Service de Pharmacologie Médicale et Clinique du CHU de

BIP31.fr 2012, 19 (1), page -1-
BIP31.fr 2012, 19, (1), 1-17
BIP31.fr fait partie de l'ISDB
(International Society of Drug Bulletins),
réseau International de revues
indépendantes de formation et
d'informations sur le médicament et la
thérapeutique
Service de Pharmacologie Médicale et Clinique
du CHU de Toulouse
Faculté de Médecine, 37 allées Jules-Guesde, 31000 Toulouse, France
Centre Midi-Pyrénées de Pharmacovigilance, de Pharmacoépidémiologie et d’Informations sur le Médicament (CRPV)
Tel : 05 61 25 51 12 (permanence téléphonique) ; Fax : 05 61 25 51 16 ; Courriel : pharmacovigilance.toulouse@cict.fr
Déclaration en ligne : http://www.bip31.fr/declarationenligne.php
Centre Midi-Pyrénées d’Evaluation et d’Informations sur la Pharmacodépendance et d'Addictovigilance (CEIP-A)
Tél : 05 62 26 06 90 ; Fax : 05 61 25 51 16 ; Courriel : ceip.toulo[email protected]
Site Internet : www.bip31.fr
Compte Rendu des XIIIèmes Rencontres de
Pharmacologie Sociale de Toulouse
Nous étions plus de 350 dans le Grand
amphithéâtre de la Faculté de decine de Toulouse le 30
novembre dernier pour écouter François Autain, Sénateur
Honoraire et Président de la mission d’Information du
Sénat sur le Médiator®. Le conférencier a d’abord rappe
l’histoire de ce médicament ainsi que les diverses étapes
de la découverte de ses effets indésirables. Il a ensuite
discuté les 3 questions auxquelles la mission d’information
a essayé de répondre :
1. Comment a-t-il été possible de faire passer
pendant 33 ans (1976-2009) un anorexigène pour
un antidiabétique ?
2. Pourquoi le Médiaton’a-t-il pas été retiré plus
tôt ?
3. Pourquoi notre système de PharmacoVigilance
s’est-il montré si peu réactif ?
Dans une dernière partie, F. Autain a discuté les
modifications du système d’évaluation des médicaments
mises en place à la suite de l’ « affaire Médiator® » :
transformation de l’AFSSaPS en ANSM (Agence
Nationale de Sécurité du Médicament), projet de loi…
Retrouvez l’ensemble de l’intervention avec le lien
suivant : http://www.chu-
toulouse.fr/IMG/pdf/conference_toulouse_nov_2011.pdf
Editorial
Prescrire : oui ! Mais, aussi savoir Déprescrire dans
l’intérêt de nos malades !
Jean-Louis Montastruc
Dans le troisième numéro de BIP31.fr de 2011,
nous écrivions, à propos de la pertinence des
prescriptions : « Toute bonne ordonnance a une fin.
Sachons retirer les médicaments superflus en évitant les
traitements à vie. Que le prescripteur n’hésite pas aussi à
« déprescrire » ! »
http://www.bip31.fr/bip/BIP31.fr%202011,%2018,%20%283%29,%2026
-40.pdf . Philippe Pinel, grand aliéniste du XVIIIème Siècle
(1745-1826), ne disait pas autre chose: « Ce n’est pas un
art de peu d’importance que de prescrire correctement des
médicaments, mais c’est un art d’une bien plus grande
difficulté que de savoir quand les arrêter ou ne pas les
prescrire ». Ainsi, la déprescription doit être dans l’esprit
et les objectifs du médecin dès le moment même de la
première ordonnance.
Combien de patients arrivent dans nos bureaux de
consultations ou nos salles d’hospitalisations avec des
ordonnances surchargées de médicaments, qualifiés
d’inutiles ou, selon le joli mot du Professeur Bergman, de
« demicaments » (qu’il vaut mieux appeler, pour être
politiquement corrects, médicaments à SMR insuffisant).
Notre devoir de médecin est alors de réfléchir au rapport
néfice risque de chacun des médicaments, à leurs risques
d’interactions et d’effets indésirables. Il convient alors de
déprescrire, de « toiletter » ou de « dépoussiérer » les
ordonnances, comme disent certains.
En fait, la déprescription doit concerner plusieurs
types de médicaments :
-tout d’abord, comme indiqué plus haut, les
médicaments n’ayant jamais fait la preuve de leur
efficacité clinique (même si leur mécanisme d’action est
« original » ou « innovant » !): vaso « inactifs »,
mucolytiques, veinotropes, hépatotropes…
-ensuite, les médicaments dont le rapport
bénéfice risque est clairement défavorable, en raison
d’effets indésirables « graves » pour les patients, surtout
s’il existe des alternatives. Les exemples sont nombreux :
coxibs, dronédarone, ergotés, cimétidine, télithromycine,
moxifloxacine…
-puis, les associations médicamenteuses
présentées au sein d’une même spécialité : C’était le cas
de la combinaison dextropropoxyphène + paracetamol (ex
Diantalvic®) ; c’est encore le cas de certaines associations
commerciales comme colchicine + opium + tiemonium
Colchimax®, aciclovir + hydrocortisone Xerclear® ou
autres. On peut retenir, d’une façon nérale, le caractère
illogique et aussi dangereux de ces associations
médicamenteuses toutes faites. La semaine dernière, nous
examinions un patient recevant 7 médicaments différents,
dont plusieurs associations commerciales, et finalement 2
fois du furosémide (1 fois seul dans Lasilix®, 1 autre en
association dans une combinaison toute faite où le
prescripteur n’avait pas, bien sûr, identifié la présence du
- BIP31.fr 2012, 19 (1), page - 2 -
diurétique hypokaliémiant !). Une des rares exceptions à
cette règle concerne, évidemment, les médicaments
antirétroviraux, pour des raisons évidentes de commodi
d’emploi pour les patients. A l’inverse, il convient de
sensibiliser nos patients (que nous soyons médecin ou
pharmacien) aux risques des gammes ombrelles (Hume
et autres), puisque la composition en principes actifs varie
grandement selon la présentation. Nous y reviendrons dans
un prochain BIP31.fr ;
-enfin, les médicaments à risque d’interactions,
qu’elles soient d’origine pharmacocinétique ou
pharmacodynamique. L’exemple pharmacocinétique
concerne les interactions autour des isoenzymes du CYP P
450 : hypotension artérielle sous anticalciques +
macrolides (inhibiteurs du CYP 3A4), insuffisance rénale
sous immunosuppresseurs (tacrolimus, ciclosporine) +
antifongiques azolés (eux aussi inhibiteurs du CYP 3A4),
hémorragies sous AVK + antifongiques azolés (inhibiteurs
du CYP 2C9)… En terme pharmacodynamique, l’exemple
premier concerne les psychotropes et leurs associations,
sources d’effets fâcheux neuropsychiatriques (sédation,
confusion, troubles de la mémoire, agitation,
dépendance…). Ceci concerne évidemment les (trop)
nombreuses associations de plusieurs benzodiazépines ou
de 2 antidépresseurs, mais aussi, plus simplement, la durée
des traitements par ces benzodiazépines ou
antidépresseurs. Quand et comment les arrêter ? Nous
convenons que la réponse n’est pas évidente même si elle
s’avère primordiale pour les patients. Dans ce cadre, la
prescription en DCI est naturellement une aide majeure à
la démarche de déprescription.
En effet, la déprescription peut parfois
s’accompagner de vrais effets indésirables : syndromes de
sevrages mineurs (nausées, vomissements) ou plus
rarement majeurs (convulsions, psychoses…) ; syndromes
de rebond (tensionnels avec les antihypertenseurs,
insomnie et anxiété rebonds avec les benzodiazépines ou
les atropiniques), syndromes d’hypersensibilité
(dopaminergique comme les dyskinésies tardives avec les
neuroleptiques, noradrénergique avec les
antidépresseurs…). C’est dire que seuls certains
médicaments peuvent être dé-prescrits sans crainte et
rapidement. D’autres le seront, s’ils doivent l’être, avec
prudence, précautions et lenteur.
En fait, cette démarche de déprescription, peu (ou
même pas du tout) enseignée à la Faculté, souffre aussi de
son absence d’évaluation au cours des essais cliniques. Les
travaux sur ce sujet sont trop peu nombreux. Il ne s’agit
jamais d’un thème promu par les appels d’offres de
recherche clinique. Une occasion de plus pour regretter
que les essais cliniques soient trop souvent conduits dans
le seul but d’obtenir l’AMM ! Il nous faut assurément
désormais travailler, dans une perspective moderne de
« Bon Usage du Médicament », pour évaluer la durée
optimale de prise ainsi que les modalités d’arrêt (brutal ou
progressif ?) de ces médicaments anticoagulants,
psychotropes, corticoïdes, antiinflammatoires ou autres.
Cette démarche de déprescription s’avère d’autant
plus justifiée que toutes les enquêtes de
PharmacoVigilance ont clairement montré la large
prédominance des effets indésirables médicamenteux lors
des expositions chroniques aux médicaments (AVK,
AINS…) par rapport aux usages aigus. Ainsi, déprescrire
est aussi une conduite obligatoire chez les sujets à risque
d’effets indésirables médicamenteux et/ou largement
exposés à des médications chroniques : femmes enceintes,
personnes âgées, insuffisants cardiaques, rénaux ou
hépatiques…
Cette attitude nouvelle concerne, en premier lieu,
le médecin généraliste, garant par sa situation privilégiée,
de la cohérence et de l’innocuité des prescriptions de ses
patients. Elle doit aussi impliquer largement les
spécialistes qui doivent s’assurer lors de leur prescription,
de la cohérence de celle-ci avec les autres médicaments.
Combien de malaises, de chutes ou de fractures du col du
mur auraient pu être évités chez les patients Alzheimer si
on avait dé-prescrit les anticholinestérasiques (désormais à
SMR faible et ASMR V), lorsqu’un cardiotrope
bradycardisant (diltiazem, verapamil, amiodarone,
digoxine…) s’avère indispensable ?
La liste des Médicaments de BIP31.fr à éviter
(véritable « Guide du Médecin Dé-prescripteur »), inclue
désormais à la fin de chaque livrée de BIP31.fr, s’enrichit
dans ce numéro de nombreux nouveaux médicaments à
éviter. Cette liste doit servir d’aide pratique à la (dé-)
prescription. Son contenu évolue en fonction de l’actualité,
et notamment des données de nos propres évaluations ou
des conclusions des Agences du Médicament (AFSSaPS,
EMA, FDA). Nous demandons aux lecteurs de BIP31.fr de
bien vouloir nous adresser leurs commentaires,
suggestions et critiques. Leur retour d’expérience sera
aussi le bienvenu.
Alors, prescrivons de façon rationnelle mais
n’hésitons pas non plus à déprescrire ! Nos malades nous
en serons reconnaissants. C’est aussi ceci la « pertinence
des prescriptions » !
Il est désormais possible de déclarer les effets indésirables
médicamenteux DIRECTEMENT EN LIGNE au CRPV de
Toulouse en allant sur le site www.bip31.fr (page d'accueil)
Sur d’autres bonnes tables
Devant une confusion ou une stupeur, penser à une
encéphalopathie à l’acide valproïque
Docteur Annie-Pierre Jonville-Béra
Directrice du CRPV de Tours
L’acide valproïque (Dépakine®, Dépakote®,
Valpromide®) s’utilise dans l’épilepsie et les troubles
bipolaires et schizo-affectifs. Des publications font le point
sur l’enphalopathie souvent méconnue associée à l’acide
valproïque.
La symptomatologie associe ralentissement
psychomoteur avec ou sans désorientation temporo-
spatiale, somnolence ou agitation et troubles de
conscience. Il peut également exister astérixis, troubles
ataxiques ou praxiques, syndrome pseudo-parkinsonien et
crises convulsives. L’évolution peut se faire vers une
léthargie et un coma. Les symptômes surviennent entre
quelques jours et plusieurs années de traitement. L’IRM
peut mettre en évidence un œdème cérébral.
L’ammoniémie est néralement élevée (mais pas
toujours) et la dépakinémie normale ou élevée sans
corrélation avec la gravité. Le bilan hépatique est normal
ce qui différencie cette encéphalopathie de l’hépatotoxicité
du médicament. Les signes cliniques, les anomalies
caractéristiques de l’EEG et l’ammoniémie se normalisent
en quelques jours après l’arrêt de l’acide valproïque. Les
facteurs déclenchants peuvent être une augmentation de
posologie, une maladie hépatique sous-jacente, une
polythérapie antiépileptique (association au topiramate),
- BIP31.fr 2012, 19 (1), page - 3 -
un sepsis ou un déficit en carnitine (régime végétarien
strict, patients dialysés,…). En effet, lhyperammoniémie
serait liée à une carence en carnitine induite par l’acide
valproïque (corrélation inverse entre ammoniémie et
carnitinémie), ce qui conduit certains auteurs à proposer
une mesure de la carnitine plasmatique chez les patients à
risque (troubles métaboliques ou neurologiques,
polythérapie antiépileptique, anomalie de la fonction
hépatique ou rénale).
Ainsi, la survenue de troubles de conscience chez
un patient traité par acide valproïque, doit faire évoquer
une encéphalopathie à l’acide valproïque, même si le
traitement est pris depuis longtemps, que l’ammoniémie
est normale et la dépakinémie dans la zone thérapeutique.
L’arrêt de lacide valproïque est impératif car me si la
réversibilité à larrêt est la règle, des comas conduisant au
décès ont été publiés (d’après Actu Pharmaco Clin 2012,
91, 5).
A QUOI SERT LE CENTRE REGIONAL DE
PHARMACOVIGILANCE ?
QUE PEUT-IL VOUS APPORTER ?
Le Centre de Pharmacovigilance a pour mission de
répondre à vos questions sur le médicament (prescription, effets
indésirables, efficacité démontrée, interactions médicamenteuses,
utilisation chez le sujet à risque, pendant la grossesse,
allaitement…).
Le Centre de Pharmacovigilance reçoit et analyse les
notifications d’effets indésirables.
La loi rend obligatoire la déclaration de tout effet
indésirable “grave” (entraînant un décès, une hospitalisation, une
mise en jeu du pronostic vital ou des séquelles) même connu des
médicaments (ou des médicaments dérivés du sang) ainsi que
tout effet indésirable "inattendu" (c'est-à-dire non mentionné
dans le Vidal) par tout professionnel de santé (médecin,
chirurgien-dentiste, pharmacien, sage-femme,...). La claration
doit se faire au Centre Régional de Pharmacovigilance
(Coordonnées en première page).
http://www.bip31.fr/declarationenligne.php
PharmacoVigilance
Effets indésirables hépatiques et pulmonaires graves de
la nitrofurantoïne
Jean-Louis Montastruc
L’Afssaps, a procéà la réévaluation du rapport
néfice/risque de la nitrofurantoïne, un antibactérien
urinaire de la famille des nitrofuranes
(FURADANTINE®, FURADOÏNE® et
MICRODOÏNE®).
En raison d’un risque d’hépatites et de
pneumopathies (aigues ou avec fibroses), l’Afssaps
informe les professionnels de san des modifications
importantes apportées aux conditions d’utilisation de la
nitrofurantoïne :
Désormais, en traitement curatif des cystites, la
prescription des spécialités à base de nitrofurantoïne doit
être résere à la petite fille à partir de 6 ans, l’adolescente
et la femme adulte lorsque :
-d’une part la cystite est documentée due à des
germes sensibles ;
-et d’autre part lorsqu’aucun autre antibiotique
présentant un meilleur rapport néfice/risque ne peut être
utilisé par voie orale.
L’utilisation de la furadantine peut néanmoins
être envisagée en traitement probabiliste, si l’état de la
patiente nécessite d’instaurer un traitement en urgence
et/ou d’après ses antécédents (cystites récidivantes dues à
des bactéries multirésistantes). En revanche, la furadantine
ne doit plus être utilisée en prophylaxie continue ou
intermittente.
Par ailleurs, en raison du risque potentiel grave
immunoallergique, son utilisation répétée doit être évitée.
Aliskirène, attention !
Encore un exemple de la nécessaire prudence vis-à-vis
des « nouveaux » médicaments !
Jean-Louis Montastruc
L’aliskirène est un inhibiteur direct de la rénine,
commercialisé en monothérapie (Rasilez®) ou en
association avec le diurétique hydrochlorothiazide (Razilez
HCT®) ou l’anticalcique amlodipine (Rasilamlo®)
comme antihypertenseur. Lors de sa commercialisation,
BIP31.fr rappelait l’absence de recul à long terme en
termes de morbidité et de mortalité. La HAS avait aussi
conclu à son absence de supériorité par rapport à l’existant
avec un ASMR V.
En cembre 2011, l’AFSSaPS a infor de la
survenue d’évènements « graves » cardiovasculaires
(AVC, décès d’origine cardiovasculaire) et rénaux
(insuffisances rénales parfois mortelles) dans un essai chez
le diabétique de type 2 comparant placebo et aliskirène.
Les 8600 patients de cette étude recevaient aussi soit un
IEC soit un sartan (ARA2, antagoniste des récepteurs à
l’angiotensine 2). D’autres évènements indésirables ont été
rapportés : hyperkaliémies, chutes, hypotensions
artérielles… L’essai clinique a été immédiatement arrêté.
Il convient donc, selon l’AFSSaPS, de ne pas
prescrire d’aliskirène chez les patients à risque, c’est-à-
dire ceux sous IEC ou ARA2, les diabétiques de type 2, les
insuffisants rénaux (modérés à sévères) et les patients aux
antécédents ischémiques cardiaques et/ou cérébraux.
BIP31.fr conseille, évidemment, d’éviter totalement
l’aliskirène chez tous les patients, en attendant d’en savoir
plus. D’ailleurs, pourquoi le prescrire puisqu’il n’a jamais
montré un quelconque intérêt clinique?
Encore un exemple de la nécessaire prudence vis-
à-vis des nouveaux » médicaments ! BIP31.fr le dit
souvent (sans être entendu) : restons méfiant vis-à-vis des
pseudo-nouveautés nécessairement insuffisamment
évaluées au moment de l’AMM : laissez vivre les
nouveaux médicaments avant de les prescrire et restons
Pharmaco-Vigilants !
Un effet indésirable nouveau des Inhibiteurs de la
Pompe à Protons (IPP): l’hypomagnésémie
Jean-Louis Montastruc
Depuis quelques années, on insiste sur le risque
d’hypomagnésémie sous IPP. Nos collègues du CRPV
d’Andalousie ont, par exemple, reçu en 2008 une
notification d’hypomagnésémie « grave » (0,2 mg/l pour
une normale entre 1,7 et 2,5) sous oméprazole avec, sur le
plan clinique, tétanie, crise comitiale et tachycardie
ventriculaire. Depuis 1 mois, la patiente se plaignait de
paresthésies des 4 membres. L’hypomagnésémie
s’accompagnait d’hypocalcémie et d’hypokaliémie (Alerta
de Farmacovigilancia 2011).
L’OMS a récemment repris cette information en
signalant la responsabilité de tous les IPP, la disparition de
l’hypomagnésémie à l’arrêt de l’IPP et le caractère
« grave » de cet effet indésirable. L’hypomagnésémie,
- BIP31.fr 2012, 19 (1), page - 4 -
souvent associée à une hypokaliémie et compliquée de
convulsions et de troubles du rythme cardiaque, survient
habituellement après utilisation prolongée (2 mois et à 11
ans dans l’expérience espagnole). Le mécanisme reste
discuté : on évoque un défaut d’absorption intestinale du
magnésium (en affectant les canaux TRPM6) (WHO Drug
Information 2011, 25, 243).
A connaitre, reconnaitre et notifier au CRPV.
Effets indésirables cardio-vasculaires et neurologiques
des spécialités à base de vasoconstricteur à visée
décongestionnante.
Emmanuelle Bondon-Guitton
Ces médicaments sont des alpha stimulants,
sympathomimétiques directs ou indirects, indiqués dans le
traitement symptomatique du rhume, pathologie bénigne,
pour laquelle il existe des alternatives (sérum
physiologique). La plupart des formes sont des
associations fixes (vasoconstricteur plus antalgique,
corticoïde, antiseptique ou mucolytique) qui ont un SMR
insuffisant. Il existe 3 formes, contenant un seul principe
actif (le vasoconstricteur), qui ont un SMR modéré : une
forme orale, le Sudafed® (pseudoéphédrine), et 2 formes
nasales, Aturgyl® et Pernazène® (oxymétazoline). Les
formes orales sont en vente libre et les formes nasales,
soumises à prescription. Les effets indésirables cardio-
vasculaires (angor, infarctus du myocarde, poussées
hypertensives…) et neurologiques (convulsions, accidents
vasculaires cérébraux…) sont bien décrits avec ces
médicaments, le plus souvent avec les formes orales. Ils
sont « rares » voire « très rares », mais « graves » le plus
souvent. Les cas de mésusage persistent. Les gammes
ombrelle (23 spécialités différentes pour Humex®) posent
le problème du risque de surdosage. La publicité Grand
Public est autorie pour certaines spécialités orales. En
conclusion, il faut éviter d’utiliser ces médicaments pour
lequel le rapport néfice/risque est défavorable en
préconisant plutôt l’utilisation du sérum physiologique.
Les inhibiteurs de la PhosphoDiEstérase de
type 5 : attention au risque de Neuropathie Optique
Ischémique Antérieure Non artéritique
Delphine Abadie
Les inhibiteurs de la PhosphoDiEstérase de type 5
(iPDE-5 : sildénafil, tadanafil, vardénafil…) sont indiqués
dans les dysfonctions érectiles. Ils agissent en inhibant les
PDE-5 au niveau de la verge avec pour conséquence une
inhibition de l'inactivation du GMP cyclique dont la
concentration augmente ainsi que son effet vasodilatateur à
l'origine de l'érection.
Les principaux effets indésirables rapportés avec
les iPDE-5 sont surtout les affections cardio-
vasculaires (angor, infarctus du myocarde, troubles du
rythme cardiaque, mort subite ainsi que des hypotensions
brutales en cas d’association avec les dérivés nitrés). Parmi
les autres effets indésirables, figurent les effets oculaires,
avec surtout des troubles de la vision des couleurs et de la
perception lumineuse. Ces effets seraient dus à l’inhibition
de la PDE-6 spécifique de la rétine impliquée dans la
cascade physiologique nécessaire à la phototransduction.
Les iPDE-5 sont également associés à un effet indésirable
oculaire plus grave, la Neuropathie Optique Ischémique
Antérieure Non artéritique (NOIAN).
Si la NOIAN est un effet indésirable « attendu »
avec les iPDE-5 et si on recense actuellement plus d’une
trentaine de cas rapportés dans la littérature mondiale, le
lien entre iPDE-5 et NOIAN n’est cependant pas établi
formellement. En effet, il existe un potentiel biais
d’indication car les facteurs favorisants de la NOIAN sont
en partie superposables à ceux de la dysfonction érectile. Il
n’y a par ailleurs à notre connaissance aucun essai clinique
ayant à ce jour rappor d’augmentation du risque de
NOIAN sous iPDE-5 par rapport au placebo.
Néanmoins, le nombre de patients inclus dans les
essais cliniques des iPDE-5 ne permettrait pas d’analyser
objectivement la survenue d’une pathologie rare comme la
NOIAN. De plus, la chronologie évocatrice de certaines
observations (début rapide de la NOIAN après la prise
d’iPDE-5 et réintroduction positive) suggère une possible
responsabilité des médicaments. Plusieurs hypothèses
pharmacologiques ont été avancées. La principale est sous
tendue par le fait que les iPDE-5, en entraînant une
vasodilatation excessive de certaines artères rétiniennes,
peuvent modifier le flux sanguin rétinien en induisant des
hypoperfusions, avec pour conséquence des dégâts
rétiniens hypoxiques.
En pratique, penser à évoquer le rôle du
médicament chez les patients sous iPDE-5 présentant des
troubles de la vision. A notifier au CRPV !
Finasride et alopécie androgénique
Jean-Louis Montastruc
Le finastéride est un inhibiteur de l’alpha 5
testostérone réductase, enzyme assurant la transformation
de testostérone périphérique en dihydrotestostérone. Il se
prescrit donc dans lhypertrophie bénigne de la prostate
(HBP) sous le nom de Chibro-Proscar® et dans l’alopécie
androgénique sous le nom de Propecia® (ou génériques).
L’AFSSaPS indique que, en plus des effets
indésirables sexuels mis en évidence dès les essais
cliniques (baisse de la libido, troubles de l’érection et de
l’éjaculation chez 1 à 10 patients pour 1000 traités), des
cas de troubles de l’érection persistant après l’arrêt du
dicament ainsi que des observations de cancer du sein
ont été observées lors de la prescription dans l’alopécie.
L’Agence rappelle la nécessité de ne pas dépasser
la dose de 1 mg / j, ainsi que la contre-indication formelle
chez la femme, notamment du fait d’un risque de
malformations des organes génitaux chez le fœtus féminin.
Mémantine : pas non plus dans la trisomie 21 !
Jean-Louis Montastruc
Des lésions anatomiques de type Alzheimer se
développent chez tous les trisomiques 21 (alias syndrome
de Down) de plus de 40 ans. Il était donc tentant d’étudier
les effets des médicaments utilisés dans l’Alzheimer.
Un essai a comparé 88 trisomiques sous
mémantine Ebixa®, un médicament présen comme
antagoniste des acides aminés excitateurs au niveau du
système nerveux central, et 85 témoins sous placebo. Les 2
groupes ont montré un clin cognitif identique, quel que
soit le paramètre étud(Lancet 2012, 379, 528).
Chez le trisomique de plus de 40 ans, il n’est pas
plus possible que dans l’Alzheimer de mettre en évidence
un intérêt de la mantine.
- BIP31.fr 2012, 19 (1), page - 5 -
Un exemple de plus de la spécificité (et de la
nécessité) de la Pharmacologie Clinique : celle-ci doit se
méfier de toute assimilation trop rapide. Elle doit
finalement démontrer la transférabilité clinique des
données fondamentales. Ce n’est ni facile, ni surtout
obligatoire !
Revue systématique et ta-analyse des effets
indésirables du lithium
Jean-Louis Montastruc
BIP31.fr a déjà évoqué les effets indésirables de
ce stabilisateur de l’humeur. Voici l’analyse de 385 études
cliniques par une équipe franco-anglaise (Lancet 2012, 379,
721). Le lithium réduit la filtration glomérulaire en
moyenne de un peu plus de 6 mL/min et le pouvoir de
concentration des urines de 15%. La majoration du risque
absolu d’insuffisance rénale reste faible : 0,5%. La
prévalence de l’hypothyroïdie est augmentée de près de 6
fois (OR = 5,8). L’exposition au lithium augmente TSH (+
4 UI/mL), la calcémie (+0,09 mmol/L) et les taux
plasmatiques d’hormone parathyroïdienne. Enfin, le
lithium fait gagner du poids (OR = 1,89). Les auteurs n’ont
pas détec de signal cutané, d’alopécie ou de
malformation congénitale.
Les auteurs préconisent, sous lithium, une
surveillance régulière de la calcémie en raison de la
prévalence élevée de l’hyperparathyroïdie.
Les méta-analyses et revues systématiques
s’avèrent une source intéressante pour l’évaluation de la
sécurité d’emploi des médicaments, même si on sait leurs
limites obligatoires (celles des essais cliniques, dont elles
ne sont que le prolongement).
Narcolepsie et virus de la grippe A H1N1v (suite)
Geneviève Durrieu
Dans le précédent numéro (BIP 2011, 18, 43), nous
rapportions une étude chinoise suggérant un lien entre
infections des voies respiratoires supérieures (Influenza A
et/ou Streptococcus pyogènes) et narcolepsie. Cette étude
ne remet pas en question l’association entre narcolepsie et
le vaccin contre la grippe A H1N1 Pandemrix® révélée
par plusieurs études pharmacoépidémiologiques. Ces
données présentaient un intérêt, non pour discuter d’une
relation de causalité entre narcolepsie et vaccin
(méthodologie non adaptée et discutable), mais pour
relancer le débat d’un lien entre le virus de la grippe H1N1
et l’enphalite léthargique décrite par Von Economo
Cruchet. Cette encéphalite, qui présente des similitudes
cliniques avec la narcolepsie, constituait une des
complications cliniques majeures de la pandémie de grippe
H1N1 de 1918-19. Le rôle de cette pandémie de grippe
dans la survenue des cas d’encéphalite léthargique est
débattu depuis plusieurs dizaines années. Cette association
est fondée sur une plausibilité chronologique et sur
l’éventuelle présence d’une mutation du virus influenza
conduisant à une forme particulièrement neurotrope.
A ce jour, l’énigme persiste et les arguments
seraient plutôt en défaveur d’un lien. En effet, depuis les
années 70, les différentes études expérimentales menées
sur les échantillons de tissus archivés de victimes de la
pandémie de 1918, pour identifier le virus H1N1, ont été
négatives. Cependant, ces travaux ont été discutés en
raison des limites des techniques utilisées et de la
conservation des échantillons analysés (J Neural Transm
2009, 116, 1295; Vaccine 2011, 29, 2010). Par ailleurs, une
étude cas-témoins réalisée en 2007 a montré un lien
possible entre grippe et narcolepsie (Neuroepidemiology
2007, 29, 185). Ces données ont reposé la question de cette
éventuelle association et certains auteurs ont suggéré que
la survenue d’une autre panmie permettrait, en utilisant
des technologies modernes, d’éclaircir cette énigme (J
Neurovirol 2008, 14, 177). La grippe A H1N1 2009
constituait peut-être une opportunité à saisir !
Fièvres d’origine médicamenteuse
Jean-Louis Montastruc
A l’occasion des journées de PharmacoVigilance
P2T 2012, le CRPV de Besançon a présenté les
observations de fièvres médicamenteuses enregistrées dans
la Base Nationale de PharmacoVigilance en 2010. Après
exclusion des observations portant sur les vaccins, 95
notifications d’effets indésirables médicamenteux ont été
étudiées avec 42 classes pharmacologiques différentes
retrouvées. Leffet indésirable concerne le plus souvent
des hommes (H/F=0,8) avec une moyenne d’âge autour de
55 ans. Les 4 classes pharmacologiques les plus
fréquemment notifiées (60% des observations) ont été les
antibactériens à usage systémique puis les
antinéoplasiques, les immuns sérums et immunoglobulines
et enfin les antimycobactériens. Soixante pour cent de ces
cas ont un caractère de « gravité » ! Dans 37% des cas, la
fièvre est le seul signe du tableau (Fundam Clin Pharmacol
2012, 26, Suppl 1, 108). Les fièvres isoes d’origine
médicamenteuses restent de diagnostic difficile. Y penser,
mon cher Watson ! Et notifier au CRPV !
Le tramadol, un analgésique à effet opioïde,
noradrénergique et sérotoninergique : gare aux effets
indésirables, interactions médicamenteuses et à la
pharmacodépendance
Delphine Abadie et Anne Roussin
Depuis le retrait des spécialités contenant du
dextropropoxyphène, on assiste à une augmentation des
ventes des spécialités contenant du tramadol. L’effet
analgésique du tramadol dépend en partie de sa
transformation hépatique par le cytochrome 2D6 en un
métabolite dont l’affinité pour le récepteur opioïde µ est
bien meilleure que celle de la molécule mère. Ainsi,
comme pour la codéine, l’effet analgésique du tramadol est
dimin chez les patients qui n’expriment pas le
cytochrome 2D6. A l’inverse, chez les métaboliseurs ultra-
rapides, le risque de survenue d’effets indésirables dose-
dépendants est majoré.
Administré à dose thérapeutique, outre les effets
indésirables caractéristiques des rivés opioïdes (en
particulier, neuropsychiatriques et gastro-intestinaux), le
tramadol expose également au risque de syndrome
sérotoninergique. De plus, il présente un risque marqué de
convulsions, particulièrement accru si les posologies sont
élevées. Par ailleurs, en plus des effets indésirables
mentionnés dans le RCP des spécialités à base de
tramadol, plusieurs cas cliniques d’hypoglycémie et
d’hyponatrémie sévères sont rapportés. Le tramadol se
distingue également des autres opioïdes par les interactions
médicamenteuses supplémentaires auxquelles il est
soumis, notamment le risque de syndrome
sérotoninergique en cas d’association avec des
médicaments rotoninergiques (nombreux
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