décembre 2016

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Décembre
2016
LA LETTRE D’INFORMATION
DU COMITE D’ETHIQUE
N° 4
EDITO
La recherche sur l’embryon humain
D’une interdiction absolue à un régime d’autorisation strictement encadrée, la législation et la réglementation concernant les recherches sur
l’embryon humain ont été de nombreuses fois modifiées depuis une vingtaine d’années. Longtemps dominés par les questions relatives à
l’utilisation des cellules souches embryonnaires, le débat et les réflexions se sont ouverts à celles posées par les recherches concernant l’embryon
lui-même et son devenir. C’est dans ce sens que le comité d’éthique de l’INSERM (CEI) a orienté ses travaux depuis 3 ans à la demande de plusieurs
chercheurs et médecins qui l’avaient saisi. Comme l’ont montré les conclusions de la JRS organisée en octobre 2015*, il y a une réelle légitimité
scientifique et médicale pour que ces recherches soient entreprises afin de mieux lutter contre l’infertilité et d’assister la procréation humaine,
mais aussi d’améliorer les connaissances sur les étapes initiales du développement embryonnaire. De plus ce type de recherche n’est pas contraire
à l’éthique dans la mesure où elle est entreprise dans le respect de l’embryon en fonction de la situation dans laquelle il se trouve et avec le
consentement éclairé des personnes qui sont à son origine :
- Soit l’embryon ne s’inscrit plus dans un projet parental, ce qui est la destinée de la majorité des embryons issus de fécondation in vitro (voir
encadré). Dans ce cas, ce n’est pas la recherche qui détruit l’embryon car elle est faite sur un embryon qui n’a pas d’autre avenir que l’arrêt de son
développement.
- Soit l’embryon, qui peut se développer in vitro jusqu’à l’implantation, s’inscrit dans un projet parental. La recherche peut alors être menée au
bénéfice potentiel de l’embryon et celui-ci peut être transféré dans l’utérus à des fins de gestation quand c’est possible. Cette dernière disposition
est inscrite dans le code de la santé publique depuis début 2016. Elle a été validée par le Conseil Constitutionnel qui a considéré que la recherche
peut prévenir ou soigner des pathologies chez l’embryon.
Dans ce contexte, il est difficilement compréhensible que des procédures judiciaires continuent à être menées pour tenter de faire annuler les
autorisations de recherche qui sont délivrées.
La règle
« 3R
»
L’éthique
ne peutdes
se réduire
à l’élaboration
ou à l’interprétation juridique de textes législatifs et réglementaires. Elle se doit de respecter aussi les
normes et les valeurs morales qu’il importe de promouvoir, en l’occurrence celles des personnes qui, bien informées, donnent les embryons à la
recherche en toute conscience et en toute liberté.
*http://extranet.inserm.fr/colloques-seminaires/journees-recherche-et-sante/les-recherches-sur-l-embryon-humain-in-vitro-aspectsscientifiques-et-ethiques
Quels embryons pour la recherche ?
Groupe Embryon-Développement du
Comité d’éthique de l’Inserm (CEI)
coordonné par Pierre Jouannet
En 2014, les 59 774 fécondations in vitro (FIV) intraconjugales réalisées en France ont conduit à la création de 288 950 embryons. Parmi eux,
148 247 (51.3%) ont été estimés incapables de se développer et n’ont pas été transférés dans l’utérus ni congelés. Les 77 841 embryons
transférés ont permis la naissance de 13 473 enfants (17.3%). La même année la décongélation de 45 431 embryons a conduit à la naissance de
4 524 enfants (10%). Au 31-12-2014, 208 829 embryons étaient conservés congelés dont 35 348 ne s’inscrivaient plus dans un projet parental.
Parmi ces derniers, 21 539 avaient été donnés à la recherche.
La majorité des embryons issus d’une FIV n’ont pas d’autre avenir que la destruction. Les couples concernés donnent souvent ces embryons à la
recherche.
Source : http://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2015/donnees/procreation/01-amp/synthese.htm
Composition du groupe Embryon-Développement
du Comité d’éthique de l’Inserm (CEI)
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Anne-Sophie Lapointe
Jennifer Merchant
Bernard Baertschi
Marc Brodin
Pierre Jouannet
Grégoire Moutel
Journée annuelle du CEI, le mercredi 14 juin 2017 à Biopark
(Paris), sur le thème : « Comment pratiquer l’éthique
biomédicale dans un monde connecté ? »
Retrouvez les notes des groupes de
réflexion thématique du comité
d’éthique de l’Inserm sur le site :
L'éthique à l'Inserm
LIBRE PROPOS
La question du consentement dans la recherche sur l’embryon humain
Le consentement libre et éclairé est une pièce maîtresse des
exigences éthiques liées à la recherche. Emanation de l’autonomie
de la personne, elle garantit que la participation de celle-ci est
conforme à sa volonté, à ses valeurs et à son projet de vie. Elle lui
permet aussi d'être en accord avec ce qui va être fait. Les
embryons ne peuvent consentir à quoi que ce soit, mais ceux qui
sont à leur origine, à savoir les auteurs du projet parental qui a
conduit à leur création, le peuvent. C’est ce projet ou son abandon
qui leur donnent autorité pour décider en la matière, puisqu’il
s’agit de leurs embryons.
Deux situations bien différentes se présentent toutefois :
1° Le projet parental est abandonné et les embryons sont donnés à
la recherche.
2° La recherche est effectuée in vitro sur un embryon avant son
transfert éventuel dans l'utérus. La recherche a alors pour finalité
l’embryon, elle est donc à son profit potentiel.
Dans la première situation, la recherche concerne des embryons
qui auraient été de toute façon détruits. Elle peut être entreprise
immédiatement après une fécondation in vitro (FIV) ou un
diagnostic préimplantatoire mais elle peut l'être beaucoup plus
tard, lorsqu’il s’agit d’embryons congelés. Par conséquent, il n’est
pas toujours possible que le consentement soit donné en vue d'un
projet de recherche précis. Il faudrait donc qu’il le soit de manière
générale, en faveur d’une ou plusieurs catégories de recherches
que les personnes ayant décidé de donner leurs embryons
choisiront en fonction des valeurs qu’ils désirent promouvoir. On
peut identifier trois catégories de recherches : celles dont la finalité
n'est pas l'embryon lui-même (par exemple les recherches sur
cellules souches embryonnaires), les recherches fondamentales
concernant le développement normal et pathologique de
l'embryon et les recherches ayant pour but de lutter contre
l'infécondité.
La seconde situation est celle où la recherche est réalisée sur des
embryons s’inscrivant dans un projet parental. Elle nécessite un
consentement spécifique, distinct du précédent, qui tienne compte
de la balance risques / bénéfices pour l’embryon ainsi que des
conditions de suivi durant la grossesse et après la naissance.
Il faut relever que ces deux types de situations coexistent parfois
lors d’une même tentative de FIV où certains embryons ne
peuvent pas être inclus dans le projet parental du fait de leur
anormalité (par exemple embryons triploïdes), alors que d’autres
peuvent faire l’objet d’une recherche tout en restant dans le projet
parental (par exemple pour évaluer des marqueurs biologiques de
développement).
Dans ces diverses situations, la valeur du consentement donné est
fonction naturellement de l’absence de pression extérieure, mais
dépend surtout de la qualité de l’information reçue. Celle-ci doit
être intelligible et adaptée au mieux aux situations et aux
personnes. Il est important que cette information ne soit pas
donnée uniquement avant le consentement mais que les
personnes ayant donné des embryons à la recherche soient
également tenues informées du devenir de leur don. Il ne s’agirait
pas de dire précisément à chaque couple comment ses embryons
ont été utilisés, mais de mettre à leur disposition des documents
publiés régulièrement faisant état de l’ensemble des résultats
obtenus grâce aux recherches menées sur l’embryon humain.
Groupe Embryon-Développement du
Comité d’éthique de l’Inserm (CEI)
coordonné par Pierre Jouannet
Texte rédigé par Bernard Baertschi
ACTUALITES
Avril 2017 : Atelier franco-indien "Fostering global responsible research with CRISPR-Cas9" à l'initiative du CEI
29-30 mai 2017 : Rencontre du CEI avec la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine Suisse à Genève
28-31 mai 2017 : 5th World Conference on Research integrity, Amsterdam, http://www.wcri2017.org/
Midis et Séminaires 2016-2017 : « Capabilités et Care face à la technicisation des soins », https://www.uclouvain.be/376027.html
15-16 septembre 2017 : 18th Nursing Ethics Conference and
https://www.kuleuven.be/communicatie/congresbureau/nursingethics2017
3rd
International
Ethics
in
Care
Conference,
23 novembre 2017 : JRS « Genre en santé publique » co-organisée par le CEI et l'Institut de santé publique
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Retour sur les séminaires du comité d'éthique, http://www.inserm.fr/qu-est-ce-que-l-inserm/l-ethique-a-l-inserm/seminaires-ducomite-d-ethique
29-30 septembre 2016 : Conference “Utopias for our times”, http://www.kuleuven.be/metaforum/page.php?LAN=E&FILE=utopiasfor-our-times
12 juillet 2016 : Audition à l’Assemblée Nationale de Catherine Vidal et Muriel Salle sur le sujet : « Genre et Santé »,
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4150741_578503d3494ee.delegation-aux-droits-des-femmes--mme-catherine-vidalneurobiologiste-et-mme-muriel-salle-histori-12-juillet-2016
« Vulnérabilité et capacité », Journal international de bioéthique et d‘éthique des sciences, Volume 27 septembre / Nov 2016,
coordonné par Mylène Botbol-Baum
« L’intégrité scientifique et corporelle à géométrie variable du Nord au Sud et les impasses de la probité pour la bioéthique globale »,
Mylène Botbol-Baum, Dalloz, 2016
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