Le phénomène climatique El Niño/Oscillation Australe (ENSO)

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Le phénomène climatique El Niño/Oscillation Australe (ENSO)
Jean-Philippe Boulanger
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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Plan
I. Introduction
I.1 La petite histoire d'ENSO
I.2 Les caractéristiques majeures d'ENSO
I.3 Moyens d'observations
I.4 Un passé riche en événements
II. Les théories d'ENSO
II.1 Introduction à la dynamique océanique linéaire équatoriale
II.2 Premières hypothèses
II.3 L'oscillateur retardé
II.4 Une approche théorique unificatrice
II.5 L'apériodicté d'ENSO : un effet de résonance avec le cycle saisonnier ?
II.6 Les interactions d'échelles et ENSO
II.7 ENSO : un ajustement du système climatique au forçage radiatif
II.8 Echanges Tropiques-Subtropiques : incidence sur la variabilité d'ENSO
III. Prévoir ENSO
III.1 Modèles de prévision
III.2 Prévision de l'événement 1997/1998
IV. Les impacts d'ENSO
IV.1 Les téléconnexions globales
IV.2 L'écosystème marin dans le Pacifique équatorial
IV.3 ENSO et la santé
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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I. Introduction
I.1 La petite histoire d'ENSO
Le phénomène El Niño/Oscillation Australe (ENSO) est le mode de variabilité climatique
majeur des Tropiques de par la taille du bassin Pacifique où il se développe et ses impacts
tropicaux et extra-tropicaux (Ropelewski et Halpert, 1987). ENSO est un mode couplé océan
(El Niño)-atmosphère (Oscillation Australe) dont la présence dans le Pacifique tropical a pu
être retracée sur plusieurs siècles grâce à des données de coraux, de carottes de glaciers
tropicaux, d'anneaux d'arbres ou d'archives historiques (e.g. Quinn et al., 1978).
Le terme Oscillation Australe a été introduit par Walker
(1923) pour décrire la renverse du système des hautes et basses
pressions couvrant le bassin Pacifique à l'échelle pluriannuelle.
Les travaux de Walker (1923, 1924, 1928) et Walker et Bliss
(1930, 1932, 1937) étaient en fait motivés par la compréhension
et la prévision de la variabilité des précipitations sur le souscontinent Indien. L'Indice d'Oscillation Australe (différence des
anomalies de pression entre Tahiti, Polynésie française, et
Darwin, Australie) est un des indices représentatifs de la
Figure I.1.1 : Sir Gilbert Walker
variabilité ENSO.
A l'origine, le terme El Niño (ou El Corriente d'El Niño) désignait un courant côtier chaud
présent le long des côtes du Pérou et du Chili au mois du décembre vers Noël (d'où El NiñoL'Enfant Jésus) et qui apportait des poissons "miraculeux" aux formes et couleurs
inhabituelles dans ces régions aux eaux côtières plutôt froides. Tous les deux à sept ans, ce
courant chaud persistait plusieurs mois avec pour conséquence la rupture de la chaîne
alimentaire côtière et la mort ou la migration de nombreuses espèces de poissons (cf. Fig.
I.1.2). De plus, ce réchauffement affecte grandement les intempéries locales et modifie la
position de la "frontière de sécheresse" qui sépare la zone tropicale du nord du Pérou des
régions arides au sud (Schott, 1931).
Figure I.1.2 : Exemple d'espèces de poissons apportées
le long des côtes californiennes en période chaude El
Niño.
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Il aura fallu attendre les travaux de Bjerknes (1969; Fig.
I.1.3) pour faire le lien entre cette anomalie chaude côtière et
l'Oscillation Australe, mais également avec des anomalies
équatoriales de température de surface de la mer et de vents
touchant l'ensemble du bassin Pacifique. El Niño désigne donc
désormais l'événement extraodinaire provoquant le
réchauffement quasi-global du Pacifique équatorial. Un indice
océanique d'ENSO est défini par la moyenne des anomalies de
température de surface de la mer dans la région du Pacifique
central appelée Niño3 (150°W-90°W/5°N-5°S) ou Niño3.4
(170°W-120°W/5°N-5°S) et se compare très bien avec l'Indice
d'Oscillation Australe (Fig. I.1.4).
Figure I.1.3 : J. Bjerknes
Figure I.1.4 : Indices d'Oscillation Australe et Niño3.4 sur la période récente.
I.2 Les caractéristiques majeures d'ENSO
L'objet de ce paragraphe n'est pas de présenter une description exhaustive du bassin
Pacifique ou de la variabilité ENSO qui sont décrits avec bien plus de détails dans divers
articles (Rasmusson et Carpenter, 1982; Deser et Wallace, 1990) ou dans des ouvrages ("El
Niño, La Niña, and the Southern Oscillation", Philander, 1990), mais plutôt de décrire les
caractéristiques majeures d'ENSO afin de poser les bases des diverses théories tentant de
l'expliquer.
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CONDITIONS NORMALES
Boucle convective
Equateur
CONDITIONS EL NI O
Boucle
convective
intensifi e
Equateur
Figure I.2.1 : Schéma du bassin Pacifique en conditions normales et en conditions El Niño
Brièvement, El Niño est souvent schématisé par ses différences aux conditions normales
(Fig. I.2.1). En conditions normales, les Alizés soufflent sur le Pacifique équatorial
provoquant un upwelling (remontée des eaux froides de subsurface vers la surface) le long de
l'équateur, la thermocline se rapproche de la surface et refroidit ainsi les eaux de surface. De
plus, ces vents d'est repoussent les eaux chaudes dans le Pacifique ouest qui est le siège d'une
intense activité convective. Alors que l'air chaud et humide s'élève, il perd peu à peu son
humidité et sa chaleur et est entraîné en altitude par des vents d'ouest. Puis il subside dans le
Pacifique est et les régions sèches adjacentes d'Amérique du Sud. Cette circulation
atmosphérique est dite cellule de Walker. En période El Niño, les eaux chaudes du Pacifique
ouest s'étendent à travers l'ensemble du bassin équatorial, entraînant avec elles les régions de
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convection. L'évenement atteint un pic d'amplitude en général au mois de décembre puis
décroît peu à peu. Il peut être suivi parfois d'un épisode La Niña dont les caractéristiques sont
principalement celles d'un renforcement du cycle saisonnier avec une intensification des
Alizés et une langue d'eau froide équatoriale pénétrant plus à l'ouest de sa position normale.
Figure I.3.1 : Le système d'observations du Pacifique tropical
I.3 Moyens d'observations
Les moyens d'observations du Pacifique tropical se sont largement développés au cours des
années 1985-1994 du programme TOGA. Ce système se caractérise principalement (Fig.
I.3.1) par la mise en place du réseau TAO (Tropical Atmosphere Ocean Array, Hayes et al.,
1993) de plus de 70 bouées ancrées couvrant le Pacifique équatorial entre 8°N et 8°S et
mesurant à la fois les conditions atmosphériques de surface (e.g. vent, humidité, précipitation,
flux radiatif) et les conditions océaniques de surface et subsurface jusqu'à 500m (température,
courants, salinité). La plupart de ces données sont transmises en temps réel par satellite et
disponibles via internet (http://www.pmel.noaa.gov). Ce système d'observations est complété
par le réseau mondial de marégraphes mesurant l'évolution du niveau de la mer, par des
mesures de température (et parfois salinité) réalisées depuis des bateaux marchands, par des
bouées dérivantes (suivant les courants à 15m) mesurant les conditions océaniques et parfois
atmosphériques à l'interface air/mer, et par les nombreuses mesures satellitales offrant une
vision globale de la variabilité du bassin Pacifique.
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Figure I.3.2 : Schéma d'une bouée ATLAS du réseau TAO
Figure I.3.3 : Reconstitution des caractériques de surface et de subsurface océanique à partir du
réseau TAO, des données de niveau de la mer de TOPEX/POSEIDON et des températures de
surface AVHRR en janvier 1997, novembre 1997 et mars 1998. La couleur rouge représente des
eaux de température supérieures à 30°C, la couleur bleue représente des eaux de température
inférieures à 8°C.
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Figure I.3.4 : Evolution de l'événement El Niño 97/98 vue par le satellite TOPEX/POSEIDON
Figure I.4.1 : Reconstitution des événements El Niño de forte amplitude à partir de données
récentes et de données d'archives.
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I.4 Un passé riche en événements
Les moyens d'observations actuels offrent désormais la possibilité d'étudier et de
comprendre les sources de la variabilité du Pacifique tropical et d'en prédire également les
changements au moins une à deux saisons à l'avance. Toutefois, la période sur laquelle nous
disposons de données intensives est relativement courte au regard de la fréquence de
récurrence d'ENSO. Certaines méthodes statistiques permettent de reconstituer les séries
temporelles des Indices Niño3 ou SOI. Mais ces méthodes trouvent leurs limites dans leurs
hypothèses statistiques et ne peuvent que difficilement remonter sur plus de cent ans. Or,
replacer la variabilité passée d'ENSO dans son intensité et sa récurrence au regard de notre
connaissance du climat passé est un enjeu de grande importance pour analyser l'effet du
changement climatique actuel (naturel et anthopogénique) sur les caractéristiques futures
d'ENSO.
Page 1 sur 1
Figure I.4.2 : Spectres de fréquences des couches des différentes tranches de carottes de sédiments
présentant la variation des fréquences dominantes des fortes précipitations sur le lac Pallacacocha
au cours des 15000 dernières années.
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Les archives historiques sont une première source de reconstitution de l'occurence
d'événements El Niño permettant d'en dresser un historique sur presque 500 ans (Quinn, 1978;
Fig. I.4.1). Au-delà des archives historiques, il est possible d'identifier les événements El Niño
d'amplitudes modérée et forte sur plusieurs siècles à plusieurs millénaires à l'aide de données
isotopiques de coraux tropicaux, de carottes de glaciers andins, d'anneaux d'arbres ainsi que
de dépôts sédimentaires.
Une étude récente (Rodbell et al., 1999; Fig. I.4.2) de données sédimentaires du Lac
Pallacacocha situé au sud-ouest en Equateur a permis de tracer les fluctuations des fortes
précipitations sur les versants montagneux du lac (a priori associés à ENSO) sur près de
15000 ans. Selon les auteurs, la périodicité dominante de l'époque antérieure à 6000 ans est
supérieure à 15 ans. Au cours des 6000 dernières années, une périodicité plus courte comprise
entre 3 et 8,5 ans serait apparue menant les auteurs à conclure que la périodicité actuellement
observée du phénomène ENSO est une périodicité récente (6000 ans).
L'étude des coraux tropicaux peut également permettre de recomposer la variabilité passée
d'ENSO et, à titre d'exemple, la figure I.4.3 représente la variation du coefficient de
corrélation entre le δ18O des coraux et la SOI en fonction du temps et au regard de la PDO
(Pacific Decadal Oscillation), indice de la variabilité décennal du Pacifique tropical. La bonne
corrélation entre ces deux courbes montre le potentiel d'utilisation des coraux pour
reconstituer le climat passé dans les Tropiques.
Corr lation entre la composition isotopique de l’oxyg ne de
coraux pr lev s aux Fidji et la PDO
PDO
d’apr s Mantua et al, 1997
-1
1,5
1
0,5
-0,5
0
-0,5
0
-1
-1,5
0,5
1890
-2
1910
1930
1950
1970
1990
Figure I.4.3 : Représentation en fonction du temps du coefficient de corrélation entre la composition isotopique
de l'oxygène de coraux prélevés aux Fidji et l'indice PDO, Pacific Decadal Oscillation (Le Bec, communication
personnelle).
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II. Les théories d'ENSO
II.1 Introduction à la dynamique océanique linéaire équatoriale
Avant de présenter les diverses théories proposées pour expliquer la nature d'ENSO, il est
important d'introduire les bases de la dynamique océanique linéaire équatoriale mise en jeu
dans nombreuses de ces théories.
Dans un premier temps, nous allons
schématiser l'océan équatorial comme un
fluide à deux couches, une première couche
active superficielle de densité ρ 1 et une
couche profonde inactive de densité ρ2. Nous
supposons par ailleurs que la pression
atmosphérique est constante ainsi que la
pression de fond (la couche de fond est au
repos). En faisant l'hypothèse supplémentaire
que le fluide est hydrostatique, on peut écrire
la pression au fond au repos :
Figure II.1.1 Représentation schématique de
p F = p A + ρ1gH1 + ρ2 gH 2
l'océan équatorial comme un fluide à deux couches
dont seule la couche superficielle est en
et au cours du mouvement :
mouvement.
p F = p A + ρ1g(H1 + η − ξ) + ρ2 g(H 2 + ξ)
dont on déduit l'égalité suivante : η = − ξ (ρ2 − ρ1 ) ρ1 , démontrant que pour un fluide à deux
couches dont l'une seulement est active, les déplacements de la surface et de l'interface
(thermocline) sont miroirs l'un de l'autre. Une telle caractéristique est relativement bien
observée à travers le Pacifique équatorial.
Afin de déterminer les équations du mouvement dans la couche superficielle, nous allons
considérer comme base de départ les équations de Navier-Stokes de la dynamique des fluides
(fluide incompressible, non divergent et hydrostatique) :
où Uh représente le vecteur courant horizontal (u,v), w
r
r r
r
r
dU h dt = -2Ω ∧ U h − ∇ h p ρ0 + F est la vitesse verticale du fluide, Ω est la vitesse de

rotation de la Terre, g est la gravité et F est le vecteur
∂ z p = −ρgz


des forces autres que Coriolis et le gradient de pression
∂x u + ∂y v + ∂zw = 0

s'appliquant sur les équations du mouvement horizontal.
A partir de ce système d'équations, nous allons faire les hypothèses suivantes : (i) les
termes non-linéaires des équations de mouvement sont négligeables; (ii) les équations restent
valides proches de l'équateur lorsqu'elles sont projetées sur le plan tangent à la sphère terrestre
à l'équateur : approximation du plan β. Suite à cette seconde hypothèse, on introduit le
paramètre de Coriolis f=2Ωsinφ∼2Ωy/R=βy, où φ est la latitude, R est le rayon de la Terre et
y est la distance méridienne à l'équateur. En supposant que le fluide n'est pas un fluide continu
sur la verticale mais un fluide à deux couches (Fig. II.1.1), les équations du mouvement se
réécrivent comme suit.
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 ∂ t u − βyv + g′∂ x h = F

 ∂ t v + βyu + g′∂ y h = G
∂ h + H ∂ u + ∂ v = 0
1
x
y
 t
(
)
où h représente la hauteur de la colonne d'eau de la première
couche, g' est la gravité réduite g′ = g (ρ2 − ρ1 ) ρ1 , u et v sont les
composantes zonale et méridienne du courant dans la couche de
surface et F et G représentent le plus souvent les tensions de vent
zonale et méridienne.
Pour finir, nous allons adimensionnaliser ces équations en introduisant les échelles
temporelles et spatiales suivantes : T = 1 βc , L = c β où c est la vitesse g′H1 . Le
système d'équations se réécrit alors (toutes les grandeurs sont désormais sans dimension) :
 ∂ t u − yv + ∂ x h = F

 ∂ t v + yu + ∂ y h = G
∂ h + ∂ u + ∂ v = 0
x
y
 t
(
)
Il est alors facile de démontrer que dans le cas où l'accélération selon v est négligée
(approximation ondes longues), toute solution du système peut se décomposer comme la
somme d'une onde de Kelvin et d'une infinité d'onde de Rossby longue. Dans l'espace restreint
(u,h), ces ondes restent orthogonales (l'onde de Kelvin n'a pas de composante méridienne) et
la solution s'écrit :
2
 e−y 
 R un ( y)
 u
a
x
t
a
x
t
n
(
)
2
1
=
−
+
+
+
(
)
(
)
 
k
 Rh y 
 − y 2  ∑ Rn
 h
 n ( )
 e  n >1
1.0
(a)
0.5
0.0
-0.5
-1.0
15S
10S
5S
0
5N
10N
15N
1.0
(b)
Les structures méridiennes en u et h
normalisées de l'onde de Kelvin et de la
première onde de Rossby longue sont
présentées en Figure II.1.2. Les coefficients aK
et aR sont les amplitudes des ondes en réponse
au forçage éolien. Une onde de Kelvin se
propage vers l'est à la vitesse c précédemment
introduite alors qu'une onde de Rossby n se
propage vers l'ouest à la vitesse c/(2n+1).
Dans le cas du Pacifique équatorial, ces
vitesses sont pour l'onde de Kelvin et le
premier mode de Rossby de l'ordre de 3 m/s et
1 m/s.
0.5
0.0
Figure II.1.2 : Structures méridiennes en niveau de la
mer (a) and courant zonal (b) pour les ondes de Kelvin
et de Rossby 1 (calculées pour une vitesse barocline de
2m/s).
-0.5
-1.0
15S
10S
5S
0
5N
10N
15N
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Enfin, dans le cas où se met à souffler un vent d'ouest près de la ligne de changement de
date (anomalie de type El Niño), ce vent génère (Fig. II.1.3) une onde de Kelvin dite de
downwelling vers l'est (élévation du niveau de la mer, approfondissement de la thermocline,
courant équatorial vers l'est) et une onde de Rossby 1 d'upwelling vers l'est (diminution du
niveau de la mer, remontée de la thermocline, courant vers l'est dans le sens du vent à
l'équateur se renversant vers 3°N et 3°S).
Figure II.1.3 : Propagation des ondes équatoriales suite à un coup de vent d'ouest situé près de la ligne de
changement de date.
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II.2 Premières hypothèses
Le concept de l'existence d'une instabilité couplée océan-atmosphère reliant la température
de surface de la mer et les Alizés à l'échelle du bassin Pacifique est le résultat des travaux de
Bjerknes (1969). Dans la continuité de ses travaux, Wyrtki (1979) a proposé une théorie de la
"recharge" du Pacifique ouest caractérisée par un renforcement des Alizés l'année précédant
un événement chaud. Ces vents d'est plus intenses pousseraient alors les eaux vers l'ouest du
bassin, dans la région de la warm-pool, où elles s'accumuleraient en se réchauffant jusqu'au
moment où un événement externe ou une simple relâche des Alizés provoquent un
déplacement de ces eaux chaudes le long de l'équateur vers le Pacifique central et est
emportant avec elles les régions de convection atmosphérique. Toutefois, ces hypothèses
complémentaires de couplage de Bjerknes et d'accumulation d'eau chaude dans le Pacifique
ouest de Wyrtki n'expliquaient pas ni les mécanismes de démarrage, ni la nature quasicyclique d'ENSO.
Figure II.2.1 : Anomalies interannuelles du niveau de la mer simulées par un modèle linéaire du
Pacifique tropical au cours de la période 1975-1976. Les régions en rouge (resp. bleu) représentent
une élévation (diminution) du niveau de la mer et un approfondissement (remontée) de la
thermocline
Il aura fallu attendre le milieu des années 1980 pour que Cane et Zebiak (1985) et Wyrtki
(1986) proposent un mécanisme de recharge dans lequel les ondes équatoriales jouaient le rôle
mécanique d'accumulateur d'eau chaude dans le Pacifique ouest permettant la recharge de la
warm-pool. La Figure II.2.1 illustre ce mécanisme à l'aide d'un modèle linéaire forcé par les
vents du Florida State University sur la période 1975-1976. A partir de l'été 1975, les Alizés
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se sont renforcés le long de l'équateur générant des ondes de Rossby de downwelling qui ont
permis l'accumulation de chaleur dans le Pacifique ouest. A partir du début 1976, alors que les
Alizés se relâchent un peu, ce signal repart vers le Pacifique central et est sous la forme d'une
onde de Kelvin de downwelling qui atteint la côte est en avril 1976 où elle génère un
réchauffement à l'origine de la croissance de l'événement El Niño 1976-1977.
II.3 L'oscillateur retardé
Dans la poursuite de ces travaux, étudiant les séries interannuelles de variabilité de la
température de la mer, Schopf et Suarez (1988) proposèrent la théorie de l'oscillateur retardé
pour expliquer ENSO. Cette théorie repose sur l'équation simple :
∂ t T = aT − bT( t − δ ) − cT 3
qui traduit les concepts suivants. Le système couplé océan-atmosphère dans le Pacfique
équatorial est instable et présente un taux de croissance, a, de toute anomalie T initiale.
Toutefois le système dynamique est tel qu'il réagit par une rétroaction négative avec un délai
temporelle δ. De plus, le système ne peut laisser des anomalies croître de manière
disproportionnée ce qui est schématisé par le troisième terme non-linéaire ( −cT 3 ).
La même année, Battisti (1988) donna une interprétation ondulatoire de cette équation.
Considérons la présence d'une anomalie chaude initiale de température dans le Pacifique est
ou central (ici, à nouveau le démarrage de l'événement n'est pas expliqué), elle va engendrer
une réponse atmosphérique (anomalies de vents d'ouest) située près de la ligne de changement
de date. Cette anomalie de vent va forcer dans l'océan des ondes de Kelvin downwelling
(approfondissant la thermocline et élevant le niveau de la mer) vers l'est et des ondes de
Rossby upwelling (remontant la thermocline et abaissant le niveau de la mer) vers l'ouest. Les
ondes de Kelvin en approfondissant la thermocline vont réduire le gradient vertical de
température et renforcer l'anomalie chaude dans le Pacifique est. Les ondes de Rossby se
propageant dans le Pacifique ouest où la thermocline est profonde (entre 150 m et 200 m) ne
vont avoir aucun impact sur la température de surface de la mer. Toutefois en arrivant à la
côte ouest du Pacifique, elles se réflechissent en ondes de Kelvin upwelling qui vont se
propager à travers le bassin. En arrivant dans le Pacifique central et est, ces ondes vont contrer
l'effet des ondes de Kelvin de downwelling forcées par le vent, elles vont alors contribuer à
remonter progressivement la thermocline, à réduire les anomalies chaudes dans le Pacifique
ouest affaiblissant ainsi les anomalies de vent près de la ligne de changement de date.
Finalement elles peuvent renverser les anomalies positives et contribuer au démarrage d'un
évenement froid.
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temps
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SSTA>0
upwelling
130¡E
180¡
140¡W
80¡W
Anomalies de vent d˚ ouest
Onde de Kelvin downwelling
Onde de Kelvin upwelling
Onde de Rossby
Figure II.2.1 : Représentation schématique de l'oscillateur retardé présentant la croissance et la
terminaison d'une anomalie chaude.
Un défaut majeur de cette théorie est la présentation d'ENSO comme un phénomène
purement cyclique, ce qui évidemment n'est pas le cas dans les observations, les événements
El Niño présentant une fréquence d'occurence, une intensité, une durée et un lien au cycle
saisonnier variables. A partir d'observations de vents et de niveau de la mer du Pacifique ouest
et central, Li et Clarke (1994) ont contesté le bien-fondé de cette théorie amenant Mantua et
Battisti (1994) à la réviser et à limiter le rôle des réflexions d'ondes au bord ouest du
Pacifique à la terminaison des événements ENSO. L'Oscillateur Retardé offre donc encore
une explication valide comme mécanisme de terminaison des événements El Niño (McPhaden
et Yu, 1999; Boulanger et Menkes, 1999), d'autant plus que les observations satellitales de
niveau de la mer ont confirmé l'existence des réflexions d'ondes au bord ouest du bassin
Pacifique (Fig. II.2.2).
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ROSSBY1 (T/P)
KELVIN (T/P)
KELVIN (T/P)
JUL
-20
0
APR
40
JAN
-40
1997
-40
40
40
40
JUL
40
0
-20
40
0
20
20
APR
20
20
-20
0
JAN
20
0
0
0
OCT
1996
60
-2
0
60
-2
0
OCT
JUL
0
APR
20
-20
-20
-20
0
20
JAN
OCT
0
1995
-20
-20
JUL
APR
-20
JAN
-20
20
0
0
20
20
0
JUL
APR
0
20
0
1994
OCT
-20
-20
0
JAN
-20
0
0
0
0
0
0
1993
0
0
0
0
OCT
JUL
APR
0
0
0
JAN
0
0
OCT
130E
0
0
180
80W
0
0
0
180
130E
180
80W
Figure II.2.2 : Coupes longitude-temps des coefficients d'ondes de Kelvin (a), de Rossby 1 (b)
renverséd'est en ouest et de Kelvin (c). La valeur exacte de chaque onde à chaque latitude peut être
calculée en multipliant le coefficient d'ondes par la structure méridienne de l'onde. A titre
d'exemple, on observe en octobre-novembre 1992, une onde de Kelvin de downwelling (orange)
traverser le bassin et arriver avec une faible amplitude vers 85°W en fin d'année. Au printemps
1993, une onde de Rossby downwelling est observée depuis la côte est (80-90°W) et traverse le
bassin pour ariver en fin d'année dans le Pacifique ouest. Les réflexions aux bords est (80°W) et
ouest (130°E) du Pacifique sont reconnaissables par les cohérences de signes entre les amplitudes
d'ondes de Kelvin et de Rossby.
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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II.4 Une approche théorique unificatrice
Dans le but de comprendre la diversité de comportement des événements ENSO aussi bien
dans la Nature que dans les modèles couplés simples ou de circulation générale, de
nombreuses études théoriques ont reposé sur une approche mécanistique d'ENSO à l'aide de
modèles couplés simplifiés fortement paramétrisés (Battisti et Hirst, 1989; Wakata et
Sarachik, 1989; Neelin, 1991; Jin et Neelin, 1993a,b; Neelin et Jin, 1993; Jin, 1997a,b).
Toutes ces approches font l'hypothèse que la variabilité de type El Niño est en fait une
instabilité oscillatoire couplée de l'état de base climatologique du système couplé océanatmosphère.
Un résultat majeur de ces approches peut être résumé à partir des travaux de Neelin (1991),
Jin et Neelin (1993a,b) et Neelin et Jin (1993) qui ont pris comme base d'étude un système
couplé d'équations représentant l'évolution de la dynamique océanique superficielle (courants
de surface et thermocline équatoriale), de la température de surface et du vent (comme une
réponse proportionnelle à la température de surface). L'originalité de leurs travaux a été tout
d'abord de faire apparaître dans ce système d'équations les différentes échelles spatiales et
temporelles caractéristiques des mécanismes dynamiques et thermodynamiques
potentiellement importants pour le couplage tropical.
Ainsi, les échelles caractéristiques de la dynamique des ondes équatoriales sont :
LD=(c/β)1/2~3x105m et TD=(βc)-1/2~1,5 jours où c est la vitesse barocline des ondes
équatoriales (de l'ordre de 3m/s). Afin de rendre adimensionnelles les équations dynamiques,
on fait apparaître dans les équations de nouvelles échelles caractéristiques d'espace (Lx) et de
temps (Tt) qui s'écrivent : Lx=LD/δL et Tt=TD/δT. On peut également faire apparaître deux
autres coefficients utiles pour cette étude : (i) δD, le rapport entre le temps d'ajustement de la
dynamique équatoriale et le temps d'accélération du courant zonal sous l'effet du vent de
surface et (ii) δd, le rapport entre le temps caractéristique de la dynamique équatoriale et le
temps caractéristique d'équilibre par advection verticale dans la couche de surface. D'autres
paramètres adimensionnels sont également introduits (voir Neelin, 1991) mais les précédents
sont les principaux sur lesquels nous discuterons.
A l'aide des différents paramètres adimensionnels, on définit un espace des paramètres
(multidimensionnels) où il est possible d'étudier le "continuum" des modes propres du
système couplé. Pour des mécanismes physiques prépondérants (liés au choix des valeurs des
coefficients δ), on peut étudier les changements de propriété (existence d'oscillation,
fréquence, direction de propagation, intensité) des modes propres sensés être représentatifs
d'ENSO. Pour résumer, deux cas limites ont été identifiées : la limite "onde-rapide" et la
limite "mode SST". La limite "onde rapide" signifie que le temps d'ajustement lié à la
dynamique équatoriale est court au regard des autres temps d'ajustement mesurés par δD ou δd.
La vitesse des ondes est "infinie" et l'océan est en équilibre avec le vent. Au contraire, dans la
limite "mode SST", δD/ δL est très petit et l'évolution de la SST se retrouve liée à la réponse
dynamique de la couche océanique de surface donc aux ondes.
A partir de ces deux modes extrêmes, une évolution continue des divers paramètres permet
de représenter tous les états ou événements de caractéristiques intermédiaires. Le grand intérêt
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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de ces travaux théoriques a été d'offrir un outil d'explications des comportements des modèles
couplés à l'aide de ses paramètres i.e. le positionnement d'un modèle dans un espace des
paramètres adéquates peut permettre de connaître a priori le comportement de type ENSO
qu'il peut simuler (Neelin, 1991; Meehl, 1990).
Enfin, la conclusion générale de ces travaux au regard des observations a été que les modes
"les plus réalistes" sont des modes mixtes "SST-onde rapide" de type oscillateur retardé, c'està-dire pour lesquels la dynamique océanique (existence des ondes et de leur effet de
propagation/réflexion) joue un rôle important sur l'évolution de la SST et du couplage océanatmosphère. Toutefois, la vitesse même de propagation des ondes est peu importante du fait
du temps de traversée du bassin par les ondes (3 mois pour l'onde de Kelvin) au regard de la
fréquence d'ENSO (~4 ans).
Une telle approche trouve sa limite dans l'évolution lente du système climatique tropical.
Un changement lent de la position moyenne de la thermocline équatoriale ou des gradients
zonaux ou méridiens de température de surface sont à même de modifer significativement les
conditions moyennes du Pacifique tropical i.e. sa "position dans l'espace des paramètres" donc
la nature d'ENSO. De tels changements peuvent résulter d'anomalies décennale de subsurface
alimentant la thermocline équatoriale (Gu et Philander, 1997), de l'activité humaine (Cane et
al., 1997) ou tout simplement du rôle joué par le forçage radiatif sur le climat et ENSO (Sun,
1997) que nous étudierons plus tard.
II.5 L'apériodicté d'ENSO : un effet de résonance avec le cycle saisonnier ?
Deux études récentes (Jin et al., 1994; Tziperman et al., 1994) ont décrit le rôle du cycle
saisonnier sur ENSO comme une résonance entre ces deux fréquences menant vers le chaos et
permettant d'expliquer l'apériodicité d'ENSO dans les observations. Ces deux études
approchent le problème de manières légérement différentes mais cohérentes et nous
présenterons ici un résumé de l'article de Tziperman et al. (1994).
Soit une équation de type "oscillateur retardé" pour l'évolution d'une grandeur h
(profondeur de la thermocline ou SST dans le Pacifique est), où A(h) est une fonction bornée
quand h tend vers l'infini et A(h)=κh pour h petit :
dT dt = aA(T ) − bA(T{t − δ}) + c cos(w a t )
Les coefficients a et b sont choisis tels que le système oscille à une période de type ENSO
pour κ=1. L'introduction du forçage annuel est réalisée par une fonction cosinus dont
l'amplitude est réaliste au regard de la contribution du cycle annuel à la variabilité de h dans le
Pacifique est.
On étudie la solution de ce système pour différentes valeurs de κ. Lorsque κ est inférieur à
1 (Fig. II.4.1), on observe principalement la signature annuelle du forçage saisonnier. Le
spectre de fréquence faisant ressortir un pic à un an ainsi que de nombreuses harmoniques.
Lorsque κ augmente, la fréquence propre du système "oscillateur retardé" apparaît et le
spectre de fréquence montre deux pics principaux (mode ENSO et mode annuel) auxquels
s'ajoutent des harmoniques de ces deux fréquences. Pour une valeur plus élevée de κ, un effet
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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de résonance apparaît et le mode ENSO se bloque sur une harmonique du cycle saisonnier.
Mais si cette valeur est encore augmentée, on observe un comportement chaotique de la
variabilité avec un spectre beaucoup plus continu (et plus proche des observations) qui
s'explique par une marche du système vers le chaos. Il existe dans l'espace des phases
plusieurs trajectoires du système associées à des périodes différentes et la solution peut
bifurquer entre différentes solutions créant ce comportement chaotique apériodique. La
conclusion des auteurs est que les caractéristiques basiques d'ENSO sont indépendantes du
cycle saisonnier contrairement à sa nature chaotique.
Figure II.4.1 : Transition vers le chaos étudiée par Tziperman et al. (1997)
II.6 Les interactions d'échelles et ENSO
La notion d'interaction d'échelle décrit en fait l'influence des petites échelles spatiales et de
haute-fréquence temporelle sur la grande échelle spatiale de variabilité basse fréquence
(saisonnière à pluri-annuelle) du système climatique et vice-versa (Slingo et Delecluse, 1999).
Dans les Tropiques, les échelles concernées vont des nuages dans l'atmosphère et des
tourbillons dans l'océan aux perturbations synoptiques planétaires telles la Mousson et ENSO.
Dans cette gamme d'événements et d'échelles, les coups de vent d'ouest dans le Pacifique
ouest et central peuvent en effet jouer un rôle crucial en reliant l'activité convective de grande
échelle au-dessus du réservoir d'eaux chaudes Indo-Pacifique avec la variabilité océanique
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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dans le Pacifique central et est à travers les ondes de Kelvin équatoriales (Giese et Harrison,
1991; Kindle et Phoebus, 1995; Kessler, McPhaden, et Weickmann, 1995). De même, les
Oscillations Intrasaisonnières (caractérisées par des périodes de l'ordre de 40-60 jours)
peuvent influencer la variabilité de la Mousson ou du Dipôle dans le bassin Indien. Ces
interactions d'échelles sont devenues au sein du programme CLIVAR une des priorités
d'étude, d'autant plus que la prévisibilité d'épisodes El Niño est susceptible de dépendre de la
prévisibilité de ces événements courts et de petite échelle spatiale et temporelle.
Zonal wind stress event pattern on March,10th 1997 (N/m2)
Latitude
4N
0
4S
8S
140E
160E
-0.16
-0.12
180
-0.08
160W
140W
Longitude
-0.04
0.00
120W
0.04
100W
0.08
0.12
80W
0.16
Figure II.5.1 : Tension de vent zonale mesurée par le satellite ERS-2 au cours de la semaine du 10
mars 1997 (les contours sont en N/m2).
(a) February 28th, 1997
29.00
o
5N
5oS
10oS
30
29..500
0
29.50
30.00
140oE
160oE
.50
0o
0
28.0
08.5
00
282.902.0
29.50
28
Latitude
10oN
180o
0.5
Longitude
(b) March 14th, 1997
0o
10oS
00
30.
0
28.0
29
29.5.000
0
5oS
2298. .028.50
0
2090.5
0
.5
28
Latitude
10oN
5oN
160oW
29.00
29.50
29.00
9.50
2
o
140 E
160oE
Longitude
180o
0.5
160oW
Figure II.5.2 : Cartes représentant la distribution des températures de surface de la mer simulées
par un modèle d'océan (en grisé) et les vecteurs de tension de vent observés aux 28 février et 14
mars 1997 (d'après Lengaigne et al., 2001).
Le coup de vent d'ouest de Mars 1997 en est un bon exemple. En effet, au cours du mois de
mars 1997, un coup de vent d'une grande amplitude a eu lieu dans le Pacifique Ouest. Bien
que sa structure (Fig. II.5.1) ait été centrée au sud de l'équateur, son extension jusqu'à
l'équateur a engendré une très forte réponse dynamique dont les deux principaux effets ont été
la propagation d'une onde de Kelvin de downwelling le long de l'équateur et un déplacement
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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rapide du bord est du réservoir d'eaux chaudes (Boulanger et al., 2001; Lengaigne et al.,
2001). Ainsi, entre le 28 février 1997 et le 14 mars 1997, la distribution des températures de
surface de la mer a été recentrée sur l'équateur suite à la génération de forts courants
équatoriaux à l'ouest de la ligne de changement de date. On notera également le
refroidissement important du Pacifique ouest par advection horizontale des eaux situées près
de 5°N dans le Pacifique ouest. Le déplacement de près de 2000 km en un mois des eaux
chaudes du Pacifique ouest vers le Pacifique central combiné au refroidissement dans le
Pacifique ouest est très probablement responsable du déclenchement de l'El Niño 1997-1998
(Fig. II.5.2).
II.7 ENSO : un ajustement du système climatique au forçage radiatif
Les approches précédentes reposent sur des systèmes d'équations du système couplé qui,
même s'ils sont souvent linéarisés ou simplifiés au regard des équations complètes de la
dynamique, sont relativement complexes. Une autre approche récente de Sun (1997) a tenté
de franchir une étape supplémentaire de conceptualisation à l'aide d'un modèle en boîtes du
Pacifique tropical forcé uniquement par le forçage radiatif (forçage solaire et effet de serre).
Son modèle est représenté en Figure II.7.1 :
Soleil
vent
T1
T2
Tsub
Océan profond (Tb)
Figure II.7.1 : Représentation schématique du Pacifique tropical selon Sun (1997)
Les équations associées sont :
dT1 dt = c(Te − T1 ) + sq(T2 − T1 )
dT2 dt = c(Te − T2 ) + q(Tsub − T2 )
représentant les processus physiques suivants. Si l'océan était au repos, la température
d'équilibre avec le forçage radiatif dans la couche superficielle serait Te. En fait, la rotation de
la Terre et la différence de température entre l'Equateur et les Pôles assurent l'existence de
vents moyens d'est dans le Pacifique équatorial (les Alizés). Ces vents poussent les eaux du
Pacifique est vers le Pacifique ouest générant une remontée d'eaux froides de l'océan de
subsurface (Tsub). Dans cette boîte, les mécanismes principaux assurant l'évolution de la
température de surface sont donc : (i) un rappel vers la température d'équilibre radiatif et (ii)
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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un refroidissement par advection verticale (facteur q) de la température de subsurface Tsub. Au
contraire, dans la partie ouest du bassin, la température évolue sous l'effet de (i) un rappel à la
température d'équilibre radiatif et (ii) un apport des eaux froides de l'est par advection
horizontale (facteur sq proportionnel à l'upwelling dans l'est). A partir de ce système
d'équations et d'un choix approprié des paramètres du modèle, on peut observer l'apparition
d'oscillations interannuelles dès lors que la température d'équilibre radiatif est supérieure à
29.2°C proche de la valeur 29.5°C estimée pour le climat présent. De plus, dès lors que Tsub
est écrit comme la somme d'une valeur de base Tsub0 et d'une fonction de l'épaisseur de la
couche de surface (i.e. profondeur de la thermocline) et que Tsub0 est une combinaison linéaire
de Te et de la température de l'océan profond Tb, l'existence d'oscillations dans ce système
conceptuel est une fonction de la différence entre Te et Tb . Dès que la différence est
suffisamment élevée, le système se met à osciller. L'amplitude de cette différence détermine
l'intensité du contraste zonale entre les boîtes est et ouest du Pacifique ainsi que l'intensité des
événements ENSO. Les implications de ce résultat sont assez nombreuses pour l'interprétation
du climat passé et du climat futur. En effet, un climat passé pour lequel la contraste de
températures entre l'Equateur et les régions des océans polaires peut expliquer une variabilité
différente de la périodicité et de l'amplitude des événements ENSO. De même, sous l'effet du
changement climatique anthropique, la modification de ce contraste par une réchauffement
plus important des régions subtropicales à polaires que de la région équatoriale, peut entraîner
dans le futur une diminution de l'amplitude des événements ENSO et du contraste est-ouest
dans le Pacifique.
II.8 Echanges Tropiques-Subtropiques : incidence sur la variabilité d'ENSO
Par une approche un peu différente, Gu et Philander (1997) ont cherché à expliquer la
variabilité décennale des événements ENSO en invoquant le rôle joué par les formations de
masse d'eaux dans les régions subtropicales. Ainsi, au cours de l'hiver, la couche de mélange
dans les régions subtropicales est du Pacifique sont assez profondes (100 à 200 m). Avec le
retour du printemps, la couche de mélange remonte brusquement laissant piégées en
subsurface une partie des masses d'eaux formées en hiver. Ces masses d'eaux sont ensuite
advectées en subsurface par la circulation océanique. Une partie de ces masses d'eaux sont
entraînées vers l'Equateur soit par une branche menant vers le Pacifique central (Figure
II.8.1), soit par une branche passant par le bord ouest du Pacifique. Ces eaux sont dans tous
les cas reprises dans la circulation (sous-courant équatorial portant vers l'est) de la
thermocline équatoriale. Elles sont advectées en surface dans le Pacifique est où elles peuvent
interagir avec la surface influençant le couplage océan-atmosphère. Ainsi, à partir de ces
quelques concepts, Gu et Philander (1997) ont pu expliquer le rôle potentiel des formations de
masses subtropicales sur les changements de comportement d'ENSO à l'échelle décennale.
Cette théorie est tout à fait cohérente avec celle de Sun (1997) et la combinaison de ces deux
concepts permet de comprendre le rôle des régions extratropicales sur la variabilité décennale
à séculaire d'ENSO.
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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Figure II.8.1 : Représentation des trajectoires de particules lâchées en surface dans un modèle
d'océan entre 20° et 30°N/S (d'après Gu et Philander, 1997).
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III. Prévoir ENSO
III.1 Modèles de prévision
Modéliser et prévoir les événements ENSO peuvent être abordés par des approches
distinctes. En effet, depuis le début du programme TOGA (décennie 1985-1994), divers
schémas de prévision reposant sur des modèles statistiques ou des modèles couplés océanatmosphère dits simples ou intermédiaires (i.e. dont la dynamique océanique est le plus
souvent linéaire et la physique de l'atmosphère est simplifiée voire réduite à une relation
statistique) ont été développés et ont démontré une certaine capacité à prévoir les événements
ENSO 6 à 12 mois à l'avance (Latif et al., 1994).
Le problème spécifique lié à la prévision d'ENSO à l'aide de modèles statistiques repose
sur l'identification d'un ou plusieurs prédicteurs des événements passés observés. L'utilisation
de différents prédicteurs tels la pression du niveau de la mer global (Graham et al., 1987;
Barnett et al., 1988) ou des anomalies de pression de surface au niveau de la mer moyennées
sur la région de la Zone de Convergence du Pacifique Sud dans l'Hémisphère Sud (Xu et Von
Storch, 1990) ont des performances de prévision assez semblables. Il est intéressant de noter,
d'une part, que la diversité des prédicteurs est le reflet de la nature globale et complexe
d'ENSO et que, d'autre part, le succès d'un modèle statistique à prévoir ENSO ne signifie pas
que le prédicteur choisi a une relation de causalité avec ENSO. Il peut être tout simplement la
signature d'autres processus mis en jeu dans la variabilité interannuelle du système climatique.
Parmi la hiérarchie de modèles couplés océan-atmosphère, les modèles intermédiaires ont
permis l'étude des mécanismes potentiellement mis en jeu dans la variabilité interannuelle
observée (e.g. le mécanisme de l'oscillateur retardé étudié par Battisti (1988) dans le modèle
de Cane et al. (1986) ou les travaux de Neelin sur une théroie unificatrice à partir d'une
version simplifiée du même modèle). De plus, ces modèles ont réussi à prévoir des
événements passés tel l'El Niño 1986-1987 (Zebiak et Cane, 1987), ou à démontrer leur
capacité à simuler en mode couplé des événements passés (Fig. III.1.1; Chen et al., 1985;
Kleeman et al., 1985).
Pour la plupart, ces modèles couplés reposent sur la dynamique linéaire des ondes
équatoriales pour l'océan, d'une couche de mélange simplifiée pour calculer les anomalies de
température de surface de la mer et d'un modèle d'atmosphère simplifié de type Gill (1980) ou
d'une atmosphère statistique. Dans le cas du modèle de Cane et al. (1986), il est important de
noter que la distribution spatiale des champs dynamiques océaniques et atmosphériques ne se
comparent pas très bien aux observations alors que l'indice de température Niño3 est dans
l'ensemble correctement simulé et prévu. Certaines tentatives d'amélioration du réalisme de
ce modèle par l'utilisation de paramétrisations plus adéquates ont eu pour conséquence de
détériorer la capacité de prévision de ce modèle (Périgaud, communication personnelle)
démontrant la complexité à ajuster un système couplé et pointant du doigt que les exigences
de la compréhension des mécanismes (nécessitant un certain degré de réalisme des modèles)
ne sont pas nécessairement les mêmes que celles de la prévision.
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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Figure III.1.1 : Représentation pour différentes périodes de la correlation (à gauche) et de l'erreur
(à droite) entre les prévisions et les observations de l'indice Niño3 des anomalies de température à
différents mois de distance. Les prévisions sont réalisés à l'aide du modèle de Zebiak et Cane
(1987) seul (courbe en tirets) puis avec une méthode d'initialisation revue par Chen et al. (1985)
(courbe en continu). Les valeurs sont comparées à la courbe en continu et en gras, dite de
persistence, qui représente les corrélations et l'erreur si les anomalies de température au moment
initiale étaient maintenues sur 24 mois. On remarque que les deux modèles sont moins bons que la
persistence sur 2-3 mois (la connaissance du moment présent est suffisante pour prédire les 2 à 3
prochains mois). Au-delà, les modèles apportent une information utile sur près de deux ans.
toutefois, cette capacité de prévision est sensible à la période considérée et même si les
corrélations restent supérieures à 0.5, l'erreur d'amplitude est souvent très large limitant en cela
l'utilisation de ces prévisions. En effet, les impacts sur la société sont fortement dépendants de
l'amplitude de l'événement ENSO. De plus, malgré les bons résultats de ces modèles pour des
"prévisions" d'événements passés, les deux ont échoué à prédire l'El Niño 1997/1998 considéré
comme le plus fort jamais observé.
Si l'on considére les scores de prévision des modèles statistiques ou intermédiaires ajoutés
à leur simplicité et à leur côut calcul faible, il est raisonnable de questionner l'utilisation de
modèles couplés globaux de circulation générale plus complexes à utiliser mais également à
interpréter et beaucoup plus coûteux. La réponse se trouve à la fois dans les limitations des
modèles simples et dans la perspective d'évolution des modèles de circulation générale. Les
modèles statistiques ou intermédiaires présentent deux défauts majeurs : 1- ils ont été calibrés
sur des événements passés et peuvent ne pas pouvoir représenter des changements climatiques
(d'origine naturelle ou anthropique) influençant les relations de causalité entre divers
paramètres; 2- ils calculent le plus souvent des anomalies interannuelles des différents
champs, anomalies relatives à des climatologies. Or l'état moyen du système climatique (tout
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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comme certains traits de sa climatologie) varient avec le temps. Ces changements peuvent de
fait influencer les capacités de ces modèles à prévoir la variabilité future d'ENSO.
Figure III.1.2: Amplitude de la dérive du modèle couplé du Centre Européen de Prévision
Météorologique à Moyen Terme (CEPMMT) en mode prévision après six mois de simulations.
Cette amplitude est la moyenne de toutes les prévisions réalisées sur la période 1991-1996
Pour remédier partiellement à ces limitations et en tenant compte du fait que l'océan est la
composante lente (i.e. la mémoire) du système climatique, des modèles couplés dits hybrides
couplant un modèle océanique de circulation générale et une atmosphère statistique
("esclave") ont été utilisés pour la prévision d'ENSO avec une certaine réussite (Latif et
Flügel, 1991; Barnett et al., 1993). Toutefois, l'évolution de nos connaissances des processus
physiques tropicaux, de nos capacités à les simuler ou à les paramétriser ainsi que
l'augmentation des moyens de calcul désignent les modèles couplés globaux de circulation
générale comme l'outil de demain pour la prévision climatique. Ces modèles représentent
beaucoup plus de phénomènes physiques importants pour le couplage océan-atmosphèrecontinents et, de par leur nature, simulent non seulement les anomalies mais également
l'évolution de l'état moyen du système climatique. De nombreuses difficultés ont été
rencontrées dans l'utilisation de ces modèles pour la prévision et peuvent être identifiées
comme suit :
• la dérive climatique des modèles durant les premiers mois du couplage (Fig.
III.1.2) : l'état initial des deux modèles n'est pas nécessairement consistant avec un
état d'équilibre possible du modèle couplé générant une dérive initiale vers la
trajectoire "naturelle" du modèle couplé; cette dérive peut induire des anomalies de
température du même ordre de grandeur que celles que l'on veut simuler.
• la stratégie de couplage des modèles : certains modèles sont totalement couplés
présentant une dérive climatique que l'on peut retrancher a posteriori comme l'a
proposé Stockdale (1997), alors que d'autres ont des procédures dites de correction
de flux (Ji et al., 1996; Latif et al., 1993).
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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•
l'initialisation des modèles : l'état initial d'un modèle d'océan ou d'atmosphère peut
être différent des observations de par les biais du modèle. Afin de réduire cet écart,
il est possible d'assimiler les observations dans le modèle par différentes méthodes
allant d'un simple "nudging" à des systèmes variationnelles plus complexes. Les
premiers résultats d'impacts de l'assimilation de données océaniques sur la
prévision d'ENSO semblent être assez positifs (Rosati et al., 1995).
III.2 Prévision de l'événement 1997/1998
L'événement El Niño 1997/1998 ayant été le plus fort jamais enregistré (McPhaden, 1999),
il est naturel de se demander comment les systèmes de prévision ont réussi à le prévoir. Il
s'avére que le modèle de Zebiak et Cane (1987) n'avait pas prévu cet événement, semble-t-il à
cause d'un biais dans les vents initialisant le modèle. Au contraire, et pour la première fois, les
centres opérationnels des modèles couplés de circulation générale ont eu plus de réussite.
Ainsi, le CEPMMT avait indiqué un réchauffement anormal dès novembre 1996 (Fig.
III.2.1.a). Toutefois les prévisions au départ d'avril 1997 n'indiquaient plus une tendance aussi
forte (Fig. III.2.1.b) montrant bien la complexité de l'interprétation et du recul nécessaire à
l'utilisation de ces prévisions pour des applications sociétales.
Figure III.2.1 : Trajectoires de l'ensemble des prévisions de l'indice Niño3 (en rouge) du système
de prévision saisonnière du CEPMMT (ECMWF en anglais) en partant des conditions initiales de
décembre 1996 (a- gauche) et de avril 1997 (b- droite). La courbe bleue représente les
observations de l'indice Niño3.
Les mois suivants ont tous montrés une tendance forte vers un événement d'ampleur
exceptionnelle. Le centre américain NCEP a également prévu cet événement chaud à partir
d'avril 1997.
L'expérience acquise au cours de ces dernières années a démontré la nécessité non
seulement de réaliser des ensembles de simulations pour un même modèle afin de capturer au
mieux les trajectoires du possible mais également d'utiliser un ensemble de modèles couplés
qui de par leurs physiques et leurs méthodes de couplage et d'initialisation offrent un champ
plus large des possibles et donc une plus grande probabilité de prévoir ENSO.
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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IV. Les impacts d'ENSO
IV.1 Les téléconnexions globales
Comme nous l'avons vu au cours des
précédentes parties, le phénomène El Niño
(phase chaude d'ENSO dont les impacts ont
été les plus étudiés) est diverse dans son
intensité, dans son calendrier (relatif au cycle
saisonnier, Fig. IV.1.1), dans son évolution
spatiale (propagation vers l'est, vers l'ouest,...)
et, finalement, dans sa structure spatiale.
Ses impacts géographiques vont donc être
distincts d'un événement à l'autre. Toutefois,
Figure IV.1.1 : Comparaison de la phase et amplitude il est possible de dresser une carte moyenne
des événements El Niño observés depuis 1957.
des impacts principaux observés (Fig. IV.1.2).
Selon Ropelewski et Halpert (1987), les principaux impacts d'ENSO (en moyenne, Fig.
IV.1.2) peuvent être résumés comme suit. Les impacts de la phase chaude d'ENSO touchent
différemment les régions du globe suivant la saison. Lors de la croissance de l'événement
(été/automne boréal), les effets connus sont une sécheresse sur les régions du Pacifique ouest
(Indonésie, Australie) où sont habituellement localisés les systèmes de convection
atmosphérique responsables de précipitations importantes. Ces régions de convection se sont
déplacées vers le Pacifique central d'où une augmentation des précipitations près de la ligne
de changement de date. Par ailleurs, on observe souvent un retard de mousson, responsable
d'une saison plus sèche sur le sous-continent indien. De même, l'Amérique Centrale reçoit de
plus faibles précipitations.
Figure IV.1.2. Composites des impacts globaux d'ENSO en termes de précipitation. À gauche, au cours de l'été
boréal. À droite, au cours de l'hiver boréal (pic de l'événement)
Alors que l'événement atteint son pic (hiver boréal), les impacts deviennent plus
importants. On observe ainsi un déficit de précipitations sur le Pacifique ouest et le nord de
l'Australie, un hiver doux sur le nord des Etats-Unis et le Canada, des précipitations
importantes le long des côtes d'Equateur et du Pérou mais également sur le nord de
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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l'Argentine et l'Uruguay (Fig. IV.1.3). Une sécheresse est observée dans la région Noreste du
Brésil. Un dipôle en précipitations est également présent sur l'est africain.
Figure IV.1.3 : Corrélations des précipitations (à gauche) et des températures (à droite) entre les
données de stations et l’indice Niño3 au cours de l'hiver boréal.
Les téléconnexions climatiques entre ENSO et de nombreuses régions du globe ont des
influences directes sur les populations que nous présenterons par la suite. Ces impacts sont
également remarquables dans l'océan Pacifique où l'activité biogéochimique est fortement
affectée et, par voie de conséquence, l'activité hauturière.
De plus, les très fortes précipitations observées dans certaines régions du globe (Equateur,
Pérou) affectent dramatiquement les populations et les infrastructures. Ainsi, en 1997, au
Pérou, il y a eu plus de 300.000 réfugiés, 900 km de route et près de 100 ponts détruits bien
que les autorités aient pu effectuer des aménagements ayant permis à réduire les impacts
dévastateurs d'ENSO. A l'échelle du globe, l'événement de 1997/1998 aurait provoqué selon
l'Organisation Mondiale de la Météorologie la mort de 24.000 personnes, le déplacement de
près de 6 millions, affecté 110 millions et provoqué 34 milliards de dollars de dégâts.
Comment la prévision d'El Niño (incluant l'erreur de prévision inhérente à toute système) peut
aider à réduire les impacts humains et économiques d'El Niño est une question d'importance
sur laquelle se penchent désormais climatologues, sociologues et économistes. Une démarche
pluridisciplinaire a été initiée en Australie afin de faciliter la communication de l'information
de prévision à des non-spécialistes, d'aider à la prise en compte de ce facteur dans la prise de
décision (e.g. agriculture) et à l'adaptation au risque "El Niño" sans toutefois mettre en danger
l'activité économique en cas d'erreur de prévision (cf. site australien du Climate Variability in
Agriculture R&D Program : http://www.cvap.gov.au/about.htm).
IV.2 L'écosystème marin dans le Pacifique équatorial
Sans rentrer dans une description exhaustive des processus biogéochimiques mis en jeu
dans la production primaire, on peut rappeler que cette production primaire (phytoplancton)
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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est fortement liée dans le Pacifique équatorial à l'apport par la subsurface de nutriments et que
cet apport dépend de l'intensité de l'upwelling équatorial. En période El Niño, le Pacifique
équatorial se réchauffe, les Alizés s'affaiblissent, la dynamique océanique (dont l'upwelling)
est fortement réduit et la chaîne de production primaire est ralentie. La conséquence observée
par satellite (Fig. IV.2.1) est une forte diminution de la Chlorophylle en surface (mesure de la
concentration en phytoplanctons) d'où une forte diminution de la production nouvelle
(simulée par Radenac et al., 1999). En 1982-1983, la pêche aux anchois au Pérou a chuté de
12 millions de tonnes à 0.5 millions de tonnes. Les conséquences économiques d'un
événement de forte amplitude (tels 1982/1983 et 1997/1998) sont dramatiques pour de
nombreux pays dont la richesse principale (agriculture, pêche, hydroéléctricité) est
dépendante des aléas climatiques.
Figure IV.2.1 : Concentrations de Chlorophyle observées par satellite en novembre 1996 par
POLDER (en haut à gauche) et en décembre 1997 par SeaWIFS (en bas à gauche) et la Production
Nouvelle simulée par un modèle biogéochimique couplé à un modèle océanique de circulation
générale à ces deux époques (d'après Radenac et al., 2001).
L'impact d'ENSO sur la pêche n'affecte pas seulement les côtes sud-américaines. Il est
également observable sur la pêche au thons située habituellement autour de la ligne de
changement de date. Il s'avère que la pêche aux thons est fortement dépendante spatialement
de la position du bord est de la piscine d'eaux chaudes (Lehodey et al., 2000; Picaut et al.,
2001). Ce bord est, caractérisé le plus souvent par l'isotherme 28°C, se déplace de plusieurs
milliers de kilomètres vers l'est en phase avec El Niño (Picaut et al., 1996). Il sépare
également les eaux froides et salées du Pacifique est équatorial (région oligotrophe de forte
production primaire) et les régions chaudes et peu salées du Pacifique ouest (de faible
production primaire). Le positionnement des thons dans la zone chaude semble lié au fait que
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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ces poissons carnivores pêchent à vue et traversent sans problème le front séparant les eaux
chaudes des eaux froides pour se nourrir. Ainsi, les zones de pêche aux thons se déplacent
vers l'est alors que les thons migrent vers l'est en période chaude suivant les fronts
thermohalins du bord est de la zone d'eaux chaudes et peu salées (Fig. IV.2.2).
Figure IV.2.2 : (a) Représentation de la position des zones de pêche aux thons avec superposées
les isothermes 28°C, 28.5°C (gras) et 29°C. L'indice de l'Oscillation Australe est également
présenté afin de montrer le lien entre le déplacement du bord est de la piscine d'eaux chaudes et
ENSO; (b) Coupe équatoriale de la salinité de surface simulée par un modèle océanique avec
superposées les régions de pêche et l'isohaline 35‰; (c) Coupe équatoriale de la température de
surface simulée par un modèle océanique avec superposées les régions de pêche et l'isotherme
28.5°C; (d) Coupe équatoriale des courants zonaux de surface simulés par un modèle océanique
avec superposées les régions de pêche.
IV.3 ENSO et la santé
Les impacts majeurs d'ENSO sur la santé sont résumés sur la Figure IV.3.1. Dans de
nombreux cas, ils résultent d'une modification des conditions environnementales favorisant
soit une augmentation du nombre de moustiques, vecteurs de maladies (Dengue, Malaria,...),
soit d'un afflux de souris ou rats (suite à des inondations ou une diminution de nourriture
disponible) porteurs d'infections, du Cholera,...
Lorsque l'on parle de l'impact d'El Niño sur des maladies tropicales telles la Dengue ou la
Malaria, il est nécessaire de distinguer l'existence même de ces maladies, conséquence dans
de nombreux pays d'un problème sanitaire lié à un manque de prévention, dû à l'état de
pauvreté de ces pays qui se trouvent de plus exposés aux aléas climatiques pouvant provoquer
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des variations dans le nombre de personnes infectées. Dans le cas de la Malaria en Colombie
(Fig. IV.3.2), on peut observer que, au-dessus d'une tendance à l'augmentation du nombre de
personnes infectées, les pics d'épidémies peuvent pour la plupart être liés à la variabilité
ENSO.
Figure IV.3.1 : Représentation schématique des impacts majeurs d'ENSO sur différents types de
maladies (d'après la NOAA).
Une telle relation laisse entrevoir la possibilité pour certaines régions fortement
influencées par ENSO de prédire les pics d'épidémies ou tout du moins les risques de fortes
épidémies à l'aide de la modélisation statistique ou dynamique. Ainsi, Poveda (2000) a montré
que la comparaison entre le nombre de personnes infectées en Colombie par la Malaria et la
simulation d'une concentration en moustiques de type P. Vivax (vecteur de la Malaria)
présentait une assez bonne corrélation permettant d'espérer avec le développement de modèles
de moustiques et des prévisions climatiques à l'échelle saisonnière de pouvoir mettre en place
des systèmes d'alerte du risque de pics d'épidémies.
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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Figure IV.3.2 : Evolution du nombre de personnes infectées par la Malaria en Colombie au cours
de la période 1955-1995
- 0.43
200000
Historical
Model
Number of cases
150000
- 0.38
100000
- 0.33
50000
0
1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
- 0.28
1995
Year
Figure IV.3.1. : Variations depuis 1950 du nombre de cas recensés de personnes infectées par la
Malaria et de la capacité vectorielle simulée du moustique P. Vivax à l'aide d'un modèle de
moustique satistique forcé par des conditions environnementales issues d'un modèle de circulation
générale atmosphérique global de basse résolution (plusieurs centaines de km en longitude et
latitude; d'après Poveda, 2000).
Le climat de la Terre : le système Terre, une approche physique globale; Ecole d'Oléron, 15-19 octobre 2001
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