Conférence EF 2007 ENSEEIHT, Toulouse, 6­7 Septembre 2007 MODELE D’EROSION PLASMA LORS DE LA PHASE POST­ARC D’UN DISJONCTEUR A ARC SOUS VIDE P. Sarrailh a,b, L. Garrigues a, G.J.M. Hagelaar a, J.P. Boeuf a, G. Sandolache b, S. Rowe b and B. Jusselin b a LAboratoire PLAsma et Conversion de l’Energie (LAPLACE), UMR5213 Université Paul Sabatier, bât. 3R2, 118 route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 4, France b Schneider Electric Centre de Recherche 38 TEC, 38000 Grenoble Cedex 09, France Contact : [email protected]­tlse.fr Résumé Les disjoncteurs à arc sous vide utilisent les propriétés diélectriques du vide afin d’interrompre un courant de défaut dans des réseaux de distribution moyenne tension. Les performances de ce type de disjoncteur sont limitées par des échecs de coupures lors de la phase post-arc : re­ claquages. Un modèle hybride (fluide pour les électrons, particulaires pour les ions) a été développé afin de comprendre les phénomènes pouvant influencer les re-claquages. Il permet de modéliser, dans une géométrie 2D axisymétrique, la croissance d’une gaine cathodique due à la tension transitoire de rétablissement TTR et l’érosion du plasma par celle-ci. Mots Clés : disjoncteur, érosion plasma, gaine, modèle hybride L’étude de la phase post-arc des disjoncteurs à arc sous vide s’inscrit dans un contexte d’une demande croissante pour ce type de solution dans le domaine de la moyenne tension. En effet, cette technologie utilise les propriétés diélectriques du vide afin d’interrompre un courant (plusieurs kA) dans des réseaux de distribution électrique moyenne tension. Cette technologie comporte différents avantages comme ceux d’être propre (verte) et totalement confinée. Cependant, l’inconvénient majeur est le risque de re-claquage après la coupure d’arc. Le thème de cette étude est la compréhension de ce type de défauts de fonctionnement propres à cette technologie. Le sujet sera exposé suivant deux parties. La première partie rappelle le contexte industriel d’utilisation de la technologie du vide pour couper un courant de défaut dans les réseaux de distribution moyenne tension (MT) et le fonctionnement des disjoncteurs à arc sous vide. La seconde partie présente le modèle de la phase post-arc et un exemple de simulation 2D axisymétrique d’érosion du plasma par la gaine. LA COUPURE EN MOYENNE TENSION Dans un contexte industriel, l’acheminement de l’énergie électrique du lieu de production jusqu’au client final passe par un réseau électrique de distribution moyenne tension (1 kV – 52 kV). Les appareils de coupure sont indispensables afin d’assurer les opérations normales sur le réseau et le cas échéant de protéger les différents éléments de ce réseau MT lorsqu’un défaut apparaît. Les appareils de coupure peuvent être classés dans deux catégories selon qu’ils interrompent un courant de charge (interrupteurs) ou un courant de défaut (disjoncteurs). Dans le domaine MT, il existe un grand nombre de techniques de coupure qui utilisent toutes l’arc électrique comme moyen de dissiper l’énergie. Principe de coupure Dans l’idéal, un appareil de coupure devrait être capable d’interrompre un courant de charge ou de défaut instantanément. Cependant, ceci nécessiterait de faire passer l’appareil de l’état conducteur à l’état isolant instantanément, cela signifie qu’il faudrait que celui-ci puisse absorber toute l’énergie présente dans le réseau au moment de la coupure et qu’il résiste à de fortes surtensions provoquées par la coupure instantanée. Actuellement, aucune technologie n’est capable de réaliser cette prouesse, toute les techniques de coupure passent donc par une inévitable phase d’arc. Lorsqu’un courant de défaut apparaît dans le réseau, les contacts du disjoncteur se séparent sans qu’il y ait de répercussions immédiates sur la circulation du courant. Le courant se concentre alors dans les derniers points de contact ce qui provoque un échauffement puis la fusion du métal en ces points. Alors que les contacts continuent à s’éloigner, des ponts métalliques se créent puis finissent par rompre. Un arc électrique apparaît alors au niveau de ces points de forte densité. Dans le cas du vide, les forces électromotrices des générateurs étant grandes comparées à la tension d’arc, le courant électrique n’est pas affecté par cette phase d’arc. De manière générale, les processus de coupure en MT se décomposent en deux phases distinctes. Tout d’abord, la phase de séparation de contacts qui provoque une phase d’arc pendant laquelle l’appareil de coupure dissipe l’énergie présente dans le réseau. Puis au moment où le courant alternatif passe naturellement par zéro, une phase post-arc pendant laquelle le milieu inter-électrode doit pouvoir s’opposer à la croissance rapide de la surtension appelée tension transitoire de rétablissement (TTR) afin d’éviter tout risque de re-claquage. Les différentes techniques de coupure Les techniques de coupure en moyenne tension se différentient par le milieu de coupure dans lequel se développe l’arc électrique. Sur le marché, on distingue quatre technologies utilisées : dans l’huile, dans l’air, dans le vide et dans le SF6. Les deux premières ne sont pratiquement plus utilisées de part leurs caractéristiques trop contraignantes comparées au vide et au SF6. Actuellement la quasi-totalité des appareils de coupure fonctionnent avec l’une de ces deux dernières technologies qui jouent un rôle complémentaire dans l’industrie. Bien que ces deux milieux aient une tenue diélectrique suffisante pour la moyenne tension, en pratique, la meilleure technologie est utilisée suivant le type d’application. En ce qui concerne les disjoncteurs, les deux technologies sont utilisées, les disjoncteurs au SF6 permettent d’obtenir des performances de coupures plus élevées, tandis que, les disjoncteurs sous vide sont plus adaptés à faible tension (inférieure à 24 kV). Cependant, les disjoncteurs à arc sous vide présentent un risque non-négligeable de re-claquage lors de la phase post-arc lorsque la tension nominale du réseau est supérieure à 17,5 kV. La physique de la phase post-arc Dans un disjoncteur à arc sous vide, un plasma d’arc se forme après la séparation mécanique des contacts. Au moment du passage par le zéro du courant (2 fois par période, soit toute les 10 ms pour un courant 50 Hz), le dernier spot cathodique s’éteint en raison de la disparition du courant de défaut. Un plasma résiduel, issue du plasma d’arc, est présent dans l’espace inter-électrode 1 et permet toujours le passage du courant. Le disjoncteur met à profit le passage naturel par zéro du courant pour chasser rapidement ce plasma résiduel. A cet instant, l’espace inter-électrode passe alors très rapidement de l’état de conducteur à l’état d’isolant. Une tension transitoire de rétablissement TTR imposée par le circuit électrique commence alors à apparaître entre les deux contacts. Dans le cas d’un court-circuit, le TTR est du aux oscillations entre les capacités locales et les inductances du réseau. Lors de la phase post-arc, l’ex-anode devient négative par rapport à l’ex­ cathode et repousse instantanément les électrons à proximité. La cathode (ex­ anode) n’est alors plus en contact avec le plasma quasi-neutre, une gaine dans laquelle seuls des ions sont présents sépare le plasma et la cathode. La tension appliquée TTR se retrouve alors entièrement répartie sur l’épaisseur de la gaine. Le saut de potentiel pour traverser la gaine devient alors de plus en plus grand (croissance de la TTR) et seul les ions parviennent jusqu’à la cathode. Le courant d’ion traversant la gaine est appelé courant post-arc. Du fait que ce courant extrait des ions du plasma, la densité de plasma diminue peu à peu dans l’espace inter­ électrode. La croissance de la TTR et la diminution de la densité plasma font que la gaine croît rapidement (voir dernière partie sur la croissance de la gaine) et finit par chasser le plasma pour des temps relativement courts de l’ordre de 10 µs. SIMULATION DE LA PHASE POST-ARC Dans cette partie, le modèle hybride réalisé pour une géométrie 2D axisymétrique décrit la croissance de la gaine et l’érosion du plasma en présence de la TTR. Le modèle hybride Le modèle décrit par une méthode hybride 2, particulaire pour les ions et fluide pour les électrons, l’évolution d’un plasma de densité initiale déterminée entre les deux électrodes d’un disjoncteur à arc sous vide sous l’influence de la TTR. Tout d’abord, la densité ionique ni(x,t) est déduite de la manière cinétique par une méthode Particle-In-Cell PIC, qui consiste à intégrer les trajectoire de macro­ particules représentant un certain nombre d’ion Cu+ puis à calculer la densité correspondante sur un maillage. On associe à une macro-particule une position r(x,y,z), une vitesse v(vx,vy,vz) et un poids w (nombre de particules que représente réellement la macro-particule). Chaque macro-particule est poussée à chaque pas de temps suivant la loi de Newton (1) : &r&(t ) = e.E (r,t ) mi (1) Où e est la charge électrique, mi (63.5 amu) la masse d’un ion and E(x,t) est le champs électrique. Cette loi traduit que les ions sont en chutes libres dans la gaine (pas de collision avec les ions). Tout d’abord, on considère que les électrons réagissent instantanément au potentiel. La loi de Maxwell-Boltzmann (2) nous permet d’écrire la densité électronique en équilibre avec le potentiel électrique à chaque instant dans l’espace inter-électrode : e(V (r, t ) − V0 ) n e (r, t ) = n 0 (t ) exp kT e (2) Avec n0, V0, Te et k respectivement la densité électronique, le potentiel de référence, la température électronique et la constante de Boltzmann. La variation de la densité de référence n0(t) est calculée à partir de l’équation de conservation du courant (3) intégrée sur tout le volume : ∇.J T = 0 (3) où JT est le courant total. Le champ électrique nécessaire pour l’intégration des trajectoires des ions est obtenu à partir de l’équation de Poisson (4) liant le potentiel à la charge d’espace : e ΔV (r, t ) = − [ni (r, t ) − n e (r, t )] ε0 (4) Où ε0 est la permittivité du vide. Cette équation est fortement non-linéaire en raison de l’expression de la densité électronique par la relation de MaxwellBoltzmann, et celles ci doivent donc être linéarisées 3 pour être résolues. Les résultats de simulation Le modèle est appliqué pour des contacts cylindriques de même rayon r=1cm séparés par un espace inter-électrode de d=1cm. Les conditions initiales de la densité du plasma sont une distribution gaussienne avec une maximum de densité n0=1019 m-3. Pour la TTR, un maximum de 100 kV est atteint avec un temps de monté de 100µs. Figure 1 : Evolution de la densité ionique dans l’espace inter-électrode en échelle logarithmique (3 décades de 1019 m-3 à 1016 m-3). L’espace inter électrode est de 1cm, et le rayon des électrodes de 1cm. La densité initiale est Gaussienne, avec un maximum de 1019 m-3. La tension appliquée sur la cathode varie linéairement de 0 à -100 kV avec un temps de monté de 100 µs. La cathode est à gauche et l’anode à droite. La figure 1 montre l’évolution du plasma lorsque l’on applique la TTR entre les contacts. Le profil initial de densité du plasma suit une gaussienne excentrée par rapport à l’axe tel qu’on peut le voir à t=0 sur la figure 1. Puis petit à petit, la différence de potentiel augmente entre les électrodes, la chute de potentiel se réparti dans la gaine et les ions sont accélérés vers la cathode (à gauche). On peut ainsi observer une croissance rapide de la gaine (en blanc sur la figure 1) dans laquelle la densité ionique est très faible, et simultanément, on observe une diminution de la densité de plasma en dehors de la gaine. La diminution de la densité est due au fait qu’un courant ionique est extrait du plasma par la gaine même si elle ne progresse pas. Au bout de 25 µs, la gaine a totalement envahi l’espace inter-électrode, la densité plasma est nulle partout, le milieu a retrouvé ses propriétés isolantes dans sa totalité. La croissance de la gaine Afin d’analyser la progression de cette gaine, il est nécessaire de détailler les différentes étapes de sa progression. Dans une géométrie 1D, pour un profil uniforme de densité initiale ni du plasma et pour un saut de potentiel V dans l’espace inter-électrode, on peut décomposer la formation de la gaine en deux étapes. Le temps caractéristique de réaction des électrons au potentiel appliqué est beaucoup plus court que celui des ions. Le temps caractéristique pour les électrons est de l’ordre de grandeur de l’inverse de la fréquence plasma électronique τe ≈ ωpe-1 ≈ 0,01 ns alors que les ions commencent à réagir pour des temps de l’ordre de la fréquence plasma ionique τi ≈ ωpi-1 ≈ 0,01 µs. La réaction des électrons à l’application de la différence de potentiel paraît donc instantanée. Une gaine cathodique (ex­ anode) apparaît alors, celle-ci est caractérisée par la présence d’ions uniquement et une densité électronique négligeable. Le plasma restant quasi-neutre en dehors de la gaine, la différence de potentiel se répartie entièrement dans la gaine. Cette gaine est appelée « matrix sheath » et son épaisseur s0 dans le cas d’une géométrie 1D est : kT s0 = 2 e e ni 1/ 2 1/ 2 2eV kT e (5) Les électrons réagissent instantanément, la formation de cette gaine est prise comme condition initiale, on observe seulement l’évolution de cette gaine « matrix » vers une autre gaine de type « Child Langmuir » 4 qui se forme seulement lorsque les ions commencent à être déplacés (lorsque le plasma commence à être érodé). Pour une géométrie 1D, on peut décrire l’évolution de s par l’équation suivante : 12 ds (t ) 4 2e V (t )3 2 ens + ens uB = ε 0 dt 9 mi s (t )2 avec uB = (6) kBTe la vitesse de Bohm et ns la densité du plasma en bordure de mi gaine. Cette équation est obtenue en posant l’égalité entre le courant en bordure de gaine (le courant d‘électron dû à la croissance de la gaine plus le courant ion appelé courant de Bohm) et le courant de Child Langmuir (courant maximum d’ion dans la gaine pour une différence de potentiel donnée). Cette équation donne une bonne estimation de la progression de la gaine et une bonne description qualitative de la progression de la gaine5-8. Cependant, certaines hypothèses limitent rapidement l’utilisation de cette équation. Notamment, la détermination de la densité en bordure de gaine peut être très compliquée à aborder, ns = 0.6 ni est souvent posée en considérant une gaine statique cependant, comme on peut le voir sur la simulation ci-dessus cette densité est loin de rester constante tout au long de la progression de la gaine. D’autres modèles plus complet apportent une meilleure précision (voir modèle de Murakami et Nishihara 9) dans un cas non-collisionnel. L’utilisation d’un modèle hybride permet de s’affranchir de ces limitations et de visualiser les phénomènes pour des géométries 2D axisymétriques. CONCLUSION La coupure d’un courant de défaut par un disjoncteur à arc sous vide est réalisée en deux temps. Tout d’abord, une inévitable phase d’arc lorsque les contacts se séparent. Puis une phase post-arc, pendant laquelle le disjoncteur doit retrouver la totalité de ses propriétés diélectrique. Un modèle hybride représentant la phase post-arc pour une géométrie 2d axisymétrique et les résultats pour des conditions initiales données sont présentés dans cette publication. Ceux-ci montrent la dynamique de la gaine et l’érosion du plasma en présence de la tension transitoire de rétablissement. REFERENCES [1] Boxman R.L., Martin P.J., Sanders D.L., Handbook of vacuum arc science and technology, Noyes publication, Park Ridge, New Jersey, USA, 1995. [2] Garrigues L., Hagelaar G.J.M., Kim T.W., Boeuf J.P., and Rowe S.W., “Two-dimensional Model of Sheath Expansion in the Post-arc Phase of a Vacuum Circuit Breaker”, 27th International Conference on Phenomena in Ionized Gases, Eindhoven, the Netherlands, July 2005. [3] Hagelaar G J M, “How to normalize Maxwell-Boltzmann electrons in transient plasma models”, submitted for publication. [4] Lieberman M A and Lichtenberg A J 1994 Principles of Plasma Discharges and Materials Processing (New York : John Wiley & Sons, Inc). [5] Holmes R and Yanabu S 1973 J. Phys. D: Appl. Phys. 6 1217. [6] Childs S E and Greenwood A N 1982 IEEE Trans. Plasma Sci. PS-8 289. [7] Duning G and Lindmayer M 1998 Plasma density decay of vacuum discharges after current zero Proc. IEEE 18th Int. Symp. on Discharges and Electrical Insulation in Vacuum (Eindhoven, The Netherlands, 17-21 August) p 447. [8] Orama-Exclusa L R 2001 Breakdown phenomena of a vacuum interrupter after current zero Proc. International Conference on Power Systems Transients (Rio de Janeiro, Brazil, 24-28 June). [9] M. Murakami and K. Nishihara, Sheath dynamics induced by ion-acoustic rarefaction wave, Physics of Fluids B: Plasma Physics, 5(9), pp. 3441-3446, September 1993.