… à la mise en scène.
Lorsque j’ai écrit cette pièce, j’ai eu la volonté de mettre dès le départ le spectateur en terrain
neutre : la protagoniste n’a pas de prénom et le lieu dans lequel elle emménage reste indéter-
miné.
Mon objectif était que chaque personne puisse se projeter en elle et imaginer dans quel
endroit elle évolue (internat, asile psychiatrique, chambre de bonne) jusqu’au dénouement
final. A ce moment seulement, ce lieu imaginaire se fige dans une réalité froide : celle d’une
cellule de prison.
Mon souhait était également de provoquer une expérience dans la mise en scène et dans
l’écriture.
Dans l’écriture tout d’abord : le peu d’information que l’on possède sur cette anonyme permet
au spectateur d’effleurer seulement sa personnalité et de ne pas la juger sur ce qu’elle aurait
vécu.
Dans la mise en scène enfin : la comédienne évolue dans un espace réduit en avant scène et
prend à partie le spectateur à travers tout un jeu de regards. La comédienne et le spectateur,
individuellement, communiquent.
A travers ce double engagement, j’ai voulu créer pour le spectateur une proximité inhabituelle
avec la comédienne et l’ancrer dans le même présent. Si le spectateur ignore le passé de la
protagoniste et se sent inclus dans le même espace, il ne devient pas un geôlier qui regarde à
travers l’oeilleton de la cellule mais l’exacte opposé : un co-détenu.
Une cellule de prison mesure 9m2. Pour moi, il était naturel que la comédienne évolue dans
cette surface restreinte.
Cependant, hormis cette réalité, je ne souhaitais pas baigner dans l’ultra réalisme de la prison,
bien au contraire. L’imaginaire devait prédominer. Il était nécessaire de permettre au person-
nage de créer et de faire évoluer son espace de vie instantanément comme elle le ferait dans
son esprit.
Pour ce faire, la comédienne transforme l’espace sur scène au fur et à mesure du déroulement
de la pièce. L’espace scénique dépouillé devient peuplé d’objets. .A mi-chemin entre le réel et
l’imaginaire, ces objets deviennent transversaux. Le carton, symbole du déménagement, de-
vient tour à tour écritoire, fauteuil et cercueil. L’espace de jeu est sobre et mouvant habité par
une comédienne dont la légèreté du jeu tranche avec la gravité des mots qu’elle fait exister.
De l’écriture …
Il y a une image qui ne me quitte pas.
Celle d’un homme de 40 ans qui tient son stylo devant moi et qui use de toute sa force
pour le maintenir en l’air . Sa feuille tremble un peu : il écrit son premier mot...
C’était à la Maison d’Arrêt de la Santé.
En prison, la communication est biaisée, les relations sont effleurées, les seuls éléments
concrets sont l’attente d’une sortie et l’amour de quelqu’un, qui que ce soit, qui attend à
l’extérieur.
L’annonce d’une libération et l’amour se présentent alors sous la même forme : par l’arri-
vée d’une lettre...
Précisément, Au commencement était le verbe est avant tout une histoire de lettres, celles qui
s’écrivent et s’affichent dans la cellule sans être envoyées – lettres qui constituent le corps
de la pièce - et celle que la protagoniste attend désespérément – à laquelle on n’aura pas
accès.
Note d’intention
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