directement à la Présidence de la
République, vise à consolider le processus de démocratisation et renforcer l’Etat de droit ainsi que les
capacités nationales de gestion du développement. 16 A court et moyen termes, le PNBG vise à créer de
conditions propices à la croissance économique et au développement humain durable.
15
16
Pour une analyse détaillée des politique de développement local, voir l’Annexe 2 (en particulier la Figure 1)..
Voir le site internet : http://www.gouv.sn/spip.php?article785.
8
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
2.5 POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
2.5.1 Développement local
Le Programme National de Développement Local (PNDL) s’inscrit directement dans le cadre de la
politique globale mise en œuvre par le Gouvernement du Sénégal pour atteindre les objectifs du
Document de réduction de la pauvreté (DSRP)et ceux du Développement pour le Millénaire (OMD). En
d’autres mots, le PNDL vise à devenir le pilier central de la mise en œuvre du DSRP. Le PNDL a été conçu
comme un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation de toutes les interventions en matière de
réduction de la pauvreté et de développement local.
2.5.2 Lois concernant le foncier, l’environnement, les forêts et l’agro-sylvo-pastoralisme
 La Loi 64-46 du 17 juin 1964 sur le domaine national est la loi essentielle régissant le domaine
foncier au Sénégal. C’est une loi très contestée qui, entre autres, ne reconnaît pas les droits fonciers
coutumiers comme droits de propriété et ne prévoit pas des dispositions concernant le
pastoralisme.
 La loi n°2001-01 du15 Janvier 2001 portant code de l’environnement est le principal instrument de
gestion de l’environnement au Sénégal. Cette loi dégage d’abord les grands principes
environnementaux et définit des cadres d’action privilégiés.
 La Loi n°93-06 du 4 février 1993 portant Code forestier reconnaît entre autres, le droit de propriété
des personnes privées sur leurs formations forestières et l'obligation pour tout propriétaire ou
usufruitier de gérer sa formation forestière de façon rationnelle, sur la base de techniques sylvicoles
rendant obligatoire le reboisement.
 La loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) prend place dans le contexte d’une réflexion sur
les nombreuses insuffisance de la loi essentielle régissant le foncier au Sénégal, En plus, elle s’inscrit
dans le cadre du DSRP. Votée en mai 2004, cette loi a pour ambition de constituer le cadre de
développement de l’agriculture sénégalaise pour les 20 prochaines années. L’une des grandes
innovations de cette loi consiste à revaloriser les métiers de l’agriculture au Sénégal par leur
reconnaissance formelle, en leur donnant un statut juridique mais aussi, et surtout l’accès à une
protection sociale. Par ailleurs, le texte de loi reconnaît statutairement les organisations
interprofessionnelles agricoles par zone d’intervention, par produit ou groupe de produits.
2.5.3 Le programme national d’adaptation au changement climatique
Sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature, le Programme
d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques (PANA) a été élaboré en 2006 par une
équipe pluridisciplinaire, en utilisant une approche inclusive et participative. 17 La vision globale du PANA
s’intègre dans les stratégies de lutte contre la pauvreté et épouse les objectifs du millénaire pour le
développement. Dans l’optique du PANA, les populations pauvres, en raison de leur situation
économique sont davantage vulnérables aux impacts négatifs des changements climatiques.
2.6. LES PRINCIPAUX PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE AU SENEGAL 18
2.6.1 Le Projet de Développement Local Participatif (PDLP)
Le PDLP fait partie intégrante du Programme national de développement local (PNDL). Il s’inscrit
parfaitement dans le paradigme du développement local du Gouvernement sénégalais, dans la mesure
où il apporte une contribution substantielle aux objectifs du PNDL qui, à son tour, est conçu comme une
contribution au PRSP surtout par rapport au renforcement des capacités de tous les acteurs
17
18
Voir le texte en ligne : http://unfccc.int/resource/docs/napa/bfa01f.pdf
Pour une analyse plus détaillée des programmes de la Banque mondiale au Sénégal, voir l’Annexe 3.
9
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
institutionnels à tous les niveaux. Le PLDP vise les communautés et les administrations locales
démunies, en permettant de renforcer la planification et le développement local participatifs et fournir
des ressources pour la promotion d’initiatives économiques locales. Il affecte toutes les 110 Communes
urbaines et les 320 Communautés rurales du pays. Un élément capital du projet concerne le
réalignement de tous les ministères sectoriels par rapport à la décentralisation (par rapport à leurs
logiques et pratiques) et, au nom du principe de la subsidiarité, une meilleure intégration des
organisations villageoises/communautaires de base aux pratiques d’un développement local géré par les
collectivités locales. Au niveau financier, le projet vise à mettre un place un système viable de
financement des investissements des collectivités locales (fonds de développement local, FDL), qui
permettrait aux collectivités à la fois de financer directement des infrastructures sociales et
économiques collectives (sur la base de leurs plans de développement local, PDL) et d’appuyer les
priorités des organisations communautaires (financement de micro-projets communautaires).
2.6.2 Le Programme des Services Agricoles et Organisations de Producteurs (PSAOP)
Dans sa première phase (2000/2005), le PSAOP a contribué à l’habilitation des organisations de
producteurs, à la mise en place des services agricoles déconcentrés dans une partie des zones rurales du
Sénégal, ainsi qu’au renforcement de leur réactivité et de leur responsabilité envers les producteurs. Il a
aussi contribué à la promulgation d’un nouveau cadre réglementaire pour l’agriculture, la création de
l’ANCAR (voir ci-dessus), et mis en place un réseau de cadres locaux de concertation (les CLCOP) dans
152 des 320 Communautés rurales du Sénégal, en vue d’organiser la demande des producteurs et de
leurs organisations. L’objectif de sa deuxième phase (2006/2010), cofinancée par le FIDA, est de
renforcer l’accès des petits producteurs aux services et innovations agricoles durables et diversifiées, en
vue d’accroître la productivité agricole et de renforcer la sécurité alimentaire des ménages. L’approche
du PSAOP vise à combiner les rôles d’organisations de producteurs, rendues capables de co-gérer les
ressources naturelles, et ceux des départements ministériels déconcentrés, dans le cadre de la
formulation des politiques, l’établissement des système de planification et le suivi-évaluation et la
définition du cadre réglementaire, et des services agricoles capables de créer et de diffuser des
innovations sur une base contractuelle.
2.6.3 Le programme de renforcement et d'équipement des collectivités locales (PRECOL)
Le PRECOL a pour but de promouvoir la bonne gouvernance, le développement local et l'Etat de droit. Il
vise, à terme, la mise en place d'infrastructures et de services sociaux de base apte à valoriser le capital
humain, tout en veillant à améliorer la mobilisation des ressources et la gestion municipale et urbaine. Il
a une durée de cinq ans (2006-2011) et il comprend trois volets ou composantes : (i) Renforcement des
capacités au niveau local et central; (ii) Investissements communaux et intercommunaux ; et (iii) Mise en
œuvre du programme et suivi évaluation.
2.6.4 Le Projet de Gestion Durable des Terres
Approuvé en 2009, ce projet propose un nouveau système de gestion durable des terres pour
l’amélioration de la productivité de la terre, en fonction d’un environnement politique et juridique plus
approprié, capable de stimuler l’adoption de pratiques durables de la part des producteurs. Le projet
prêtera une attention particulière aux risques associés au changement climatique et à la définition
d’initiatives appropriées. Le projet doit contribuer à réduire la dégradation des terres et améliorer le
fonctionnement des écosystèmes surtout dans le bassins arachidier du Sénégal (qui est l’aire
géographique la plus dégradée du pays), par l’adoption de pratiques durable de gestion des terres.
10
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
3. VULNERABILITES AUX RISQUES ET STRATEGIES D’ADAPTATION LOCALES
3.1 LES UNITES D’ANALYSE
Au Sénégal, le ménage ou groupe domestique constitue une unité de base de propriété de biens, de
production, de consommation et de vie sociale. En tant que cellule socio-économique élémentaire, c'est
le ménage qui commande la division du travail entre ses membres, les modèles de consommation et les
choix techniques et productifs. C'est lui aussi qui met en œuvre les principales stratégies d’adaptation
vis-à-vis des risques et des incertitudes de toute nature. D’après les données disponibles, la taille
moyenne du ménage rural sénégalais varie entre 7 et 10 personnes (mais il y a des variations
considérables entre les régions et les zones rurales/urbaines).19
Cependant, les ménages individuels font partie d’unités plus vastes sur la base des liens de sang
(groupes de parenté) et/ou de co-résidence (communauté villageoise). En fait, dans les bouleversements
affectant la société sénégalaise actuelle, d’une particulière importance sont les liens qui s'établissent
entre voisins d'un même village ou entre membres d’un même groupement d’intérêt économique
villageois et inter-villageois. Face aux crises écologiques, climatiques et économiques actuelles, ces liens
tendent à devenir encore plus grands que ceux qui existent entre parents d'un même clan qui vivent loin
les uns des autres. Dès lors, cette communauté pragmatique qui émerge au-delà de la communauté
idéologique, se construit sur la base d’un nombre d’objectifs concrets et de stratégies communes
relatives à la production et la survie.
Le village constitue ainsi l'entité sociale la plus immédiatement visible de ces communautés
pragmatiques. Au sein d'un village, les différences entre les unités domestiques individuelles ne sont
pas, en principe, très marquées (tous les ménages vivant, travaillant et se nourrissant de la même
manière). Ainsi, des mécanismes de coopération et d’action collective s’établissent directement.
Figure 3 : Des institutions emboîtées : du ménage à l’organisation communautaire
Organisation
communautaire
Réseau
de villages
Communauté
villageoise
Ménage
D'autre part, devant la multitude de forces de changement exogènes, aucun village ne peut vivre en
isolation. Ainsi, la membres de la communauté villageoise tendent de plus en plus à faire partie d'un
ensemble de réseaux de relations qui s'étendent au-delà du village et même de autres villages proches,
19
Les données proviennent essentiellement de la deuxième enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM II 2001-2002) et de la Banque de
Données des Indicateurs Sociaux (BADIS édition 2001-2002) élaborée par la Direction de la Prévision et de la Statistique (DPS).
11
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
à une région géographique tout entière, surtout par le biais de l’intégration des membres du village à
route une multitude d’institutions locales ou organisations communautaires.
 Les crises de toute nature, y compris les crises climatiques, sont ressenties au niveau des
unités domestiques individuelles et par les groupes villageois dont elles font partie. Elles
déclenchent des réponses d’adaptation adéquates au niveau des membres individuels.
 Mais les solutions les plus durables sont celles qui sont recherchées au niveau des réseaux
plus vastes dans lesquelles la communauté villageoise est intégrée à partir de critères
géographiques et/ou sociologiques, sur la base d’intérêts de production et de survie
communs.
3.2. RISQUES, INCERTITUDES ET VUNERABILITES
Instabilité et précarité
Les modes et les moyens d’existence des ménages, des communautés villageoises et des organisations
communautaires sénégalaises sont extrêmement instables et précaires. L’existence est comme rythmée
par l'expérience de crises plus ou moins sévères et par l'effort constant pour lutter contre leurs effets, se
réhabiliter, reconstituer les réserves des greniers et les troupeaux, continuer à reproduire la société ou,
tout simplement, survivre.
L’exposition des populations rurales sénégalaises aux nombreux risques liés au climat et à la dégradation
des sols n’a fait que croître au cours de l’histoire récente.
 Les activités productives des ménages sénégalais souffrent de précipitations instables et
imprévisibles, de manque d’eau répétés et chroniques, d’inondations, de phénomènes de
déforestation, d’épuisement des nutriments des sols, de leur acidification et de leur
érosion, de la baisse des rendements, de la dégradation des parcours, de l’épuisement des
stocks de poissons, et de la perte de biodiversité.
Des enquêtes récentes menées auprès des ménages sénégalais 20 ont montré la virulence des effets des
risques collectifs (surtout de nature écologique et climatique), qui s’exercent sur l’ensemble de ménages
vulnérables des différentes zones, en anéantissant tous leurs avoirs (ou actifs), ont accéléré la
dégradation de leurs conditions de vie et l’érosion des mécanismes internes d’entraide et de solidarité.
A cet égard, d’après les données recueillies dans le cadre de la préparation du DSRP,21 il apparaît
que :


20
21
L’incidence de la pauvreté augmenterait avec la taille du ménage : ainsi, la taille moyenne
des ménages des 20 % les plus pauvres est de plus de 10 personnes alors que parmi les 20 %
les plus riches, elle est de 8 personnes.
La pauvreté serait plus répandue au sein des ménages dont les chefs de ménage ont un
niveau d’instruction bas (près de 55% des chefs de ménage sans instruction seraient pauvres
contre 46% pour ceux qui ont le niveau primaire).
Dans le cadre de la préparation du DRSP.
Unité de Coordination et de Suivi de la Politique Economique (UCSPE), Ministère de l’Economie et des Finances.
12
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -


Le milieu rural contribuerait à hauteur de 65% à la pauvreté, pour une population de moins
de 55% du total.
Les régions de Ziguinchor et de Kolda, confrontées pendant plusieurs années à l’ insécurité
(crise casamançaise) et l’enclavement, enregistrent les taux les plus élevés de pauvreté
(supérieure à la moyenne nationale). Ces régions sont suivies de Kaolack et Diourbel, qui,
situées au cœur du bassin arachidier, subissent les effets du déclin des activités
économiques liées à l’arachide dans un contexte d’absence d’activités économiques
alternatives, et Tambacounda (56,2%).
Encadré 4 : Au sujet des notions de ‘risque’, ‘incertitude’ et ‘vulnérabilité’

L’objet d’un risque concerne conceptuellement quelque chose de connu (soit par
une estimation préalable soit à la suite de conclusions empiriques) et le risque
peut être prévu d’une manière plus ou moins objective.

Par contre, l’objet d’une incertitude est inconnu, du fait qu’il est singulier, voire
même unique, et qu’il est lié à toute une multitude des situations possibles
imprévisibles. Devant une incertitude, il n’y a que des estimations, des intuitions
subjectives. Cette distinction est pertinente par rapport à l’analyse des
comportements des ménages et des communautés, du fait qu’un ensemble de
choix stratégiques leur permet d’aligner et adapter leurs modes et moyens
d’existence aux risques et aux incertitudes.

Dans cette perspective, la vulnérabilité est une conjonction de risques et
d’incertitudes et définit le degré selon lequel un système est plus ou moins
capable de faire face aux conséquences des risques et aux effets des incertitudes.
L’opposé de vulnérabilité est sécurité (ainsi, les antonymes de ‘vulnérabilité
alimentaire et vulnérabilité climatique’ sont respectivement ‘sécurité
alimentaire’ et sécurité climatique’). Dans cette perspective, un ménage est
vulnérable : (i) s’il est à risque par rapport aux variations économiques,
écologiques et climatiques; (ii) s’il est susceptible de ressentir, d’une manière
plus ou moins directe, les effets d’événements externes de nature économique,
commerciale, épizootique, démographique et climatique; et (iii) s’il ne dispose
pas de stratégies d’adaptation (ou s’il n’est pas à même de les adopter) lui
permettant de réduire l’incidence des risques, de limiter les dégâts et de profiter
des opportunités.
A noter qu’au Sénégal, la notion de crise est surtout utilisée pour décrire une
situation englobant la chute de la production de l’arachide, la stagnation de la
production céréalière et des indicateurs de la dégradation de l’environnement liée à
22
la croissance démographique.
La pauvreté monétaire de 6594 ménages est analysée à partir de l’Enquête sénégalaise auprès des
ménages de 2000-2001. Il apparaît, entre autres, que les femmes chef de ménage souffrent de
handicaps plus sérieux que les hommes. Leur plus faible dotation en capital humain et une médiocre
intégration au marché du travail se traduisent par des activités précaires et faiblement productives. En
outre, la vulnérabilité des ménages dirigés par des femmes est attribuable à l’absence d’un conjoint
22
A. Fall, 2001 :13.
13
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
actif, au fait que les membres secondaires du ménage sont eux-mêmes, pour une grande part, des
personnes vulnérables (jeunes, vieux, femmes) et enfin à des revenus plus précaires que dans les
ménages masculins. 23
 C’est la conscience aiguë du risque qui détermine les techniques d'exploitation du
milieu naturel et les stratégies de production.
 Dès lors, c’est la réduction ou la minimisation des risques et des incertitudes qui semble
être l’objectif fondamental des ménages pour la croissance, la reproduction ou la simple
survie.
Les causes de la vulnérabilité
Par rapport aux causes de la vulnérabilité des ménages sénégalais, il ne semble pas y avoir des modèles
explicatifs linéaires. En effet, au Sénégal, comme pour la plupart des pays sahéliens, l’explication
naturaliste, qui considère les changements climatiques (diminution des pluies) comme la cause
fondamentale des perturbations écologiques), doit impérativement être complétée par une explication
sociopolitique, qui, dans une perspective historique, lie les crises économiques et alimentaires à des
déséquilibres structurels (engouement pour les cultures commerciales, entre autres). 24 On peut dès lors
distinguer deux types de causes de vulnérabilité, chacun étant imbriqué dans l’autre : 25

‘Les causes sous-jacentes’ ou ‘les causes d’origine’,26 à savoir les causes de nature économique,
démographique et politique, qui affectent l’allocation et la distribution des ressources, ces causes
étant fonction de la structure économique, de droits, de rapports entre personnes d’âge ou de
genre différent et, partant, de l’idéologie du groupe.

‘Les forces de pression dynamiques’,27 qui traduisent les effets des causes d’origine dans des formes
spécifiques de vulnérabilité et les canalisent, en quelque sorte, dans des insécurités particulières,
plus ou moins constantes, en fonction des risques (y compris la pression démographique, les
épidémies, les guerres et aussi les changements climatiques).
Au Sénégal, les ménages et les communautés, qui sont déjà rendus vulnérables par un ensemble de
‘causes sous-jacentes’ (en vertu de leur statut social, par exemple, leur genre, âge ou marginalité
politique), peuvent succomber plus rapidement à ces forces de pressions. Elles peuvent ainsi ressentir,
d’une manière plus sévère, les effets du changement climatique (et cela en fonction des caractéristiques
climatiques des différentes zones agro-écologiques pu pays).
Les facteurs qui affectent de manière particulière les relations des ménages sénégalais à leur
environnement sont :

La récurrence des sécheresses et d’autres facteurs physiques et bio-climatiques, dont les effets
ont pris des proportions immenses tout au long de ces dernières décades, a des dimensions
spécifiques liées à la variabilité extraordinaire des caractéristiques climatiques d'une année à
l'autre et leurs fluctuations extrêmes ou changements.
23
Voir l’analyse de ces données par M. Kebe & Y. Charbit, 2007.
Voir C. Raynaut (ed), 1997:24.
25
En suivant P. Blaikie-T. Cannon- I. Davis- B. Wisner, 1994.
26
En anglais root causes.
27
En anglais, dynamic pressures.
24
14
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -



Les effectifs de population avec les conséquences qu’ils entraînent par rapport à l’exploitations
des ressources.
Les variations et les fluctuations du marché de céréales et de bétail qui affectent de manière
sévère la vulnérabilité des ménages/communauté, par rapport à leurs objectifs fondamentaux
qui sont l'autosuffisance alimentaire et le commerce.
Enfin, les effets d’une multitude de phénomènes incontrôlables et de conditions techniques et
matérielles, qui contribuent à rendre instable l'environnement socio-économique des ménages
et des communautés (y compris les effets de politiques gouvernementales).
En d’autres mots : l’impact des facteurs écologiques et climatiques sur les moyens d’existence locaux est
aggravé par la concomitance de facteurs externes puissants. La combinaison de croissance
démographique, monétisation rapide de l’économie rurale, transfert de la propriété de la terre et du
cheptel dans les mains d’une élite minoritaire (généralement urbaine et absentéiste) et désintégration
progressive des systèmes fonciers communautaires a accentué la fragilisation des groupes ruraux, tout
en modifiant les modes de faire-valoir et en compromettant les conditions préalables à une gestion
durable des ressources naturelles.
3.3 LES STRATEGIES D’ADAPTATION AUX CRISES
3.3.1 Stratégies d’adaptation des ménages : études de cas
Etude de cas 1 : Stratégies de survie et mobilité dans la zone du Ferlo
Tout au long de ces dernières décades, les sociétés pastorales et agro-pastorales du Ferlo ont été
sujettes à des crises traditionnelles (sécheresses récurrentes, épizooties, inondations, criquets pèlerins).
A ces crises, s’ajoutent les crises sociales (dues aux pressions démographiques), politiques (effets des
politiques d’ajustement structurel et des stratégies de stratification économiques des zones d’élevage)
et environnementales (dégradation des ressources naturelles). Face à ces incertitudes, les populations
du Ferlo (Ferlankobé) ont progressivement mis au point plusieurs stratégies d’adaptation en vue de
réduire l’impact de ces crises et de trouver de nouveaux équilibres sociaux, économiques et
écologiques. 28
Pour ces populations, la notion de kisal a une importance tout à fait particulière, puisqu'elle
désigne l'un des objectifs fondamentaux de leur vie sociale et économique. Elles ont, en effet,
l'habitude de dire que ‘toute la vie est une lutte, une lutte pour la survie’. Pour eux, le
terme kisal désigne, avant tout, la fuite du danger, la sécurité vis-à-vis de toute forme de menace. C'est
aussi, d'une manière plus générale, la survie, le salut et la subsistance. Les modèles de production et les
relations sociales qui y sont liées, répondent à cet objectif primordial, à cette sorte d'obsession
collective et individuelle de recherche de kisal, plus qu'à celui de l'augmentation de la productivité et de
l'accumulation des richesses.29 Pour atteindre cet objectif, c’est l’agro-pastoralisme qui permet de
trouver des équilibres environnementaux et économiques, au prix de certaines ajustements sociaux.
Dans ce contexte, le ménage ‘nanti’ n’est pas celui qui est capable d’accumuler du capital ou de produire
un surplus, mais tout simplement de garder un niveau de vie équilibré standard même pendant des
saisons difficiles et des années mauvaises. Ainsi, le ménage non vulnérable aux crises de toute nature
est celui qui peut surmonter les crises saisonnières récurrentes et de mettre en œuvre des pratiques et
des techniques adéquates, en fonction du savoir-faire local.30
28
O. Touré 1987.
Y.D. Diallo. & A. Bonfiglioli, 1988.
30
A. Bonfiglioli – Y.D. Diallo – S. Fagerberg-Diallo, 1996.
29
15
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
La mobilité des hommes et des troupeaux a toujours été la fer de lance de fer de ces stratégies, d’autant
plus qu’elle ne concerne plus uniquement les groupes pastoraux (à la recherche d’eau et de pâturages
au fils de l’alternance des saisons), mais aussi les groupes d’agriculteurs en quête de terres agricoles
nouvelles, dans un contexte de raréfaction des ressources et d’arrivée massive (dès le début des années
1990) de migrants agricoles. En tant que stratégie, la mobilité tente en effet de contourner le manque
ou la dégradation des ressources locales par une fuite en avant à la recherche de nouvelles ressources
dans d’autres latitudes.
Etude de cas 2 : Stratégie d’adaptation dans la zone de Thieul
Dans la zone de Thieul, localisée dans la partie méridionale du Ferlo à la limite du bassin arachidier et au
cœur de l'expansion de l'agriculture, le terroir agro-sylvo-pastoral constitue une zone tampon aux plans
morpho-pédologique, climatique et socio-économique caractérisée par une grande diversité.31 Le climat
local est de type sahélien avec quelques influences du domaine soudanien comme en atteste l'immense
couverture herbacée en saison humide. Les ressources hydriques sont constituées d'une part par les
points d'eau permanents (puits, forage et antennes de forage) et d'autre part des mares et vallées
situées autour de Thieul avec un écoulement temporaire pluvial. Des caractéristiques bioclimatiques
spécifiques ont attiré de nouvelles populations d'agriculteurs dont le nombre de campement a
augmenté de 70% entre 1980 et 2000 contre seulement 30% entre 1935 et 1980. Ce flux de migrants a
provoqué un accroissement et une extension des zones de cultures de 13% entre 1980-1999 matérialisé
par une fragmentation des paysages sur le front agricole et une réduction des terres de parcours du sud
au nord. Les ménages et les communautés agro-pastorales de cette région ont mis au point plusieurs
stratégies d’adaptation : 32




31
32
Des stratégies agro-foncières d’occupation des sols sont, le plus souvent, des stratégies offensives et
agressives par nature, dans la mesure où agriculteurs wolof et pasteurs peuls entrent en
compétition dans l’occupation des mêmes ressources.
Des stratégies de mobilité sont propres aux agropasteurs sereer et pasteurs peuls et peuvent avoir
deux motivations : offensives ou défensives. Il s’agit d’une mobilité dictée par la recherche de
pâturages pour le cheptel, mais qui se couple souvent à une transhumance à motivation purement
commerciale (les destinations choisies étant des régions proches des grands marchés à bestiaux du
bassin arachidier comme Mbirkilane, Mbane, Guinguinéo, Dinguiraye.)
Des stratégies productives expliquent l’allocation des ressources tirées de l’environnement de
production. Leur mise en œuvre implique des ressources humaines, mais aussi physiques,
financières, relationnelles et organisationnelles. Les décisions concernant les activités productives
engagent la viabilité du patrimoine familial, la pérennité de l’exploitation, bref, le long terme. Les
objectifs stratégiques visent à s’assurer une sécurité sociale, alimentaire et économique.
Des stratégies de diversification concernant des activités extra-agropastorales. Dans la zone de
Thieul, ces activités sont le transport en commun de marchandises et des personnes et le
‘maraboutage’ - pratique basée sur des prestations de services occultes, moyennant rémunération
financière ou en nature, pour la résolution de problèmes de la vie (famille, carrière, promotion
sociale, gris-gris contre le vol du bétail, santé, pharmacopée). Les revenus de ces stratégies peuvent
aussi avoir une connexion avec le milieu urbain. Dans ce cas, c’est l’ancrage urbain d’un ou plusieurs
membres de la famille ou de parents installés durablement dans les grands centres urbains, qui
génère ces revenus.
Voir : http://cormas.cirad.fr/fr/applica/Thieul.htm.
Pour toute cette section : I. Thiam, 2008.
16
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Etude de cas 3 : Stratégies d’adaptation dans la zone de Diourbel
Des études conduites en 2001 dans la région de Diourbel 33 ont permis d’identifier plusieurs formes de
stratégies d’adaptation des ménages.




Stratégies visant à accroître les revenus non-agricoles : Dans la région de Diourbel, les revenus nonagricoles peuvent se diviser en deux catégories: (i) ceux réalisés localement (ou grâce à la migration
saisonnière pendant la saison sèche) ; et (ii) ceux tirés de la migration quasi permanente d’un
membre de la famille. La plupart des migrants permanents (des jeunes) sont partis à Dakar ou à
Touba, où ils trouvent surtout des emplois faiblement rémunérés, mais qui ne demandent pas de
qualifications professionnelles. Dans ce contexte, la migration a été une stratégie fondamentale
adoptée par les ménages affectés par des conditions économiques difficiles et la sécheresse. Les
déplacements migratoires confirment les coûts d’opportunité faibles des salariés agricoles, surtout
depuis la diminution des surfaces consacrées à la production de l’arachide. Ils confirment en outre
les données sur la migration collectées dans la région de Diourbel au début des années 1990.
Stratégies d’adaptation au changement climatique : Les paysans se sont adaptés au
raccourcissement des saisons des pluies en abandonnant la culture des variétés de mil à cycle long
(>90 jours) et du sorgho (>120 jours), en leur préférant des variétés à cycle court, plus tolérantes à la
sécheresse ou moins exigeantes en eau. Ils ont également abandonné la culture de certaines
variétés de riz qui étaient adaptées à la culture dans les bas-fonds. Les variétés de niébé adaptées
aux courtes saisons des pluies ont aussi été utilisées avec succès par les paysans, qui ont accru
progressivement les surfaces cultivées.
Stratégies de diversification : En fonction des coûts d’opportunité liés à la pénurie, les ménages
rurales exploitent de manière autonome leurs ressources en travail, terres et capitaux de façon
rationnelle. Dans cette dynamique, particulièrement importantes sont les stratégies de
diversification des revenus, en particulier par rapport aux réponses positives aux marchés et aux prix
(pour les produits, la main d’œuvre, les intrants) et à l’évolution du régime pluviométrique
(modification des spéculations, des variétés etc.) et la réponse sélective par rapport à l’information
et à la disponibilité des nouvelles techniques.
Stratégie visant à accroître les cultures commerciales et renforcer les entreprises marchandes : En ce
qui concerne les cultures, l’adoption de nouvelles cultures spéculatives (niébé, hibiscus sabdariffa
appelé localement bissap) indique une réponse positive par rapport à l’évolution des marchés. Ainsi,
la rentabilité des produits commercialisés est un facteur motivant qui incite les paysans à investir
dans la conservation et la mise en valeur des terres. Les Wolof, et plus récemment les Sereer
également, ont réussi à développer la culture de l’arachide dans des terres non exploitées jusqu’à
présent, à faire de gros investissements au niveau de l’aménagement urbain dans des villes comme
Touba et Dakar, à transformer les marchés à bétail en nouveaux marchés ruraux après la
désorganisation créée par l’Etat dans le système de commercialisation dans les années 1960, à
profiter des différences au niveau des prix entre les pays frontaliers (de manière légale ou pas), à
développer la fabrication artisanale de l’huile d’arachide, et à développer la commercialisation de la
fane d’arachide. Ils ont également établi un réseau international de vendeurs à la sauvette qui
vendent des souvenirs et des produits ethniques un peu partout et notamment aux États-Unis, en
Afrique du Sud, et en Europe.
33
Ces études ont été conduites par le Drylands Research (Somerset, United Kingdom), sous la direction de M. Mortimore et M. Tiffin. Pour cette
étude de cas, voir: A. Faye &A. Fall &- M .Tiffen & M. Mortimore& J. Nelson (2001). L’ensemble de la documentation est disponible en ligne
(http://www.drylandsresearch.org.uk/dr_senegal.html).
17
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Etude de cas 4 : Ménages, institutions et adoption de stratégies d’adaptation
Dans le cadre du projet ABDCC (‘Institutions et changement climatique’), l’ONG AGRECOL/Sénégal a
mené des enquêtes auprès d’un échantillon de 128 ménages et conduit des entretiens avec 30 groupes
de discussions homogènes, appartenant à 16 différents villages de 8 Communautés rurales dans 6
Régions.34 L’enquête a concerné à la fois des zones à forte pression démographique (Fatick, Kaolack et
Kaffrine) et des zones à faible pression démographique (les parties septentrionales de Louga, Diourbel et
Thiès). Parmi toutes les informations disponibles dans un ensemble de rapports, 35 on retient ici celles
qui concernent les perceptions locales des crises climatiques et les stratégies individuelles et collectives
des ménages face aux crises.
a) Perceptions des crises climatiques
 La prise de conscience de l’impact des crises climatiques sur les modes et moyens d’existence locaux
semble être relativement assez élevée chez les populations. On considère ces modifications
climatiques comme imprévisibles et contrastantes. Au cours des dernières années, on fait
unanimement état d’une alternance irrégulière des saisons (avec un raccourcissement de la période
des pluies, la concentration de pluies violentes sur uns période de temps relativement assez courte
ou l’allongement de la période ‘fraîche’,36 selon les cas). On rapporte aussi une récurrence
inhabituelle de sécheresses, tourbillons, orages, inondations, feux de brousse causés par la chaleur
et le tarissement inopiné de puits. Cela conduit, entre autres, à la salinisation rapide de terres
fertiles et l’ensablement de vallées (du fait aussi de la culture d’arachide et de la violence des vents),
comme aussi à une prolifération du striga, mauvaise herbe particulièrement préjudiciable aux
cultures. Des pluies hors saisons, qui peuvent pourtant alimenter les nappes phréatiques, sont la
cause d’une forte mortalité du bétail et provoquent le pourrissement des récoltes.
 Dans l’imaginaire des gens, ces phénomène climatiques sont accompagnés par l’éruption, jugée
pareillement inhabituelle, de formes virulentes de paludisme, diarrhées, vomissements,
hypertensions, arthrites et rhumatismes.
 La baisse des productions agricoles constitue, dans toutes les régions, l’un des effets les plus directs
du changement climatique. Dans la Communauté rurale de Latmingué, Région de Kaolak, les
producteurs rapportent une baisse de près de 50%, due soit à un excès de pluie ou un manque de
pluies et/ou à des vents chauds et violents.
 Au niveau social, les crises climatiques, à l’instar d’autres formes de crises, se traduisent (dans la
Communauté rurale de Latmingué, Kaolack, par exemple) par une augmentation de conflits entre
producteurs ou entre systèmes de production (problèmes liés à la divagation des animaux dans les
champs, à la colonisation agricoles de zones de parcours, etc.), comme aussi à la recrudescence de
l’insécurité (nombreux cas de vol de bétail à main armée). Dans le cas spécifique des communautés
de pécheurs de la zone de Fimela, Région de Fatick, il y a aussi des conflits potentiels entre les
pratiques de pêche des groupes locaux et des pêcheurs saisonniers manding (qui ne respecteraient
pas les conventions et les normes locales). Toujours au niveau social, dans le Département de
Linguére, cela se traduit par un dépeuplement massif de nombreux villages (la plupart de leurs
habitants se rendant dans les villes pour chercher du travail salarié ou pour se signer)
 Les ménages les plus vulnérables aux crises climatiques sont ceux de femmes veuves ou femmes
seules avec de nombreux enfants qui n’ont pas encore l’âge de travailler : ceci constitue un véritable
34
REGION DE THIES : 32 ménages de 4 villages des CR de Notto Diobass et Méouane ; Région de Diourbel : 16 ménages de 2 villages de ka CR de
Touba Mosquée ; REGION DE LOUGA : 16 ménages des 2 villages de la CR de Déaly ; REGION DE FATICK, 16 ménages de 2 villages de la CR de
Fimela ; REGION DE KAOLACK, 16 ménages de la CR de Latmingué; REGION DE KAFFRINE : 32 ménages des CR de Kahi et Nganda.
35
Voir : AGRECOL, 2009.
36
Dans la zone de Nguèye-Nguèye, Communauté rurale de Méouane, par exemple, la période fraîche peut durer jusqu’à 9 mois (au lieu de 6
mois habituels), avec des effets importants sur les cultures.
18
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

problème dans les zones à faible pression démographique (à cause de l’émigration massive des
hommes).
Face à ces crises, la résilience des ménages apparaît de moins en moins forte. Après des crises
climatiques qui ne sont pas nécessairement jugées très virulentes, l’on estime que selon les
ménages, il faut compter sur une période de récupération allant de 6 à 12 mois – au cours de cette
période, les ménages les plus pauvres devant adopter toute une gamme de ‘stratégie de sortie de
crise’ très douloureuses, les conduisant à une véritable situation de ‘non retour’.
b) Les principales stratégie des ménages
Il y a une nette différence entre les stratégies en fonction de la pression démographique. Dans les zones
à faible pression démographique, où la plupart des hommes sont déjà partis ailleurs et les femmes ont
toutes les charges de leur ménage, les stratégies sont limitées :



Ventes de détresse : Vente des biens familiaux pour acheter de la nourriture : il s’agit le plus souvent
de bradage ou ventes à bas prix, ventes de détresse (appelées localement bana-bana) qui peuvent
toucher à tout (produits agricoles, équipement agricole, cheptel).
Stratégies alimentaires : modification du régime alimentaire (moins de repas journaliers, moins de
quantité de nourriture consommée : jusqu’à 50% de réduction à Nganda, Région de Kaffrine, par
exemple).
Emprunt d’argent (auprès de commerçants locaux) à de taux prohibitifs et pour des durées très
courtes (avec l’implication de collatéraux qui peuvent être saisis).
Par contre, dans les zones à forte pression démographique, les principales stratégies sont les suivantes :



Exode vers les villes : Départ d’hommes et de femmes vers les villes (Dakar, Fatick, Kaolack, et
Mbour) à la recherche d’un travail salarié (départ massif de jeunes dans le cas de la Communauté
rurale de Fimela, région de Fatick).
Pratique généralisée de petits métiers : Pratique saisonnière ou habituelle de toute une gamme de
petits métiers de la part des hommes et des femmes : travail agricole salarié; fauchage, transport et
vente de paille; collecte et vente de bois de chauffage (y compris de mangroves, à certains endroits);
cueillette (par exemple, feuille de baobab et de ‘pain de singe’); travail ambulant, de maison en
maison, pour vendre l’eau, laver du linge ou vendre des repas; petits travaux de maçonnerie;
transport de personnes ou de marchandise dans des charrettes; artisanat pour les femmes;
production de savon artisanal (par les femmes de Nganda, par exemple). Des anciens métiers sont
revalorisés (couture, broderie, coiffure) à Méouane, Région de Thiès, par exemple.
Modification des pratiques agricoles : Cela implique une tendance vers une plus grande
diversification des cultures agricoles, avec l’introduction de variétés précoces (variétés hâtives de
mil et arachide, le niébé mélax, le maïs amélioré) ; construction de petits barrages pour lutter contre
la salinisation des terres fertiles et la régénération des sols (en arrêtant l’eau de ruissellement, ces
barrages contribueraient à refouler le sel et, à certains endroits, à s’opposer à l’avancée de la mer).
Dans certaines zones (comme à Fimela, dans la région de Fatick), les producteurs agricoles se
donnent de plus en plus à la pratique de la pêche (quitte à emprunter matériel et équipement
auprès des pêcheurs traditionnels).
D’une manière générale, dans les deux zones, les ménages individuels gardent un rapport ambivalent
avec les organisations communautaires (au niveau villageois ou intervillageois) En effet, devant les
crises, les ménages adoptent soit un reflex identitaire (avec une tendance à davantage s’intégrer à la
19
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
communauté et adhérer aux valeurs du capital social traditionnel) soit une attitude de préservation (en
se renfermant, en quelque sorte, sur eux-mêmes, et en ne se souciant que de leur propre survie):


Expressions de solidarité communautaire et retour aux valeurs communautaires : Pratique de formes
d’entraide et de solidarité entre les ménages (dons d’habits et de nourriture); travaux dans des
champs collectifs; mise en place de ‘tontines’ simplifiées (fonds rotatif), surtout au niveau de
groupes de femmes, pour permettre aux membres individuels de démarrer de petites activités
génératrices de revenus (à Méouane, par exemple, les femmes reçoivent une formation appropriée
ai niveau de ‘la case de foyer’). Cela concerne aussi des rencontres religieuses plus ou moins
formelles, ayant le but de se réconforter réciproquement, prier pour la pluies et chercher d’autres
formes de sécurisation psychologique (organisation de dahiras, rencontres religieuses informelles,
comportant des chants, avec cotisations et prise en charge de problèmes communautaires). Le rôle
di Conseil rural et des chefs coutumiers semble être particulièrement efficace (et apprécié) pour
susciter des actions collectives, comme aussi celle des coopératives agricoles (comme les SECCO). A
certains endroits (exemple, Linguére, Région de Louga), le ‘marabouts’ assurent un rôle d’appui aux
familles nécessiteuses en période de soudure.
Expressions d’individualisme et changement des comportements vis-à-vis des autres : A Nganda, la
recherche de nourriture est devenue la principale activité des ménages, de manière qu’ils disent
n’avoir plus de temps pour participer à des actions communautaires. A Notto, Région de Thiès, les
ménages pauvres ne participent pas aux activités d’associations qui leur demandent des
contributions. Les comités de vigilance contre les feux de brousse ne fonctionnent presque plus dans
la région de Nganda, faute de motivation (et probablement aussi de mauvaises politiques foncières).
Cette configuration où les valeurs communautaires semblent érodées et une attitude individualiste
du ‘chacun pour soi’ semble prévaloir, est explicitée par des propos d’un groupe de discussion à
Fimela: « Celui qui ne peut pas manger ne peut plus se permettre d’acheter des semences.
Désormais, celui qui a des semences, les vend pour acheter de la nourriture. Autrefois, on te prêtait
la semence dont tu avais besoin. Aujourd’hui on ne te prête plus les semences, puisqu’elles ont acquis
une grande valeur monétaire, mais on te les vend. De plus, si tu es pauvre, ce sont des semences de
mauvaise qualité qu’on te vendra.»
Par ailleurs, sur la base des données quantitatives collectées par AGRECOL, en groupant les ménages en
fonction de quelques variables (niveau de risques, exposition au risque, stratégies d’adaptation et accès
aux institutions publiques et privées), un rapport séparé et complémentaire tire un certain nombre de
conclusions très générales par rapport aux interactions entre ménages et institutions (ces conclusions
préliminaires, cependant, mériteraient d’être davantage vérifiées dans le contexte spécifique du
Sénégal) 37 :



Les ménages les plus exposé au risque climatique ont généralement un niveau élevé d’accès aux
institutions locales (dans le cas du Sénégal, cela semble, entre autres, lié au fait que les ONG tendent
à se concentrer toutes dans les mêmes zones à risque, comme la zone de Thiès);
L’accès de ces ménages à risque aux institutions leur permet d’adopter et utiliser toute une gamme
de stratégies d’adaptation;
Les ménages capables d’utiliser ces stratégies d’adaptation sont aussi ceux qui sont les plus
susceptibles d’avoir accès aux institutions gouvernementales et aux associations de la société civile.
37
Voir le rapport préparé par un groupe d’étudiants de l’Université de Michigan (Etats Unis) qui a participé à une partie du travail d’AGRECOL:
University of Michigan (2009). Il s’agit d’un rapport qui présente de manière cumulative et comparative, des données quantitatives, qui, dans le
cadre du projet ABDCC, ont été collectées au Sénégal, comme aussi au Niger et Burkina Faso, pour ce qui concerne l’Afrique, et le Pérou,
Mexique et République Dominicaine, pour ce qui concerne l’Amérique latine.
20
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -



Les ménages les plus exposés aux risques climatiques sont ceux qui ont aussi des revenus bas, des
activités économiques peu diversifiées et dont la taille serait inférieure à la moyenne (ces ménages
utilisent peu les institutions et adoptent faiblement des stratégies d’adaptation);
Les ménages ayant le niveau le plus élevé d’adaptation, en termes de stratégies, sont aussi ceux qui
retirent leurs revenus d’activités agricoles et commerciales.
Les groupes de ménages qui sont particulièrement susceptibles de ressentir les effets du
changement climatique montrent un niveau critique de vulnérabilité et des efforts devraient viser à
renforcer leur niveau de résilience.
3.3.2 L’agro-pastoralisme comme stratégie capitale d’adaptation
A partir des conclusions de ces études de cas et d’autres nombreuses analyses concernant la situation
présente et passée, il apparaît bien que les populations sénégalaises, comme toutes les sociétés
paysannes sahéliennes, ne se contentent pas de subir passivement les incitations et les contraintes
auxquelles elles sont soumises. En effet, elles les interprètent en fonction de leurs propres priorités, à
savoir la minimisation des risques et la valorisation de la force de travail.38
D’une manière générale, au-delà du choix ponctuel de pratiques et techniques spécifiques (cultures,
outils, techniques de travail, mobilité, etc.), c’est bien la pratique associée et plus ou moins harmonieuse
de l’agriculture et de l’élevage (agro-pastoralisme) qui peut être considérée comme la principale
stratégie d’adaptation face aux crises de toute nature.
Il est, par conséquent, tout à fait légitime de penser que, dans le cadre des nouveaux risques liés au
changement climatique, c’est encore à l’agro-pastoralisme que les ménages feront recours. D’un côté il
y a un engouement croissant des agriculteurs pour un élevage spéculatif et, d’autre coté, un
désillusionnement progressif des éleveurs pour une forme de pastoralisme nomade de plus en plus
limité par le manque de terres à pâturages.
En effet, au Sénégal, comme dans la plupart des pays sahéliens, l’agro-pastoralisme permet aux
ménages de minimiser les risques inhérents à chacune de ces formes de production et d’améliorer les
conditions de vie et de production dans un contexte social et économique éminemment précaire.
Complexe et varié, l'agro-pastoralisme sahélien est un phénomène difficile à saisir, parce qu'il est le
résultat de l'intégration ou de l'imbrication de toute une gamme de comportements agricoles et
pastoraux. Par ailleurs, les formes de cette association varient dans le temps et sont sujettes aux
oscillations perpétuelles de l'histoire (il faudrait en effet distinguer, d’une part, l’agro-pastoralisme
embrassé par des groupes qui pratiquaient traditionnellement uniquement des activités pastorales et,
d’autre part, l’agro-pastoralisme des groupes jadis uniquement impliqués uniquement dans des activités
agricoles). Ainsi, l'agro-pastoralisme apparait au carrefour d'une même recherche d'équilibre. 39
 L’agro-pastoralisme, en tant que stratégie de diversification, vise à réduire les risques
inhérents à une pratique séparée de l’agriculture ou de l’élevage (à condition cependant
que les deux activités agricoles et pastorales gardent une certaine autonomie).
 L’agro-pastoralisme est en mesure de conférer aux ménages sénégalais un niveau plus
élevé de résilience, c’est-à-dire une capacité de revenir à l’état d’équilibre qui existait
avant le choc.
38
39
C. Raynaut (éd.), 1997:258.
Voir: A. Bonfiglioli, 1990:255.
21
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
En époque normale, en vertu des taux d'échange entre les produits de l’élevage et de l’agriculture, un
ménage agro-pastoral peut obtenir un nombre plus grand de calories avec l'échange de la viande et du
lait contre des céréales et peut satisfaire les besoins énergétiques de sa famille. Mais ce rapport est
instable et, à court terme, les fluctuations peuvent changer en faveur des produits céréaliers.40 D’un
point de vue technique, le recyclage des nutriments est un élément essentiel de l’intégration de
l’élevage à la culture agricole, liée à la pression démographique. Aux yeux d’agriculteurs comme les
Sereer et les Wolof, l’acquisition de bétail est justifiée par des raisons économiques (en termes
d’énergie animale, transport, embouche, épargne, lait, fumier). Dans cette perspective, les ressources
nécessaires à l’élevage des animaux (résidus de récoltes, les concentrés, la pâture, les enclos, et peutêtre bientôt, l’accès à des pâturages pendant la transhumance et même à l’eau) sont en train d’acquérir
ou d’accroître leur valeur commerciale. 41 Dans l’agro-pastoralisme, cependant, le problème essentiel est
celui de la coexistence de systèmes de culture et de systèmes d’élevage en principe très
complémentaires, mais en pratique compétitifs dans un espace où la biomasse végétale est insuffisante
pour couvrir les besoins énergétiques et vivriers de la population rurale et les besoins fourragers du
bétail. 42
3.3.3 Les autres stratégies d’adaptation à long terme
A part l’agro-pastoralisme, les ménages sénégalais adoptent toute une gamme de stratégies
d’adaptation complémentaires ou alternatives. Ces stratégies sont souvent rendues possibles par l’appui
des organisations communautaires auxquelles les ménages adhérent, en fonction d’une multitude
d’objectifs de production et de survie.

Partout au Sénégal, la pratique d’activités d’indépendantes (menuiser, chauffeur de taxi, tapissier,
etc.), de rémunérations salariales ou de petit commerce sont les stratégies d’adaptation les plus
communes et constituent la source de revenus plus ou moins importants. D’après un rapport récent,
les ménages dont l’agriculture est la principale source de revenu gagnent en moyenne 41.000 FCFA
par mois alors que dans les ménages qui associent à l’agriculture une autre activité, le revenu
moyen mensuel est supérieur à 60.000 FCFA. 43

Dans le Bassin arachidier, sous l’effet de la saturation foncière (effet combiné de la densité humaine
très forte et de la demande accrue de terres de culture induite par l’économie arachidière
dévoratrice d’espace), les modes et les moyens d’existence ont été bouleversés, entre autres, par la
disparition de la jachère, la dégradation du parc d’Acacia albida, la réduction des apports de fumure
(causée, à son tour, par une insuffisance des ressources fourragères. La reproductibilité des
potentialités de la production agricole se trouve menacée. Les sociétés paysannes sereer et wolof
ont répondu à cela non pas en cherchant des ajustement internes, mais par des formes de
décompression démographique (migrations massives vers les marges du bassin arachidier, d’abord,
et vers les zones urbaines, par la suite).44
C’est par la mobilisation des réseaux sociaux et surtout la rente migratoire que les femmes chef de
ménage, plus vulnérables que les hommes face aux crises, peuvent atteindre un certain équilibre,
car les ménages féminins se caractérisent par une plus grande proportion de migrants

40
Voir : O. Touré, 1987.
A. Faye – A. Fall - M .Tiffen – M. Mortimore,- J. Nelson, 2001:32.
42
Piéri, cité par C. Raynaut (ed.) 1997 :184.
43
PAM (2008) op.cit.
44
C. Raynaut (à cure de), 1997.
41
22
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
internationaux, qui de plus travaillent dans les pays occidentaux, d’où sont envoyés les transferts
monétaires les plus importantes et les plus réguliers.45

Une étude menée à Niakhar, dans la région de Fatick, montre que près de 50 % des ménages sont
vulnérables aux crises alimentaires. Le recours à la migration et à l'entraide familiale permet de
compenser en grande partie ce déficit. Certaines caractéristiques des ménages sont défavorables à
la productivité : c'est le cas lorsqu'ils sont de grande taille, que le chef du ménage est une femme ou
qu'il appartient à une caste. D'autres caractéristiques sont garantes d'une meilleure capacité
productive: le grand âge, la polygamie. Toutefois, si les ménages de petite taille dirigés par des
femmes sont moins productifs, ils compensent efficacement par une bonne aptitude à capter les
ressources extérieures.46

Dans la commune de Diawara, à l'extrême Est du Sénégal dans la région de Tambacounda, la pêche
constitue une activité très importante pour la population Soninké. Le parc piroguier de la zone de
Kayar, Région de Thiès, par exemple, est constitué de 350 embarcations dont 93% sont motorisées,
mais en période de campagne de pêche, la flotte peut atteindre 960 pirogues. Face aux problèmes
économique et écologiques nouveaux, les pêcheurs de Kayar ont fait le choix d’un modèle de
gestion communautaire, basé sur la concertation et la définition de règles consensuelles de gestion.
Ce modèle a démontré qu'une régulation de l'effort de pêche et une augmentation de la taille
minimale des poissons capturés, combinées à une bonne organisation du marché pouvait aboutir à
une augmentation substantielle des revenus des pêcheurs.47
En milieu rural, le ménage sénégalais est confronté à des risques liés aux conditions des pratiques
culturales (liés aux conditions du climat, les attaques des criquets, les dégâts des oiseaux) et à des
risques économiques (incertitude des prix de vente des produits et sur la rentabilité des techniques
nouvelles ou les conséquences de l’endettement).
 Un risque climatique se traduit vite en risque économique, en fragilisant l’économie du
ménage. Par ailleurs, et des réponses inadéquates aux risques économiques peuvent
aggraver les risques des cultures et exacerber l’impact des risques climatiques.
Par ailleurs, les populations ne s’adaptent pas simplement à leur environnement naturel, elles le
modifient en adoptant toute une gamme de technologies flexibles. Les producteurs pauvres vivant sur
des terres fragilisées ont accumulé des siècles d’expérience dans la gestion d’environnements naturels à
risque, ce qui les aide à identifier et à expérimenter de nouvelles options technologiques.
Dès lors, les objectifs de minimisation des risques peut alors conduire les ménages à adopter des
attitudes techniques et économiques multiples et parfois même contradictoires, mais qui ont une
rationalité et une logique interne. Ainsi, une forte prise de conscience du risque peut conduire certains
ménages à refuser toute innovation technique (rejet d’une variété céréalière plus performante que les
variété locales, mais dont la résistance aux conditions arides n’est pas prouvée) ou alors à accepter des
efforts économiques additionnels pour garantir un certain niveau de productivité (achat d’engrais par
les producteurs de coton, par exemple). Cela conduit aussi à :

préférer des cultures vivrières plus que des cultures commerciales;
45
M. Kebe & Y. Charbit, 2007.
A. Adjamagbo & V. Delaunay & P. Levi & O. Ndiaye, 2006.
47
Voir: http://www.diawara.org/index.php
46
23
Figure 5 : Stratégies adoptées par les ménages sénégalais face aux situations de crise
SITUATION DE CRISE
TEMPORAIRE
Stratégies de sortie
SITUATION DE CRISE
PERSISTANTE
Stratégies d’adaptation
SITUATION DE CRISE
CHRONIQUE
Stratégies de survie
Réduction du régime alimentaire (nombre repas, quantité nourriture)
Modification du régime alimentaire (produits de cueillette)
Modification des pratiques agricoles
Travail agricole salarié sur place et pratique de petits métiers
Emprunt de bêtes laitières auprès de parents
Gardiennage saisonnier d’animaux d’autrui
Recherche de travail salarié extra-agricole local
Emprunt de petites quantités d’argent et/ou nourriture
Bradage (ventes de détresse) de biens, produits agricoles et cheptel
Agro-pastoralisme
Mobilité accrue des hommes et des troupeaux
Recherche de travail agricole salarié permanent et gardiennage
permanent d’animaux d’autrui
Travail salarié extra-agricole local permanent (ex. maraboutage)
Emprunts d’argent et de nourriture
Priorité aux espèces céréalières résistantes et à cycle court
Plus grande diversification des espèces animales élevées
Préservation de bétail âgé, mais résistant et immunisé
Mobilisation des réseaux sociaux et participation à la vie associative
Consolidation de réseaux d’entraide et de solidarité
Plus grand accès aux services des institutions publiques locales
Mécanismes de prévention/gestion de conflits fonciers
Modification radicale du régime alimentaire
Pratique de travaux dégradants
Mise en œuvre de logiques individualistes
Pratique accrue de la cueillette (pour la subsistance)
Vente de la terre et du cheptel productif
Départ définitif de membres actifs vers les villes
Exode permanent de tout le ménages vers les villes
SITUATION DE NON RETOUR
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -



utiliser des espèces céréalières moins performantes, mais plus sûres et plus résistantes aux
conditions culturales semi-arides, avec des exigences pédologiques modestes (c'est seulement le
producteur aisé qui est en mesure de prendre la décision de pratiques novatrices, par exemple de
nouvelles espèces avec des rendements plus forts, mais variables);
garder des bêtes laitières relativement peu productives, mais plus résistantes, voire immunisées visà-vis des principaux phénomènes épizootiques locaux;
pratiquer des modèles de mobilité très astreignants, acceptant de vivre dans un environnement
rudimentaire et sommaire (habitat, équipement), pour permettre au troupeau d'exploiter des
niches écologiques variées et favorables, et obtenir une production laitière régulière constante.
Dans le contexte d’appauvrissement des ressources halieutiques, la restauration des écosystèmes
fragilisés et des stocks de pêche surexploités par une pêche intensive et destructrice est considérée par
les pêcheurs sénégalaise comme une stratégie prioritaire, dans le sens d’une pêche de qualité plutôt
qu’à une pêche de quantité et le choix de techniques qui respectent tant l’environnement marin que la
qualité du produit.
Mais il faut aussi ajouter que certains ménages peuvent aussi être absolument incapables de gérer les
situations de détresse à cause de l’accumulation de toute une gamme de facteurs qui traduisent les
aléas climatique en détresse et pertes. Ces facteurs sont, entre autres, liés à des formes d’injustice et
inégalité sociales, un accès inéquitable aux ressources, des infrastructures sociales insuffisantes, le
manque de représentation et de systèmes appropriés de sécurité sociale.48
3.3.4 Les stratégies ‘de sortie’ ou ‘de survie’
Les stratégies d’adaptation, 49 analysées précédemment, visent à permettre aux ménages de s’ajuster
aux changements à plus long terme intervenant dans l’environnement physique ou économique, en
modifiant leurs modes de vie et de production. Elles s’opposent aux ‘stratégies de sortie’, 50 ou ‘stratégie
de survie’, qui, quant à elles, répondent à une pénurie à court terme. Par contre, les ménages qui sont
tombées en dessous d’un certain seuil de pauvreté et qui ont perdu toute résilience face aux crises, ne
peuvent qu’adopter des stratégies extrêmes ‘de retrait’, 51 qui sont de véritables stratégie de ‘détresse’
(voir Figure 6).
La modification du régime alimentaire et la diminution du nombre des repas (surtout pour les adultes)
constituent certainement les stratégies les plus communément utilisées par les ménages sénégalais
pour sortir d’une crise transitoire. Leur adoption varie selon les années (d’après les données officielles,
en 2007-2008 un nombre de ménage plus important qu’en 2006-2007 aurait utilisé cette stratégie).

Trois zones agro-écologiques semblent avoir des proportions de ménages ayant des consommations
alimentaires pauvres supérieures à la moyenne nationale (Haute Casamance et Sénégal Oriental,
Bassin Arachidier et Basse et Moyenne Casamance). En associant les ménages ayant une
consommation alimentaire pauvre et ceux dont la consommation alimentaire est à la limite de
l’acceptable, le Nord Bassin Arachidier est considéré comme la zone du pays où les ménages ont
l’alimentation la moins fréquente et la moins diversifiée.
48
J. Ribot, 2010 :49.
En anglais : adaptive strategies.
50
En anglais : coping strategies.
51
En anglais : restrictive strategies.
49
25
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Dans une situation de crise qui perdure, à ces stratégies alimentaires transitoires s’ajoutent, de manière
progressive, tout un ensemble de stratégies de détresse: l’emprunt de nourriture chez les parents et les
voisins, une intensification des pratiques de cueillette et d'artisanat, la vente de jeunes animaux du
troupeau ‘de spéculation’, la vente de la force de travail familial, la pratique intense de travaux
inhabituels voire même dégradants, l’exode saisonnier de plus en plus important et long de certains
membres actifs vers les centres urbains et les ventes de détresse de parcelles de terre et d'animaux du
troupeau ‘de subsistance’, qui précédent enfin l'exode permanent de toute l'unité familiale vers les
centres urbains: c'est alors un point de non-retour, la fin d’un mode de vie.
3.4 INSTITUTIONS LOCALES ET VULNERABILITES AUX RISQUES
Dans la situation actuelle, les stratégies traditionnelles des ménages, ainsi que les techniques qui leur
sont associées, ne sont pas toujours en mesure de contrebalancer les impacts négatifs de la croissance
démographique, des changements climatiques et de la pression anthropique sur la fertilité des sols.
Certaines techniques (comme celle de maîtrise de l’eau et des sols) peuvent même aggraver la situation,
en augmentant le ruissellement des eaux, entraîner l’érosion, et diminuer l’infiltration de l’eau dans le
sol.
Ce sont alors les organisations communautaires locales (y compris les organisations villageoises) qui
peuvent jouer un rôle capital pour aider les ménages à mieux faire face aux risques de toute nature.
 En fonction de leur typologie et de leur mandat, les organisations paysannes
interviennent dans des domaines différents et variés, en appuyant toute une gamme de
stratégies à court et à moyen terme.
D’une manière générale, au Sénégal comme ailleurs, ces organisations jouent surtout un rôle de
médiation entre les réponses individuelles et collectives vis-à-vis de l’impact des crises et en canalisant,
en quelque sorte, l’aide extérieure visant à faciliter les réponses d’adaptation. 52
 Les Institutions basées sur les valeurs sociales et culturelles locales (groupes de parenté, groupes
de jeunes, de travaux communautaires, etc.) sont bâties sur le capital social local, à savoir solidarité,
entraide et confiance réciproque. Ancrées sur un ou plusieurs villages, ces institutions
entreprennent de nombreuses initiatives pour venir au secours des membres individuels pendant
des périodes spécifiques (par exemple, au moment des grands travaux agricoles) ou de crises et
post-crises (dons d’aliments, prêts d’animaux laitiers, ‘tontines’ etc.). Au Sénégal, la chefferie
traditionnelle influence fortement le champ social et politique, bien qu’elle ne possède pas
d’attributions juridiques particulières. Le rôle des leaders communautaires sociaux et religieux
traditionnels a été bouleversé par l’émergence des conseillers régionaux, municipaux et ruraux. Les
chefs coutumiers, pour gagner une certaine légitimité, sont maintenant obligés à jouer les nouvelles
règles du jeu démocratique. Le but de ces institutions est de réduire les insécurités des activités
agricoles, stabiliser les conditions de la production et pallier aux besoins en main d’œuvre au
moment des activités agricoles : elles sont des instruments développés par les sociétés rurales pour
‘réglementer les relations’ entre leurs membres au sujet de l’accès aux moyens de production (terre
et eau), le calendrier agricole, les pratiques technique et ainsi de suite. 53
52
53
A. Agrawal (2008); A. Agrawal & N. Perrin & M. Kononen (2009).
Rondot P. & Collion M.H. (eds.) (2001).
26
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
En milieu rural wolof, l’une des formes les plus courantes par lesquelles s’exprime le capital
social local c’est l’échange de travail entre gens de même famille, de même village, voire de
villages différents (appelé santaanelou ligey). On a traditionnellement recours à cette
prestation de travail au nom de l’esprit d’entraide des communautés villageoises, et ceci à
l’occasion d’événements précis comme la campagne agricole ou la construction d’une
nouvelle demeure. La formule est simple : un chef de carré (famille) fait appel à
d’autres carrés pour l’aider pendant une journée à des travaux agricoles par exemple. Cette
prestation de service n’est pas soumise à rémunération, le bénéficiaire devant tout
simplement offrir un repas à la mesure de ses moyens. Naturellement, la réciprocité est
observée ici, et tout chef de carré peut profiter de cette structure d’entraide. Même
système chez les Diola de Basse Casamance, organisés en sociétés de secours mutuel
appelé eribane . Tout ceci naturellement, exprime le degré de cohésion.54
Dans la région de Diourbel, certaines traditions imposent un support mutuel entre les
membres de la famille et entre les confréries religieuses qui se traduisent par des transferts
de ressources entre les membres des zones rurales et ceux des zones urbaines, dans le pays
et à l’étranger. Ces traditions concernent également les modes d’épargne et de crédit
(tontines).55
Chez les groupes d’agro-pasteurs du Ferlo, les structures socioprofessionnelles
traditionnelles sont fonctionnelles (elles se prolongent généralement dans les nouvelles
structures suscitées par les autorités gouvernementales et les projets, comme les comités
de gestions des forages ou de lutte contre les feux de brousse) et les rapports sociaux et
politiques survivent encore dans un contexte affectés par des mutations importantes.56
Pareillement, le travail de la collectivité en faveur des familles individuelles est très
important: c'est la pratique du doftal, véritable fête communautaire et célébration de la
solidarité. Le doftal est pratiqué surtout dans le cadre de la vie agricole, au cours de la
saison des pluies. Mais, il y a aussi une forme de doftal organisée dans d'autres
circonstances, à toute époque de l'année (à l'occasion de l'enterrement de toute personne
connue et respectée; de la construction d'une maison ou à l'occasion de la pose d'un toit sur
une maison). 57
 Les Institutions de production visent essentiellement à protéger et consolider les stratégies des
ménages (stratégies d’investissement et de production, quand cela est possible, ou alors
simplement stratégies d’adaptation). Ces institutions s’organisent à partir de réseaux assez denses
comportant des structures villageoises et inter-villageoises (les ONG s’y greffant pour donner une
dimension régionale, voire même nationale à ces réseaux). Dans le domaine de la gestions des
ressources naturelles, ce type d’institution a souvent permis la définition de règles concernant
l’accès des membres à la terre, eau et pâturages et leurs utilisation. Par rapport aux organisations
coutumières, ces nouvelles organisations formelles de producteurs sont de nature différente, dans
la mesure où leur fonction essentielle est d’organiser les relations avec le monde extérieur.
Structures de médiation, elles peuvent être soit des moyens capables d’accélérer l’intégration des
communautés rurales au marché et à la société globale soit des moyens susceptibles d’améliorer les
relations de ces communautés avec leurs environnement marchand et social. Ainsi, elles assurent
une meilleure gestion des ressources naturelles et des actifs (en tant qu’associations d’usagers),
54
Voir C. Tidiane Sy (http://www.refer.sn/ethiopiques/).
A. Faye – A. Fall - M .Tiffen – M. Mortimore,- J. Nelson, 2001.
56
Cette remarque semble être toujours valable aujourd’hui. Voir : O. Touré, 1987.
57
Voir : Y. D. Diallo & A. Bonfiglioli, 1988.
55
27
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
améliorent l’accès aux services économiques et sociaux et permettent aux producteurs de participer
aux prises de décision. En particulier, ces organisations paysannes peuvent provoquer et faciliter des
changements techniques, économiques et institutionnels. 58

A cet égard, au niveau de très nombreux villages sénégalais, à la fois chez les agriculteurs et
les éleveurs, on trouve des Groupements d’initiative économique (GIE), dont l’objectif est
aussi de créer un cadre d’échange d’expériences et de réflexion. Ces regroupements
peuvent donner naissance, au niveau local, à une Fédération de Groupements d’initiative
économique, qui associe plusieurs villages à la commercialisation des produits, Pour les
éleveurs, ces regroupements tentent d’aider les éleveurs sénégalais à résoudre des
problèmes comme l’accès aux crédits, l’hydraulique pastorale, et la sécurité foncière (la
fédération des GIE des éleveurs a aussi installé des kiosques à lait pour permettre aux
femmes de vendre leurs produits).59
Les associations locales évoluant dans la pêche artisanale (comités locaux de pêche, GIE de
femmes transformatrices, GIE de mareyeurs) ont en général une bonne assise populaire
défendant directement les intérêts de leurs membres au niveau local. C’est le cas des
comités locaux de pêche, des GIE de femmes transformatrices ou de mareyeurs. Les
associations nationales quant à elles, sont à l’origine créées avec une structuration des
instances nationales, qui précède leur structuration au niveau local qui se traduit par la mise
en place des comités ou unions locales. Ce qui pose d’ailleurs des difficultés pour avoir une
adhésion réelle des acteurs à la base. Aujourd’hui, il existe une demie douzaine
d’organisations (CNPS, FENAGIE PECHE, UNAGIEMS, FENAMS voire CONIPAS).60
Encadré 6 : Les Mourides du Sénégal
Un rôle particulier est joué par l’institution des Mourides, confrérie religieuse soufi qui
a un impact profond sur la société sénégalaise, en général, et sur les modes et les
moyens d’existence de nombreux ménages et communautés villageoises du Bassin
arachidier et des villes, en particulier. Le Mouridisme influence des choix agricoles
(culture commerciale des arachides) et la manière de gérer la ressource-terre de ses
adeptes, tout en créant entre eux des liens de solidarité et d’entraide très forte (y
compris ceux qui ont émigré en Europe ou aux Etats Unis et qui renvoient des sommes
d’argent relativement très importantes au Sénégal).
Depuis l’époque coloniale à nos jours, les Wolof ont confié à leurs chefs spirituels
(cheikhs) un rôle de plus en plus important, dans le cadre d’une organisation et d’une
éthique du travail qui leur a permis d’exploiter de nouvelles terres dans un
environnement souvent hostile. Les chefs religieux exercent un pouvoir très grand à la
fois sur des familles de paysans et sur des jeunes disciples (talibé) – ces derniers dans le
cadre de groupements appelés daara. De cette manière, les cheikhs sont
progressivement devenus de gros exploitants-commerçants. Initié chez les Wolof, le
mouvement mouride s’est par la suite répandu aussi chez les groupes sereer.
58
Rondot P. & Collion M.H. (eds.) (2001).
Voir des informations sur la Fédération Nationale des Groupements d’Initiative Economique des Eleveurs su Sénégal : http://base.d-ph.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-5958.html
60
P.G. Ndiaye (2004).
59
28
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

Le Collectif national des pêcheurs artisanaux du Sénégal regroupe plus de 8.500 membres,
pêcheurs pour la plupart (1200 femmes transformatrices et revendeuses en font également
partie). Son objectif est la mise en œuvre d’un programme d’action et la réunion des
moyens indispensables pour franchir les obstacles vers un développement durable de la
pêche.61
De nombreux Groupements de Promotion Féminine (GPF) ont été créés sur la base de
mbottaye ou d’associations de quartier. Ils constituent un élément indispensable d’un
dialogue entre les populations et les services étatiques (certains de ces groupements sont
endogènes, d’autres ont été constitués partir d’une volonté politique concernant
l’amélioration de la condition féminine).62
Des organisations de producteurs peuvent établir des conventions avec des projets de
développement, dans le cadre de la mise en œuvre d’activités spécifiques. Dans le cadre du
PAPEL (projet d’appui à l’élevage, mentionné précédemment), des protocoles ont été signés
avec plusieurs organisations :


Dans la zone sylvo-pastorale : les deux Maisons des Eleveurs (MDE) et les deux
Directoires des Femmes en Elevage (DIRFEL) de Louga et de Saint-Louis, l'Association
pour le Développement de Namarel (ADENA), l'Association pour le Développement de
Dodji et Yang-Yang (ADYD) et Fédé Bamtaaré Aynabé Djolof (FBAJ)
Dans la Bassin arachidier : les deux Maisons des Eleveurs (MDE) et les deux Directoires
des Femmes en Elevage (DIRFEL) de Kaolack et Fatick, l'Association des Groupements de
Producteurs Ovins (AGROPROV), l'Association pour l'Elevage moderne de Kaolack
(APREMKA) et l'Association des Eleveurs de Métis (ASEM).
 Les Institutions de gestion des services et des actifs intègrent des objectifs de productivité et de
croissance avec les valeurs sociales locales, en assurant la gestion et le développement durable des
moyens de production locaux (actifs). Ces institutions dérivent directement de comités de
développement antérieurs en charge de puits et d’autres infrastructures hydrauliques, d’écoles ou
de centres de santé, comme aussi de comités de gestion de ressources forestières, animales,
hydrauliques, etc. Par rapport aux autres institutions, celles-ci tendent à être beaucoup plus
inclusives, dans la mesure où elles ne s’adressent pas seulement aux membres appartenant à un
groupe sociolinguistique particulier ou à un village ou à un groupe de villages voisins, mais à des
producteurs sur la base de leurs intérêts collectifs. On inclut dans cette catégories les coopératives,
les groupements de producteurs, les structures d’épargne et de crédit, comme aussi les ONG locales
et les fédérations d’ONG.

Un exemple de ce genre d’institution est constitué par le Conseil national de concertation et de
coopération des ruraux (CNCR), une institution créée en 1993, qui regroupe en son sein les
petits producteurs, les organisations paysannes et les coopératives et favorise leur dialogue
avec les structures publiques de l’Etat. 63 La finalité du CNCR est de contribuer au
61
On estime que la pêche artisanale sénégalaise comporte environ 12.000 pirogues, avec 60.000 pêcheurs et autant d’emplois indirects créés
dans les communautés de pêcheurs : femmes transformatrices, mareyeurs et autres activités annexes..
62
D. Diop (2006) op. cit.
63
Voir des renseignements généraux sur le Conseil : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6391.html.
29
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
développement d’une agriculture paysanne qui assure une promotion socio-économique
durable des exploitations familiales. 64

Les Conseils locaux de Pêche, institués par la Loi 98/32 portant code de la pêche maritime, sont
installés à travers le territoire national. Le Conseil local de pêche artisanale (CLPA) est un organe
de co-gestion des ressources et des infrastructures communautaires (quai de pêche, sites de
transformation). Il implique la base et regroupe les acteurs de la pêche. Egalement, les sages et
notables ainsi que les élus locaux y sont représentés. Les CLPA aident aussi l’application de
l’ensemble des mesures du code de la pêche.
4. ACQUIS ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL
L’analyse précédente permet d’identifier un certain nombre d’acquis en matière de politiques et de
dispositifs institutionnels pour le développement local au Sénégal (section 2), ainsi que la manière où les
ménages individuelles peuvent adopter des stratégies d’adaptation devant les risques de toute nature
(dans le cadre de leur participation à des organisations communautaires ou institutions locales plus
larges à commencer par les collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés) (section 3).
D’une manière plus ou moins directe, ces forces ou ces faiblesses affectent toutes les initiatives
susceptibles de favoriser l’adoption de stratégies d’adaptation aux risques liés au changement
climatique.
4.1 PRINCIPAUX ACQUIS DES EXPERIENCES DE DEVELOPPEMENT LOCAL
4.1.1 Au niveau des politiques gouvernementales
 Selon les principes de la politique sénégalaise en matière de décentralisation, les collectivités locales
(institutions englobantes qui comprennent les autorités locales élues et la société civile locale) sont
devenues des acteurs incontournables du développement local. Pour cela, elles peuvent se réclamer
d’une double légitimité: celle des urnes, puisque ses membres sont élus par la population locale, et
celle des institutions, puisque leur exécutif prend toute décision au nom de l’Etat.

La politique de décentralisation poursuivie par le gouvernement sénégalais réaffirme le principe du
transfert de compétences aux collectivités locales dans neuf domaines du développement social et
économique local. De cette manière, les autorités locales sont effectivement responsabilisées par
rapport aux aspects cruciaux du développement local. Parmi ces compétences, particulièrement
importantes sont celles qui concernent l’environnement, la gestion des ressources naturelles et
l’aménagement du territoire, c’est-à-dire des domaines qui sont particulièrement susceptibles de
ressentir les effets des changements climatiques et sur lesquels, par conséquence, le rôle des
collectivités locales sera incontournable (voir Tableau 7).
64
La presse sénégalaise a récemment rapporté (janvier 2009) un conflit intervenu entre le Ministère de l’Agriculture et le CNCR – le ministère
ayant banni toute participation du CBCR et de ses membres de toute action et programme public en matière de développement agricole et
rural (voir http://www.cncr.org/spip.php?article185).
30
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Tableau 7 : Répartition de quelques compétences entre collectivités locales au Sénégal
DOMAINE DE
COMPETENCE
Domaine foncier
REGION
Gestion et utilisation du
domaine privé de l’État, du
domaine national et du
domaine public
Gestion et utilisation du
domaine privé de l’État, du
domaine national et du
domaine public
* Création et gestion des
forêts, zones protégées et sites
naturels d’intérêt régional
* Autorisation de coupe
* Mise en défens, lutte contre
incendies & protection nature
Environnement et
gestion des ressources
naturelles
* Répartition des quotas
régionaux d’exploitation
forestière entre les communes
et les communautés rurales
* Elaboration et mise en œuvre
de plans régionaux d’action
pour l’environnement,
d’intervention d’urgence et de
gestion des risques
* Autorisation de défricher
après avis du conseil rural
Aménagement du
territoire
Urbanisme et habitat
COMMUNE
COMMUNAUTE RURALE
Gestion et utilisation du
domaine privé de l’État, du
domaine national et du
domaine public
* Gestion des forêts de terroirs
* Reboisement
* Gestion des déchets et lutte
contre la pollution
* Protection des eaux
souterraines et de surface
* Élaboration de plans
communaux d’action pour
l’environnement
Autorisation de coupe
* Lutte contre les feux de
brousse
* Avis sur les autorisations à
défricher
* Gestion des sites naturels
* Création et gestion des bois,
mares artificielles, etc.
* Élaboration et mise en œuvre
des plans locaux d’action pour
l’environnement
Avis sur le projet de schéma
régional d’aménagement du
territoire approuvé par l’État
Avis sur le projet de schéma
régional d’aménagement du
territoire approuvé par l’État
Elaboration du projet de
schéma régional
d’aménagement du territoire
approuvé par l’État
Élaboration du plan directeur
d’urbanisme (PDU), du SDAU,
des plans d’urbanisme de
détail des zones
d’aménagement concerté, de
rénovation urbaine et de
remembrement
Élaboration du plan directeur
d’urbanisme (PDU), du SDAU,
des plans d’urbanisme de
détail des zones
d’aménagement concerté, de
rénovation urbaine et de
remembrement
Approbation des schémas
directeurs d’aménagement et
d’urbanisme (SDAU)
Lotissement, permis de
construire, de démolir et de
clôturer, certificats
d’urbanisme
Lotissement, permis de
construire, de démolir et de
clôturer, certificats
d’urbanisme
Permis de coupe et
d’abattage
Autorisation d’installer et de
travaux divers
[Source : Loi 96-06 du 26 mars 1996]
31
Soutien aux communes et
communautés rurales
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

Dans le cadre de la politique de décentralisation, le transfert de compétences de l’Etat central en
faveur des collectivités locales a été accompagné du transfert concomitant de ressources
nécessaires à l’exercice normal desdites compétences. Ces transferts fiscaux, qui ont utilisé le canal
des différents dispositifs financiers, ont été en augmentation constante : le FDD et le FECL, par
exemple, ont permis aux collectivités d’assumer les compétences que les lois leur ont conféré et
financer leurs investissements. Cela est certainement l’expression d’une volonté politique visant à
appuyer la décentralisation et la gouvernance locale en matière de développement local. Il faut
noter que ces dispositifs financiers devraient permettre aux collectivités locales d’identifier et
soutenir rapidement des actions de lutte contre l’impact du changement climatique.

Les politiques nationales ont aussi réaffirmé les principes essentiels de la libre administration des
collectivités locales et de la subsidiarité.65 Elles ont aussi souligné une stratégie qui consiste à
renforcer les compétences des collectivités locales, sans cependant jamais rompre le lien entre les
collectivités locales et l’Etat. Enfin, les organisations professionnelles agricoles (OPA) bénéficient
également d’un statut reconnu et protégé et d’un système d’aide publique. Tout cela revêt une
importance capital en matière de stratégie d’adaptation aux crises climatiques, dans la mesure où
ces crises se manifestent localement, mais nécessitent des solutions locales dans un cadre globale.

Dans ce sens, une valeur particulière assument toutes les formes de partenariats horizontaux entre
collectivités locales, appuyés par les lois dans le cadre l’intercommunalité (au niveau surtout de ‘la
communauté urbaine’ et de l’Entente intercommunale), dans la limite des compétences dévolue aux
collectivités. Toute les collectivités peuvent former des commissions spécialisées dans des domaines
variés et prioritaires. Les actions envisageables au niveau des communautés sénégalaises pour
s’adapter au changement climatique devraient impérativement s’appuyer sur ce dispositif juridique,
assorti de mesures incitatrices de nature financière.

La stratégie sénégalaise de réduction de la pauvreté souligne fortement la notion de ‘vulnérabilité’
des ménages et des communauté vis-à-vis des risques et des chocs. Dès lors, toute action visant à
réduire la vulnérabilité comporte à la fois un volet protection (contre risques, chocs et crises) et un
volet renforcement des capacités (pour permettre aux ménages et aux communautés de garder leur
résilience et affronter ces situations sans subir des pertes sévères). En d’autres mots, dans la vision
du DRSP sénégalais, pauvreté et vulnérabilité sont inextricablement liées. Et ce sont justement les
ménages qui sont davantage exposés aux chocs de toute nature (y compris ceux qui sont relatifs au
changement climatique) qui ont le plus de probabilités de rester ou devenir pauvres.

Dans le cadre de la politique de décentralisation, les lois confèrent aux collectivités et aux
communautés rurales un pouvoir considérable en matière de gestion des ressources naturelles. La
loi LOASP, par exemple, reconnaît le rôle de toutes les exploitations agricoles dans la gestion des
ressources naturelles, la protection de l’environnement et un aménagement du territoire équilibré
et cohérent et permet aux organisations professionnelles agricoles de bénéficier d’un statut
reconnu et protégé et d’un système d’aide publique. Ces avancées juridiques constituent des atouts
certains dans toute entreprise visant à contrecarrer les effets néfastes du changement climatique.

D’une manière particulière, la loi sénégalaise attribue aux collectivités un rôle incontournable en
matière de gestion des espaces forestiers relevant de leurs limites administratives (cela étant même
65
Le principe de la subsidiarité affirme que l’ensemble du processus de planification et de mise en œuvre des activités devient la responsabilité
du niveau le plus proche de la base, du fait de l’avantage comparatif de chaque institution
32
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
un dispositif assez particulier au Sénégal). Malgré certains ambigüités (voir ci-dessous au sujet des
contraintes), cela constitue un acquis considérable, dans la mesure où le problème de la gestion des
ressources forestières est très complexe et a souvent été le théâtre de conflits entre les services de
l’Etat et les usagers (les changements climatiques pourraient fortement exacerber ces conflits).

La mise en place du Programme National de Développement Local (PNDL, voir ci-dessus), véritable
cadre fédérateur de référence et d’harmonisation des interventions en matière de réduction de la
pauvreté et de développement local, et la restructuration des Agences Régionales de
Développement (ARD) en mars 2006, expriment une volonté politique renouvelée de l’Etat
sénégalais visant à renforcer le processus de décentralisation et de développement local. Des
initiatives précises visant à accroître la résilience climatique des ménages devraient avoir lieu dans le
contexte du PNDL, avec l’appui des ARD.

Au Sénégal, la nouvelle approche de ‘conseil agricole et rural’ (officialisée, en quelque sorte, par la
mise en place d’institutions comme l’ANCAR) constitue une rupture avec l'ancien système
d’encadrement du monde rural. La nouvelle approche repose sur la reconnaissance des producteurs
comme les principaux acteurs de leurs systèmes de production, de l’aménagement de leurs terroirs
et de la gestion de leurs ressources naturelles. Elle est aussi bâtie sur la reconnaissance des savoirs
des populations rurales. Cette stratégie constitue un atout énorme dans toute vision stratégique de
lutte contre les effets climatiques, dans la mesure où les connaissances environnementales locales et
le savoir-faire traditionnel sont hautement valorisés.
4.1.2 Au niveau des collectivités
 Les textes de loi sur la décentralisation au Sénégal octroient des compétences à toutes les
collectivités territoriales, à savoir les régions, les communes et les communautés rurales (voir le
Tableau 9). C’est la loi 96-07 du 22 mars 1996 qui précise les compétences exactes de chaque niveau
de la décentralisation, dans des domaines aussi variés que la gestion et utilisation du domaine privé
de l’Etat, du domaine public et du domaine national, l’environnement et les gestions des ressources
naturelles, la santé, population et action sociale, etc. La loi fait la distinction entre deux types de
compétence :


Compétences générales, à savoir celle qui définissent la mission générale des collectivités
locales (planification, programmation et mise en œuvre des actions de développement à
caractère économique, éducatif, social et culturel d’intérêt régional, communal ou rural),
Compétences transférées relatives, par exemple, à la gestion et l’utilisation du domaine
privé de l’Etat, du domaine public et du domaine national, l’environnement et la gestion des
ressources naturelles, la santé, la population et l’action sociale ou l’aménagement du
territoire.

Les collectivités locales sénégalaises ont acquis une expérience considérable en matière de
planification et mise en œuvre du développement local. Des programmes de formation ont pu
toucher un grand nombre de représentants des collectivités et des communautés rurales, comme
aussi des services techniques déconcentrés. De nombreux outils pédagogiques ont pu être élaborés,
particulièrement dans le cadre des nombreux programmes de développement rural.

Les politiques sénégalaises de mise en œuvre du développement local montrent une conscience très
forte du problème du manque de capacités des élus locaux et du manque d’expérience locale. C’est
cela qui explique la mise en place successive, quoique d’une manière peu cohérente (voir ci-dessous
33
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
au sujet des contraintes), de tout un nombre de dispositifs institutionnels d’appui/conseil. Au niveau
régional, cette approche concerne les ARD (mises en place en 1998 et réorganisées en 2005), les
structures déconcentrées de la Direction Régionale du Développement rural (DRDR), les antennes
régionales du Projet d’Appui de l’Elevage, les services déconcentrés de l’Aménagement du territoire,
comme aussi les CERP au niveau provincial. Enfin, cela concerne, d‘ une part, la mise en place
d’agences de conseil des associations de producteurs, comme l’ANCAR, l’ADM et les AGETIP; et,
d’autre part, l’émergence d’une administration locale avec le recrutement généralisé d’assistants
communautaires (ASCOM) pour justement pallier l’insuffisance des ressources humaines dans les
communautés rurales. Toutes ces structures devraient faire l’objet d’une sensibilisation appropriée
en matière d’identification et planification d’initiatives de lutte contre les effets néfastes du
changement climatique

Par ailleurs, la maîtrise d’ouvrage locale a été appuyée grâce au développement d’outils de
planification et de programmation adaptés, comme le Plan régional de développement intégré
(PRDI), le Plan d’investissement local (PIL), le Plan local de développement (PLD) et le Plan annuel
d’investissement (PAI). Certains des outils de programmation, comme le PLD, ont permis
l’émergence de véritables cadres de contractualisation ou de conventions entre les acteurs locaux et
les partenaires techniques et financiers. Cela a fortement promu des mécanismes appropriés de
mobilisation des ressources financières nécessaires. Tout cela constitue un atout certain dans la
perspective de la planification et de la mise en œuvre d’initiatives concernant l’adaptation des
populations au changement climatique.

Vis-à-vis des collectivités locales (communes et communautés rurales), c’est le Préfet qui assure, en
principe, une tutelle générale et un contrôle a posteriori (contrôle de légalité). En plus, le Préfet
exerce un contrôle de tous les services techniques déconcentrés de l’État au niveau départemental :
urbanisme, domaines, cadastre, agriculture, eaux et forêts, développement social, l’inspection
départementale de l’éducation, district médical. Au niveau des régions, des départements et des
arrondissement, existent des espaces de concertation entre toutes les parties prenantes et de
coordination de leurs activités. Tout cela devrait constituer une garantie d’homogénéité et mise en
cohérence entre les initiatives de lutte contre la pauvreté et de lutte contre les effets du
changement climatique.

Au niveau national, le CONGAD offre un cadre permettant la concertation entre certains acteurs
institutionnels qui supportent financièrement et techniquement le développement local au Sénégal
(même si le CONGAD ne peut pas jouer un rôle de coordination qui permettrait d’assurer
l’harmonisation des approches).
4.2 PRINCIPALES CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL
De nombreuses analyses soulignent, cependant, les contraintes et les faiblesses du paradigme
sénégalais de développement local, voire même les facteurs de blocage qui empêchent l’émergence
d’un véritable système de gouvernance locale. Dans la mise en place d’une stratégie visant à appuyer les
communautés sénégalaises à s’adapter au changement climatique, il est capital de bien identifier
l’ensemble de ces facteurs de blocage généraux et de leur trouver rapidement des solutions
pragmatiques et réalistes.
34
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
4.2.1 Par rapport au dispositif institutionnel
 D’une manière générale, nombreux sont au Sénégal ceux qui questionnent la capacité des politiques
de croissance et de lutte contre la pauvreté à réduire les inégalités sociales.66 Par ailleurs, le
développement local décentralisé est souvent perçu comme le prétexte un certain désengagement
de l’Etat, ce qui laisserait les collectivités locales comme des maîtres d’ouvrages du développement
local dépourvus de moyens humains et financiers adéquats.

Une pléthore d’institutions publiques et d’organismes gouvernementaux et non-gouvernementaux
accompagnent les collectivités en matière de développement local, développement
communautaire, aménagement du territoire, appui technique, conseil-appui, etc. Cela n’est pas sans
créer une certaine confusion, des tiraillements et un manque de cohérence, parfois même des
formes de compétition. L’absence d’harmonisation d’ acteurs multiples et opérant de manière
presque autonome, sans coordination rend illisible et inefficace les actions entreprises.67 Les
mandats de certaines institutions ne sont pas tout à fait clairs ou alors se chevauchent et leurs
approches sont fragmentées, manquent de cohésion et sont souvent contradictoires en termes de
logiques et modes d'intervention. En plus, certaines de ces institutions jouissent d’une certaine
autonomie, d’autres sont rattachées à la Présidence ou à la Primature ou à un ministère sectoriel.
Ce véritable ‘labyrinthe institutionnel’, avec toutes ses lourdeurs administratives, pourrait être
préjudiciable aux actions visant les effets du changement climatique, qui doivent nécessairement
être rapides, efficaces, ponctuelles.

Par ailleurs, les fréquents changements de tutelle de certaines directions ont entraîné des initiatives
qui se superposent, voire même se contredisent. Cela est aussi le cas pour les programmes de lutte
contre la pauvreté qui sont actuellement écartelés entre plusieurs ministères (finances,
développement rural, développement social).

La préparation d’un ‘plan national quinquennal’ a été remise en question à la fois par la disparition,
il y a quelques années de cela, du ministère du Plan et l’émergence de nouveaux outils de
planification liés à la lutte contre la pauvreté et l’achèvement des objectifs de développement pour
le millénaire. Pourtant, à l’avis de nombreux analystes, le plan national devrait toujours constituer
un outil majeur du développement local, d’autant plus que la plupart des Communautés rurales et
des Collectivités régionales respectent leur propre obligation de préparer des plans de
développement pluri-annuels (pratique moins fréquente chez les Communes urbaines).

La tutelle administrative que les représentants de l’Etat sont supposés assurer vis-à-vis des services
déconcentrés n’est pas toujours effective. En réalité, les agents techniques dépendent plutôt des
leurs directions centrales respectives. En revanche, un préfet dispose sur les services techniques
d’une autorité qui est bien plus importante que celles des élus locaux (malgré le fait que c’est aux
élus des collectivités que la loi transfère les compétences).

Les Collectivités locales n’ont pas encore pu s’imposer comme des interlocuteurs organisés dans
leurs relations avec l’Etat, et cela malgré l’existence d’unions et d’associations d’élus. Cela est le
reflet des tensions internes, du faible niveau d’instruction des élus locaux et aussi du fait que des
préoccupations propres à chaque niveau de collectivités ont prévalu sur le principe de solidarité.
66
67
Voir : G. Daffé & A. Diagne & A. Cres, 2008.
D. Diop, 2006.
35
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

Au niveau général, la démocratie locale ne semble pas être nécessairement garantie par l’élection
au suffrage universel, dans la mesure où ce sont les partis politiques qui préparent (d’une manière
souvent peu transparente et participative) les listes de candidats et que des candidats indépendants
ne sont pas admis.

Les limites des circonscriptions territoriales restent parfois floues, d’un point de vue géographique
et sociologique. Par ailleurs, des ententes horizontales entre collectivités sont encore relativement
rares. Une approche axée sur la réduction de l’impact des crises climatiques devrait impérativement
tenir compte des problèmes locaux, mais dans le cadre de dynamiques sociales et institutionnelles
plus vastes.

Entre 1995 et 2005, on estime qu’environ 195 milliards FCFA ont été injectés pour appuyer la
décentralisation sénégalaise par le gouvernement et différents partenaires financiers. Mais les
résultats de cet effort considérable semblent être assez mitigés. 68 D’autant plus que cela ne semble
pas avoir contribué à réduire l’inégalité sociale.69
4.2.2 Par rapport au dispositif technique d’appui
Le système des ARD fournit un appui technique nécessaire aux collectivités. La création de ces structures
et leur restructuration en 2004 a constitué un atout essentiel pour le développement local au Sénégal,
ayant créé des nouvelles énergies. Cependant, les ARD comportent des insuffisances ne leur permettant
pas d’assumer leurs responsabilités. Leur statut juridique et leur mandat ne sont pas tout à fait clairs.
Leurs moyens financiers ne leur permettent pas d’opérer de manière adéquate. En effet, pour pouvoir
fonctionner, les ARD dépendent des contributions des collectivités locales membres – contributions qui
sont obligatoires et qui sont fixées annuellement par un arrêté conjoint des ministres de la
Décentralisation et des Finances. Cependant, certaines collectivités ont eu des difficultés à s’acquitter de
cet engagement. D’autant plus que les élus des communautés rurales entretiennent une relation
ambiguë avec l’ARD et continuent à la considérer comme une structure d’appui technique à la
collectivité régionale. 70
4.2.3 Par rapport à l’exercice des compétences
 La responsabilisation effective des collectivités par rapport à leurs compétences est encore
limitée. L’une des raisons est que le personnel des collectivités locales est quantitativement et
qualitativement insuffisant. Un véritable service administratif et technique des collectivités n’existe
pas (par manque de ressources financières et/ou manque de volonté politique). D’autre part, les
autorités locales ont rarement la capacité de recruter du personnel.

La mise en œuvre des principes de la décentralisation et de la bonne gouvernance ne semble pas
être uniforme. En effet, dans les zones couvertes par des projets et programmes de développement
financés par des partenaires internationaux, le processus de mise en œuvre de la décentralisation
est accompagné par la mise en place d’institutions appropriées, l’organisation de programme de
formation des acteurs locaux, l’élaboration d’outils de planification71 et la création de dispositifs
financiers adéquats. A cet effet, on constate qu’environ 10% des communes abrite environ 71% des
68
Voir certaines remarques provocatrices de D. Diop (http://www.sendeveloppementlocal.com/Le-PNDL-Une-grosse-arnaque-ou-uneveritable-strategie-de-developpement-local_a1222.html).
69
Les allocations budgétaires des 320 communautés rurales correspondraient à environ un-sixième des allocations des 103 communes urbaines
70
Toutes ces remarques reflètent les conclusions d’une évaluation de la Banque mondiale au cours de la préparation du PLDP.
71
Il n’y a pas de guides officiels pour la planification locale. En fait, la préparation d’outils de planification est laissé aux projets ou programmes
de développement individuels, ce qui veut dire que les zones non couvertes par des projets sont laissées à elles-mêmes.
36
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
projets et des actions des bailleurs de fonds.72 Par contre, les zones géographiques ‘hors projet’
sont peu ou très peu affectées par des pratiques décentralisatrices.73

Malgré le fait que l’Etat ait transféré aux collectivités des compétences dans neuf secteurs bien
précis, le financement par l’Etat ne concerne que trois secteurs : santé, éducation et jeunesse. Il n’y
a pas de dispositions financières par rapport aux autres compétences. Ainsi, l’exercice effectif de ces
compétences de la part des collectivités locales est loin d’être une réalité. Cet exercice dépend assez
souvent de conditions juridiques insuffisantes (textes d’application sur les modalités de mise en
œuvre de lois) et de capacités techniques et financières défaillantes au niveau des collectivités
locales. Les lois existent, mais ce sont les principes d’application qui posent problèmes en l’absence
de décrets devant définir les responsabilités propres à chaque niveau de collectivité. Par ailleurs, les
mêmes compétences sont souvent attribuées à plus d'un niveau sans grande distinction des tâches.
Les analyses relèvent plusieurs conflits: (i) au niveau des villes, entre la commune et les communes
d’arrondissement, à propos de la gestion de l’espace communal, des affaires domaniales et de la
prise en charge des équipements, notamment ceux qui procurent des recettes (marchés, stades);
(ii) entre les communautés rurales et les communes, concernant les limites physiques et les
périmètres d’extension; et (iii) entre les communautés rurales et les régions, sur la gestion des
espaces naturels et des bords de mer.

Les services de l’État résistent encore fortement au transfert des compétences. Les ministères
techniques continuent à exercer une bonne partie des attributions relevant des collectivités
territoriales dans les domaines des politiques sectorielles publiques. Les institutions publiques
centrales et locales sont réticentes à s’appuyer sur les institutions locales et nationales. Les
collectivités font l’objet de critique pour leur manque de personnel qualifié et le nombre élevé de
conseillers analphabètes. Les institutions communautaires sont critiquées pour leur immobilisme et
les ONG pour leur manque de transparence, voire des formes de corruption. Les compétences en
matière d’éducation sont entièrement exercées par les services déconcentrés du ministère. Par
rapport à la santé, par exemple, le rôle des collectivités locales est confiné à une fonction de
représentation au sein du comité de gestion et une fonction d’intermédiaire dans la gestion des
crédits transférés par l’Etat. Les élus locaux n’ont aucun pouvoir sur les décisions de santé publique
impliquant leur localité, et les plans d’opération qui organisent la vie des districts médicaux ne sont
pas soumis au conseil municipal pour avis.74

D’une manière générale, les collectivités locales peuvent mal assurer leurs compétences. D’autant
plus que le processus de transfert des compétences n’a pas été accompagné par des mécanismes
appropriés de redéploiement des ressources humaines. Les collectivités locales manquent de
ressources humaines et techniques (à la fois d’un point de vue quantitatif et qualitatif). Pour exercer
leurs missions, elles doivent faire recours aux ARD, aux CERP et aux services techniques de l’État (qui
ont, par ailleurs, des moyens de fonctionnement limités) ou alors, si leurs finances le permettent,
doivent engager des opérateurs et prestataires de services privés (qui sont assez rares dans les
zones rurales, puisqu’ils préfèrent opérer dans les milieux urbains). Toute cette situation pourrait se
révéler préjudiciable dans le contexte d’initiatives visant à fournir un appui rapide et efficace aux
communautés locales dans leur adaptation au changement climatique
72
Voir : C. Fournier, 2006.
Sur ce sujet, voir: J. Ribot, 2009.
74
Voir :P.D. Diouf, 2006.
73
37
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
4.2.4 Par rapport aux dotations des collectivités
 Le transfert de compétences vers les collectivités territoriales sénégalaises ne s’est pas accompagné
d’un transfert suffisant des ressources de l’Etat. Les responsables de ces collectivités locales et plus
particulièrement des Communautés Rurales, mais aussi et surtout ceux des Régions, estiment à
raison qu’ils ne disposent pas d’assez de ressources pour faire face à leurs anciennes et nouvelles
missions.

Les dotations globales allouées par l’État aux collectivités locales masquent de profondes disparités
et reflètent un déséquilibre dans la répartition entre niveaux de collectivités locales. En plus, elles
sont très en deçà des charges que doivent supporter les collectivités locales. Par ailleurs, les notions
de péréquation et d’équilibre fiscal devraient être introduites dans l’allocation des ressources aux
collectivités locales, comme aussi un système d’évaluation permettant d’aligner les allocations
financières annuelles à la performance institutionnelle.

Contrairement aux autres niveaux de collectivités locales, la région n’a pas de ressources
endogènes, ne dispose pas d’une fiscalité propre et elle est , de ce fait, complètement dépendante
de l’Etat central pour la prise en charge des compétences qui lui ont été transférées.

Le système de transferts des ressources de l’Etat connaît aussi d’autres contraintes : 75







La mise en place des crédits du fonds de dotation accuse des retards imputables à l’État (les
délais d’attribution, de mobilisation et de mise à disposition du FECL sont particulièrement
longs, de sept à neuf mois). Le traitement administratif des transferts est notoirement très
lent et les procédures de transfert sont très lourdes et laborieuses.
Les dotations de compensation allouées ne tiennent pas compte de certains paramètres
objectifs tels que la carte sanitaire, la carte scolaire, la population à scolariser, etc.
Les régions consacrent l’essentiel de leurs dotations à leurs dépenses de fonctionnement.
Les transferts fiscaux ne sont pas sujets à l’indexation sur la taxe sur la valeur ajoutée.
La masse globale des transferts n’est pas connue en avance.
Les collectivités locales ne sont pas assujetties à une obligation de rendre compte de
l’utilisation des fonds reçus. Ainsi, aucune garantie n’existe concernant la réalisation
effective des investissements prévus.
C’est le sous-préfet qui assure le contrôle de légalité sur les délibérations du conseil rural (budget,
marchés, lotissement, gestion des terres, etc.). Mais la sous-préfecture ne dispose que d’un budget
dérisoire et de moyens humains faibles. En plus, les moyens logistiques et financiers du CERP, qui
constitue l’unique service de l’État implanté dans les communautés rurales, sont inadéquats.
4.2.5 Par rapport à certains dispositifs juridiques
 La loi de 1964 sur le régime foncier ne tient pas compte des valeurs sociales et culturelles locales.
Traditionnellement, la terre est considérée comme un bien inaliénable, mais elle peut faire l’objet
de transactions (louée, cédée, héritée). Les nouvelles dispositions légales ont voulu abolir tout cela.
A l’origine, la loi foncière visait à protéger les paysans contre les gros exploitants terriens et à
améliorer la productivité des activités agricoles. Or, de nombreuses études montrent que la réforme
n’a pas été efficace. Les paysans n’ont jamais accepté les nouvelles dispositions, ils s’y sont
simplement adaptés, tout en continuant à suivre leurs pratiques traditionnelles. Par ailleurs, ni l’état
75
Pour cette section, voir : C. Fournier, 2006.
38
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
ni les collectivités ne disposent de moyens leur permettant de faire respecter la loi. La situation a
conduit à des ventes illégales de terres (surtout dans les zones périurbaines ou dans des endroits
propices à l’irrigation). Tout cela a aussi provoqué une véritable fragmentation voire parcellisation
des terres à la suite de la croissance démographique (surtout dans le bassin arachidier), avec le
résultat d’un nombre élevé d’exploitations agricoles trop petites et non viables. 76 Le statut de la
terre et son mode de gestion ne permettent pas encore de sécuriser les investissements. La loi est
aussi un frein pour une modernisation des moyens de production, pour l’accès au crédit agricole car
la terre ne peut pas servir de garantie au producteur puisqu’elle relève du domaine national. 77 C’est
ce genre de problèmes, d’ailleurs, qui a même conduit, très récemment, à la dissolution (par le chef
de l’Etat) de six conseils communaux et de quatre conseils ruraux. Il est prévisible que toute
initiative visant à renforcer la résilience climatique des ménages et des communautés rencontrera
ce genre d problèmes.

Par ailleurs, des raisons historiques liées au passé colonial et aux conséquences des dispositions
juridiques mentionnées précédemment ont contribué à aliéner les paysans par rapport à leur
environnement naturel. D’une certaine manière, cela n’est qu’un symptôme d’un problème
beaucoup plus profond dont semble souffrir, à l’avis de certains analystes, la société sénégalaise :
celui d’une fracture entre une autorité en manque de représentation et les populations. L’urgence
et la virulence des crises climatique pourrait permettre aux autorités de mettre en œuvre les voies
et moyens leurs permettant d’acquérir une nouvelle légitimité, en aidant à promouvoir, favoriser,
faciliter et appuyer d’une manière rapide et efficace les priorités locales.

En principe, la décentralisation concède un pouvoir de gestion relativement important aux
communautés rurales sur les espaces forestiers relevant de leurs limites administratives (les
questions foncières sont désormais déléguées aux commissions domaniales des collectivités
locales). Mais, en réalité, les communautés rurales ne peuvent pas exercer leurs prérogatives sur ces
espaces, qui sont des lieux convoités par divers acteurs (la gestion des ressources naturelles étant
une source de revenus potentiellement importants). 78 Aujourd’hui certains organismes, comme le
Conseil de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), l’Association des Présidents de
Conseils Ruraux (APCR), sont favorables à une révision de cette loi qui en dernier ressort freine le
développement du monde rural et la rentabilisation des ouvrages (par exemple, les barrages). Un
autre problème empêchant des investissements fonciers (et, par conséquent, pouvant rendre
difficiles certaines initiatives d’adaptation aux risques climatiques) est constitué par la taille des
communautés rurales et leurs délimitations.79
76
Voir: J. Faye, 2008.
Voir article de H. D. Fall.
78
L. Boutinot, 2008). Ce même auteur remarque comment les projets participatifs de gestion des ressources forestières tendent à favoriser un
certain statu quo, dans la mesure où ils font des forêts communautaires des espaces en partie soustraits à l’autorité des conseils ruraux. Par
ailleurs, les modes de régulation et de gestion des profits sont directement contractualisés avec les chefs de village et laissent à la marge les
élus locaux aussi bien dans l’exercice de leur pouvoir que dans la redistribution des recettes.
79
Dans une série d’articles publiés en 2007, le quotidien sénégalaise Le Soleil a souligné les problèmes concernant la gestion foncière des
collectivités territoriales. Il y est notamment question d’incohérence entre la localisation géographique de villages et leur rattachement
administratif, du ‘gigantisme spatial’ de certaines régions (comme celle de Tamba) et de l‘extrême éparpillement des établissements humains,
de la gestion d’espaces intercommunautaires, de l’implantation de promoteurs économiques sur de grands espaces, de l’accès des femmes à
la terre, des préoccupations liées au parcours du bétail, des lotissements effectués sur les terres de la collectivité voisine, de l’aménagement
du territoire. La mise en place d’un cadastre rural , la création de Groupements d’intérêt communautaire et l’intercommunalité sont citées
comme pistes de solutions. (Voir : http://www.lesoleil.sn/).
77
39
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

Par rapport aux ressources forestières, les pouvoirs des collectivités locales sont en principe assez
importants : elles peuvent attribuer des concessions d’exploitation à certains usagers ou peuvent
exclure d’autres. Mais, dans la réalité, les communautés rurales sénégalaises bénéficient peu pu pas
du tout de leurs droits. Les élus font souvent l’objet de mesures de pression ou intimidation pour
octroyer des droits d’exploitation forestières (bois, charbon de bois) et les représentants de l’Etat
(préfet et sous-préfets) ne sont pas suffisamment motivés pour faire respecter les régulations. 80
4.2.6 Au niveau des organisations communautaires de base
Force est de constater que les objectifs et le mandat de certaines organisations communautaires, y
compris d’ONG locales, ne sont pas toujours clairs. Certaines parmi elles manquent de représentativité
et légitimité, utilisent des procédures peu ou pas du tout transparentes et sont incapables de rendre
compte de leurs activités et de leurs finances. Elles ne sont pas toujours enracinées localement et
semblent surgir surtout là où des projets et programmes de développement sont mis en œuvre, pour en
tirer des profits propres. D’autres, au contraire, sont dépourvues de tout pouvoir réel et sont
franchement inefficaces.
Cette situation n’est pas propre au Sénégal et semble être vrai surtout dans le contexte d’activités
environnementales.81 En effet, les analyses et les évaluations montrent de manière incontestable que
toute initiative de gestion des ressources naturelles communes nécessite une solide capacité interne de
direction, la participation active de tous les membres, une gestion financière saine, et des règles,
règlements et lignes directrices reposant sur une légitimité reconnue; et enfin des mécanismes effectifs
de mise en œuvre et de sanction. On peut donc dire que la mise en œuvre d’initiatives
environnementales, en générale, et de mesure de lutte contre les risques climatiques, en particulier,
dépend directement de l’existence et de la robustesse d’institutions appropriées à l’échelon local.
5. PERSPECTIVES DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
5.1 PERSPECTIVES GENERALES
Au Sénégal, comme ailleurs, les axes stratégiques de toute politique de développement local intégrant le
changement climatique devraient protéger et valoriser le capital dont disposent les ménages et les
communautés rurales de base. Ainsi, dans une perspective visant à améliorer et renforcer les modes et
les moyens d’existence locaux, il s’agira de mettre en œuvre un ensemble d’initiatives distinctes et
complémentaires :
 Par rapport au capital naturel : Améliorer la résilience des ressources naturelles et leur productivité
(par le biais d’une gestion durable des terres), de manière à pouvoir supporter les modes et moyens
d’existence des ménages vulnérables 82 et renforcer les stratégies locales d’adaptation au
changement climatique (résilience climatique) en fonction des caractéristiques des zones agroécologiques du pays.
80
Pour toute cette section, voir : J. Faye (2008); J. Ribot, 2009.
Voir J. Ribot, 2003.
82
L’expression ‘modes et moyens d’existence’ sert à traduire l’expression anglaise ‘household livelihood’, à savoir l’ensemble de potentiels,
actifs (ressources à la fois matérielles et sociales) et activités nécessaires pour assurer l’existence (réserves, produits alimentaires et biens
monétaires pour répondre aux besoins de base).
81
40
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
 Par rapport au capital physique : Créer et gérer les infrastructures sociales et économiques
collectives en fonction d’une technologie appropriée (en mettant un accent plus explicite sur la
résilience de ces infrastructures au changement climatique).
 Par rapport au capital économique : Identifier les pratiques techniques visant à mieux associer les
activités d’agriculture et d’élevage (agro-pastoralisme), comme aussi soutenir des activités
productives extra-agricoles dans les zones rurales permettant aux ménages pauvres et
particulièrement vulnérables au changement climatique de produire un revenu adéquat. Aussi :
améliorer les synergies entre l’économie rurale et l’économie urbaine, à partir de l’hypothèse que
l’amélioration des échanges entre la zone rurale et les zones urbaines (surtout villes rurales
moyennes) peut contribuer à réduire la vulnérabilité des ménages ruraux vis-à-vis des crises
alimentaires, écologiques et climatiques.
 Par rapport au capital social : Consolider les énormes potentialités des réseaux de solidarité
existants et les modèle d’entraide locaux, et affermir le rôle juridique des associations de la société
civile et des organisations communautaires de base en matière de lutte contre les risques du
changement climatique. 83
 Par rapport au capital humain : Mettre en place des programmes de sensibilisation, information et
formation adéquats au sujet du changement climatique – les politiques et les stratégies ne
pourraient pas produire des résultats concrets, sans une prise de conscience préalable, au niveau
des populations et des décideurs, de la réalité du changement climatique et de son impact sur les
modes et moyens d’existence locaux.
 Par rapport au capital financier : Améliorer la fourniture de services financiers appropriés (microfinance) en faveur des ménages pauvres et particulièrement vulnérables aux crises climatiques (qui
normalement resteraient coupés de toute approche conventionnelle).
Dans la définition et la mise en œuvre de cette politique, le rôle des collectivités territoriales est crucial
en vertu du principe de leur maîtrise d’ouvrage du développement local et de leurs avantages
comparatifs. A cause même de leur nature (à la fois locale et régionale), les crises climatiques devraient
permettre de mieux préciser la signification de cette maîtrise d’ouvrage, comme aussi les pouvoirs
réglementaires que les collectivités exercent à l’intérieur de leurs juridictions et les mécanismes de
concertation nécessaires entre collectivités, d’une part, et entre collectivités, organisations paysannes et
services techniques, d’autre part.
5.2 INITIATIVES SPECIFIQUES
Les axes stratégiques devraient être traduits par tout un ensemble d’initiatives spécifiques, une véritable
‘feuille de route’ politique, institutionnelle et financière, visant à intégrer le changement climatique dans
le discours et les pratiques du développement local. Les recommandations suivantes s’adressent en
83
On rappelle que le capital social fait référence “aux institutions, relations et normes qui modèlent la qualité et la quantité des interactions
sociales au sein d’une société. Il a été prouvé de plus en plus, que la cohésion sociale est essentielle à la prospérité économique des sociétés et
à leur développement soutenable. Le capital social n’est pas seulement la somme des institutions qui sous-tendent une société— il est le
ciment qui les unit ». (traduction non officielle). La notion de cohésion sociale (un synonyme parfois utilisé est celui de capital social) se
rapporte aux valeurs communes et à la culture civique, la solidarité, le contrôle social, les réseaux sociaux et l’identité commune. (Voir :
ww.worldbank.org/poverty/scapital).
41
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
priorité aux opérations actuellement en cours de la Banque mondiale (voir la représentation graphique
de ces initiatives dans la Figure 8).
I. MISE A JOUR DES CADRES POLITIQUES ET DES STRATEGIES OPERATIONNELLES : Processus de
prise en compte et intégration (mainstreaming) du thème du ‘changement climatique’ dans les
politiques et les pratiques de développement
I.1
Intégrer la perspective du changement climatique dans la DRSP et le PNDL
La Stratégie de Réduction de la Pauvreté (en tant que cadre de référence de toute la politique de
développement social et économique du Sénégal), et le Programme National de Développement
Local (en tant que pivot opérationnel auquel toutes les interventions en décentralisation se
rattachent) devraient pouvoir intégrer le changement climatique (surtout par rapport aux
initiatives appropriées destinées à affermir l’adaptation des populations vulnérables). Cela
pourrait être rendu possible par l’intégration et l’approfondissement du concept clé de
‘gouvernance environnementale locale’.84 Pareillement, la réflexion concernant le changement
climatique devrait exercer une influence déterminante sur l’ensemble des stratégies sectorielles
et devrait faire partie d’un stratégie globale de protection sociale.
Action : Concertations avec la Cellule de suivi du Programme de lutte contre la Pauvreté du MEF
(pour le DRSP) et le Cabinet du Premier Ministre (pour le PNDL), comme aussi avec les
responsables de départements techniques et les comités interministériels concernés.
I.2
Intégrer la perspective du développement décentralisé dans le PANA
Le PANA actuel ne constitue que le commencement d’un processus visant à influencer
progressivement les politiques nationales par rapport au changement climatique. Cependant,
dans son état actuel, le PANA n’est pas suffisamment relié au cadre politique général (réduction
de la pauvreté et gouvernance décentralisée). Les liens entre le dispositif technique proposé par
le PANA et le dispositif institutionnel, juridique et financier devraient être affermis et
approfondis. Il serait aussi nécessaire de créer des synergies plus grandes entre les différentes
approches sectorielles, par le biais d’un renforcement des institutions locales particulièrement
susceptibles d’affermir les stratégies locales d’adaptation. Le modèle de planification et de
programmation du PANA devra nécessairement s’aligner avec les plans de développement local
gérés par les collectivités territoriales et les initiatives proposées devront être gérées d’après les
modèles de gestion du développement local déjà en vigueur .
Action : Appui au Ministère de l’Environnement et à ses unités spécialisées
I.3
Approfondir la méthodologie concernant les études diagnostiques sur les risques (risk
assessments), sur les vulnérabilités (vulnerability assessment) et les effets sociaux du
changement climatique
Les paramètres sociaux concernant l’impact du changement climatique au Sénégal sont connus
surtout par le biais d’une réflexion sur les sécheresses, les famines et les problèmes écologiques.
D’après les spécialistes, le changement climatique rendra encore plus probables les sécheresses
et augmentera leur sévérité et leur impact sur les modes et moyens locaux d’existence.
Des études diagnostiques préliminaires ont été conduites dans le cadre de la préparation du
PANA. Ces études devraient être poursuivies et approfondies, en intégrant des dimensions
84
Le concept de gouvernance environnementale locale désigne la qualité et l’efficacité de la gestion de l’environnement exercée par les
administrations locales, ainsi que sa transparence, son aptitude à rendre des comptes, et la façon générale dont pouvoir et autorité
environnementaux sont exercés à l’échelon local.
42
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
socio-économiques, pour mieux identifier les dimensions de la vulnérabilité des ménages au
changement climatique et les mesures d’adaptation locales. Ces études devraient aussi inclure,
d’une manière systématique, les perceptions locales concernant les changements écologiques et
climatiques dans une perspective historique, pour donner un poids plus grand aux expériences
et aux points de vue locaux. Une cartographie des zones à risque climatique devrait compléter
d’autres efforts cartographiques en cours (à l’instar de l’effort accompli par rapport aux ‘zones à
risque alimentaire’ (ZAR) par le Commissariat à la sécurité alimentaire). L’état des lieux
concernant la situation de référence devrait impliquer les principaux départements techniques
(voir, par exemple, le travail du PAPEL en matière de l’état des lieux des infrastructures
hydrauliques).
Action : Concertation avec les institutions spécialisées (comme le CSE), la DAT (pour la
cartographie), PAPEL (pour les infrastructures hydrauliques), la Direction de la Météorologie, les
ARD et les cellules ‘suivi et études’ des principaux programmes actuellement en cours.
II. CONSOLIDATION DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL POUR UNE BONNE GOUVERNANCE: Des
mesures peuvent contribuer à la mise en œuvre des principes essentiels de la bonne gouvernance
(transparence, participation et reddition des comptes) et d’espaces de concertation et réflexion sur le
thème du changement climatique au niveau des collectivités locales.
II.1
Accélérer le processus de mise en œuvre des liens horizontaux entre collectivités locales
(entre organisations paysannes au sein d’une communauté rurale, et entre communautés
rurales d’une même région)
Cela pourrait favoriser, d’un point de vue juridique et institutionnel, la définition de mesures
globales intercommunales et intercommunautaires de lutte contre les changements climatiques
et la mise au point de mesures incitatrices financières appropriées.
Action : PDLP avec structures d’accompagnement (principe de l’Entente intercommunale).
II.2
Contribuer à la mise en œuvre de toutes les dispositions de la LOASP (la sécurisation foncière
des producteurs étant un élément essentiel des stratégies d’adaptation des communautés et
des ménages au changement climatique).
Action : PDLP avec les structures d’accompagnement
II.3
Définir les modalités d’un véritable système d’alerte précoce concernant les changements
climatiques et mise en place d’un réseau de cellules d’alerte précoce sur les changements
climatiques’ (au sein de chaque communauté rurale).
Les systèmes d’alerte précoce existants opérant surtout dans le domaine des crises alimentaires
ont montré leur efficacité, et constituent un bon exemple surtout par rapport à leur charpente
institutionnelle. Les 14 structures régionales du PNDL/ARD pourraient constituer la charpente
du système d’alerte climatique. A cet égard, le rôle des structures régionales de l’ANCAR et de
leurs agents placés au niveau de nombreuses Communautés rurales, devrait aussi être précisé,
dans la mesure où, d’un point de vue institutionnel et financier, l’ANCAR est appuyée par la
Banque mondiale. Cela nécessitera le renforcement des capacités analytiques des principales
institutions gouvernementales et des synergies avec des services spécialisés (comme la
Direction de la Météorologie et le CSE). Un autre élément concerne les mécanismes permettant
une remontée rapide des informations.
Action : Concertations avec les ministères sectoriels concernées et avec les programmes/projets
de développement, systèmes actuels d’alerte précoce, et avec le PNDL et l’ARD.
43
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
II.4
Consolider les dispositifs d’une bonne gouvernance environnementale locale
Promouvoir la définition, l’introduction et l’institutionnalisation de dispositifs concernant la
bonne gouvernance environnementale locale. Cela concernera l’appui à des pratiques,
arrangements,
contrats,
mécanismes
de
planification
participative,
chartes
interinstitutionnelles, mécanismes de recherche de consensus, procédures et processus de prise
de décision, propres à assurer la prévention, la gestion et la résolution de tout genre de conflits
liés à l’utilisation des ressources environnementales. Cela concernera aussi l’introduction de
mécanismes de transparence et de reddition de comptes (tant horizontale que verticale, tant
ascendante que descendante) et des procédures d’autoévaluation.
Action concertée : Concertation avec toutes les parties prenantes locales
III. RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS : Information, formation, réseaux d’alerte
précoce, ‘menu’ d’initiatives appropriées (mesures d’adaptation) selon les zones agro-écologiques et
les systèmes de production.
III.1
Organiser des campagnes de sensibilisation des populations.
Ces campagnes devraient porter sur les problèmes généraux liés au changement climatique et à
ses effets sur les modes et moyens d’existence des ménages et des communautés rurales et
urbaines. Action : Appui aux Comités interministériels et aux ARD et d’autres structures
d’accompagnement des collectivités (y compris ANCAR)..
III.2
Mettre en œuvre un programme d’information adéquate des acteurs nationaux, régionaux et
locaux (élus et leaders communautaires, , y compris chefs coutumiers) sur le problème du
changement climatique.
Le concept du ‘changement climatique’ n’est as encore entré dans le discours politique local.
Cette campagne d’information aurait par conséquent une importance cruciale, pour répondre
aux besoins importants ressentis au niveau des acteurs en termes d’information sur les
changements climatiques (origine, manifestations, conséquences, etc.). Ce volet pourrait
susciter, entre autres, l’organisation d’ateliers ou séminaires permettant une meilleure
collaboration entre spécialistes (climatologues, environnementalistes, météorologues,
hydrologues, etc.) et décideurs nationaux et locaux.
Action : Appui aux instances nationales, régionales et communales. Séances de sensibilisation
organisées au niveau des Conférences Régionales d’Harmonisation (qui constituent des espaces
de concertation relativement nouveaux entre acteurs locaux) et au niveau des Conseils
d’Administration des collectivités (formés par les Présidents des Conseils régionaux, les Maires
des Communes urbaines et les Présidents des Communautés rurales).
III.3
Former des animateurs et des enquêteurs communautaires.
Des animateurs communautaires seraient capables de gérer la mise en œuvre de pratiques
communautaires appropriées pour combattre l’impact du changement climatique (par le biais,
le plus souvent, de la méthode dite ‘Haute Intensité de la main d’œuvre’, HIMO). Les enquêteurs
seraient à même de collecter les informations climatiques appropriées, opérant au sein de
véritables ‘cellules d’alerte précoce sur les changements climatiques’ au sein de chaque
collectivité communale (ou ensemble homogène de collectivités communales).
Action : PDLP en appui aux structures régionales PNDL/ARD et aux autres structures
d’accompagnement.
44
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
III.4
Améliorer les capacités des communautés locales en matière d’entretien et maintenance des
infrastructures socio-économiques collectives
Puisque certaines infrastructures sociales et économiques de zones particulièrement
vulnérables au changement climatique peuvent nécessiter des formes d’entretien et de
maintenance particulières, il serait opportun d’améliorer les capacités locales en cette matière.
On pourrait penser, entre autres, aux infrastructures suivantes : forages et puits cimentés
(équipement, abreuvoirs, voies d’accès à l’eau); marchés et abattoirs ; pompes éoliennes et
solaires ; petits barrages, réservoir et retenues d’eau; bâtiments et clôtures d’écoles primaires;
bâtiments et clôtures de postes de santé; etc.
Action concertée au niveau de plusieurs ministères sectoriels en collaboration avec le
programme/projets de développement actuellement en cours.
IV. MISE A NIVEAU DU PROCESSUS DE PLANIFICATION : Intégration des niveaux de planification
et responsabilisation des acteurs (en fonction du principe de la subsidiarité)
IV.1
Améliorer les synergies entre différents acteurs institutionnels et différents niveaux
institutionnels
Cela concerne une meilleure mobilisation de toutes les instances nationales en charge de la
planification du développement local au sujet de la lutte contre le changement climatique. Cela
ne pourra avoir lieu que grâce à une campagne adéquate de sensibilisation des populations et
de formation des cadres et des ‘décideurs’.
Action concertée avec tous les ministères techniques concernés.
IV. 2
Intégrer la dimension climatique dans les plans de développement communaux
Grâce encore à une campagne adéquate de sensibilisation des populations et de formation des
responsables des collectivités territoriales, il sera nécessaire de mieux intégrer dans les plans de
développement communaux le changement climatique et son impact sur les modes et les
moyens d’existence locaux (avec l’identification de différentes stratégies d’adaptation). Cela
nécessitera une méthode de planification intégrée et efficace qui inclut les dimensions
publiques et privées.
Action : Appui aux Collectivités territoriales avec les services techniques concernés et les
structures régionales et provinciales d’accompagnement.
IV.3
Etablir un ‘menu’ d’initiatives à court terme permettant de mitiger l’impact négatif du
changement climatique (actions spécifiques de lutte contre le changement climatique pour les
plans d’investissements communaux)
Au niveau de zones agro-écologiques homogènes - avec leurs propres caractéristiques
climatiques et leurs propres systèmes ou sous-systèmes de production - il faudrait définir un
ensemble de mesures permettant de réduire l’impact socio-économique des changements
climatiques (en poursuivant ainsi le travail déjà initié dans le cadre de la préparation du PANA).
Ces mesures de lutte contre le changement climatique devraient faire partie de la lutte contre la
pauvreté et devraient par conséquent éviter de creuser davantage les inégalités sociales (entre
groupes et/ou entre zones géographiques). Dans cette optique, il faudra aussi mieux intégrer les
connaissances et les meilleurs pratiques environnementales locales dans la formulation de
stratégies d’adaptation.
45
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Action : Appui aux ministères sectoriels en collaboration avec les structures régionales et
provinciales d’accompagnement et les programmes/projets intervenant actuellement en
matière de gestion durable des terres.
Encadré 8 :
Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques 85
Du 27 au 30 avril 2009 s’est tenu à Ouagadougou, au Burkina Faso, un Atelier international sur
l’adaptation de l’agriculture ouest africaine aux changements climatiques. Cet atelier a regroupé
plus de 70 experts et décideurs pour discuter et formuler des recommandations par rapport aux
options d’adaptation au changement climatique dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage,
86
des forêts et de la pêche en Afrique de l’Ouest.
L’atelier a identifié plusieurs recommandations destinées à minimiser la vulnérabilité à court et à
long termes de la région ouest africaine par rapport au changement climatique. Parmi ces
recommandations, les suivantes revêtent une importance particulière:







Intégrer dans les programmes nationaux et régionaux de développement les stratégies
d’adaptation et de mitigation des changements climatiques ;
Mettre en exergue dans les politiques de développement national le rôle primordial des
services et produits météorologiques et climatiques dans la recherche des solutions
d’adaptation aux changements climatiques de l’agriculture ouest africaine;
Améliorer la gestion des ressources en eau et centrer principalement celle-ci sur le
renforcement de la sécurité alimentaire de la région ;
Mettre en place une base de données globale et orientée vers l’action, la documenter et
diffuser les informations auprès des petits producteurs relativement aux options
d’adaptation concernant les différents systèmes d’agriculture et moyens de subsistance et
zones agro écologiques y compris les mesures et politiques ;
Mobiliser les ressources nécessaires pour renforcer la recherche sur l’impact du
changement climatique sur l’agriculture dans les différentes zones agro écologiques
d’Afrique de l’Ouest comme preuve empirique dans la mesure où les résultats de la
recherche dans ce domaine restent largement insuffisants ;
Faciliter un meilleur accès au crédit et aux intrants agricoles pour intensifier les systèmes de
production intégrée comme agriculture-élevage et aquaculture-agriculture, à travers une
gestion améliorée des ressources naturelles et l’utilisation de variétés et races d’animaux
adaptées ;
Initier et renforcer la coopération entre les institutions universitaires et de recherche, les
organisations internationales et régionales, et les ONG pour offrir des opportunités en
matière de renforcement institutionnel, de développement des ressources humaines et de
renforcement des capacités pour faire face aux impacts du changement climatique.
85
Voir :http://www.wmo.int/pages/prog/wcp/agm/meetings/iwacc08/documents/Ouagadougou_declaration_fr.pdf.
Cet Atelier avait été organisé conjointement par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), l’Organisation des Nations Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Agence Météorologique de l’Etat espagnol (AEMET), la Banque Africaine de Développement (BAD), la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Institut International de Recherche sur les cultures des zones tropicales
semi-arides (ICRISAT), et l’Institut International de Recherche sur l’Elevage (ILRI) et la Direction Générale de l’Aviation Civile et de la
Météorologie du Gouvernement du Burkina Faso.
86
46
Figure 9 : Représentation des initiatives recommandées concernant l’appui à l’adaptation au changement climatique (CC)
POLITIQUES & STRATEGIES


Intégration perspective changement climatique dans DRSP et PNDL
Méthodologie diagnostic risques et vulnérabilités
DISPOSITIF INSTITUTIONNEL




Meilleurs liens horizontaux entre communes
Mise en œuvre de la LOASP dans le cadre de la décentralisation
Définition d’un système alerte précoce de crises liées au CC
Consolider la bonne gouvernance environnementale locale
DISPOSITIF FINANCIER
RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS INSTITUTIONNELS







Ligne ‘Appui adaptation au CC au sein du PDLP
Appui à la création d’un dispositif financier contre CC
Micro-finance ciblant ménages vulnérables au CC
Campagnes de sensibilisation de la population sur le CC
Programmes d’information pour décideurs, élus et leaders communautaires
Formation animateurs et enquêteurs communautaires sur le CC
Amélioration des capacités locales en maintenance des infrastructures
collectives (affectées par le CC)
PLANIFICATION ET PROGRAMMATION MESURES D’ADAPTATION AU CC





Améliorer les synergies entre différentes institutions et différents niveaux institutionnels
Intégrer le thème du CC dans les plans de développement communaux
Définir procédures et modèles d’opérations contre le CC au niveau intercommunal
Etablir un menu d’initiatives pour plans d’investissements communaux et intercommunaux
Responsabiliser les institutions communautaires par rapport à la planification et la mise en
œuvre de mesures d’adaptation au CC
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
IV.4
Envisager la planification/mise en œuvre d’actions intercommunales de lutte contre le
changement climatique.
Mettre en œuvre le principe de l’Entente intercommunale, pour lancer des initiatives de plus
grande envergure de lutte contre les effets du changement climatique au niveau de plusieurs
collectivités partageant les mêmes contraintes agro-climatiques.
Action : Appui aux structures régionales et provinciales d’accompagnement et les
programmes/projets intervenant actuellement en matière de gestion durable des terres.
IV.5 Davantage responsabiliser les organisations communautaires de base
Définir des mécanismes efficaces permettant aux organisations paysannes et aux institutions
communautaires de mieux participer au diagnostic du changement climatique au niveau local et
d’apporter leur savoir-faire et leur connaissance environnementale dans la définition des
mesures d’adaptation appropriées.
Action : Appui aux structures régionales et rurales d’accompagnement (ARD, ANCAR) et les
programmes/projets intervenant actuellement en matière de gestion durable des terres.
V. CONSOLIDATION ET ELARGISSEMENT DU DISPOSITIF FINANCIER : Instruments financiers
V.1
A court terme, créer au niveau du PDLP une ligne budgétaire ‘Investissements CC ‘
Au sein du PDLP, une nouvelle ligne budgétaire d’investissement expérimentale
(‘investissements Changement Climatique), par le biais d’un ‘Fonds d’investissement local’,
pourrait permettre aux communautés rurales communales de planifier et programmer des
investissements destinés explicitement à réduire l’impact néfaste du changement climatique sur
les groupes de producteurs, particulièrement les groupes les plus vulnérables (il s’agirait
d’investissements additionnels par rapport à ceux déjà prévus, mais qui seraient également
inscrits dans les plans annuels d’investissements communaux).
Action : PDLP
V.2
A long terme, appuyer l’établissement d’ un fonds national (block grant) permettant de
financer rapidement des actions d’adaptation communautaire au changement climatique
Etudier avec les responsables gouvernementaux et les partenaires financiers qui soutiennent le
Fonds la possibilité de créer un instrument financier spécialisé distinct permettant aux
collectivités territoriales d’opérer des investissements dans le domaine de la lutte contre les
effets sociaux du changement climatique. Il faudrait introduite dans ce dispositif des notions de
péréquation et d’équilibre, pour mieux tenir compte des différences des collectivités vis-à-vis
des risques climatiques.
Action : PDLP avec principaux projets de développement local.
V.3
Assister le Gouvernement à renforcer le système de micro-finance en faveur des ménages
pauvres et vulnérables. Cela permettrait d’aider ces ménages à adopter des stratégies
d’adaptation contre le changement climatique.
Action : Concertation avec des institutions spécialisées dans la micro-finance, avec la
collaboration des programmes/projets de développement actuellement en cours.
48
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Encadré 10 : Eléments concernant la mise en œuvre des initiatives
Le cycle de planification et de mise en œuvre des initiatives d’adaptation aux risques climatiques
devrait fonctionne selon un processus graduel et séquentiel qui respecte les principes essentiels
du développement local :
i) Conduite d’études référentielles sur les modèles de pauvreté/vulnérabilités aux crises,
déterminants de la pauvreté, hétérogénéité des pauvres, comme aussi savoir-faire
environnementale et stratégies d’adaptation traditionnelles.
ii) Montage institutionnel des initiatives envisagées (rôle des différents acteurs, principes
concernant le partage des responsabilités, cadre des normes de conduite ou ‘règles de jeu’
permettant au acteurs d’agir individuellement et collectivement).
iii) Etablissement des mécanismes financiers appropriés (au niveau central et local), en insistant
sur la coordination et la cohérence ;
iv) Mise en place d’un système d’appui/conseil efficace capable de fournir aux collectivités
territoriales l’assistance technique dont elles ont besoin ;
v) Définition et mise en œuvre d’un système cohérent de suivi et d’évaluation (pour assurer la
réalisation des résultats attendus et évaluer l’impact général des initiatives sur la réduction de la
vulnérabilité climatique).
5.3 VUE D’ENSEMBLE
La ‘feuille de route’ présentée ci-dessus identifie les cinq composantes essentielles de toute politiques
visant à affermir l’adaptation au changement climatique :

L’affermissement de l’architecture institutionnelle appropriée,

La clarification de dispositions institutionnelles cohérentes permettant des actions collectives à
partir du principe de la subsidiarité;


Le renforcement des dynamiques que les acteurs institutionnels sont capables de générer (surtout
par rapport à la libération des énergies des groupes vulnérables).
L’élargissement du dispositif financier permettant des investissements appropriés,

La mise en œuvre, la gestion et le suivi d’un ensemble varié et coordonnée d’initiatives
6. CONCLUSION
Ce rapport a identifié les principaux acteurs institutionnels du développement local au Sénégal. Il a
analysé les différents cadres de politique de développement local, voire les principaux axes stratégiques
(surtout par rapport à la gouvernance décentralisée et à lutte contre la pauvreté) et identifié les
49
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
principaux aspects de la vulnérabilité des ménages et des communautés face aux crises de toute nature
et les principales stratégies mise en œuvre pour augmenter la sécurité.
Il a enfin présenté les principales leçons qu’on peut tirer de la mise en œuvre de ces politiques et
formulé, à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Sénégal, un certain nombre de
recommandations axées sur le rôle potentiel des institutions par rapport au changement climatique,
élément nouveau du paradigme du développement local.
L’un des concepts essentiels est celui de ‘gouvernance locale’, qui est une manière de connecter le plan
local aux processus nationaux de gouvernement et de gouvernance. En tant que tel, le concept implique
non seulement le ‘transfert vertical’ de responsabilités et de ressources du gouvernement central aux
collectivités territoriales et aux communautés locales, mais aussi, et surtout, le développement de
‘réseaux horizontaux ‘ entre ces collectivités et les acteurs non étatiques.
Dans cette perspective, au-delà des résultats issus de la partie analytique, ce rapport met l’accent sur un
certain nombre d’éléments généraux, qu’il sera bien de rappeler de manière synthétique.
L’existence d’un cadre de politique de développement local et de lutte contre la pauvreté
Le Sénégal dispose de politiques de développement local et de réduction de la pauvreté claires et
détaillées. De plus, il s’est donné une architecture institutionnelle décentralisée, qui est à la fois un
projet de société et un moyen pour réduire la pauvreté d’une large frange de sa population.
Ces politiques et ce cadre institutionnel apparaissent aussi susceptibles de permettre un effort collectif
visant à renforcer et soutenir les principales stratégies dont les communautés et les ménages sénégalais
disposent pour réduire l’impact crises liées au changement climatique.
 Toute initiative visant à réduire l’impact du changement climatique sur les
modes et les moyens d’existence des populations sénégalaises devra
nécessairement s’inscrire à l’intérieur de la vision de développement local
existante et s’appuyer sur l’architecture institutionnelle décentralisée déjà en
place.
A condition que les lois soient rapidement suivies par des dispositions d’application, ce cadre politique
peut permettre l’identification de mesures permettant aux populations locales de s’adapter aux crises
climatiques. Cependant, il ne devrait pas être conçu comme une alternative à des mesures de réduction
des concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ainsi, l’adaptation ne constituerait que
l’une des dimensions d’une solution globale, qui est du ressort des politiques énergétiques du
Gouvernement et de la communauté internationale.
 La vulnérabilité des communautés et des ménages sénégalais aux crises
climatiques est un problème local, qui exige une approche locale, gérée par les
institutions locales. Cependant, les solutions ne peuvent pas être uniquement
locales, mais doivent être le résultat d’un processus de concertation qui s’établit
entre plusieurs niveaux institutionnels (ou plusieurs ‘sphères de gouvernance’).
Le Gouvernement a adopté une dynamique de gouvernance décentralisée, dans laquelle les collectivités
locales détiennent la maîtrise d’ouvrage du développement local. Mais ces collectivités doivent être
50
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
considérées comme des institutions englobantes, ayant des avantages comparatifs évidents par rapport
au développement social et économique local, en général, est par rapport à la lutte contre ‘impact du
changement climatiques, en particulier.
Une prise de conscience grandissante de la gravité du changement climatique
Les effets du changement climatique sont déjà tangibles et réels, quoique différentes selon les zones
agro-écologiques et les systèmes de production du pays. Cependant, le thème de ‘changement
climatique’ ne semble pas encore exercer une influence directe ni sur le débat politique sénégalais ni sur
les comportements des communautés.
Ainsi, la réflexion au sujet des principaux paramètres écologiques, climatiques, météorologiques, sociaux
et économiques du changement climatique est encore embryonnaire. Les décideurs sont encore peu
sensibilisés par rapport à l’urgence du problème et à la virulence potentielle de ces facteurs climatiques
sur les modes et les moyens d’existence.
 Une plus grande prise de conscience de la réalité et de la menace du
changement climatique devrait conduire à intégrer des réponses et des mesures
d’adaptation appropriées dans la politique de lutte contre la pauvreté et dans la
stratégie de développement local, pour en garantir l’efficacité.
Mais les cadres politiques et réglementaires existants démontrent une conscience élevée de la pauvreté
du pays, des liens entre pauvreté et environnement, de la vulnérabilité des communautés et des
ménages aux risques de nature économique, écologique et alimentaire et seront à même de favoriser
une intégration du changement climatique dans les pratiques de développement local.
Par ailleurs, les populations sénégalaises, comme la plupart des populations vivant dans des zones arides
et semi-arides, ont depuis fort longtemps intégré la variabilité climatique dans leurs vies et sont, en
quelque sorte, bien adaptées à un environnement extrêmement imprévisible. En effet, leurs modes et
moyens d’existence et leurs institutions sociales tendent à être fondamentalement orientés vers
l’adaptation climatique par le biais de stratégies flexibles visant, de manière préventive, à réduire la
vulnérabilité.
Un dispositif institutionnel opérationnel à tous les niveaux
L’émergence des collectivités territoriales a eu un rôle direct sur un modèle décentralisé de la gestion
des ressources naturelles, y compris par rapport à la protection de l’environnement. Cela constitue un
atout institutionnel de taille dans la définition et la mise en œuvre de mesures de lutte contre le
changement climatique au niveau local.
A tous les niveaux (national, régional, communal et communautaire), de nombreux acteurs
institutionnels gouvernementaux et non-gouvernementaux sont impliqués dans la mise en œuvre et la
gestion du développement local. Souvent leurs interventions ne sont pas coordonnées et utilisent
différentes approches, méthodologies et procédures.
 La nature même de crises climatiques exige la définition d’un dispositif de
réponse rapide bâtie sur un système d’alerte des crises efficace et la mise en
51
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
œuvre d‘initiatives appropriées, à partir d’une méthodologie simple et de
procédures rapides.
Les décisions récentes concernant les dispositifs institutionnel et financier du développement local
décentralisé peuvent cependant contribuer à harmoniser les approches et créer des synergies. On
reconnaît aux responsables des collectivités locales une maîtrise d’ouvrage réelle en matière de
développement local. Mais cette maîtrise signifie aussi qu’ils sont tenus d’impulser des formes
horizontales de coopération avec les autres collectivités locales.
 Toute action efficace contre les effets du changement climatique nécessite
impérativement l’ établissement au sein des collectivités de réseaux étendus de
relations d’interdépendance et d’action collective impliquant les organisations
communautaires, les services administratifs et techniques locaux, les chefs
coutumiers et les associations de la société civile comme aussi les ONG.
Les communautés sénégalaises disposent d’un capital social fort et varié. Le tissu associatif de la base
est très dense. Cela constitue sans aucun doute un atout majeur pouvant contribuer à réduire la
vulnérabilité des ménages et des communautés vis-à-vis des crises liées au changement climatique.
Les problèmes qui surgissent du changement climatique sont complexes. Ils sont inextricablement liés à
des causes multiples et différentes, comme la croissance démographique, la stagnation de la
productivité agricole, l’insécurité foncière des producteurs, la dégradation de l’environnement ou le
manque d’infrastructures rurales. Dès lors, la solution de ces problèmes nécessitera des approches
englobant plusieurs domaines, pour tenir compte de facteurs biophysiques, politico-institutionnels,
économiques, sociaux et démographiques.
Par ailleurs, une politique qui souligne l’importance de mesures d’adaptation ne saurait pas être conçue
comme une alternative à des mesures de réduction des concentrations des gaz à effet de serre dans
l’atmosphère. L’adaptation ne constitue que l’une des dimensions d’une solution globale, qui est du
ressort des politique énergétiques du Gouvernement sénégalais et de la communauté internationale.
52
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
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54
ANNEXES
Annexe 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Sénégal
Annexe 2 : Les politiques de développement local au Sénégal
Annexe 3 : Les principaux programmes de la Banque mondiale au Sénégal
Annexe 4 : Le plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (UNDAF)
ANNEXE 1 :
ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE
DU DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL
I. PRINCIPAUX ORGANES MINISTERIELS
Directement ou indirectement, le développement local au Sénégal est pris en charge par un ensemble
d’acteurs publics, au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe (voir le graphique 3). Au
cours des dernières années, la décentralisation et les collectivités locales ont successivement été
rattachées à de nombreux organes ministériels (voir la Figure 1).
 Le Ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales (MDCL) est le ministère le plus
directement impliqué par rapport à la mise en œuvre de la décentralisation au Sénégal et le suivi
des collectivités locales. A cet effet, parmi ses directions, les plus importantes sont les suivantes : (i)
la Direction des Collectivités locales; (ii) la Direction de la Décentralisation; et (iii) la Direction de
l’Appui au Développement local.87 Le ministère intervient aussi par le bais de deux agences
rattachées, à savoir : l’Agence de Développement municipal et l’Agence de Développement local.
 Le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) est aussi impliqué dans le développement local
par rapport aux finances des collectivités. Il intervient, en particulier, par le biais de sa Direction
générale du Plan, qui comporte la Direction de la planification nationale et de la planification
régionale et la Direction des Stratégies de Développement.88 Au sein du MEF, la Cellule de suivi du
Programme de lutte contre la Pauvreté est en charge de la production et du suivi du document de
stratégie de la réduction de la pauvreté (voir ci-dessous). L’Inspection de l’administration territoriale
et locale (IATL) assure, au sein du MEF, le contrôle financier et budgétaire des collectivités.
 En fait, pendant de longues années, c’est le Ministère de l’Intérieur qui a effectivement eu la charge
du suivi de la décentralisation, la Direction des Collectivités Locales (DCL) étant le bras opérationnel
de la décentralisation. Aujourd’hui, au sein du Ministère de l’Intérieur, seulement la Direction des
Affaires générales et de l’Administration territoriale est en quelque sorte liée au développement
local.
 Le Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports
aériens et des Infrastructures intervient dans le développement local par rapport aux
infrastructures, aux gros ouvrages (travaux publics), et en tenant compte des tendances
démographiques du pays (pour la recherche d’un équilibre optimal entre les ressources et les
populations).

87
88
Au sein de ce ministère, la Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT) a des structures
déconcentrées dans chacune des onze régional administratives du Sénégal (Service Régional
d’Aménagement du Territoire, SRAT). Ses missions sont multiples, et elles concernent, entre
autres : la définition de la politique d’aménagement du territoire, la mise en œuvre des
décisions gouvernementales en matière d’aménagement du territoire, la coordination de la mise
en œuvre des programmes régionaux, l’élaboration d’un Plan d’Aménagement du territoire (par
Voir le site Internet du MDCL: http://www.gouv.sn/spip.php?article188
Voir le site Internet du MEF: http://www.gouv.sn/spip.php?article180
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
le biais notamment de Schémas régionaux), le contrôle de la cohérence des différents outils et
instruments de planification au niveau national, régional et local, au Plan National
d’Aménagement du Territoire ou le suivi de l’application des lois sur le Domaine National et la
Réforme de l’Administration régionale et locale (y compris la délimitation des Collectivités
locales, l’aménagement des terroirs, la hiérarchie des établissements humains, etc.). A noter
que la DAT est en train de préparer une cartographie des zones à risque sur l’étendue du
territoire national.89
II. MINISTERES SECTORIELS
Parmi les ministères sectoriel qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut
énumérer les suivants :
 Le Ministère de l’Agriculture, de la Pisciculture et des Biocarburants 90
 Parmi ses dix directions, le ministère compte la Direction Régionale du Développement
Rural (DRDR), avec ses structures déconcentrées au niveau de chacune des 14 régions. Les
mandats de la DRDR concernent : (i) la définition des mesures de politique agricole adaptées
aux conditions régionales et locales; (ii) le contrôle, le suivi et la coordination de la mise en
œuvre des politiques et des activités retenues en vue de la réalisation des objectifs de
développement agricole et rural de la région; (iii) l’appui technique aux producteurs et à
leurs organisations ainsi qu’aux collectivités locales, dans l’élaboration et la mise en œuvre
de programmes locaux et régionaux de développement agricole. A noter que, tout en étant
responsable devant le Ministre de l’Agriculture, le Directeur Régional du Développement
Rural est nommé par décret présidentiel.

Le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des
Lacs artificiels
 Au sein de ce ministère, le Centre de Suivi Ecologique (CSE) a pour mission la collecte, la
saisie, le traitement, l'analyse et la diffusion des données et des informations sur le
territoire, sur les ressources naturelles. Il utilise les technologies spatiales, en vue de
l'amélioration de la gestion de ces ressources et de l'environnement. Le CSE conduit des
études dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, y compris le suivi des
changements à long terme du milieu et des études d’impacts. 91
 Le Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Construction et de l’Hydraulique (surtout par le
biais de la Direction de l’Hydraulique Rurale et la Direction de la Gestion et de la Planification des
Ressources en Eau)
 Parmi ses projets, le Ministère de l’Elevage 92 gère le Projet d’Appui à l’Elevage (PAPEL), dont
l’objectif est de contribuer de manière durable à la sécurité alimentaire et à la réduction de la
pauvreté au Sénégal. L’un des volets du PAPEL concerne la gestion durable des ressources
8989
Il faut souligner ici la spécificité de la notion d’aménagement du territoire dans la tradition francophone, qui n’a pas un équivalent dans la
tradition anglo-saxonne (il faudrait la rendre par le biais d’un ensemble de concepts, tels que land use planning/ spatial planning / land use plan
and development).
90
Voir le site Internet du ministère : http://www.agriculture.gouv.sn/
91
Voir le site Internet du Centre : http://www.cse.sn/.
92
Voir le site : http://www.gouv.sn/spip.php?article198
57
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
naturelles, avec les objectifs spécifiques suivants : faciliter l'accès durable à l'eau potable,
promouvoir la régénération des écosystèmes dégradés, mettre en place un système de surveillance
et d'alerte précoce, être en mesure d'évaluer l'impact environnemental de l'action du projet,
renforcer les capacités de la Direction de l'Elevage à suivre et coordonner l'exploitation des
écosystèmes pastoraux. Plusieurs actions sont prévues, notamment : l'établissement de la situation
écologique de référence, l'établissement de la situation de référence des infrastructures
hydrauliques, la construction et la réhabilitation de nouvelles infrastructures hydrauliques et
l'aménagement de l'espace et la gestion durable des ressources naturelles. 93
 Au sein du Ministère de la Famille, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la
Microfinance et de la Petite enfance, la Direction du Développement Communautaire (créée en
1980 par le décret 80 – 799), est chargée, entre autres, d’appuyer les initiatives à la base en vue
d’une participation effective des populations au processus de développement, de mettre en œuvre
les actions d’animation pouvant permettre la mobilisation sociale, l’éducation, l’organisation, la
sensibilisation, la formation et la participation des populations autour des politiques, programmes et
projets nationaux et régionaux de développement, de veiller à la cohérence, à la coordination et à
l’évaluation des activités des Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Organisations
Communautaires de Base, d’apporter un appui assistance conseil aux organisations
Communautaires de Base et de réaliser des études pouvant déboucher sur des orientations et
actions opérationnelles en matière d’animation et de développement communautaire.
III. INSTITUTIONS NATIONALES IMPLIQUEES DANS LE DEVELOPPEMENT LOCAL
a) Entités étatiques issues des collectivités
Le Sénégal est doté de nombreuses structures représentant les intérêts des collectivités locales. En
effet, la Maison des élus locaux regroupe : l’Association des Maires du Sénégal (AMS), l’Association des
présidents des conseils régionaux (APCR) et l’Association nationale des conseils ruraux (ANCR). Elle
dispose aussi d’une cellule de liaison (Cellule d’appui aux élus locaux, CAEL).
 L’Union des Associations des Elus locaux (UAEL), créée en 2003, est une association apolitique, à
but non lucratif, qui pour objectifs de lier les associations membres, favoriser le dialogue entre les
associations membres, l’Etat et les partenaires au développement (ONG, secteur privé, acteurs
internationaux de la coopération décentralisée, bailleurs de fonds), et contribuer à la promotion de
la décentralisation, de la coopération décentralisée et du développement local. En principe, l’UAEL
veille aussi à l’harmonisation des interventions des partenaires au développement.
93
Voir : http://www.papelsenegal.org/papel/
58
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
b) D’autres entités étatiques
D’autres entités étatiques interviennent en quelque sorte dans les politiques concernant le
développement local. Parfois, leurs mandats respectifs se chevauchent. L’une des différences est leur
ancrage institutionnelle, certaines de ces institutions étant rattachées directement à la Présidence de la
République, d’autres à la Primature et d’autres, enfin, à des comités interministériels.
 Le Conseil national de développement des collectivités locales (CNDCL) est présidé par le chef de
l’Etat et regroupe tous les ministères, les représentants des autorités locales et déconcentrées et la
société civile ainsi que les élus des régions, des communes et des communautés rurales. La
principale charge de ce Conseil est l’établissement de bilans concernant l’évolution des collectivités
locales comme aussi l’état de la coopération décentralisée. Le CNDCL veille à l’application correcte
des principes de la décentralisation et de la gouvernance locale. Le secrétariat du Conseil est assuré
par le directeur des collectivités locales.
 Le Comité interministériel de l’administration territoriale est un organe de consultation sur
l'organisation de l'administration territoriale qui gère les questions relatives à la déconcentration. Il
est présidé par le Premier ministre.
 Le Comité interministériel sur l’aménagement du territoire est placé sous la présidence du Premier
ministre. Il comprend les membres du gouvernement comme aussi, à titre purement consultatif, les
présidents de conseil régional. Sur proposition du Ministre chargé de l'Aménagement du territoire,
le Comité statue sur toutes les questions relatives à l’aménagement du territoire.
 La Commission nationale d'aménagement du territoire supervise les études relatives à l'élaboration
et à la révision du Plan national d'aménagement du territoire.
IV. ORGANISMES D’APPUI TECHNIQUE/FINANCIER AUX COLLECTIVITES LOCALES ET AUX
PRODUCTEURS
Ce sont des agences techniques qui ont été établies par la loi en vue de pallier à la faiblesse des
capacités techniques et managériales des collectivités locales. Ces structures d’accompagnement
technique des collectivités sont propres au Sénégal.
 L’Agence Régionale de Développement (ARD) est la plus importante de ces agences. Les branches
de l’ARD ont été mises en place dans toutes les régions à partir de 1999 (et mises à jour en 2004),
pour accompagner le processus d’autonomisation des collectivités locales. En fait, l’objectif principal
des ARD a été de subvenir aux faibles capacités des collectivités locales en matière de ressources
humaines. Les ARD sont ainsi des structures techniques d’accompagnement, assurant conseil et
appui aux collectivités locales et assurant, par une sorte de délégation, la maîtrise d’ouvrage de
toutes les opérations que les collectivités entreprennent à tous les niveaux.
59
Annexe 1, Figure 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Sénégal
MINISTERE DE LA DECENTRALISATION ET DES
COLLECTIVITES LOCALES (MDCL)
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET FINANCES
Direction Affaires générales & l’Adminin. territoriale
Direction des Collectivités locales
MINISTERE DE L’INTERIEUR
Direction de la Décentralisation
Inspection de l’Adminin. territoriale et locale
Direction de l’Appui au Développement Local
MINISTERE FAMILLE & SECURITE ALIMENTAIRE
MINISTERES SECTORIELS :
Agriculture, Elevage, Environnement, etc.
Direction du Développement Communautaire
MINISTERE COOP INTERNAT & AMENAG TERRITOIRE
Direction Régionale du Développement Rural
Direction de l’Aménagement du Territoire
Projet d’Appui à l’Elevage
AGENCE REGIONAL
DEVELOPPEMENT (ARD)
Commis. rég, développement
REGION
Service Régional d’Aménagement
Président Conseil régional
CENTRE D’EXPANSION RURAL
POLYVALENT (CERP)
Commis. provinciale développ.
COMMUNE
Maire



ANCAR
ADM
AGETIP
Comité local développement
du Territoire
Organisations communautaires
COMMUNAUTE RURALE
Maire
ONG
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Ensemble avec les Centres d’expansion rural polyvalents (CERP) qui opèrent au niveau des
arrondissements (voir ci-dessous), les ARD constituent ainsi les instruments d’appui technique aux
collectivités locales. Elles ont été instituées au Sénégal par la loi n° 96.06 portant code des
collectivités locales (article 37). Ses organes, fonctions et ressources sont réglementés par décret n°
98-389 du mai 1998.
L’ARD a pour missions, entre autres, d’assurer : (i) la coordination et l’harmonisation des plans et
programmes d’action et d’investissement entre l’Etat et la région d’une part, et, à l’échelon régional,
entre les différentes collectivités locales; (ii) la conduite des schémas d’aménagement du territoire,
des plans environnementaux et sectoriels au niveau régional; (iii) l’élaboration et le suivi des
conventions de mise à disposition des services extérieurs de l’Etat au profit des collectivités; et (iv) la
conception et l’exécution de toutes études concernant le développement économique, social,
éducatif et culturel. Au niveau régional, les Agences Régionales de Développement (ARD)
coordonnent les activités du les activités du Programme.
Les services de l’Etat déconcentrés au niveau de la région sont membres du comité technique de
l’ARD et participent à son conseil d’administration à titre consultatif. Leurs compétences sont
requises en appui aux activités de l’Agence dans le cadre des conventions types signées entre le
représentant de l’Etat et le président de région.
 L'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR) a été créée par le Gouvernement du
Sénégal en 1997 pour mettre en place un système de conseil agricole et rural sur toute l'étendue du
territoire national. L'ANCAR, qui dispose de directions régionales, est une Société Anonyme à
Participation Publique Minoritaire, avec une autonomie de gestion de type de droit privé. Avec ce
statut, l'Etat a pu associer pleinement ses partenaires des organisations de producteurs. La création
de l'ANCAR a été rendue nécessaire du fait des faibles progrès enregistrés dans l'agriculture
sénégalaise, en dépit des importants efforts consentis par l'Etat pour le développement du secteur.
L'ANCAR a été créée pour piloter le conseil agricole et rural sur toute l'étendue du territoire
national, selon une nouvelle approche fondée sur la demande des producteurs et en partenariat
avec les organisations paysannes et les principaux acteurs du développement rural (ONG, Projets,
SRDR, etc.). L'approche veut, entre autres, contribuer à promouvoir le transfert de responsabilité
aux organisations paysannes, aux Collectivités locales et au Secteur Privé; permettre et consolider la
décentralisation; et garantir un partenariat entre l'Etat, les collectivités locales et les organisations
paysannes. L’ANCAR intervient dans tous les secteurs (agriculture, foresterie, environnement et
englobe plusieurs fonctions (appui conseil, transfert de technologie adaptée, sensibilisation,
formation, information, intermédiation) et dans diverses activités (production, commercialisation,
approvisionnement, crédit, transformation, artisanat, etc.) de la vie rurale. L’ANCAR intervient dans
144 communautés rurales, où 105 ‘conseillers agricoles et ruraux’ (CAR) assistent les organisations
paysannes dans la formulation et la mise en œuvre des activités de développement agricole, dans le
cadre de modalités contractuelles.
 L’Agence de développement municipal (ADM) une association sans but lucratif mise en place dans
le cadre du Programme d’appui aux communes (PAC) financé par la Banque mondiale et l’Agence
française de développement (AFD). L’ADM assure quatre fonctions au profit des communes :
assistance, suivi de l’exécution des contrats de ville, responsabilisation des collectivités locales dans
61
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
la modalité de programmation et de financement des infrastructures et équipements urbains et
renforcement des capacités institutionnelles.
 L’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (AGETIP), mise également en place dans le cadre
d’un projet de la Banque mondiale, appuie la réalisation d’infrastructures communales et
d’équipements marchands et socioculturels.
A ces agences, s’ajoutent les structures mises en place par les nombreux projets travaillant dans le
domaine du développement local (voir une liste des principaux projets).
V. INSTITUTIONS LOCALES
Les deux piliers de l’architecture institutionnelle territoriale sénégalaise sont les structures de la
déconcentration (circonscriptions administratives) et les structures de la décentralisation (ou
‘collectivités locales’) (voir la Figure 4).
V.1 LES STRUCTURES DE LA DECONCENTRATION : Région, Département et Arrondissement
Les structures de la déconcentration constituent le cadre de représentation de l’État. Elles assurent la
coordination des activités des différents services. Ces structures s’étalent sur trois niveaux: la région, le
département et l’arrondissement (à cela s’ajoute le village, dont ‘le chef’ est nommé par l’État).

La Région est gérée par le Gouverneur, fonctionnaire nommé par le gouvernement central. En tant
que circonscription administrative, la Région exerce des missions de coordination par l’entremise de
la Commission régionale de développement (CRD), une instance qui réunit les différentes
collectivités de la région, les services déconcentrés de l’État au niveau régional, la société civile et
toute autre structure. Le gouverneur assure la tutelle des services régionaux déconcentrés:
urbanisme, aménagement du territoire, domaines, action sociale, planification. Par rapport à la
collectivité régionale, le Gouverneur exerce un contrôle de légalité sur les délibérations du conseil
régional (budget, convention de coopération, marchés) et aussi un pouvoir d’approbation sur les
attributions de terrains dépendant des communes et communautés rurales.
 Le Département est présidé par le Préfet, fonctionnaire nommé par le gouvernement central, qui
supervise la coordination des activités départementales à travers le Comité départemental de
développement (CDD) qui regroupe les communes, les services étatiques déconcentrés et les
associations de la société civile.
 L’Arrondissement est présidé aussi par un Sous-Préfet, nommé par le gouvernement central. Le
Comité local de développement (CLD) est l’organe de coordination institué par la loi au niveau de
l’arrondissement, pour regrouper les communautés rurales et la société civile, ainsi que le Centre
d’expansion rurale polyvalent (CERP), unique service de l’État implanté dans l’arrondissement.
Ainsi, l’ensemble du territoire national est divisé en 14 régions, chacune étant dirigée par un
gouverneur, représentant de l’État, nommé par le gouvernement central. Chaque région est subdivisée
en 3 départements - à l’exception de Dakar qui en compte 4 – pour un total de 34 départements.
Chaque département est subdivisé en un nombre variable d’arrondissements. En total, il y a 103
62
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
arrondissements au Sénégal. Chaque gouverneur, préfet et sous-préfet représente le Président de la
République et l’ensemble des ministres au niveau de sa circonscription. Ils sont également garants de la
sécurité publique et de la protection des biens. Chacun d’eau est comme la voix autorisée du pouvoir
central et des acteurs incontournables dans l’espace local, assurant le rôle de coordonnateur des actions
gouvernementales entre le niveau local et le niveau central. 94
V.2 LES STRUCTURES DE LA DECENTRALISATION : Région, Commune et Communauté rurale
 La Région est une collectivités locale placée sous le Président du Conseil régional (élu). Depuis 2008,
il y a un total de 14 Régions. Le conseil régional, organe délibérant, constitué de 52 à 62 membres
élus, suivant la taille démographique de la région. Le président de région est assisté d’un bureau
composé de deux vices présidents, deux secrétaires élus, et d’un secrétaire général qu’il nomme
parmi les agents de la fonction publique, après avis du gouverneur, représentant de l’Etat. Le
président de région est élu parmi les conseillers régionaux, pour la même durée (cinq ans). Il
représente l’exécutif, prépare et exécute les délibérations du conseil régional. Il est administrateur
des crédits et ordonnateur du budget de la région. Le conseil régional forme de droit quatre
commissions : (i) commission des finances, des affaires économiques et juridiques, (ii) commission
de l’éducation, de la santé, des affaires sociales, de la culture, de la jeunesse et des sports (iii)
commission du plan et du développement économique et (iv) commission de l’aménagement du
territoire et de l’urbanisme.

La Commune (ou : Commune urbaine et Commune d’arrondissement) est administrée par un maire
élu, assisté d'un Conseil municipal également élu. Au Sénégal, il y a un total de 67 Communes
urbaines et 43 Communes d’arrondissement (le découpage en ‘communes d’arrondissement’
permet le fractionnement des grandes communes urbaines). La commune est une personne morale
de droit public, dotée de l’autonomie financière, constituée par un ensemble de quartiers qui
forment son territoire. Le maire est assisté d’un bureau comprenant des adjoints ayant chacun une
attribution particulière et dont la taille est fonction de la population communale (18 adjoints
maximum), ainsi que d’un secrétaire municipal recruté parmi les agents de la fonction publique,
après avis du préfet, représentant de l’Etat.
 La Communauté rurale (ou Commune rurale) est aussi dirigée par un maire élu et des conseillers
élus. Lors des dernières élections locales (mars 2009) le Sénégal comptait 370 communautés
rurales.95 La communauté rurale est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie
financière. Elle est constituée par un certain nombre de villages, unis par une solidarité résultant du
voisinage. Les organes de la Communauté rurale sont le conseil rural (instance de délibération) et le
président du conseil rural (PCR), organe exécutif de la Communauté rurale. Le Président est assisté
de deux adjoints choisis au sein du conseil rural et d’un secrétaire communautaire. Le code des
collectivités locales exige qu’une commune sénégalaise dispose d’au moins 10.000 habitants. La
population moyenne d’une commune est de 70.000 habitants. Au Sénégal, 61 communes se
partagent une population urbaine estimée à 4.270.000 hab.96
94
D. Diop, 2006.
Pour la majorité des communes du Sénégal, la population est inférieure à 20 000 habitants. La ville de Dakar compte 19 communes
d’arrondissement.
96
A titre de comparaison, le Burkina prescrit in minimum de 10,000 habitants et dispose de 64 communes pour une population urbaine de
2.240. 000 habitants, soit une taille communale moyenne de 35.000 habitants.
95
63
Annexe 1, Figure 2 : Structures de la décentralisation et de la déconcentration au Sénégal
DECONCENTRATION
DECENTRALISATION
Circonscriptions administratives
Collectivités territoriales
REGION
REGION
14
Gouverneur (nommé)
Commission régionale développement
DEPARTEMENT
Président Conseil Régional (élu)
Conseil régional (élus)
45
67 Communes urbaines
43 Communes arrondissement
Préfet (nommé)
Comité départementale développement
ARRONDISSEMENT
103
Chef de village
Maire (élu)
Conseil municipal (élus)
COMMUNAUTE RURALE
(= Commune rurale)
Maire (élu)
Conseil rural (élus)
Sous-préfet (nommé)
Comité local de développement
VILLAGE
370
COMMUNE
Environ
13.000
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Les dernières élections municipales ont eu lieu le 22 mars 2009, en même temps que les élections
rurales et régionales. Le mandat des élus est de cinq ans.
Les collectivités ne font pas partie d’un cadre hiérarchique : en d’autres mots, aucune collectivité ne
peut exercer une quelconque tutelle sur une autre et toute les collectivités jouissent d’une autonomie
propre. Les collectivités peuvent toutefois entreprendre des actions conjointes sur des compétences
conjointes ou des programmes spécifiques. En effet, l’intercommunalité (au niveau surtout de la
Communauté urbaine et de l’Entente intercommunale) est reconnue par la loi sénégalaise, dans la limite
des compétences dévolues aux collectivités. Toute les collectivités peuvent former des commissions
spécialisées dans des domaines variés.
VI. LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
Au Sénégal, il y a toute une gamme d’institutions ou organisations communautaires à la base (OCB), qui
interviennent d’une manière plus ou moins efficace et active, dans le développement local. La
dynamique associative est une réalité palpable dans la majorité des villages et des villes au Sénégal. Ces
associations villageoises ont pris racine lorsque des défis sociaux et physiques se sont posés aux sociétés
locales et se sont constituées face à la carence de l’Etat et à l’augmentation de la demande sociale. 97
Historiquement, ce sont aussi les politiques d’ajustement structurel et de libéralisation mises en œuvre
de façon brutale à partir des années 1980 qui semblent avoir accéléré le développement et le
regroupement des organisations de producteurs de façon à prendre en charge des fonctions
abandonnées par l’Etat mais aussi pour négocier les politiques publiques les concernant.98
D’une manière générale, les Organisations non gouvernementales (ONG) peuvent aussi être
considérées comme des éléments importants de l’architecture institutionnelle concernant le
développement local.99 Mais leur rôle est plus complexe, dans la mesure où elles sont à la fois
prestataires de services pour les programmes de développement, partenaires financiers des projets,
fournisseurs de services techniques ou, d’une manière générale, partenaires des collectivités locales.

Parmi elles, l’Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base
(ASPRODEB) est une ONG née de la volonté réciproque du Gouvernement du Sénégal, des
Organisations Paysannes et des élus locaux. Créée en février 1995, elle a le but de
contribuer à l’amélioration des conditions de vie des familles et des populations agricoles
par des activités qui participent à la réalisation des objectifs nationaux de développement
rural et urbain et s’inscrivant dans le cadre d’un développement durable. En agissant d’une
manière tout à fait novatrice comme une courroie de transmission entre les organisations
paysannes et les partenaires techniques et financiers, l’Association a pour vocation
principale d’assurer le financement d’activités de production, d’activités de renforcement
institutionnel et de toute activité qui concoure au développement rural initié par les
organisations paysannes. L’ASPRODEB est un outil qui fournit aux organisations paysannes
les services de renforcement de capacités, de gestion financière et de conseil.100
97
D. Diop (2006).
Voir contribution de J. Faye sur la discussion initiée par la Banque mondiale sur institutions et changement climatique : http://wwwesd.worldbank.org/ricc/List/postdisp.cfm?PostID=672
99
Les ONG sénégalaises inscrivent leurs actions dans un cadre légal défini par l'Etat avec le décret 96-103 fixant les modalités d’intervention des
ONG. Pour une liste assez complète des ONG sénégalaises ou opérant au Sénégal, voir : http://senegalphonebook.com/gouvernement/
organisation-nongouvernementale-ong/
100
Voir : http://www.asprodeb.org/
98
65
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -

La Fédération des ONG sénégalaises (FONGS) est l’émanation d’environ 3.000
groupements villageois et touche plus de 2 millions de personnes dont 65 % de femmes.
Créée en 1976 sur l’initiative de leaders d’associations paysannes, elle a été reconnue
officiellement le 12 octobre 1978 comme une organisation à vocation socio-économique
sans but lucratif. Il s’agit d’une véritable mouvement paysan autonome qui compte
aujourd’hui plus de 150 000 membres actifs regroupés dans 32 associations paysannes
de dimensions variées réparties sur l’ensemble des 11 régions du Sénégal, qui vise à
réhabiliter le statut et l’identité du paysan par le biais de la responsabilisation et de
l’autonomie dans la solidarité.101

Enfin, au niveau sous-régional, le Réseau des organisations paysannes et de
producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) regroupe des organisations ou ‘cadres de
concertation’ d su Sénégal et d’une dizaine d pays d’Afrique de l’Ouest. 102
Les ONG qui interviennent dans le secteur de la pêche au Sénégal ne sont pas nombreuses
comparativement aux autres secteurs d’activités. Il est difficile de faire une typologie des ONG
intervenant dans le secteur de la pêche. Cependant on peut distinguer trois catégories d’ONG :
(i) les ONG intervenant dans la préservation et/ou l’aménagement des ressources halieutiques ;
(ii) les ONG intervenant dans la formation/sensibilisation des acteurs de la pêche et toutes les
autres formes de communication ; (iii) les ONG intervenant dans le financement du secteur,
notamment la microfinance. Mais, une ONG peu aussi évoluer dans plusieurs catégories à la
fois.103
On estime à 200 à 300 le nombre d’ONG intervenant au Sénégal dans le développement local. La plupart
d’elles font partie du Conseil des ONG d’Appui au Développement (CONGAD), un consortium de 166
ONG nationales, étrangères et internationales, qui est le principal interlocuteur du Gouvernement et des
partenaires au développement au sein de la société civile sénégalaise. Le CONGAD est une structure de
simple concertation et échange, qui vise à promouvoir la solidarité inter-ONG dans l’appui aux
communautés de base, de défendre les intérêts des ONG et de les mobiliser autour des préoccupations
et besoins des ONG et de manière plus large, de la Société Civile.104 Les programmes d'investissement
des ONG agréés par l'Etat sont évalués par la Direction du Développement communautaire (du Ministère
de la Famille, voir ci-dessus).
101
Voir le site internet de la FONGS : http://www.fongs.sn/
Voir : http://www.roppa.info/
P.G. Ndiaye, 2004.
104
Voir : http://www.congad.sn/
102
103
66
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
ANNEXE 2 :
LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL
I. LE CADRE POLITIQUE GENERAL
I.1 LA POLITIQUE DE DECENTRALISATION
En Afrique de l’Ouest, le Sénégal est le pays qui a la plus longue expérience en matière de
communalisation. L’expérience de décentralisation administrative et territoriale remonte à la création
des communes de Saint-Louis et de Gorée en 1872 et celle des communes de Rufisque et de Dakar en
1880 et 1887. Plusieurs réformes ont été mises en œuvre par l’Etat, en vue de consolider la
décentralisation. Depuis la fin de l’époque coloniale, on distingue trois grandes étapes de mise en œuvre
de la décentralisation: 105
La phase institutionnelle de la réforme de 1960 à 1990 : La réforme concerne particulièrement le
régime municipal, avec la distinction de la commune à statut spécial et la commune de droit
commun.106 Au cours de cette période, l’innovation majeure dans la politique sénégalaise de
décentralisation administrative réside dans la création en 1972 des collectivités locales en milieu
rural. Ainsi, avec la réforme de l’administration territoriale et locale instituée par la loi 72-25 du 19
Avril 1972, 320 communautés rurales ont progressivement vu le jour (les fonctions d’administrateur
de crédits, et d’ordonnateurs du budget communautaire sont cependant confiées au Sous-Préfet)

La phase d’approfondissement de la décentralisation de 1990 à 1996 : La loi n° 90-35 du 8 Octobre
1990 supprime le statut de commune spécial et toutes les communes sont désormais administrées
par un maire élu et non plus par un fonctionnaire nommé par les pouvoirs publics. Dans la même
mouvance, la loi n° 90-37 du 8 octobre 1990 modifiant la loi n°72-25 du 19 Avril 1972 transfère la
gestion des Communautés Rurales du Sous-préfet au Président du Conseil Rural qui devient, à
l’instar du maire, ordonnateur du budget communautaire. En 1992, un projet de loi érige la Région
(qui était simplement une circonscription administrative) en collectivité territoriale décentralisée
dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

La phase d’expérimentation de la réforme de 1996 à nos jours : La régionalisation constitue une
dominante au cours de cette période. Elle repose sur un certain nombre de principes concernant le
statut unique pour toutes les Régions : équilibre entre la décentralisation et la déconcentration;
meilleure répartition des centres de décision dans le cadre des ressources disponibles; contrôle a
posteriori de la part des instances étatiques, etc. La loi de 1966 est suivi par la Lettre de politique de
développement rural décentralisé et par le Plan d’action de la Décentralisation 2003–2005.
L’ensemble des principes juridiques aident à clarifier les rapports entre les trois ordres de
collectivités locales fondés sur l’égalité tout en tenant compte de la spécificité de chacune d’elle. Les
partenaires techniques et financiers (PTF) ont fortement appuyé le gouvernement du Sénégal dans
la mise en œuvre de cette politique (d’où l’émergence d’un très grand nombre d’expériences sur le
terrain). Par la suite, à l’initiative de la Banque mondiale, le Gouvernement a lancé le Programme
105
Pour toute cette section: http://www.cooperationdecentralisee.sn/spip.php?article82
En 1966, l’Assemblée Nationale adopte le Code de l’Administration Communale, complété par plusieurs textes réglementaires dont le décret
n° 66-510 du 4 juillet 1966 fixant le régime financier des collectivités locales ; en 1972, fut votée la loi n° 72 - 25 du 19.4.1972, relative aux
communautés rurales.
106
67
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
national de développement local (PNDL) véritable pivot opérationnel auquel toutes les
interventions en décentralisation doivent en principe se rattacher (voir ci-dessous).
Depuis la promulgation le 22 mars 1996 de la loi portant Code des Collectivités Locales et d’une série de
textes subséquents, la décentralisation a atteint de nouvelles dimensions. Elle repose sur les principes
essentiels de la gouvernance décentralisée, comme de la libre administration des collectivités locales
par des assemblées élues, une gestion locale démocratique, la suppression du contrôle d’opportunité
des collectivités locales de la part des représentants de l’Etat, le contrôle de légalité et le caractère
exécutoire des actes des collectivités locales.
Le lien ombilical entre collectivités locales et l’Etat est maintenu par la technique de transfert de
compétences suivant les responsabilités partagées. Par le biais du financement, l’Etat a transféré des
impôts aux collectivités locales, mais il a mis en place un dispositif financier pour les collectivités locales.
Dans tout le processus, la stratégie consiste à renforcer les compétences des collectivités locales, sans
cependant jamais rompre le lien entre les collectivités locales et l’Etat. Par rapport au dispositif
financier, la création d’instruments financiers a permis un transfert de fonds substantiel et régulier de
l’Etat et des partenaires au développement aux collectivités locales, pour leur permettre de fonctionner
et d’opérer des investissements.
 Le Fonds de Dotation de la Décentralisation (FDD), institué en 1996, est destiné à compenser les
charges de fonctionnement découlant du transfert des compétences aux collectivités initialement
exercées par l’Etat. Sa répartition est faite par décret sur la base de deux critères : (i) un critère de
compensation et (ii) un critère relatif à l’appui aux services déconcentrés de l’Etat pour leur
permettre de faire face correctement aux sollicitations des collectivités locales
 Le Fonds d’équipement des collectivités locales (FECL), institué en 1977, est alimenté par les
recettes générales de l’Etat. Il a pour mission d’accorder des fonds de concours ordinaires ou
spéciaux à l’ensemble des collectivités locales pour la réalisation de leurs investissements. L’Etat
distrait sur une partie de ce fonds une contrepartie versée à des projets de réalisation
d’infrastructures mis en place avec l’appui des partenaires au développement. Le FECL est réparti
sur la base des critères suivants : pour les régions, il s’agit d’un montant forfaitaire réparti suivant la
démographie et la superficie ; et pour les communes et communes d’arrondissement, la répartition
se fait en fonction des performances en matière de gestion administrative et financière.
Avec l’aide des partenaires techniques et financiers, l’Etat du Sénégal a aussi mis en œuvre, entre 1996
et 2006, plusieurs projets et programmes d’appui à la décentralisation, comme les programmes financés
par l’Union Européenne, à savoir : le, Programme de Soutien aux Initiatives de Développement Local
(PSIDEL), le Programme d’Appui aux Régions (PAR) et le Programme d’Appui au Développement local
urbain (PADELU) ou le programme de l’USAID DGL-FELO (pour la formation des élus locaux) et le
Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) de la Banque mondiale. La plupart de ces
programmes ont visé la réalisation d’infrastructures de base, la promotion d’activités génératrices de
revenus et le renforcement de capacités des acteurs (voir aussi le Tableau 5). A cet égard, le Programme
National de Développement Local (PNDL) (voir ci-dessous) est désormais considéré comme in
programme de consolidation et de capitalisation de l’ensemble de ces expériences.
I.2 LA REDUCTION DE LA PAUVRETE
La Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) constitue le nouveau cadre de dynamisation des
différentes stratégies et politiques visant à faire du Sénégal un pays émergent. Un processus participatif
68
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
de préparation d’un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) avait commencé en
2000. Cette stratégie met l’accent sur la nécessité d’une mobilisation des décideurs politiques, des
acteurs nationaux et des partenaires au développement pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion à
travers l’établissement d’un lien étroit entre la réduction de la pauvreté, le progrès économique et le
renforcement des capacités. Le DRSP-II, qui couvre la période 2006-2011, détermine à moyen et long
termes, les objectifs pour la réduction de la pauvreté, définit des indicateurs sur l’état d’avancement et
fixe les objectifs annuels et intermédiaires, ainsi que les moyens à mobiliser pour atteindre les résultats.
Pour l’élaboration des plans sectoriels de développement et des programmes d’investissement, le DSRPII constitue un cadre de référence des interventions du gouvernement et des partenaires au
développement mais aussi des autres acteurs (la société civile, le secteur privé, les collectivités locales).
Par rapport au développement local et, potentiellement, à lutte contre les effets du changement
climatique, particulièrement importants et pertinentes sont les deux axes suivants :
(i)
La Protection sociale, prévention et gestion des risques et catastrophes , qui prend en compte les
nouvelles priorités de l’Etat mais aussi des populations en matière de gestion des risques et
catastrophes auxquels elles ont été confrontées ces dernières années;
(ii)
La Bonne gouvernance et développement décentralisé et participatif , qui prend en compte les
évolutions en matière de politiques de développement.
I.3 LA STRATEGIE DE CROISSANCE ACCELEREE (SCA)
En complément à la SRP, la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) vise à rendre opérationnel l’axe
‘création de richesse du DSRP’. En effet, la mise en œuvre de la SCA vise à permettre de réduire, voire
éradiquer la pauvreté. Au niveau gouvernemental, l’élaboration de la Stratégie a été conduite suivant
une démarche partenariale sous la supervision conjointe du Ministère de l’Economie et des Finances à
travers le Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement (CEPOD) et de l’Agence nationale de
Promotion des Investissements privés et des Grands Travaux (APIX).
En s’inscrivant dans la vision qui sous tend les objectifs des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) et du
DSRP, la SCA vise à développer et à diversifier les sources de création de richesses. L’objectif principal de
la SCA est de doter le Sénégal d’un appareil de production restructuré, bénéficiant d’un cadre
macroéconomique stable et sain, à même de s’adapter aux mutations nées de la mondialisation, restant
sur un sentier de croissance forte, génératrice d’emplois, et réductrice des inégalités parce que bâtie sur
l’exploitation du plein potentiel des individus, des communautés de base et des régions.
Le défi fondamental de la SCA consiste à créer des avantages compétitifs sur les marchés porteurs, à
diversifier les sources de croissance et à améliorer l’insertion de l’économie dans les marchés régional et
mondial. Pour cela, il faut, entre autres, une lutte victorieuse contre la pauvreté pour sortir le Sénégal
de la catégorie des pays moins avancés et réduire de façon considérable le pourcentage de pauvres
surtout dans le milieu rural et une augmentation du taux d’emploi notamment chez les jeunes.107
107
La responsabilité de la définition et de la mise en œuvre de la SCA revient au Conseil national de la Stratégie de Croissance accélérée, auprès
du Ministère de l’Economie et des Finances. Voir : www.finances.gouv.sn.
69
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
I.4 LE PROGRAMME NATIONAL DE BONNE GOUVERNANCE (PNBG)
Le Programme national de bonne gouvernance (PNBG), rattaché directement à la Présidence de la
République, vise à consolider le processus de démocratisation et renforcer l’Etat de droit ainsi que les
capacités nationales de gestion du développement. 108 A court et moyen termes, le PNBG vise à créer de
conditions propices à la croissance économique et au développement humain durable, à travers
notamment un cadre institutionnel et administratif transparent, efficace et efficient; une consolidation
du processus de décentralisation; un partenariat effectif entre l’Etat et les organisations du secteur privé
et de la société civile; un environnement judiciaire sécurisant, serein et favorable au développement de
l’initiative privée; des ressources humaines bien formées, motivées et imprégnées des principes de
bonne gouvernance. Le PNGB comporte plusieurs composantes, dont les suivantes :
 La composante ‘amélioration de la qualité du service public’ touche au cadre organisationnel de
l’administration publique.
 La composante ‘gouvernance locale’ approfondit l’expérience sénégalaise en matière de
décentralisation et de gouvernance locale, tout en levant les contraintes inhérentes à la mise en
œuvre des réformes entreprises jusqu’ici.
 La composante ‘gouvernance économique’ vise à créer un cadre propice au développement
économique et social du pays afin que les finances publiques soient gérées de façon rationnelle,
efficiente et transparente.
 La composante ‘gouvernance judiciaire’ vise enfin à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire
et assurer l’efficacité et l’application des décisions judiciaires.
II. LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL
II.1 DEVELOPPEMENT LOCAL
Le Programme National de Développement Local (PNDL), qui a démarré ses activités en 2007, est placé
directement sous le leadership du Premier Ministre. Le Comité de pilotage du PNDL est présidé par le
Ministère de la Décentralisation et des Collectivités Locales et regroupe l’ensemble des ministères
sectoriels impliqués dans le développement local, les élus locaux, la société civile et les partenaires
techniques et financiers. Le PNDL s’inscrit directement dans le cadre de la politique globale mise en
œuvre par le Gouvernement du Sénégal pour atteindre les objectifs du Document de réduction de la
pauvreté (DSRP)et ceux du Développement pour le Millénaire (OMD). En d’autres mots, le PNDL vise à
devenir le pilier central de la mise en œuvre du DSRP. Le PNDL a été conçu comme un cadre fédérateur
de référence et d’harmonisation de toutes les interventions en matière de réduction de la pauvreté et
de développement local.
Selon les mots même de ses initiateurs, il vise à ‘harmoniser et coordonner les interventions de ses
partenaires au développement dans le domaine de la décentralisation et du développement local’, il est
un cadre fédérateur de référence et d’harmonisation des interventions. Le Programme a pour finalité de
contribuer à la réduction de la pauvreté à travers l’action combinée des départements ministériels, des
collectivités locales des communautés de base et du secteur privé. Son objectif principal est de
promouvoir de façon efficace, efficiente et durable, l’offre de services socio-économiques de base aux
populations.109
108
Voir le site internet : http://www.gouv.sn/spip.php?article785.
Voir le site Internet du programme : http://www.pndl.org. Voir aussi: http://www.gouv.sn/spip.php?article808 et http://www.
sendeveloppementlocal.com/Programme-National-de-Developpement-Local-PNDL_r19.html
109
70
Annexe 2, Figure 1: Cadre politique et légal concernant le développement local et la gouvernance
Stratégie de Réduction
de la Pauvreté (2006-2011)
Loi sur le foncier
(1964)
Loi sur le code forestier
(1993)
Loi sur le code de l’environnement
Stratégie de Croissance Accélérée (SCA)
Loi d’ Orientation agro-sylvo-pastorale
Programme National
de Bonne Gouvernance (PNBG)
Programme Action Nationale
Adaptation au Changement Climatique
(PANA)
Programme National
de Développement Local (PNDL)
DEVELOPPEMENT LOCAL
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Les éléments essentiels de l’approche du PNDL sont les suivants : (i) Augmentation de l’accès aux
infrastructures et services sociaux de base de la part des populations; (ii) Amélioration de l’accès des
populations les plus pauvres aux ressources financières (activités génératrices de revenus); (iii)
Renforcement des capacités des acteurs locaux (collectivités locales, organisations communautaires de
base, structures financières décentralisées, secteur privé); et (iv) Renforcement des capacités de l’Etat
pour la mise en œuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté. Au niveau régional, les activités du
Programme seront coordonnées par les Agences Régionales de Développement (ARD).
D’une certaine manière, le PNDL capitalise les expérience de deux programmes antérieurs financés par
la Banque mondiale, à savoir: (i) le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) qui a fait des
réalisations dans plus de 100 communautés rurales du pays, de l’hydraulique rurale aux équipementiers
scolaires, sanitaires, en passant par les activités génératrices de revenus, et la formation; et (ii) le
Programme Fonds de Développement Social (PFDS), exécuté par l’Agence du Fonds de Développement
Social (AFDS), qui est intervenu en matière d’appui au développement de base. Cependant, la différence
principale entre le PNDL et ces programmes antérieurs est constitué par l’accent sur l’implication des
populations, via les élus locaux et les Organisations Communautaires de Base (OCB), dans la gestion et la
mise en œuvre du développement local. En effet, le PNDL comporte un appui précis à la politique de
décentralisation, de déconcentration et au développement local participatif.
II.2 LOIS CONCERNANT LE FONCIER, L’ENVIRONNEMENT, LES FORETS, l’AGRO-SYLVO-PASTORALISME
ET LE PROGRAMME D’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
 La Loi 64-46 du 17 juin 1964 sur le domaine national est la loi essentielle régissant le domaine
foncier au Sénégal.110 A part ses distinctions entre types de domaine et d’autres dispositions
juridiques, cette loi pose un principe intangible : toutes les terres non immatriculées ou dont la
propriété n’avait pas été transcrite à la conservation des hypothèques au terme du délai fixé par le
législateur, sont considérées d’office comme faisant partie du patrimoine public. Ce sont des biens
incessibles et non appropriables, sauf lorsqu’ils font l’objet d’une déclassification selon la procédure
prévue par la loi. Cette loi s’inspire en réalité du socialisme africain de Senghor, premier président
du Sénégal. Cette loi de 1964 cherche à soustraire la terre d’une propriété coutumière.
En d’autres mots, cette loi très contestée ne reconnaît pas les droits fonciers coutumiers comme
droits de propriété, ne prévoit pas des dispositions concernant le pastoralisme, ne définit aucun
droit d’indemnisation pour le paysan en cas de perte de la terre, décrète que la terre est
indisponible (elle ne peut donc être vendue, prêtée, donnée en garantie ou héritée). Le seul droit
prévu, celui d’affectation, est en fait une droit précaire, qui induit à une mise en valeur insuffisante
des terres agricole due à l’insuffisance d’investissement. Ainsi les paysans ont du mal à obtenir un
crédit avec un droit d’affectation précaire. Ce qui est encore plus important et chargé de
conséquence c’est que les paysans ne veulent pas investir dans une terre sur laquelle ils n’ont pas
de droit plus stable.

110
La loi n°2001-01 du15 Janvier 2001 portant code de l’environnement est le principal instrument de
gestion de l’environnement au Sénégal. Cette loi dégage d’abord les grands principes
environnementaux, définit des cadres d’action privilégiés. Selon toujours cette loi, tout projet de
développement ou activité susceptible de porter atteinte à l’environnement, de même que les
politiques, les plans, les programmes, les études régionales et sectorielles devront faire l’objet d’une
Voir le texte de la loi : http://www.proddel.sn/IMG/pdf_L64-46-2.pdf.
72
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
évaluation environnementale. Ce code fait de l’évaluation environnementale un des outils d’aide à
la décision pour les autorités compétentes chargé de l’environnement.
Le décret n° 2001-282 du 22 Avril 2001 portant code de l’environnement est un instrument de mise en
œuvre de la loi, à cet effet il fixe des obligations à la fois aux autorités, aux promoteurs de projet et
programme. La partie consacrée à l’étude d’impact environnemental est le titre II articles L38 àL44 et
l’annexe 2. Il impose l’évaluation de l’impact environnemental avant la réalisation de tout projet entrant
dans cette annexe II. Cette partie du décret détermine la procédure à suivre et le contenu que doit
comporter l’étude ou l’évaluation. Selon l'impact potentiel, la nature, l'ampleur et la localisation du
projet, les types de projets sont classés entre ceux qui sont susceptibles d'avoir des impacts significatifs
sur l'environnement et ceux qui ont des impacts limités sur l'environnement.

La Loi n°93-06 du 4 février 1993 portant Code forestier et son décret d'application n° 95-357 du 11
avril 1995 reconnaît entre autres :




Le droit de propriété des personnes privées sur leurs formations forestières;
La faculté pour l'Etat de concéder la gestion d'une partie du domaine forestier à des
collectivités locales, sur la base d'un plan d'aménagement;111
L'obligation pour tout propriétaire ou usufruitier de gérer sa formation forestière de façon
rationnelle, sur la base de techniques sylvicoles rendant obligatoire le reboisement;
La possibilité d'accorder aux collectivités locales des subventions sur le Fonds forestier national,
selon des modalités fixées par décret.
Ce cadre juridique allait être sensiblement renforcé avec l'entrée en vigueur des nouveaux textes sur
la décentralisation : en effet, la loi de 1996 portant code des collectivités locales érige la région en
collectivité locale, tandis que la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 consacre le transfert d'importantes
compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales en matière forestière.

La loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) prend place dans le contexte d’une réflexion sur
les nombreuses insuffisance de la loi essentielle régissant le foncier au Sénégal, En plus, elle s’inscrit
dans le cadre du DSRP. Elle a été votée en mai 2004 à l’issue d’un processus de concertation auprès
des différents acteurs du développement rural du pays (en particulier avec la plateforme des
organisations paysannes du Sénégal, à savoir le CNCR (Conseil National de Concertation et de
Coopération des Ruraux, voir ci-dessus). La loi a pour ambition de constituer le cadre de
développement de l’agriculture sénégalaise pour les 20 prochaines années.
Les objectifs spécifiques de la LOASP concernent la réduction des inégalités entre populations urbaines
et rurales et entre les genres, et réduire (puis éradiquer) la pauvreté sont les suivants : la réduction de
l’impact des risques climatiques, économiques, environnementaux et sanitaires pour améliorer la
sécurité alimentaire et réaliser à terme la souveraineté alimentaire, l’amélioration du niveau de vie des
populations rurales et la mise en place d’un régime de protection sociale en leur faveur, l’amélioration
du cadre et des conditions de vie en milieu rural la protection de l’environnement et gestion durables
des ressources naturelles, l’incitation à l’investissement privé dans l’agriculture et en milieu rural et
l’amélioration de l’environnement et de la qualité de la production.
111
L’article 2 affirme : ‘En dehors des zones du domaine forestier de l'Etat, l'exercice des droits est transféré aux collectivités locales qui, en
conséquence, disposent librement des revenus issus de l'exercice de ces droits’. Voir le texte du Code :
http://lafrique.
free.fr/sn/codeforestier_1998.htm
73
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
L’une des grandes innovations de cette loi est de revaloriser les métiers de l’agriculture au Sénégal par
leur reconnaissance formelle en leur donnant un statut juridique mais aussi, et surtout l’accès à une
protection sociale. Le texte de loi reconnaît statutairement les organisations interprofessionnelles
agricoles par zone d’intervention, par produit ou groupe de produits.

Les Organisations professionnelles agricoles (OPA) bénéficient également d’un statut reconnu et
protégé et d’un système d’aide publique. L’exploitation agricole aussi bien familiale qu’industrielle
et commerciale est définie. Ses divers statuts juridiques seront revus compte tenu des besoins de
modernisation de l’agriculture. Outre sa fonction économique, la LOASP reconnaît le rôle de
l’exploitation agricole dans la gestion des ressources naturelles, la protection de l’environnement et
un aménagement du territoire équilibré et cohérent. Elle va même plus loin en prévoyant un
système d’aides financières quand ces actions sont pérennisées par contractualisation. 112

Sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature, le
Programme d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques (PANA) a été élaboré
en 2006 par une équipe pluridisciplinaire, en utilisant une approche inclusive et participative. 113 La
vision globale du PANA s’intègre dans les stratégies de lutte contre la pauvreté et épouse les
objectifs du millénaire pour le développement. L’élaboration du PANA prend en compte ces
différents axes stratégiques de développement pour analyser les priorités nationales en matières
d’adaptation aux changements climatiques. La dimension lutte contre la pauvreté constitue le
moteur des objectifs nationaux de développement et l’exécution du PANA contribue à cette
satisfaction. En effet, les populations pauvres, en raison de leur situation économique sont
davantage vulnérables aux impacts négatifs des changements climatiques.
Le PANA du Sénégal tient compte de plusieurs plans, programmes et/ou stratégies comme : le Plan
d’Orientation pour le Développement Economique et Social (PODES) qui définit les grandes
orientations du gouvernement, le Programme de Lutte Contre la Pauvreté (PLCP) élaboré à partir du
Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui constitue le cadre national de
référence en matière d’investissements, et enfin la Stratégie Nationale de Développement Durable
(SNDD) qui cherche à promouvoir une prise de décisions fondée sur une réelle intégration des
dimensions économique, sociale et environnementale.
112
Pour une analyse de la LOASP, voir: http://cmaoc.org/CMAAOC/PDF/pa/analyse_LAOSP_senegal.pdf. Et aussi: http://www.hubrural.
org/spip.php?&page=details_avancee&id_rubrique=1&docPageStart=1&id_article=7122
113
Voir le texte en ligne : http://unfccc.int/resource/docs/napa/bfa01f.pdf
74
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
ANNEXE 3.
LES PRINCIPAUX PROGRAMMES
DE LA BANQUE MONDIALE AU SENEGAL
I. LE PROJET DE DEVELOPPEMENT LOCAL PARTICIPATIF (PDLP)
Ancrage institutionnel
Le Projet de développement local participatif (PDLP) fait partie intégrante du Programme national de
développement local (PNDL). Démarré en 2006, le PDLP vise à capitaliser les expériences de deux
programmes de la Banque qui arrivaient à leur conclusion, à savoir : (i) le Programme National
d’Infrastructures Rurales(PNIR), qui, entre 2000 et 2005, avait appuyé la mise en place du processus de
la décentralisation, et (ii) le Programme du Fonds Social de Développement (PFDS), qui avait promu
l’accès des communautés aux services sociaux de base. De plus, le nouveau projet vise à compléter les
approches d’autres projets actuellement en cours ou en préparation, à savoir : le PRSC, qui concerne la
décentralisation, l’amélioration des services de la santé et l’amélioration des conditions de vie des
groupes vulnérables; le projet QEFA-2 (arrivé à sa deuxième phase), qui vise à assurer la construction
des écoles et l’alignement du Ministère de la Santé à une logique décentralisée; la deuxième phase
éventuelle du PSAP qui intervient en appui aux communautés de base; et le futur projet LADP,
Programme de développement des autorités locales, qui appuiera les communes urbaines.
Le PDLP, dont le budget total est d’environ 400-450 millions US$, s’inscrit parfaitement dans le
paradigme du développement local du Gouvernement sénégalais, dans la mesure où il apporte une
contribution substantielle aux objectifs du PNDL qui, à son tour, est conçu comme une contribution au
PRSP, surtout par rapport au renforcement des capacités de tous les acteurs institutionnels à tous les
niveaux.
Objectifs essentiels
Le PLDP visera les communautés et administrations locales démunies. Il permettra de renforcer la
planification et le développement local participatifs et fournira des ressources pour la promotion
d’initiatives économiques locales. Il vise à toucher toutes les 110 communes urbaines et les 320
communautés rurales du pays. Entre autres objectifs du projet, la mise à la disposition des collectivités
locales d’une plateforme minimale d’infrastructures, en l’occurrence, des infrastructures hydrauliques,
scolaires et sanitaires. Mais aussi de rendre effective la décentralisation au Sénégal par le transfert de
compétences relatives à la gestion des ressources naturelles et d’autres aspect tels que le sport, la
culture, etc.
Déconcentration, subsidiarité et identification des rôles des acteurs institutionnels
Un élément capital du projet, qui correspond aux principales contraintes actuellement rencontrées par
la mise en œuvre du processus de décentralisation, concerne le réalignement de tous les ministères
sectoriels par rapport à la décentralisation (ses logiques et ses pratiques), en particulier pour les
rapports entre gouvernement central, collectivités locales et organisations paysannes et la
déconcentration et l’harmonisation des procédures de planification participative du développement
local, comme aussi une meilleure intégration des organisations villageoises/communautaires de base
aux pratiques d’un développement local géré par les collectivités locales, au nom du principe de la
subsidiarité. Face aux contraintes actuelles, le projet estime qu’il soit impératif d’adopter une démarche
pragmatique et efficace permettant de redéfinir le rôle de chaque acteurs institutionnel en matière de
développement local (cela prenant la forme, entre autres, de guides de planification et manuels
d’opération).
75
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Dispositifs financiers
Le problème capital du financement du développement local est abordé par le projet à partir, avant
tout, d’un appui à l’élaboration d’un cadre législatif approprié et la définition d’instruments adéquates,
concernant à la fois la décentralisation fiscale, les transferts monétaires de l’Etat central en faveur des
collectivités locales à partir d’un fond unifié (ou un circuit financier unifié) qui permettrait de véhiculer
l’’ensemble des ressources destinées aux collectivités locales et les mécanismes concernant les
allocations de fonds aux organisations communautaires de la part des communes urbaines et des
communautés rurales. Par ailleurs, le projet vise à mettre un place un système viable de financement
des investissements des collectivités locales (fonds de développement local, FDL), qui permettrait aux
collectivités à la fois de financer directement des infrastructures sociales et économiques collectives (sur
la base de leurs plans de développement local, PDL) et d’appuyer les priorités des organisations
communautaires (financement de micro-projets communautaires.
Capitalisation des expériences
La conception du PDLP tient compte des enseignements tirés à partir d’autres projets financés par la
Banque au Sénégal , en particulier le PNIR, le PFDS et le Projet de Promotion du biocarburant pour limiter
la dépendance énergétique du Sénégal (PROGEDE), comme aussi d’autres projets de la Banque en
Afrique inspirés de l’approche communautaire (Community-Driven Development, CDD).
II. LE PROGRAMME DES SERVICES AGRICOLES ET ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS (PSAOP)
Le Programme des Services Agricoles et Organisations de Producteurs (PSAOP) est le fruit d’un APL
(prêt programme évolutif) appuyé par la Banque mondiale.114 Il y a des synergies particulièrement forte
entre ce projet et le PLDP, dans la mesure où celui-ci prend en charge le programme de décentralisation
et renforce les infrastructures rurales, les organisations communautaires et les services sociaux.
Ensemble, ces deux projets (en plus du Projet de Développement des Marchés Agricoles du
Sénégal/PDMAS) s’intègrent parfaitement sans se chevaucher, en visant des acteurs différents de
l’espace rural (organisations de producteurs, producteurs et exportateurs spécialisés, autorités locales
et organisations communautaires, respectivement) et des activités différentes (services agricoles,
marchés d’exportation, services socioéconomiques et infrastructures, respectivement). LE PSAOP
comporte trois phases :
La première phase (2000/2005) a contribué à l’habilitation des organisations de producteurs, à la mise
en place des services agricoles déconcentrés dans une partie des zones rurales du Sénégal, ainsi qu’au
renforcement de leur réactivité et de leur responsabilité envers les producteurs :


Outre les résultats obtenus sur le terrain, les réformes et approches promues par le PSAOP1 ont
fortement influencé les fonctionnaires et les décideurs dans les départements ministériels. La
promulgation d’un nouveau cadre réglementaire pour l’agriculture (Loi d’orientation agro-sylvopastorale – LOASP) de 2004 (voir ci-dessus), a apporté une reconnaissance légale aux réformes
institutionnelles appuyées par le PSAOP.
Le PSAOP1 a permis de créer une Agence Nationale de Conseil Agricole et Rurale (ANCAR)
(mentionnée précédemment), co-gérée avec les OP et les entreprises agroalimentaires privées. Par
le biais de l’ANCAR, le PSAOP a remplacé le modèle directif de diffusion de paquets techniques par
un appui régi par la demande aux besoins des producteurs.
114
En anglais : The Senegal Agricultural Services & Producer Organizations Project. Voir le site du projet: http://www.psaop.sn/ (Pour le
document du projet : http://www.psaop.sn.documents?PAD.fr).
76
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -



Le PSAOP1 a enfin mis en place un réseau de cadres locaux de concertation (les CLCOP) a dans 152
des 320 communautés rurales du Sénégal en vue d’organiser la demande des producteurs et de
leurs organisations.115 Les organisations de producteurs sont à même d’apporter leur contribution à
l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes de recherche et de vulgarisation. Les
OP mettent sur pied et organisent leur propre fonds de renforcement des capacités, en l’occurrence
le Fonds de Services Ruraux Régis par la Demande (FSRRD qui affecte les ressources aux microprojets
préparés par les OP et sélectionnés dans le cadre des CLCOP. Les CLCOP sont devenus des ‘points
d’entrée’ pour toute activité ayant trait aux producteurs et à leurs organisations sur le terrain.
L’objectif de développement de la deuxième phase (2006/2010), cofinancée par le FIDA, est de
renforcer l’accès des petits producteurs aux services et innovations agricoles durables et
diversifiées, en vue d’accroître la productivité agricole et de renforcer la sécurité alimentaire des
ménages. Cette phase s’inscrit dans le cadre des réformes institutionnelles entreprises au cours de
la première phase et définit le cadre de leur viabilité financière.
La troisième phase vise à augmenter la productivité agricole et les revenus ruraux dans toutes les
zones rurales du Sénégal.
L’approche du PSAOP vise à combiner les rôles des organisations de producteurs, fortes et capables de
co-gérer les ressources naturelles, des départements ministériels déconcentrés dans le cadre de la
formulation des politiques, de planification, de suivi-évaluation, ainsi que sur la définition du cadre
réglementaire, e des services agricoles capables de créer et de diffuser des innovations sur une base
contractuelle.
III. PROGRAMME DE RENFORCEMENT ET D'EQUIPEMENT DES COLLECTIVITES LOCALES (PRECOL)
Le Programme de renforcement et d'équipement des collectivités locales (PRECOL), qui s'intègre dans la
Stratégie de réduction de la pauvreté, a pour but de promouvoir la bonne gouvernance, le
développement local et l'Etat de droit. Il vise, à terme, la mise en place d'infrastructures et de services
sociaux de base apte à valoriser le capital humain, tout en veillant à améliorer la mobilisation des
ressources et la gestion municipale et urbaine.
D'un montant de 86,3 milliards de francs, il a été mis en place par le gouvernement de la République du
Sénégal dans le cadre de sa politique de décentralisation avec le concours de la Banque mondiale (Bm),
de l'Agence française de développement (Afd) qui en sont les principaux bailleurs de fonds et en liaison
étroite avec l'Association des maires du Sénégal (Ams).
Géré par l’ADM, le PRECOL a une durée de cinq ans (2006-2011) et il comprend trois volets ou
composantes :



115
Renforcement des capacités au niveau local et central porte sur la mise en œuvre de programmes
d'appui municipal des autorités locales et sur des mesures transversales en direction des institutions
gouvernementales, des ministères sélectionnés et de l'Adm conçu en dehors des contrats de ville.
Investissements communaux et intercommunaux pour le financement des investissements des
Programmes d'investissements prioritaires (PIP) des 67 communes urbaines du Sénégal et aux
programmes d'investissements intercommunaux dans les communautés d'agglomération de Dakar
et Rufisque (Cadak et Car).
La mise en œuvre du programme et suivi évaluation finance les frais de fonctionnement de l'ADM,
les audits techniques et financiers, le soutien au suivi évaluation et les activités d'information,
d'éducation et de communication sur le programme.
Les CLCOP couvrent 63 % des OP répertoriés dans les zones rurales couvertes par le projet et représentent près de 50 000 producteurs
77
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
IV. LE PROJET DE GESTION DURABLE DES TERRES
C’est le 27 Août 2009 que le Conseil d’Administration de la Banque mondiale a approuvé un nouveau
programme GEF visant à appuyer le Sénégal en matière de gestion durables des terres (sustainable land
management, SLM).
Ce projet prend naissance à partir d’un certain nombre de constats : (i) un pourcentage très important
de la population sénégalaise dépend des ressources de la terre pour leurs survie, subsistance et
production ; (ii) la dégradation de la ressource terre est très importante et affecte environ deux-tiers de
la terres cultivable (à cause de la sécheresse, de la croissance démographiques et de pratiques
d’agriculture et d’élevage peu durables ; (iii) les conséquences de cette dégradation sont sévères à la
fois d’un point de vue social et environnemental, étant l’une des principales causes de la pauvreté et
vulnérabilité des ménages et de l’exode d’une partie importante de producteurs appauvris vers les villes,
et aussi d’une des causes des équilibres des écosystèmes. Le projet propose un nouveau système de
gestion durable des terres pour l’amélioration de la productivité de la terre, en fonction d’un
environnement politique et juridique plus approprié, capable de stimuler l’adoption de pratiques
durables de la part des producteurs. Le projet prêtera une attention particulière aux risques associés au
changement climatique et à la définition d’initiatives appropriées.
Le projet sera intégré (voir même partiellement fusionné) au PSAOP2, dans la mesure où les deux
projets auront la même structure, les mêmes procédures institutionnelles et les mêmes mécanismes
d’exécution.
Le projet doit contribuer à réduire la dégradation des terres et améliorer le fonctionnement des écosystèmes surtout dans le bassins arachidier du Sénégal (qui est l’aire géographique la plus dégradée au
Sénégal), par l’adoption de pratiques durable de gestion des terres. Un volet important du projet
concerne l’attribution de fonds aux organisations de producteurs pour l’intégration de pratiques durable
de gestion des terres dans leurs activités agricoles. Les fonds d’investissement seront intégrés à ceux du
PSAOP-II.
L’une de ses composantes concerne l’appui aux organisations de producteurs, de manière à (i) renforcer
leurs capacité d’intégrer dans leurs systèmes de production des pratiques de gestion durable des terres ;
(ii) augmenter la capacités des autorités locales et des leaders communautaires d’intégrer la gestion
durable de terres dans les plans de développement locaux’ et (iii) mettre en place u système de
financement des initiatives de gestion durable des terres.
78
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
Annexe 3, TABLEAU 1 :
Liste de quelques projets intervenant
dans le domaine du développement local et la décentralisation au Sénégal
BANQUE MONDIALE
Programme national d’infrastructures rurales (PNIR) sur tout le territoire national, en appui aux
Communautés rurales et aux services de l’État
Programme d’appui aux communes (PAC) sur tout le territoire national, en appui à des communes
urbaines
ème
UNION EUROPEENNE (8
FED)
Le Programme d’appui aux régions (PAR) : dans toutes les régions, appuie un programme de
renforcement des capacités des élus régionaux et le personnel des agences régionales de
développement
Le Programme d’appui au développement local urbain (PADELU) : intervient auprès des communes
urbaines de quelques départements
Programme de soutien aux initiatives locales (PSIDEL) : intervient auprès des communes urbaines de
quelques départements
SYSTEME DES NATIONS UNIES (PNUD et FENU)
Projet d’appui au développement en milieu rural – PADMIR, dans deux départements, en appui aux
Communautés rurales et services déconcentrés
AFD (Coopération française)
Le Projet d’appui à la décentralisation et au développement local (ADDEL) en appui aux associations
locales, groupements et communautés rurales de quelques départements
GTZ/KfW (Coopération allemande)
Le Programme sénégalo-allemand de lutte contre la pauvreté dans le bassin arachidier dans les
régions de Fatick et Kaolack en appui aux collectivités locales et aux groupements.
ACDI (Coopération canadienne)
Programme d’appui aux associations d’élus locaux (PAEL) sur tout le territoire national, en appui aux
trois associations d’élus locaux (AMS, APR et ANCR)
USAID (Coopération des Etats Unis d’Amérique)
Gestion locale et renforcement démocratique sur tout le territoire national, en appui aux Collectivités
locales et bénéficiaires des services publics locaux
79
- Développement local, Institutions et Changement climatique au Sénégal -
ANNEXE 4
LE PLAN CADRE DES NATIONS UNIES POUR L'AIDE AU DEVELOPPEMENT (UNDAF)
Le ‘Plan Cadre des Nations Unies pour l'Aide au Développement’ (appelé généralement UNDAF - de son
acronyme anglais) 116 constitue la réponse collective du Système des Nations Unies aux principaux défis
de développement du Sénégal, identifiés à travers un diagnostic commun de la situation issu du
processus d’élaboration du nouveau Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP II). Il
couvre la période de2007 à 2011117
L’UNDAF comporte trois axes stratégiques de coopération, qui correspondent aux quatre leviers
stratégiques du DSRP II :



La création de richesse et la lutte contre la faim pour un développement durable
La promotion des services sociaux de base
La gouvernance et la promotion du partenariat pour le développement
D’après l’analyse de l’UNDAF, les crises, catastrophes naturelles et épidémies sont des facteurs clé de la
vulnérabilité et de la pauvreté de la population du pays. Cette dimension est intégrée dans les diverses
composantes de l’UNDAF, notamment par la protection des ressources naturelles et par la création de
moyens d’existence durables ainsi que par le développement des capacités de prévention et de gestion
des risques et catastrophes de la base au sommet.
L’UNDAF cible de manière prioritaire les groupes extrêmement pauvres qui sont susceptibles de
sombrer irrémédiablement dans la misère. Priorité est notamment donnée : i) aux zones rurales où
l’incidence de la pauvreté est la plus marquée ; ii) aux femmes pauvres dans la mesure où elles sont
davantage touchées que les hommes par la pauvreté ; iii) aux enfants et adolescents qui n’ont pas accès
aux services sociaux de base et iv) aux jeunes qui sont privés d’emploi et de revenu.
116
117
United Nations Development Assistance Framework.
Voir le texte de l’UNDAF : http://www.un.org.sn/IMG/pdf/3c1_UNDAF_SEN_2007_2011_3c1.pdf.
80
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