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prononciations. L’usage français est toutefois très hésitant dans ce domaine : si les locuteurs qui
prononcent [
mu
mumu
mu
ǫt
ǫtǫt
ǫt
] pour mouette sont rares, ils sont en revanche beaucoup plus nombreux à dire [
lu
lulu
lu
ǡɶ
ǡɶǡɶ
ǡɶȢ
ȢȢ
Ȣ
]
plutôt que [
l
ll
lw
ww
wǡɶ
ǡɶǡɶ
ǡɶȢ
ȢȢ
Ȣ
].
La seconde particularité de boueux/boueuses est d’ordre morphologique et tient au suffixe –eux. Dans
la transformation de nombreux noms de matière en adjectifs (miel > mielleux, plâtre > plâtreux, etc.),
le suffixe a en effet deux sens possibles : soit il indique que l’objet qualifié est couvert ou fait de la
matière désignée, soit il indique que l’objet a l’aspect ou la consistance de la matière désignée. Ainsi
un « fromage crémeux » contient beaucoup de crème, alors qu’une « peinture crémeuse » a la texture
ou la couleur de la crème. De même, boueuses (adjectif) signifie donc aussi bien « en contact direct
avec la boue » que « en comparaison avec la boue ».
Ce double sens autorise par conséquent deux interprétations possibles des « racines boueuses » du
poème (v. 9) : un versant concret, plus exactement métonymique, dans lequel les racines sont boueuses
parce qu’enfoncées dans « la terre » (v. 2) et couvertes de boue ; un versant métaphorique, dans lequel
les racines boueuses désignent les profondeurs de l’âme (« beaucoup plus bas », v. 2), monde secret et
peu reluisant (voir la partie Stylistique).
Boue ainsi que boueux/boueuses appartiennent à un réseau important et homogène. Lexicalement, ils
sont liés à la fange, la bourbe, le limon, la vase, la gadoue, etc., et probablement à la bouse ;
sémantiquement, ils ont amené la création de boueux > boueur > éboueur qualifiant les personnes
employées pour débarrasser les ordures, ainsi qu’un certain nombre de sens figurés motivés par les
sèmes /tache/ et /saleté/ (« couvrir de boue », « traîner dans la boue », etc.), de même que par les
sèmes /grossièreté/ ou /épaisseur/ (« des propos boueux », « une peinture boueuse », etc.)
Grammaire (a) : étude des formes et types de compléments d’objet dans le texte
La notion de complément d’objet désigne une fonction fondamentale du syntagme nominal (ou de son
équivalent structural) à l’intérieur du syntagme verbal. Qu’on l’appelle complément essentiel,
complément sélectionné ou tout simplement objet, il joue un rôle particulier de saturation du sens du
verbe. Contrairement à l’adverbe qui caractérise le verbe, à l’attribut qui caractérise le sujet (parfois
l’objet) ou au circonstant qui caractérise la localisation (lieu et temps) de la phrase, le complément
d’objet comble une lacune du verbe, lequel, sans ce complément, n’aurait pas de sens ou aurait un
autre sens.
Exemples : L’avion a regagné sa base (*L’avion a regagné) // Léa sort vs Léa sort de chez elle.
Il est cependant très difficile de définir ou de repérer le complément d’objet à l’aide de seuls critères
sémantiques ou syntaxiques. Dire que « l’action du verbe passe par l’objet », ou que « l’objet est
dépendant du verbe, avec ou sans préposition » est insuffisant et provoque des contresens.
L’application de tests d’identification (souvent plusieurs, de manière complémentaire) donne de ce
point de vue de meilleurs résultats.
On peut nommer trois types de compléments d’objet :
• le complément direct, relié au verbe par simple collocation ;
• le complément indirect, relié au verbe par le biais d’une préposition ;
• le complément interne, relié au verbe par une redondance sémantique.
Concernant les formes, on en dénombre également trois :
• le syntagme nominal dans toutes ses représentations (groupe nominal, pronom, nom propre) ;
• la phrase complétive dans toutes ses représentations (conjonctive, interrogative, infinitive) ;
• la phrase relative substantive dans certains cas.
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Dans le poème étudié, les compléments directs sont au nombre de cinq :
1. pense-le (v. 13)
2. dis-le (v. 13)
3. (dis) que cela peut être vu (v. 14)