La fonte du Kilimandjaro n’est probablement pas attribuable au réchauffement climatique
Écrit par Olivier Dumont
Vendredi, 09 Novembre 2012 14:26
Selon Kaser, la fonte en forme de lames de couteaux et de murs verticaux du glacier du
sommet du Kilimandjaro est le signe d'une fonte par sublimation, avec des températures
inférieures à zéro. Elle serait due à un asséchement de l'Afrique depuis la fin du XIXe, et non
au réchauffement climatique. Ce qui n'enlève rien à la réalité du réchauffement climatique. In
Kaser et al, 2004
... ce qui ne remet pas en cause la réalité du réchauffement anthropique.
D’après les travaux scientifiques récents, la fonte passée et future des fameux glaciers n’est
probablement pas attribuable principalement au réchauffement; en tout cas, un tel lien n’est
pas démontré. Il serait même possible qu’un réchauffement plus marqué puisse sauver ces
glaciers, s’il se traduit par plus de précipitations, selon Georg Kaser. Ce qui n’est pas à
souhaiter, bien sûr.
Pourtant, le Kilimandjaro a souvent été pris comme un emblème du réchauffement. Au grand
dam des scientifiques eux-mêmes. Les climato-sceptiques s’en sont alors donné à cœur joie.
Voyez, disent-ils, comme ils vous racontent des fadaises! Pourtant, l’absence de lien décisif
entre réchauffement global et Kilimandjaro ne remet en cause ni la réalité du réchauffement
anthropique, ni la communauté scientifique concernée, et encore moins le GIEC. Celui-ci avait
en effet cité les travaux remettant en cause le lien entre réchauffement et Kilimandjaro dans son
rapport de 2007.
1 / 6
La fonte du Kilimandjaro n’est probablement pas attribuable au réchauffement climatique
Écrit par Olivier Dumont
Vendredi, 09 Novembre 2012 14:26
Cela n’a pas empêché de nombreux médias d’illustrer leurs articles par des photos du «Kili».
Ces approximations sont une aubaine pour les climato-sceptiques. Ils en profité pour nier
l’ensemble des travaux des scientifiques «réchauffistes» et pour faire croire que le GIEC et les
scientifiques concernés se trompent.
Mais ceux qui se sont trompés, en l’occurrence, se sont surtout les services d’illustration des
médias, qui bien souvent s’empressent de mettre des photos du Kilimandjaro ou d’ours polaires
au moindre article évoquant le climat, sans demander son avis à l’auteur de l’article. Et les clim
atosceptiques
eux-mêmes, dont les plus avertis ont fait semblant de ne pas savoir que l’ensemble de la
communauté scientifique était déjà au courant.
La délicate enquête des glaciologues
Avant 2003, les glaciologues pensaient généralement que le réchauffement climatique était
responsable de la diminution des glaces du Kilimandjaro. C’est ce qu’affirment par exemple les
travaux Thompson (Thompson et al, 2002). Cela explique sans doute pourquoi le glacier
popularisé par Hemingway soit devenu un emblème.
2 / 6
La fonte du Kilimandjaro n’est probablement pas attribuable au réchauffement climatique
Écrit par Olivier Dumont
Vendredi, 09 Novembre 2012 14:26
Du fait de sa situation proche de l'équateur, le Kilimandjaro connaît deux saisons sèches etdeux saisons humides. Pendant les saisons sèches, le soleil, plus bas, fait fondre la glace parsublimation. Pendant les saisons humides, le soleil, plus haut, est masqué par les nuages.Selon Kaser, in Kaser et al, 2004
Mais en 2003 plusieurs publications de Molg, Hardy, Kaser et al (Molg et al, 2003; Kaser et al,2003) ont conclu que le réchauffement climatique n’était pas en cause. Pour eux, ce sont leschangements dans les conditions d’insolation, dus à l’assèchement de l’Afrique depuis la fin duXIXe, qui en sont les principaux responsables. En effet les glaciers du Kilimandjaro sont situésà une altitude si élevée que malgré leur situation près de l’équateur, les températures montentrarement au dessus de zéro, ce qui emêche leur fonte, réchauffement ou pas. Par contre,l’insolation provoque un phénomène de sublimation qui génère des effets complexes et setraduit par une fonte particulière, comme le prouve la forme des glaciers du sommet. D’autresscientifiques pointent la responsabilité de la déforestation qui a lieu localement, et qui a poureffet de réduire la couverture nuageuse.
Toutefois, ces scientifiques ne remettent pas du tout en question la réalité du réchauffementclimatique global ni la responsabilité humaine de celui-ci. Ni même la responsabilité duréchauffement global dans la fonte de la plupart des autres glaciers.
Pourtant Le débat scientifique n’est pas clos à ce sujet. Thompson a répliqué aux publicationssuccessives de Kaser par une étude publiée en 2011 dans «Annals of Glacioloy», maintenantl’idée que le réchauffement est bien en cause parce que, si la température reste en dessous dezéro à 50cm au-dessus de la glace, celle-ci a pu se maintenir pendant leurs relevés à zérodegré pendant 8 heures par temps clair, ce qui indique que le réchauffement peuet jouer unrôle. D’après ces travaux, les isotopes d’oxygène et d’hydrogène plaident également contre lafonte par sublimation. Une sorte de match oppose ainsi depuis une décennie Thompson àKaser, Mog et Hardy sur ce point.
Une controverse scientifique sur un point particulier
Cela signifie, quoi qu’en disent les climato-sceptiques, que le débat scientifique se déroule
normalement à propos du climat. Ce genre de controverses, courant dans le milieu scientifique,
a lieu loin des médias sous la forme d’expérimentations et d’argumentations soignées, publiées
dans des revues à comité de lecture. Les controverses se focalisent sur des points particuliers
où il n’y a pas encore de certitude. Mais sur le réchauffement global et la responsabilité des
émissions humaines de gaz à effet de serre (GES), il n’y a plus de controverse depuis plusieurs
décennies, tout simplement parce que l’ensemble de la communauté scientifique est en accord.
Un accord qui provient des expérimentations et des recherchent qu’ils pratiquent tous les jours.
Décalage entre Médias et Sciences
Le décalage entre la controverse médiatique d’un côté, nourrie par les climato-sceptiques, qui
repose à la fois sur des mensonges grossiers et sur la maladresse des médias, et entre la
controverse scientifique, qui met en jeu des arguments assez subtils sur des points particuliers,
nous parait édifiant. Il mériterait d’être étudié par les acteurs des médias, qui, par leurs
pratiques parfois approximatives, ne rendent pas service aux vérités de notre monde – alors
qu’en rendre compte est bien souvent leur profonde motivation.
3 / 6
La fonte du Kilimandjaro n’est probablement pas attribuable au réchauffement climatique
Écrit par Olivier Dumont
Vendredi, 09 Novembre 2012 14:26
Le Débat scientifique
Voici les principales publications traitant les causes de la fonte du Kilimandjaro :
- Thompon et al, 2002, Science . Les auteurs mettent en évidence la responsabilité du
réchauffement global dans la fonte rapide du glacier.
- Kaser et al, 2004, International Journal of Climatology. Kaser, Hardy, Molg, Bradley et Hyera
remettent en cause les conclusions de Thompson. L’étude s’appuie sur l’historique de la
diminution du glacier, depuis 1880, en corrélation avec l’assèchement généralisé de l’air en
Afrique depuis la même date. Elle repose également sur une étude détaillée des mécanismes
physiques: sublimation due à l’insolation, chaleur latente, chaleur sensible, angle des rayons
lumineux, horaires et saisons de l’insolation, formes et particularités de la fonte.
- Contre Vents et Marée , Agrawala, Publications de l’OCDE , 2005 . L’étude montre les
impacts du développement du territoire sur le climat local en association avec le changement
global. Il montre que la fonte du Kilimandjaro aura peu d’impacts sur l’alimentation en eau
puisque les cours d’eau sont principalement alimentés par les nuages se formant dans les
forêts. Ce qui est inquiétant, donc, n’est pas la fonte des glaces, mais la diminution de la
surface des forêts, qui peut être due à plusieurs causes.
- Kaser et Mote 2007, article grand public traduit en français, Pour la Science . Les auteurs
reviennent pour le grand public sur les mécanismes défendus dans leur article de 2003.
- Thompson et al, 2009, PNAS . Les auteurs signalent que si l’humidité de l’air a varié dans le
passé, une telle fonte du glacier n’a pas d’équivalent depuis 11700 ans, alors que celui-ci a
4 / 6
La fonte du Kilimandjaro n’est probablement pas attribuable au réchauffement climatique
Écrit par Olivier Dumont
Vendredi, 09 Novembre 2012 14:26
survécu à un assèchement très important il y 4200 ans, pendant 300 ans.
- Molg, Cullen, Hardy et Kaser, 2009, Journal of Climate. Les auteurs confirment le lien
privilégié entre humidité de l’air et diminution des glaces du Kilimandjaro.
- Thompson et al, 2011, Annals of glaciology . Les auteurs reviennent sur cette controverse
grâce à une nouvelle campagne de mesures. Ils montrent que si la température à 50cm
au-dessus
de la glace est toujours largement négative, la température
à la surface
de la glace est de 0°C, indice d’une fonte possible par réchauffement. Les isotopes d’oxygène
et d’hydrogène plaident également selon eux pour une fonte par chaleur sensible, c’est-à-dire à
cause du réchauffement. Ils maintiennent donc l’idée que la cause principale est le
réchauffement climatique.
Références :
- Kilimanjaro Ice Core Records : Evidence of Holocene Climate Change Tropical Africa,
Science, 2002, Thompson, Moley-Thomson, Davis, Henderson, Brecher, Zagorodnvo,
Mashiotta, Lin, Mikhalenko, Hardy, Beer.
- Modern glacier retreat on kilimanjaro as evidence of climate change : observations and facts,
International Journal of Climatology, 2004, Georg Kaser, Douglas R. Hardy, Thomas Molg,
Raymond s. Bradley and Tharsis M. Hyera.
5 / 6
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !