en sommes toujours servi sans étude » disait Condillac, Essai sur l’origine
des connaissances humaines (1741)
- l’art est soit une copie, une imitation du réel qui ne nous apprend rien de
plus que ce que l’on sait déjà, soit une fuite du réel (divertissement,
imaginaire) soit enfin il prend la place du réel (simulacre de Platon) et par
là nous dupe plus que ce qu’il nous apprend à voir mieux ou autrement ce
réel
- l’œuvre d'art peut être perçue comme ayant sa place dans la
représentation habituelle du réel, du monde : matière organisée, objet de
sensation auquel on peut attribuer une fonction : religieuse, sociale,
économique, qui répond à un besoin chez le spectateur, l'artiste, la société.
L’œuvre d'art peut s'insérer dans le rapport naturel que notre conscience
a avec le réel. (Bergson, conscience qui vise l'utile, le vital). OU cette
représentation peut ne pas être affectée par l'existence d’œuvres
simplement jugées inutiles et donc rejeter : philistinisme vulgaire ou
cultivé.
Donc on peut contempler des œuvres d’art sans que cela ait des conséquences sur notre
perception sensible de ce qui nous entoure, sans que cela ne change rien à notre
manière de voir et percevoir. Mais on peut penser que le rapport aux œuvres d’art
présuppose et permet une autre perception voire une vraie perception de ce qui nous
entoure. Percevoir n’est-ce pas, plutôt que de recevoir, être actif, savoir remarquer,
observer avec une prise de conscience ou savoir saisir les choses telles quelles sont ?
II. Les œuvres d'art présupposent et permettent une transformation de la
perception et de la conscience du réel, une REFORME de la perception.
- pour voir une œuvre d'art en tant que telle, il faut rompre avec un rapport
utilitaire au réel, l'expérience esthétique du beau détache de l'intérêt et se fait
contemplation (jouir de l’œuvre en dehors de toute fonction, pour elle-
même). L'œuvre d'art par sa présence, par sa durée au-delà de sa fonction,
par sa beauté irréductible à cette fonction nous y convie. La rencontre de
l’œuvre d'art permet ensuite une autre rencontre avec ce qui nous entoure :
contempler au lieu, vouloir dominer par la connaissance et viser une utilité.
Rapport esthétique avec le monde, voir la beauté (« on ne voit une chose que
lorsque en voit la beauté » et elle n'est vue qu'à travers l'art selon Oscar
Wilde), la forme, la force (jouissance du sensible), la manifestation de l'esprit
(le chant du rossignol d’Hegel).
- L'art modifie notre rapport à la réalité en nous permettant simplement de
voir dans le réel ce qui auparavant était insignifiant, noyé dans le général
(attention au singulier selon Bergson). L'art enrichit notre rapport avec la
réalité (rend visible l'invisible selon la formule de Paul Klee)
- l'art nous fait renouer avec un rapport sensible au monde que les exigences
vitales, l'écart de la conscience nous avaient maquer : « retour aux
choses mêmes » (thèse phénoménologique)
- l'art permet de prendre clairement conscience que notre rapport naturel
vital utilitaire au réel n'épuise pas notre rapport au monde, ce dont nous nous
doutions peut-être, que certains ont déjà réalisés : les artistes et ceux qui
cherchent dans le rapport à l'art ce qui leur manque dans leur rapport
ordinaire au réel.