Conséquences de l`effet de couronne sur les lignes haute tension

Volume 49, Number 1, 2008 47
Prédétermination des grandeurs liées
aux conséquences de l’effet de
couronne sur les lignes haute tension
M. BRAHAMI, A. TILMATINE, F. MEGHNEFI et H. SAYAH
Résumé : Révélé par F.W. Peek Jr dès 1915 l’effet de couronne recouvre, avec la problématique des
champs, le concept très actuel d’environnement des réseaux électriques. Sujet à caractère
pluridisciplinaire, il s’étend de la physique fondamentale à la construction des réseaux en passant par la
recherche appliquée, l’acoustique, les perturbations électromagnétiques et l’environnement.
Un programme de calcul (baptisé «COREF») permettant de prédire les conséquences de l’effet de
couronne a été réalisé par l’un des auteurs et utilisé dans le cadre de ce travail. Il permet de déterminer
par les calculs les grandeurs suivantes :
- Pertes électriques dues à l’effet couronne (par beau temps et par temps de pluie) ;
- Champ électromagnétique au sol ;
- Perturbations radioélectriques ;
- Bruit acoustique.
Mots-clé : Effet de couronne ; lignes haute tension ; Simulation numérique ; Matlab.
1. Introduction
Si l’on applique une différence de
potentiel entre les conducteurs d’une ligne de
transmission et que l’on augmente
graduellement, on atteint finalement une
tension à laquelle on entend un bruissement
particulier, et si l’on opère dans l’obscurité,
on peut observer une lumière violette pâle
entourant les conducteurs. Cette tension est
appelée le point critique d’effet de couronne
visuel. Un wattmètre inséré dans la ligne
indique une puissance perdue. Celle-ci
augmente à mesure que l’on élève la tension
[1]. Si la contrainte électrique est très élevée,
l’oxygène entre en combinaison avec l’azote,
formant des oxydes. La perte d’énergie par
effet de couronne prend ainsi un grand
nombre de formes, comme chaleur, action
chimique, lumière, bruit, convection, etc. [2].
Nous avons procédé dans le cadre de ce
travail à des calculs effectués sur une ligne en
nappe de 380 kV (sans câble de garde)
possédant les caractéristiques
suivantes (figure 1) [3] :
- Hauteur des phases h=15 m ;
- Abscisses des phases (-8,7m ; 0m ;
+8,7m) ;
- 2 sous-conducteurs/phase,
- Rayon des sous conducteurs r =1,32 cm ;
Câble de garde
Phase 2
Phase 3 Phase 1
8,7 m 8,7 m
15 m
Sol
Fig. 1 : Géométrie de la ligne étudiée.
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ACTA ELECTROTEHNICA
48
- Espacement entre sous conducteurs
d=40cm.
2- Champ superficiel
Dans les lignes aériennes, le phénomène
d’ionisation de l’air a lieu au voisinage
immédiat des conducteurs [4]. Le paramètre
caractéristique le plus évident auquel on a
l’habitude de rattacher l’intensité de l’effet
couronne, est le champ électrique à la surface
du conducteur, ou gradient superficiel.
Ce champ superficiel qui est utilisé par
le logiciel COFER dans tous les calculs, est
calculé suivant une procédure décrite ci-
dessous.
On calcule la matrice des capacités C en
inversant la matrice des coefficients de
potentiel (dépendant de la géométrie de la
ligne) par la méthode des images.
On calcule les valeurs des charges
portées par le câble de garde et des
conducteurs équivalents (étant donné les
valeurs des potentiels Vi) par la formule :
VCQ =
A partir de cette relation on trouve le
champ électrique moyen du faisceau à l’aide
de la formule :
r
Q
n
Emoyen
=
0
2
1
πε
(1)
On détermine ensuite le champ
maximal du conducteur :
()
+= R
rn
EE moyen 1
1
max (2)
Avec
n : nombre de sous-conducteurs du faisceau ;
r : rayon moyen du conducteur élémentaire de
faisceau ;
ε0 : Permittivité du vide (ou de l’air).
R : rayon géométrique moyen
3. Prédétermination des pertes couronne
Le phénomène fondamental est la
dissociation des atomes en électrons et ions
positifs. Les charges de signe opposé à celui
du conducteur sont instantanément attirées
vers celui-ci et neutralisées, alors que les
charges de même signe sont entraînées vers
l’extérieur par le champ électrique. Tout se
passe comme si le conducteur émettait, sous
l’effet du phénomène d’ionisation, des ions
lourds de même polarité que lui.
La migration de ces ions dans le champ
électrique est la cause physique des pertes
couronne.
Les pertes réduites déduites par Gary et
son équipe [3], lesquelles associées à un
coefficient dimensionnel k dépendant des
caractéristiques géométriques des faisceaux,
permet de prévoir le domaine des pertes
possibles sous pluie d’un faisceau donné. Cet
ensemble de résultats a permis de mettre en
place les abaques (que nous avons utilisé
dans ce travail) qui sont considérés comme
les outils de prédétermination des pertes sous
pluie [3]. Ces abaques sont introduits comme
une base de données dans le logiciel, lequel
permet ensuite de déterminer les pertes. Le
tableau 1 donne le calcul des pertes sous
pluie en fonction du coefficient m d’état de
surface.
Tableau I : Pertes calculées par beau temps et sous
pluie.
Etat de surface Pertes
état sec
[kW/km] m Pertes
sous-pluie
[kW/km]
Sale ou gras 3,6 0,4 187,16
Moyen (pertes max) 2,2 0,5 134,66
Moyen (pertes min) 0.65 0,6 81,49
Propre et vieilli 0.30 0,7 36,48
- - 0,8 12,19
- - 0,9 3,15
La figure 2 montres l’interface
interactive du logiciel COREF ainsi que les
nombreuses possibilités de calcul qu’il offre
pour la détermination des différentes
grandeurs liées à l’effet couronne dans les
réseaux [5].
Les pertes sont dites généralisées
lorsqu’on peut admettre que le nombre
d’aigrettes, sources d’émission de charges,
est suffisamment élevé, et que les charges
sont émises en quantité suffisante pour
modifier le champ électrostatique au
voisinage des conducteurs. Ces conditions
sont satisfaites sous brouillard épais, sous
neige et sous pluie, où un grand nombre de
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Type de
pylône à
étudier
Nombre de câbles de garde Nombre de ternes
Nombre de conducteurs/phase
Espacement entre conducteurs
Rayon du conducteur
Rayon du câble de garde
Tension de la ligne
Lancer les calculs (Pertes,
Champ, Bruit, Perturbation)
Climat ambian
t
Etat de surface
Fig. 2. Interface de calcul du programme COREF.
gouttes d’eau attachées aux conducteurs
constituent autant de sources d’ionisation.
Les pertes, exprimées en kW/km,
varient proportionnellement avec l’intensité
de la pluie (m = 0,4 correspondant aux très
fortes pluies). Par temps sec, les pertes sont
minimales pour un conducteur propre et
vieilli ; en effet, les décharges de couronne
qui se produisent à la surface du conducteur
« brûlent » les aspérités (poussières,
végétaux, insectes..) et le conducteur acquiert
une surface plus lisse.
Il existe une corrélation univoque entre
l’intensité de la pluie à laquelle sont soumis
les conducteurs et le coefficient d’état de
surface m qui doit leur être affecté.
4. Calcul du Champ électromagnétique
4.1. Champ électrique
Un des critères de dimensionnement
d’un réseau à tension élevée est la limitation
de l’intensité du champ électrique autour du
faisceau de conducteurs à une valeur
comprise entre 15 et 20 kV/cm.
On considère un conducteur à une
hauteur h au dessus du sol et son image à une
profondeur h au dessous du sol. On utilise la
méthode des images électriques pour calculer
les composantes horizontale et verticale du
champ électrique au point M de coordonnées
(x, y) (Figure 3) [6-7].
h-y
V=0
x
h+y
(-q)
d
x-d
h
M(x,y)
ρ
E
1
y
E2
x
1
Ε
y
E1
x2
Ε
E2
ρ
y
(+q)
α
β
Sol
Schéma utilisé pour le calcul du champ électrique. Fig. 3 :
On obtient :
Composante horizontale :
()()()()
++
+
=2222
0
2hydx
dx
yhdx
dx
q
Ex
πε
(3)
Composante verticale :
ACTA ELECTROTEHNICA
50
()()()()
++
+
+
+
= 2222
0
2yhdx
yh
yhdx
yhq
Ey
πε
(4)
Nous avons représenté à la figure 4
l’allure du champ électrique à 2 m au dessus
du sol.
L’existence du câble de garde augmente
légèrement le champ électrique. Placé dans
cet environnement, un objet conducteur
électriquement isolé sera porté à un certain
potentiel par rapport au sol (toiture
métallique, clôture avec piquet en bois,
véhicule,…). Le contact fortuit d’une
personne avec cet objet pourra, conduire à
une sensation de picotement à l’instant du
toucher. Si seule la décharge transitoire est
perceptible au moment du contact, l’intensité
du courant permanent observé dès le contact
reste très inférieure au seuil de perception.
Néanmoins pour des objets métalliques de
grande surface et pour des intensités de
champ électrique de plus en plus élevées, il
convient d’assurer une mise à la terre
permanente des pièces métalliques.
4.2. Champ magnétique
En raison de la nature quasi-statique du
comportement électromagnétique aux
fréquences industrielles, le champ
magnétique d’une ligne est engendré
uniquement par le courant [4]. L’intensité du
s’obtient donc par l’application directe de la
loi d’Ampère, puis par superposition des
résultats partiels.
On peut uti
champ magnétique autour des conducteurs
liser la théorie des images
des conducteurs en tenant compte de la
profondeur de pénétration; en effet les images
sont situées à une profondeur, dans le sol,
bien plus grande que la hauteur des
conducteurs de phase. En première
approximation, la profondeur “p”, vaut : [3]
f
p
ρ
660=
(5)
ρ
: résist
son im
ivité du sol en ohm par mètre.
r seul (figure 5), sans
f : Fréquence en Hz.
Pour un conducteu
age, on peut appliquer directement la
formule :
22
2
2xh
I
r
I
+
==Β
π
μ
π
μ
(6)
I
: est le courant qui traverse le
conducteur :
ϕ
cos.U
P
I= (7)
Avec
uissance active transportée par le
pliquée au conducteur ;
P : P
conducteur ;
U: Tension ap
ϕ
: Déphasage entre le courant I et la tension U.
Contrairement au champ E, l’induction
ne
Bdégénère pas et est elliptique au niveau
du sol. Dans le calcul, on néglige les images
des conducteurs dans le sol. Soient Bx et By
-40 -30 -20 -10 010 20 30 40
2
3
4
5
6
7
8
9
10
champ électrique (kV/m)
distance latérale (m)
champ électrique (kV/m)
Avec câble
de garde
Sans câble
de garde
Fig. 4 : Champ électrique à 2m du sol.
B
Sol
Conducteur (i)
Bx
By
h
r
x
Fig. 5 : Schéma utilisé pour la détermination du
champ magnétique.
Volume 49, Number 1, 2008 51
les composantes verticale et horizontale du
champ magnétique engendré en milieu de
portée d’une ligne, exprimées sous forme
complexe :
By = a cosωt + b sinωt (8)
Le
fon
Bx = c cosωt + d sinωt (9)
module du vecteur B s’exprime en
ction du temps par la relation :
(
)
()
()
tsin t cos cdab 2t sin b 222
ωωω
+++
+
d
xy
t cos 222222
ω
+=+= caBBB
Les résultats obtenus concernant l’allure
du ch
induc
. Calcul du niveau perturbateur
ar temps
sec e
our le
calcu
-1. Formule CIGRE [6]
ormule donne une
estim
amp magnétique sont illustrés par la
courbe de la figure 6. De même que pour le
champ électrique, le champ magnétique
possède une distribution symétrique et il est
maximal au centre du pylône.
Par couplage galvanique, capacitif ou
tif, le corps humain placé dans cet
environnement est parcouru par des courants.
Il faut limiter l’intensité de ce courant pour
éviter des interactions irréversibles
(fibrillation ventriculaire). Sur la base d’une
densité de courant de 10 mA/m2 et en
estimant la section du muscle cardiaque à 400
cm2 on obtient un courant de 0,4 mA : valeur
proche de 0,5 mA considérée comme limite
sans réaction par la CEI. Cette démarche a
conduit l’IPRA (Association Internationale
pour la Protection contre les Radiations) à
préconiser les limites applicables au grand
public à100 μT pour le champ magnétique et
5 kV/m pour le champ électrique.
5
Le phénomène perturbateur p
st essentiellement instable et fluctuant;
la pollution atmosphérique, les particules
végétales, les insectes qui peuvent se déposer
sur les conducteurs augmentent le nombre
d’aigrettes et donc le niveau perturbateur. Le
lavage des conducteurs par les pluies entraîne
à nouveau une réduction de ce niveau.
Il y a deux méthodes possibles p
l du niveau perturbateur.
5
Par définition, cette f
ation du niveau perturbateur NP le plus
probable en dB/1µV/m par beau temps sec
(conducteurs secs, vieillis et moyennement
pollués), à une distance de 15 m du
conducteur extérieur, à 2 m au dessus du sol
et à une fréquence de mesure de 0,5 MHz.
-40 -30 -20 -10 010 20 30 40
2
4
6
8
10
12
14
30log33125,3
0
max += D
D
rENP (11)
Avec :
p superficiel (kV/cm) ;
mentaire
distance directe du conducteur au
u point de mesure au
-2. Méthode analytique
nne le niveau
pertu
r déterminer le champ perturbateur
au v
propagation.
Emax : cham
r : rayon du conducteur élé
(cm) ;
D :
point de mesure ;
D0 : distance d
conducteur (généralement prise égale à 20m).
5
Cette méthode do
rbateur par temps pluvieux [8].Un très
grand nombre d’essais et de mesures ont
permis de constater que sous forte pluie, le
niveau perturbateur est stable et
reproductible, donc c’est celui qu’on prendra
comme valeur caractéristique d’une ligne
donnée.
Pou
oisinage d’une ligne par la méthode
analytique, on calcule le courant perturbateur
en utilisant la méthode des modes de
champ magnétique B
distance (m)
champ magnétique (µT)
Fig. 6 : Champ magnétique de la ligne (I=760A)
calculé à 2m au dessus du sol.
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