Le dépistage du cancer du sein

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Brisons quelques dogmes
Le dépistage du cancer du sein.
Le dépistage doit il être ciblé ou généralisé, doit-il être réalisé par le mammotest ou par le
médecin spécialiste ?
Anne Vandenbroucke. Coordinatrice du Programme de dépistage du cancer du sein en
Communauté française.
Avant de proposer une réponse à ces questions, il est nécessaire de rappeler quelques données
épidémiologiques concernant le cancer du sein ainsi que la définition des termes dépistage,
mammotest et dépistage par le médecin spécialiste.
Données épidémiologiques :
Incidence 1 : 6 628 nouveaux cas de cancer du sein ont été enregistrés en 1998. Ils se
répartissent de la façon suivante : 23 % avant 50 ans, 47 % entre 50 et 69 ans et 30 % après 70
ans.
Mortalité 2 : 2 416 femmes sont décédées d’un cancer du sein en 1997. Douze pourcent
d’entre-elles (281) sont décédées avant 50 ans, 40 % (983) entre 50 et 69 ans et 48 % (1152)
après 70 ans.
Dépistage : Recherche d’une pathologie chez une personne qui ne présente pas de signe
d’appel pour celle-ci. Cette démarche est, par essence, différente de celle du diagnostic
précoce avec laquelle elle est souvent confondue.
Le dépistage du cancer du sein a pour objectif de réduire la mortalité liée à cette pathologie
grâce à une prise en charge thérapeutique précoce. Il permet dans certains cas de réduire la
lourdeur des traitements. Il permet aussi de rassurer les personnes chez lesquelles aucune
anomalie n’a été mise en évidence.
Malheureusement, le dépistage peut induire des effets négatifs. Certains sont indépendants du
type de « test » utilisé :
- sur - diagnostic et sur- traitement, c'est-à-dire détection et traitement de lésions
précancéreuses ou de cancers qui ne se seraient pas développés ou qui n’auraient pas
entraîné le décès,
- connaissance anticipée du diagnostic sans effet sur la mortalité, avec pour
conséquence une perturbation de la qualité de vie
D’autres sont directement liés au « test » utilisé :
- manque de sensibilité, entraînant des résultats faussement négatifs,
- manque de spécificité, entraînant de résultats faussement positifs.
Vu que la majorité des individus ne seront jamais atteints de l’affection qui fait l’objet du
dépistage (un cancer du sein ne sera détecté chez 6 à 8 femmes pour 1000), il est
indispensable, de s’assurer que les bénéfices sont réels et supérieurs aux effets négatifs 3 .
Mammotest : mammographie de dépistage réalisée dans le cadre du Programme de dépistage
du cancer du sein. Il a pour objet d’identifier les femmes qui doivent bénéficier d’examens
complémentaires en raison de la présence d’une anomalie à la mammographie. Ces examens
sont réalisés dans un 2ème temps.
1
www.registreducancer.be
SPMA : www.iph.fgov.be/epidemio/spma/
3
H. Allemand. Dépistage du cancer par le praticien. 1993
2
Le mammotest est réalisé selon les « European guidelines for quality assurance in
mammography screening 4 ». L’assurance de qualité a pour objectif d’optimaliser l’efficacité
du dépistage et de réduire au minimum les effets négatifs. Elle comprend :
-
un contrôle de qualité de la mammographie :
contrôle de la qualité des installations de mammographie dont l’objectif est
d’obtenir la meilleure image avec la plus petite dose d’irradiation
contrôle de la qualité des clichés, en particulier du positionnement du sein. Un
positionnement correct est un élément clé de performance du programme : près
de 40% des faux négatifs de la mammographie sont dus à un mauvais
positionnement du sein 5 …….
une double lecture de tous les clichés
-
une évaluation continue
de la qualité : taux d’examens non satisfaisants, taux de rappel, taux de
biopsies….
de l’efficacité: taux de participation, taux de détection, taux de cancers < à 10
mm, taux de cancers dont les ganglions ne sont pas atteints….
Mammotest : mammographie de dépistage dont la qualité est contrôlée et dont les effets sont
évalués
Dépistage par le médecin spécialiste : appelé dépistage « individuel » est un bilan complet
qui utilise toutes les techniques nécessaires pour aboutir à un diagnostic: examen clinique,
mammographie, échographie, éventuellement prélèvement percutané.
Le dépistage doit-il être ciblé ou généralisé ?
Les experts recommandent que le dépistage du cancer du sein soit réalisé chez les femmes de
50 à 69 ans 6 car c’est dans cette tranche d’âge qu’une efficacité, en terme de réduction de la
mortalité spécifique a été démontrée.
Aucune étude de bonne qualité n’a pu démontrer un bénéfice significatif du dépistage dans la
population des femmes de 40 à 49 ans. De plus, les effets négatifs du dépistage dans ce
groupe d’âge sont plus grands que les effets négatifs observés pour les femmes plus âgées.
Au-delà de 70 ans, l’espérance de vie et la présence d’autres problèmes de santé doivent
intervenir dans la décision de proposer un examen de dépistage 7 .
4
European guidelines for quality assurance in mammography screening 3th edition. European Commission 2001
A. Brémond. Relecture des cancers de l’intervalle. Du dépistage au diagnostic précoce. 20èmes journées de
sénologie. Grenoble 1998. pp 85-96
6
Comité consultatif pour la prévention du cancer ; Recommandations concernant le dépistage du cancer dans
l’Union européenne. EJC 2000; 36: 1473-8
7
KCE reports vol. IIB Dépistage du cancer du sein. 2005. www.centredexpertise.fgov.be
5
Les femmes qui présentent des facteurs de risque majoré de cancer du sein en raison d’une
mutation génétique (BRCA1- BRCA2) doivent bénéficier d’une prise en charge précoce et
spécifique.
Dépistage par le Mammotest ou par le médecin spécialiste (dépistage individuel)
La réponse à cette question doit être discutée en fonction de l’objectif poursuivi : réduire la
mortalité liée au cancer du sein, et de la nécessité de maintenir au niveau le plus bas, pour des
raisons éthiques et économiques, les inévitables effets négatifs.
- Réduire la mortalité liée au cancer du sein
Dans le cadre du programme par mammotest :
Une réduction de la mortalité liée au cancer du sein ne peut être observée que plusieurs
années après le début d’un programme de dépistage. C’est la raison pour laquelle des
indicateurs intermédiaires d’efficacité ont été définis : taux de participation, taux de détection,
taux de cancers < à 10 mm, taux de cancers dont les ganglions ne sont pas atteints 8 .
Les indicateurs intermédiaires d’efficacité dont nous disposons actuellement indiquent que le
mammotest est performant en terme de détection de petits cancers sans envahissement
ganglionnaire:
- taux de détection :
8,8 %°(recommandations européennes : >/= à 6 %°),
- taux de cancers < à 10 mm : 37,7 % (recommandations européennes : >/= à 25 %),
- taux de ganglions (-) :
82 % (recommandations européennes : >/= à 70 %) 9 .
Ils permettent de prédire un effet du programme sur la mortalité à condition toutefois que 70%
des femmes de 50 à 69 ans y participent.
Dans le cadre du dépistage réalisé par le médecin spécialiste (dépistage
individuel) :
Ce type d’évaluation n’est pas disponible.
- Maintenir au plus bas les effets négatifs liés au « test » utilisé
Faux négatifs :
Un faux négatif de la mammographie peut être dû à
-
8
9
la densité mammaire
au caractère du cancer
une qualité insuffisante des clichés (positionnement, artéfacts..)
une erreur de lecture
European guidelines for quality assurance in mammography screening 3th edition. European Commission 2001
Programme de dépistage du cancer du sein en Brabant Wallon
Dans le cadre du Programme par mammotest , la double lecture systématique des
clichés permet d’une part de contrôler leur qualité et d’autre part de détecter des
cancers qui n’ont pas été identifiés par le 1er radiologue. Elle a permis de « récupérer »
13 % (11/81) des cancers 10 .
Dans le cadre du dépistage individuel, l’examen clinique et l’échographie réalisés
systématiquement permettent de détecter des cancers qui ne sont pas visibles à la
mammographie, en particulier dans les seins « denses ».
Il faut noter que la densité mammaire est évaluée lors de la lecture des mammotests et que
lorsqu’elle est importante (BI-RADS 3 et 4), une échographie peut être recommandée. Les
cancers détectés par l’échographie représentent 2,3 % (4/171) des cancers détectés dans le
Programme. 11
Faux positifs
Un faux positif est un résultat qui entraîne des examens complémentaires qui ne débouchent
pas sur un diagnostic de cancer. Pour des raisons psychologiques, économiques et éthiques, il
est indispensable de réduire au minimum le risque que celles qui ne sont pas atteintes d’un
cancer du sein (994 à 992/1000) soient soumises à des examens complémentaires. 12
Dans le cadre du Programme par mammotest, la double lecture systématique des
clichés permet de réduire le nombre de mises au point inutiles.
Dans le cadre du dépistage individuel, la réalisation systématique d’une échographie
présente le risque de mise en évidence d’images aspécifiques nécessitant la réalisation
de prélèvements en vue d’un examen cyto ou histologique.
Le risque de résultats faussement négatifs ou faussement positifs est plus important dans
le cadre du dépistage individuel.
Le dépistage dit individuel ou spontané outre qu’il est contraire au principe d’équité en
atteignant qu’une partie socialement sélectionnée de la population, ne permet de fournir
qu’un service dont la qualité ne peut être mesurée, donc non assurée et dont les coûts sont
totalement incontrôlés 13 .
10
Programme de dépistage du cancer du sein en Brabant Wallon
Programme de dépistage du cancer du sin en Brabant wallon et en Hainaut
12
Sasco A.J. Iatrogenic risk and screening: the example of mammography. Rev Epidemiol Sante Publique. 1994;
42(5):385-91
13
H. Sancho-Garnier. Principes généraux du dépistage:application au cancer du sein. Dans le dépistage du
cancer du sein: un enjeu de santé publique- Brigitte Séradour. Springer 2004
11
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