Lithium-ion : état de l`art

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LE STOCKAGE DE L'ÉLECTRICITÉ
Lithium-ion : état de l’art
Romain Tessard1, Marion Perrin2
Chef de projet - Equipe du CEA à l’INES1,
Chef du laboratoire de stockage
de l’électricité - Equipe du CEA à l’INES2
l’ordre de 250 Wh/kg et 600 Wh/l, ce qui la positionne
parmi les cellules disponibles les plus performantes en
densité. La densité énergétique représente l’autonomie
d’un produit pour un volume et un poids donné. Si l’on
compare les performances des technologies à base de
Introduction
nickel, le NiCd affiche des performances de l’ordre de
50 Wh/kg et 150 Wh/l ; quant au NiMH, il se posi-
Notre besoin en énergie est de plus en plus impor-
tionne au-dessus du NiCd, avec environ 80 Wh/kg et
tant. Cette énergie doit être disponible et mobile. Du
plus de 250 Wh/l. Enfin, pour comparaison, les batte-
téléphone portable à la voiture électrique, les batteries
ries au plomb qui sont utilisées pour le démarrage des
sont présentes tout autour de nous. Parmi les diffé-
véhicules thermiques ont une densité de l’ordre de 30
rentes technologies disponibles et maîtrisées, les bat-
à 40 Wh/Kg.
teries lithium-ion (Li-ion) sont rentrées communément
En contrepartie de cette haute densité énergétique,
dans notre quotidien ; à travers les téléphones et ordi-
une cellule Li-ion (qui est généralement l’élément uni-
nateurs portables, les tablettes, les lecteurs multimédia
taire d’un pack batterie constitué de plusieurs cellules
et d’une manière générale tous les équipements élec-
associées en série-parallèle afin d’augmenter l’énergie
troniques portables pour lesquels le volume ainsi que le
du pack et de s’adapter au mieux à l’application) a un
poids sont une contrainte. Mais au-delà de ces applica-
coût bien plus élevé qu’une cellule NiCd ou NiMH.
tions pour lesquelles la technologie Li-ion est la solution
Cependant, le coût unitaire d’un élément standard
utilisée quasiment exclusivement aujourd’hui, celle-ci
cylindrique de dimension 18650, utilisé par exemple
commence également à trouver un marché dans de
dans les ordinateurs portables, a été plus que divisé
nouvelles applications, tels l’outillage électroportatif, la
par dix depuis l’an 2000. Avec le potentiel offert par
domotique, mais également les véhicules électriques
les nouveaux marchés, le coût des technologies Li-ion
au sens large (voitures, bateaux ou avions) ou encore
continue de baisser, pour finalement atteindre quasi-
le stockage stationnaire en soutien au réseau. Ainsi,
ment le prix d’une solution à base d’éléments NiMH.
les batteries Li-ion tendent à remplacer leurs homologues au plomb, nickel-cadmium (NiCd) ou nickel métal
hydrure (NiMH), moins performantes en termes de
densité d’énergie volumique ou massique.
Qu’est-ce que le lithium-ion ?
C’est une technologie de batteries pour laquelle les
électrodes échangent entre-elles des ions lithium Li+.
En effet, la densité d’énergie d’une cellule Li-ion uti-
Les premières recherches sur cette technologie datent
lisée dans un équipement électronique portable est de
du début des années 1970. Des batteries aux lithium-
ABSTRACT
Today energy needs are increasing. This energy must be mobile through EV or portable electronics. Thus, energy density is a
major criterion. Lithium-ion technology is far more energetic than lead or nickel batteries. But behind the appellation “Lithiumion” resides in fact a wide range of technologies, each one having its benefits and its drawbacks. Some of them are more
dedicated to high energy and shorter life like LCO. Some others focus on EV market which key-requirements are safety, cycle
life and cost. For such applications, LFP technology matches the needs, as some specific NMC ones. For longer application use,
like in stationary energy storage systems, LTO technology is more suitable, as some specific LFP. Based on its conception and
materials, lithium-ion battery cannot be as safe as wished. A special care is mandatory when choosing a cell for an application,
based on electrodes’ technology, manufacturing processes and BMS (battery management system).
Finally, the lithium-ion battery world is a fast moving one. Huge investments have been done during the last years to reach the
estimated demand for EVs. But this demand is not yet here, so the market has too much production capacity compared to the
present market needs. This situation is leading in a cost cut-down on lithium-ion batteries. The 2020 price estimation is about
300 /kWh, forecasting better days for EVs.
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LE STOCKAGE DE L'ÉLECTRICITÉ
Figure 1 : Principe d’une cellule lithium-ion (Sony battery handbook).
gées dans un électrolyte conducteur contenant des sels de
lithium afin de permettre le flux ionique. Enfin, les électrodes
sont séparées par un séparateur et enroulées, dans le cas d’un
élément cylindrique, avant d’être placées dans un boîtier généralement en aluminium. Dans ce type de boîtier, plusieurs
dispositifs de sécurité peuvent être directement intégrés, telle
une protection contre les sur-courants (PTC : Positive Temperature Coefficient, résistance non linéaire dont la valeur croît
très fortement une fois passé un certain niveau de courant
la traversant). Toutes les cellules Li-ion disposent également
Figure 2 : Conception d’une cellule lithium-ion cylindrique
(Panasonic Technical handbook).
d’une soupape de sécurité afin de limiter les surpressions dans
le boîtier (généralement dues à un échauffement trop important de la cellule), limitant ainsi les risques d’explosion.
métal ont quant à elles été commercialisées au début des
L’électrode positive peut-être constituée de différents ma-
années 1980. Des problèmes de sécurité et de performances
tériaux. L’oxyde de lithium cobalt (LCO) est principalement
ont alors poussé vers de nouveaux développements. Ainsi, les
utilisé dans l’électronique portable en raison de sa densité
batteries Li-ion ont-elles été commercialisées pour la première
élevée. La technologie NMC (Nickel Manganèse Cobalt) re-
fois par Sony en 1991, tandis que le groupe Bolloré (BatScap)
présente également aujourd’hui une large part des cellules
développait une technologie alternative appelée lithium-métal
produites ; elle peut s’appliquer à la fois aux applications
polymère (technologie entièrement solide dont l’électrolyte
portables, mais se retrouve également dans la mobilité élec-
doit être portée aux environs de 80 °C afin d’être conducteur).
trique, entre autre dans bon nombre de vélos à assistance
Le pôle positif (appelé cathode en décharge) est celui
électrique (VAE). Enfin, le LFP (Phosphate de Fer Lithié), dont
constitué du matériau à plus fort potentiel ; le pôle négatif (ap-
les avantages principaux sont un faible coût lié à l’utilisation
pelé anode en décharge) est donc celui constitué du matériau
de matériaux bon marché ainsi qu’une utilisation plus sûre
à plus faible potentiel. Ces électrodes peuvent être réversible-
car contenant des éléments moins réactifs que les autres
ment oxydées et réduites, permettant ainsi la décharge mais
technologies Li-ion, se développe fortement, notamment
également la recharge des batteries Li-ion. Elles sont immer-
auprès des acteurs chinois du marché.
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Lithium-ion : état de l’art
Matériau de
cathode
LiCoO
LiNiCoAlO
LiMnO
LiNiMnCoO
LiFePO
Abréviation
LCO
NCA
LMO
NMC
LFP
Tension
nominale
3.7
3.7
3.7
3.7
3.2
Densité
Wh/l
560
350
320
420
240
Densité
Wh/kg
220
150
150
160
110
Tableau 1 : Les principales technologies de cathodes.
charge est absolument interdite sous peine de risques de
dégazage ou d’inflammation. Une cellule ne doit pas non
plus être sous-déchargée1 sous peine de dégradations irréversibles (risques de dissolution de l’anode). Des solutions
intégrées existent pour ce genre d’applications et sont largement répandues, n’étant constituées que d’un simple circuit
intégré. Celui-ci intègre la protection contre la surcharge, la
sous-décharge, ainsi que le court-circuit, moyennant l’ajout
L’électrode négative quant à elle est généralement consti-
de deux transistors MOS à faible résistance Rdson.
tuée de graphite et plus rarement d’oxyde de lithium-titane
Dans le cas d’une application qui nécessite l’utilisation de
(avec pour conséquence une baisse de la tension nominale
plusieurs cellules en série afin d’obtenir une tension de la
plus proche des 2 V).
batterie plus élevée, il peut être nécessaire d’utiliser un sys-
La tension nominale des cellules Li-ion, généralement de
tème d’équilibrage. C’est par exemple le cas d’un ordinateur
3,7 V, a permis dans beaucoup d’applications de passer de
portable qui dispose généralement de 2 à 4 cellules en série,
la technologie NiMH (trois cellules en série faisant 3,6 V) au
elles-mêmes souvent en parallèle. Le système d’équilibrage
Li-ion en n’utilisant qu’une seule cellule plus petite et plus
est un dispositif qui permet d’homogénéiser l’état de charge
légère et induisant uniquement ou presque une adaptation
et donc les capacités des différentes cellules qui constituent
du système de charge, les tensions minimum et maximum
la batterie. En effet, au fur et à mesure des cycles que subit
étant comparables.
la batterie, les cellules peuvent se déséquilibrer, c’est-à-dire
Enfin, la capacité d’une cellule peut aller de quelques di-
que leur état de charge devient inhomogène d’une cellule
zaines de mAh par exemple pour une oreillette Bluetooth, à
à l’autre. La capacité totale de la batterie pourra alors être
quelques centaines d’Ah dans des applications stationnaires
limitée par une seule cellule qui atteindrait un seuil de ten-
ou de support au réseau électrique. Un élément standard
sion nécessitant l’arrêt de la charge ou de la décharge. Les
18650 peut aujourd’hui dépasser trois Ah et 11 Wh.
systèmes d’équilibrage pour ce genre d’applications fonc-
Comment utiliser une cellule lithium-ion ?
Cette technologie bénéficie de bien des avantages mais
tionnent généralement en charge et sont passifs et dissipatifs : le courant de charge vers la fin de la charge est dérivé
dans une résistance qui dissipe alors l’énergie.
a certains inconvénients, en particulier en matière de sécu-
Dans les systèmes plus complexes, tels les voitures élec-
rité. Ces inconvénients sont dus à la nature organique de
triques ou les systèmes de stockage stationnaire, plusieurs
l’électrolyte des éléments lithium-ion, lequel électrolyte peut
niveaux de sécurité et d’équilibrage sont intégrés ; en effet,
donc sortir de sa plage de stabilité et se décomposer si la ten-
les packs batterie sont constitués de plusieurs modules dis-
sion de l’élément dépasse un seuil haut de tension. Ainsi, la
posant eux-mêmes de systèmes électroniques de gestion et
charge doit-elle être limitée en tension (4,2 V généralement
de sécurité.
pour les technologies LCO ou NMC et 3,6 V pour le LFP). La
méthode de charge la plus répandue est la charge par cou-
Etat de l’art des technologies actuelles
rant constant suivie d’une phase à tension constante (égale-
Densité d’énergie
ment appelée CC-CV de l’anglais constant current – constant
La technologie Li-ion est une famille qui regroupe fina-
voltage). Cette charge ne peut se dérouler que dans une
lement différentes technologies fonctionnant sur le même
fenêtre de température restreinte de l’ordre de [0 ; 45 °C].
principe. Le tableau 1 liste les principales technologies utili-
La charge est considérée comme achevée quand le courant
sées aujourd’hui, notamment dans les applications portables,
de la phase à tension constante passe sous un seuil défini
domestiques, VAE et VE (véhicules électriques). Ces tech-
généralement comme une fraction de la capacité nominale
nologies disposent chacune d’avantages et d’inconvénients.
de la cellule, de l’ordre de 1/20 ou 1/50.
Afin de caractériser ces technologies, plusieurs méthodes
En termes de mise en œuvre dans une application, des
d’essais sont généralement reconnues. Ainsi par exemple, la
précautions sont à prendre. Dans le cas d’une application
utilisant une cellule seule, divers dispositifs de sécurité sont
obligatoires. On reconnaît généralement des limites en tension au-delà desquelles un élément peut devenir dangereux.
Contrairement aux technologies à base de nickel, la sur-
1
Fait de décharger une cellule à une tension inférieure à sa tension d’utilisation. Contrairement à un condensateur, la tension d’une cellule Liion ne doit jamais descendre jusqu’à 0 V. Le seuil minimal est fonction
de la technologie (généralement de 2,7 V pour du LCO ou du NMC et
2 V pour du LFP).
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LE STOCKAGE DE L'ÉLECTRICITÉ
Figure 3 : Densités d’énergie des cellules lithium-ion.
capacité nominale d’une cellule Li-ion est définie pour un
mise en œuvre de 20 à 30 °C, alors qu’une application VE
courant de décharge de l’ordre de C/2 (soit une décharge
ou stationnaire devra fonctionner sur une plage de tempé-
complète en 2 h), C étant la capacité commerciale et nomi-
ratures beaucoup plus large car soumise aux températures
nale de la cellule. Si l’on compare les principales technologies
extérieures sur une année (à moins de disposer d’un sys-
représentatives, alors nous pouvons dire que du point de vue
tème de gestion thermique comme cela peut être le cas
des performances de densité énergétique : LFP < LMO < NCA et
dans certaines applications stationnaires en container). De
NMC < LCO. Les valeurs indicatives d’énergies sont données
la même manière, une application alimentant un éclairage
dans le tableau 1. La figure 3 quant à elle présente les den-
à LED pourra être spécifiée pour être déchargée à un cou-
sités d’énergies volumiques et massiques des cellules sur un
rant équivalent inférieur à C/2, alors qu’une application à
nombre représentatif d’éléments de tailles et de fabricants
moteur électrique pourra solliciter des courants de décharge
divers.
de plusieurs C. C’est pourquoi lors d’une caractérisation d’un
Les surfaces représentent les résultats d’essais réalisés sur
élément Li-ion, telle que réalisée au sein du Laboratoire de
différentes références d’une même technologie. L’origine du
Stockage de l’Electricité du CEA, différents paramètres sont
fabricant, le choix du type de boîtier (cylindrique, prismatique
étudiés. Les cellules sont testées à la fois à différentes tem-
ou sachet souple), la taille de l’élément ainsi que l’orientation
pératures dans des enceintes climatiques régulées, mais éga-
technologique expliquent les écarts constatés. Par exemple,
lement à différents régimes de décharge, allant de C/2 à
un élément pouvant fournir de la puissance aura une élec-
3 C. Ces essais permettent de caractériser les éléments, d’en
trode positive plus fine alors qu’un élément fournissant de
déterminer les performances et de vérifier leur adéquation
l’énergie aura une électrode positive plus épaisse, avec un
pour une application donnée.
plus grand volume d’insertion des ions et donc une densité
d’énergie plus élevée.
Performances en puissance
Bien que le LFP semble deux fois moins dense énergéti-
La plupart des cellules Li-ion peuvent être déchargées
quement que le LCO, ses caractéristiques sont données pour
jusqu’à un régime de l’ordre de deux à trois fois leur capacité
des éléments nus et des conditions de test spécifiques qui
nominale. Si l’on compare alors les performances à ces ré-
peuvent être très éloignées de la réalité d’une application.
gimes élevés de décharge, les technologies Li-ion les plus per-
En effet, au niveau de l’usage réel vu par la batterie dans
formantes sont le LFP ainsi que le LMO. En effet, leur niveau
une application donnée, les courants de charge, de décharge
d’énergie disponible sera le moins impacté par l’augmentation
ou les températures nominales de fonctionnement peuvent
du courant débité par la cellule. Ces technologies se révèlent
varier. Ainsi une application domestique sera majoritairement
également les moins influencées par les basses températures
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Lithium-ion : état de l’art
Figure 4 : Densité d’énergie massique de 15 références à 25 °C et à différents régimes de décharge.
qui peuvent rapidement devenir critiques pour une application.
la température de l’essai augmente (de l’ordre de 40 à 45 °C
Les cellules LCO sont quant à elles plus sensibles aux effets
par exemple), les augmentations de capacités approchent les
combinés des hauts régimes et des basses températures ; leur
10 % sur les LFP et les NMC et sont inférieures à 5 % sur les
niveau d’énergie restituable se trouve alors largement impacté.
autres types de Li-Ion.
La résistance interne d’une cellule Li-Ion est fortement influencée par la température, avec un effet bénéfique au-dessus de
La question de la durée de vie
25 °C, mais fortement handicapant vers les basses tempéra-
Un des verrous technologiques à lever, au-delà des ques-
tures. La résistance augmente alors très rapidement, empê-
tions de coûts et de densité-autonomie, est celui de la durée
chant de ce fait tout appel de courant élevé aux températures
de vie d’une batterie. Dans le cas de certains véhicules élec-
négatives, car la tension de l’élément chutera très rapidement
triques, ce problème est résolu par un modèle économique
et atteindra le seuil d’arrêt de décharge. Certaines de ces tech-
basé sur la location et non l’achat du pack batterie. Car une
nologies LFP et LMO sont également capables d’être déchar-
batterie Li-ion, comme toutes les autres technologies qu’elle
gées à des régimes de l’ordre de 20 ou 30 C (dans la mesure
remplace, a une durée de vie limitée même si cette batterie
où leur température reste dans la spécification du fabricant,
n’est pas utilisée mais uniquement stockée : on parle alors de
généralement inférieure à 60 °C).
vieillissement calendaire. De nombreux facteurs vont avoir un
Finalement, ces caractéristiques en puissance peuvent
effet sur ce vieillissement. Nous pouvons citer les principaux :
souvent être rattachées à la valeur de résistance interne des
sLATEMPÏRATUREÌLAQUELLEESTSOUMISELABATTERIEPLUSCELLE
cellules : aux températures plus élevées, la résistance interne
ci est élevée et plus la batterie vieillit, mais ce vieillissement
devient plus faible et par conséquent la capacité est plus éle-
accéléré peut également se produire en cyclage à des tem-
vée ; à basse température la résistance interne augmente
pératures trop basses ;
et en conséquence la capacité et l’énergie disponibles sont
plus faibles.
L’écart de performances entre un régime de référence
à C/2 et un régime de 2 C sera de l’ordre de 5 % (LFP
sLESRÏGIMESDECHARGEETDEDÏCHARGECARPLUSCEUXCISONT
élevés et plus la dégradation des électrodes sera rapide,
bien que des effets différents puissent être observés en
fonction des technologies choisies ;
et LMO) à 10 % (NMC) à des températures de l’ordre de
sENlN LE TAUX DUTILISATION DE LA BATTERIE QUI REPRÏSENTE LE
25 °C (figure 4). A une température de zéro degré, les écarts de
pourcentage de capacité utilisée, également appelé DOD
performances seront supérieurs à 10 %. En revanche, quand
(Depth-of-Discharge).
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LE STOCKAGE DE L'ÉLECTRICITÉ
Figure 5 : Températures d’emballement thermique mesurées sur ARC pour différentes technologies lithium-ion.
Différents moyens peuvent être mis en œuvre, sur la base
le même comportement que leurs homologues à base de
d’une gestion intelligente de la batterie associés à ces cri-
nickel. C’est pourquoi la bonne gestion d’un pack batterie est
tères, afin de maximiser sa durée de vie.
indispensable afin de fiabiliser et sécuriser les applications
D’un point de vue technologique, les cellules à anodes LTO
véhicules. Car les conséquences peuvent être importantes :
les plus récentes assurent des durées de vie de plusieurs mil-
emballement thermique, dégagement de gaz toxiques, voire
liers de cycles équivalents à des charges-décharges complètes
rupture de la cellule (fuite d’électrolyte, étincelles, feu).
aux régimes de 1 C, et cela même à des températures large-
Cependant, toutes les cellules ne se valent pas en la
ment supérieures à la température ambiante (de l’ordre de
matière. Ainsi, les différentes technologies d’électrodes
45 °C). Avec les mêmes conditions, les autres technolo-
vont influer sur la réactivité de la cellule. Les cathodes qui
gies perdent en énergie de manière significative, on a alors
génèrent moins d’oxygène pendant les phases d’embal-
la notion de SOH, pour State-of-Health (état de santé), qui
lement sont les plus sûres. Nous pouvons établir une
représente la capacité restant disponible dans la cellule par
hiérarchie générale des cathodes, de la plus sûre à la
rapport à la capacité en début de vie. Les technologies LFP
moins sûre : LFP > LMO > NMC > NCA > LCO (figure
et NMC peuvent fournir généralement de l’ordre de 1 000
5), l’oxyde de cobalt étant l’élément le moins stable avec
cycles dans les mêmes conditions avant d’atteindre 80 %
une
d’état de santé et presque doubler leur durée d’utilisation
70 °C quand celle du phosphate de fer sera en générale
à usage à 25 °C. La technologie LMO est quant à elle plus
supérieure à 90 °C.
sensible aux températures élevées : sa durée de vie est fortement impactée et sa perte de capacité fera plus que doubler
entre une utilisation à 25 °C (environ 75-80 % de SOH après
1 000 cycles) et une utilisation proche des 45 °C.
Sécurité : stabilité thermique d’une cellule
Lithium-ion
température
d’emballement
thermique
d’environ
Conclusion
La dénomination « batterie lithium-ion » couvre en fait une
grande variété de technologies avec un dénominateur commun qui est l’ion lithium, lequel est échangé entre une électrode positive, généralement un oxyde lithié de métal, et une
électrode négative, généralement composée de carbone.
De nombreux incidents liés à l’utilisation de cellules Li-
Les matériaux constitutifs de chaque électrode ainsi que le
ion ont marqué les esprits, notamment les explosions d’ordi-
design de chaque technologie impliquent de grandes dispa-
nateurs portables en 2006. Depuis, d’autres incidents sont
rités en termes de performances initiales et de durée de vie.
survenus, tels les problèmes très récemment rapportés sur
Il est toutefois à noter que dans la mesure où elle met en
certains modèles de voitures électriques, ou encore les mé-
jeu un électrolyte organique, condition nécessaire à la haute
saventures de Boeing avec le 787 Dreamliner et ses batteries
tension de cellule unitaire, la batterie lithium-ion ne pourra
Li-ion. C’est un fait, ces technologies de batteries n’ont pas
pas être intrinsèquement sûre. Par conséquent, afin de ga-
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REE N°3/2013
Lithium-ion : état de l’art
rantir le bon niveau de sécurité dans chaque application, un
soin particulier doit être donné au choix de la technologie,
à la qualité de fabrication et surtout, à la gestion électrique.
Enfin, le domaine de la batterie lithium-ion est en pleine
mutation. Tout d’abord, de très forts investissements ont été
réalisés sur des volumes de production par anticipation des
marchés liés au développement du véhicule électrique. Les
ventes de tels véhicules n’étant pas au niveau attendu, on
observe une chute des prix des batteries lithium-ion. La
courbe d’expérience montre depuis les années 2000 une
chute de 14 % du prix à chaque doublement de la capacité totale installé (source Daimler) ce qui laisse envisager un
coût de 300
/kWh à l’horizon 2020.
Acronymes
VAE : Vélo à Assistance Electrique
VE : Véhicule Electrique
NiCd : Nickel Cadmium
NiMH : Nickel Métal Hydrure
CC-CV : Constant Current – Constant Voltage
C : représente la capacité nominale d’une cellule
DOD : Depth of Discharge
SOH : State of Health
NMC : Nickel Manganèse Cobalt
LFP : Phosphate de fer Lithié
LCO : Oxyde de lithium-cobalt
LTO : Oxyde de lithium-titane
BMS : Battery management system
LES AUTEURS
Romain Tessard ([email protected]) est ingénieur au
Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il travaille au sein du Laboratoire de Stockage
de l’Electricité (LSE) à l’Institut National de l’Energie Solaire
à Chambéry. De par ses fonctions, il participe aux essais et
à la qualification de cellules lithium-ion, que le LSE propose
à travers un programme affilié de benchmarking technologique afin de permettre une meilleure connaissance et une
meilleure maîtrise de ces technologies.
Marion Perrin est expert sénior au CEA où elle dirige le
Laboratoire de Stockage de l’Electricité. Ce laboratoire se
spécialise dans l’intelligence pour la gestion de technologies de stockage pour le dimensionnement, la sélection
de technologie et l’optimisation de la durée de vie dans
des applications autonomes, de mobilité ou stationnaires
connectées au réseau.
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