047_049_SOL 1/02/05 17:22 Page 47 Solutions MESURES DE POSITION Quand l’effet Hall et un aimant tournant mesurent une position angulaire TWK ▼ Codeurs absolus ou incrémentaux, potentiomètres, capteurs capacitifs, inductifs… pour mesurer une position angulaire, il n’y a que l’embarras du choix. Mais lorsqu’on recherche des capteurs sans usure (donc sans contact), robustes et peu coûteux, le principe magnétique s’impose. Si l’effet Hall, la magnétostriction et la magnétorésistance ont fait leurs preuves depuis de nombreuses années, il apparaît régulièrement de nouveaux capteurs qui en combinent les avantages. C’est ainsi que le Laboratoire d’Electrotechnique de Grenoble a développé un capteur angulaire basé sur des cellules à effet Hall et une conception mécanique originale permettant de s’affranchir de toutes sortes de paramètres… L’ intérêt des capteurs magnétiques n’est plus à démontrer… L’effet Hall,la magnétostriction ou encore la magnétorésistance sont couramment utilisés dans des applications de mesures de position angulaire ou linéaire,pour lesquelles ils présentent de nombreux avantages.Comme il n’y a pas de contact entre le corps du capteur et l’élément en mouvement,il n’y a pas de frottements et pas d’usure.Par rapport aux capteurs potentiométriques classiques,leur durée de vie est donc largement supérieure, et la maintenance quasi inexistante. D’autre part, ils sont peu coûteux et très robustes. Peu sensibles aux poussières,aux projections d’huile ou de liquide de coupe,ils s’adaptent aux environnements les plus difficiles… En revanche, les matériaux magnétiques sont sensibles au champ magnétique externe, à la température (le champ généré par un aimant permanent varie de 0,2 %/°C) et aux contraintes mécaniques qu’ils subissent. Mais ce qui apparaît comme une limitation peut aussi s’avérer utile : Puisque l’aimantation de ces matériaux varie en fonction de la température,pourquoi ne pas les utiliser dans le déve- loppement de capteurs de température sans contact? De même, si les propriétés magnétiques d’un arbre varient en fonction de la torsion qu’il subit, pourquoi ne pas utiliser cet effet pour concevoir des capteurs de couple? Au Laboratoire d’Electrotechnique de Grenoble (UMR CNRS 5529), cela fait de nombreuses années que l’on a compris l’intérêt de ces méthodes et que l’on “joue” avec les propriétés magnétiques des matériaux… Parmi les derniers sujets de recherche,la conception d’un capteur de position angulaire en collaboration avec la société Sagem.Le début du projet démarre il y a six ans.A l’époque,Sagem travaille alors sur le développement d’un capteur permettant de mesurer la position des papillons de carburateurs dans les moteurs automobiles. Il propose un cahier des charges au laboratoire, qui explore alors les différentes techniques utilisables. En raison de son faible coût et de sa robustesse, la solution magnétique s’impose. Il faut dire que la méthode avait déjà des antécédents dans le domaine de l’automobile. Elle est par exemple utilisée dans les capteurs de position des volants (notamment pour détecter les brusques changements de MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com direction et éviter que le véhicule ne parte en tête à queue), ou dans les systèmes de freinage de type ABS. Pour développer son capteur, le laboratoire part sur une idée bien précise : utiliser un principe différentiel pour s’affranchir des paraL’essentiel mètres qui perturbent la mesure. Il réalise alors Grâce à leur robustesse et à leur faible coût, les capplusieurs essais, puis teurs magnétiques sont choisit une conception couramment employés mécanique originale lui dans le domaine industriel, notamment pour des permettant d’atteindre cet applications de mesure de objectif. Un flux qui se sépare en deux Le principe est relativement simple… mais encore fallait-il y penser. Le capteur est schématiquement constitué de deux anneaux enserrant un aimant permanent mobile (en réalité, il y a un léger entrefer entre position angulaire ou linéaire. Le Laboratoire d’Electrotechnique de Grenoble a conçu un nouveau type de capteur de position angulaire à aimant permanent Basé sur un principe différentiel et un aimant tournant, il permet de s’affranchir des effets de la température et d’éventuels jeux mécaniques. 47 047_049_SOL 1/02/05 17:22 Page 48 Solutions Principe du capteur angulaire à aimant tournant Champs magnétiques Parties fixes Entrefers Mesure des flux B1 et B2 par des capteurs à effet Hall Position angulaire Aimant en rotation Le capteur angulaire est constitué de deux anneaux fixes enserrant un aimant mobile.Le flux traversant l’aimant se sépare au niveau de l’entrefer,générant deux champs B1 et B2 qui varient,en sens opposé,suivant la position angulaire de l’aimant. l’aimant et les deux anneaux). L’aimant, en forme de demi-anneau, est solidaire de l’arbre dont on mesure la position angulaire (voir schéma). L’ensemble forme une sorte de “bague” constituée de trois anneaux, deux fixes et un mobile. Imaginons alors que l’arbre est en rotation. Dans son mouvement, il met l’aimant en rotation entre les deux anneaux fixes, autour de l’axe du capteur. Le flux magnétique, qui traverse l’aimant suivant la direction axiale du capteur, arrive dans l’anneau supérieur puis se referme via l’an- neau inférieur. Mais l’anneau supérieur n’est pas tout à fait complet : à son milieu, il est coupé par un entrefer. Lorsque le flux magnétique y parvient, il doit donc se séparer de part et d’autre de cette coupure… Et c’est là qu’intervient la position angulaire de l’aimant. C’est elle, en effet, qui va déterminer la répartition du flux. Si la position angulaire de l’arbre est telle que l’aimant est centré par rapport à l’entrefer, le flux sera également réparti entre les deux branches de l’anneau supérieur. Si au contraire l’aimant est décentré par rapport à l’en- La mesure de position, une question de “principes”… 48 Type de capteur Principe Principales caractéristiques Résistif Variation de résistance électrique par déplacement d’un curseur mécanique Simple, peu onéreux et compact, mais durée de vie relativement faible (usure) Magnétorésistif Variation de résistance par action d’un champ magnétique externe Sans contact, sans usure. Risques de perturbations par des champs magnétiques externes Capacitif Variation de capacité par déplacement relatif de deux armatures Ne fonctionne que pour de très faibles entrefers Magnétostrictif Variation des propriétés magnétiques d’un barreau en fonction des contraintes appliquées Permet d’exploiter la magnétostriction en torsion (effet Wiedemann) pour réaliser par exemple des capteurs de couple Effet Hall Variation du flux magnétique en fonction de la géométrie du circuit associé Sans contact, sans usure. Risques de perturbations par des champs magnétiques externes Inductif Variation d’inductance suite à l’application d’une contrainte extérieure Très simple et peu onéreux Optique Principe photoélectrique Très répandu, précis, mais demande un environnement propre trefer, deux flux différents B1 et B2 vont être générés dans chacune des branches... L’angle de déplacement de l’aimant (et donc la position angulaire de l’arbre en rotation) détermine donc la valeur des champs B1 et B2. Ensuite, il n’y a que des relations logiques. Quelle que soit la position de l’aimant, la somme des flux est constante (puisqu’elle est égale au flux total généré par l’aimant), et ils varient tous deux linéairement, en sens opposé : si l’un augmente, l’autre diminue d’autant, et réciproquement… Les courbes représentant les variations des deux flux en fonction de la position angulaire de l’aimant sont donc deux droites se croisant au point d’équilibre où B1 et B2 ont la même valeur (position où l’aimant est centré par rapport à l’entrefer). Reste à mesurer ces champs magnétiques.Pour cela, deux cellules à effet Hall sont placées au niveau de l’entrefer principal (celui par où passe le champ magnétique pour rejoindre l’anneau inférieur). Leur tension de sortie, qui est proportionnelle au courant d’alimentation et au champ magnétique qui les traverse, permet alors de mesurer B1 et B2. Mais pas directement… Si c’était le cas, la mesure serait aussitôt affectée par tous les paramètres (la température, par exemple) dont on cherche justement à s’affranchir. C’est alors que se justifie le principe différentiel. Au lieu de mesurer les champs magnétiques B1 et B2, les cellules à effet Hall mesurent le rapport : S = (B2-B1) / (B1+B2) Pour cela, le courant d’alimentation des cellules à effet Hall est asservi sur la somme des flux B1 et B2. Le signal de sortie est alors directement proportionnel au rapport S. L’intérêt d’une telle mesure différentielle, c’est qu’elle rend le capteur insensible à toutes sortes d’effets parasites. La température, notamment. Lorsqu’elle varie, B1 et B2 augmentent ou diminuent mais le rapport S, lui, reste toujours constant. Il en est de même des éventuels jeux mécaniques ou des défauts d’alignement du capteur. Si l’aimant se décale légèrement entre les deux anneaux qui l’entourent, le flux sera moins important sur l’une des deux branches, alors qu’il augmentera dans l’autre. En calculant B1 et B2 séparément, on ne peut pas compenser cette erreur. En revanche, même si l’aimant se décale, la somme des flux est toujours constante. Le rapport S n’est donc pas affecté… Ce capteur (et notamment sa conception géométrique et son principe de mesure différentiel) fait désormais l’objet d’un brevet. Ses autres caractéristiques sont plus classiques. Comme la plupart des capteurs basés sur un MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com 047_049_SOL 1/02/05 17:22 Page 49 Solutions principe magnétique,sa résolution est élevée et sa précision n’est limitée que par les effets d’hystérésis présents dans les pièces du circuit magnétique.Le prototype a par ailleurs été testé avec succès jusqu’à des vitesses de rotation de l’ordre de 6 000 t/min. En termes de température, il n’y a pas de limite théorique (sauf celle de l’aimant permanent, qui est utilisable jusqu’à plus de 400 °C). Quant au coût, il est de l’ordre de quelques euros… Grâce à ces avantages, le capteur est déjà utilisé dans certaines applications industrielles. Il a notamment été homologué pour la mesure de position des gouvernes d’avions dans le domaine aéronautique. Ses limites sont celles de tout capteur de position magnétique :la nécessité d’utiliser un arbre magnétique et des matériaux dotés d’un faible champ coercitif,et la sensibilité du capteur aux champs magnétiques externes… Depuis la construction de ce capteur, le Laboratoire d’Electrotechnique de Grenoble a exploité le même principe pour réaliser un capteur de position linéaire. Il travaille également sur des capteurs de position sans contact fonctionnant cette fois-ci par saturation locale de Aratem 2004 : une journée pour la mesure sans contact Le capteur angulaire du Laboratoire d’Electrotechnique de Grenoble a été présenté lors du colloque annuel de l’Aratem (Agence Rhône-Alpes pour la Maîtrise des Technologies de Mesure), qui s’est tenu le 14 octobre dernier à Champagne au Mont-d’Or (69). Près de 120 industriels et chercheurs s’y sont rassemblés autour d’un thème fédérateur : la mesure sans contact. Parmi les sujets abordés, la mesure de température sans contact, les dernières technologies de capteurs sans fil, ou encore l’imagerie dans le domaine des mesures dimensionnelles et du contrôle non destructif. matériaux magnétiques : la mesure de position est donnée par la variation d’inductance liée à la saturation partielle d’un circuit magnétique par un aimant en déplacement… Ce capteur n’est pas encore industrialisé mais une chose est sûre en tout cas : MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com Cette année, l’Aratem a aussi profité de cette journée technique pour annoncer la création, par le Pôle Traçabilité (qu’elle a fondé en 2001) du “Centre de démonstration des nouvelles technologies de la traçabilité” à Valence. Un espace de 300 mètres carrés conçu notamment pour promouvoir l’identification par radiofréquences (RFID) auprès des industriels. Rens. : Aratem 26, rue Barthélémy de Laffemas - 26000 Valence Tél. : 04 75 78 41 80 - Fax : 04 75 78 41 81 http://www.aratem.org http://www.tracabilite-rfid.com les capteurs magnétiques n’ont pas encore fini de faire parler d’eux. MLZ* *Article rédigé à partir de documents de Jean-Paul Yonnet, directeur de recherche au Laboratoire d’Electrotechnique de Grenoble (UMR CNRS 5529). 49