incluent, outre le Pays Basque actuel, le Béarn et la Bigorre. Ces deux prestigieux héma-
tologistes établissent également une correspondance entre cette fréquence extrême du
groupe O et la pratique d’un fait juridico-culturel particulier des Pyrénées occidentales :
le droit d’aînesse intégrale* (7) (* l’enfant aîné quel que soit son sexe hérite de la
demeure familiale dont il assure la pérennité pour ses propres successeurs). En outre, on
retrouve des éléments toponymiques d’origine basque dans des zones bien à distance de
l’aire basque actuelle (exemple : le val d’Aran, Aran signifie vallée en basque) de même
en ce qui concerne les vestiges épigraphiques datant de la période romaine où des ins-
criptions en latin sont mêlées à des mots en Euskara. Tous ces éléments suggèrent une
réduction de l’aire de peuplement de populations “basques” vers l’extrémité occidentale
de la chaîne pyrénéenne à l’occasion de l’arrivée de la civilisation romaine (25), les
“Basques convertis” aux us et coutumes romains devenant les Gascons.
L’hématologiste bordelais Jacques Moulinier, en 1949, à partir d’échantillons san-
guins issus de communes des trois provinces basques et du Béarn (23), et l’Américain
Levine en 1977, lors d’une collaboration avec Ruffié, après une étude exhaustive de la
population de deux villages du Labourd (Ahetze et Macaye) (18), allaient décrire les
mêmes caractéristiques de distribution du système ABO chez les Basques. La plus faible
fréquence européenne du groupe B retrouvée chez eux (inférieure à 3%) s’explique en
particulier par le peu de mélange avec les populations en provenance d’Asie chez les-
quelles ce groupe s’exprime au maximum.
Les Basques constituent une des populations du globe exprimant la fréquence la plus
élevée de Rhésus (Rh) négatif. Cette particularité a été notée pour la première fois en
1945 par l’hématologiste Miguel Angel Etcheverry au niveau d’une communauté de
Basques d’Argentine (elle concernait un tiers des individus testés) (15). Ceci a été depuis
lors confirmé sur de nombreux autres échantillons mais avec une fréquence moins mar-
quée (environ un sujet sur quatre) (1, 13, 18, 23). Sur ce fait, Cavalli-Sforza a avancé que
ceux-ci pourraient être les descendants d’une population proto-européenne à fréquence
extrême de Rh négatif (peut-être même 100%), préexistant aux migrations de populations
Rh positif, en particulier lors de l’introduction de l’agriculture au Néolithique (13).
Les Basques présentent des fréquences significativement différentes de celles des
populations européennes au niveau d’autres groupes sanguins comme par exemple les
systèmes Duffy et Kell (5, 18). Arthur Mourant, hémobiologiste d’autorité internationale,
avait inclus les particularités hémotypologiques des Basques dans son ouvrage traitant de
la distribution des groupes sanguins selon les populations (1). Des travaux ont également
été consacrés à l’étude des profils des immunoglobulines (11, 12) mais ils n’ont pas
amené d’avancées fondamentales sur le plan anthropologique (tout comme d’ailleurs
l’exploration du système HLA).
La période actuelle de la biologie moléculaire
Les marqueurs moléculaires au service de l’histoire du peuplement
Les généticiens sont désormais capables d’estimer la date d’apparition des différentes
mutations caractérisant certains moments clés de l’histoire des populations humaines ;
cette sous-spécialité de la génétique a été baptisée par certains “archéogénétique”. Un des
pères fondateurs de cette anthropologie génétique est incontestablement Luigi Cavalli-
Sforza, professeur à l’Université de Stanford (USA), qui a écrit en 1994 l’ouvrage de
référence en la matière (13). Les études ont porté principalement sur le chromosome Y
(ce qui permet d’explorer les migrations masculines) et l’ADN mitochondrial (qui, lui,
HISTOIRE DE L’ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE DE LA POPULATION BASQUE
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