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1. Introduction
Au plan international, il existe une évidence empirique significative relative aux
conséquences négatives d’un diagnostic de cancer sur la situation sur le marché du travail des
individus malades. Ainsi, on sait que recevoir un diagnostic de cancer éloigne à moyen terme
du marché du travail et ce, d’autant plus que les limitations fonctionnelles sont importantes
après les traitements. Plus spécifiquement être affecté d’un cancer diminue la participation au
marché du travail, le nombre d’heures travaillées et généralement les revenus. La sortie du
marché du travail peut perdurer dans le temps et aboutir à l’inactivité pour les plus âgés et
pour ceux pour lesquels la sévérité de la maladie et/ ou la sévérité des séquelles pèsent
fortement (voir par exemple Mehnert (2011), Bradley, 2002, de Boer (2009)). Les spécificités
des systèmes d’assurance maladie, de compensation des revenus perdus ou de bénéfice de
l’assurance maladie du conjoint comptent également, dans certains pays comme les Etats-
Unis, pour expliquer les délais de retour au travail (Bradley et al., 2013 ; Pohl (2014)).
Des travaux se sont développés récemment en France pour analyser l’effet d’un cancer
sur les situations professionnelles à partir de différentes sources de données (voir par
exemple, Duguet, Le Clainche, 2016 ; Barnay et al., 2015 ; Paraponaris et al. 2014 ; Joutard
et al., 2012). Toutefois, en France, cette question de l’insertion professionnelle des personnes
atteintes d’un cancer n’a longtemps suscité qu’un intérêt modéré du fait, sans doute, de la
mortalité importante et de l’âge moyen élevé des personnes atteintes d’un cancer. Dès lors, la
question de l’emploi n’était pas centrale. Mais avec l’accroissement de l’incidence des
cancers (Belot et al. 2008), à des âges actifs et de la survie longue des individus, elle est
devenue plus cruciale.
En outre, pendant longtemps, la France, comme beaucoup d’autres pays européens, a
souffert d’un certain manque de données susceptibles de traiter la question des transitions
professionnelles à la suite d’un diagnostic de cancer, en particulier par rapport aux pays
scandinaves disposant de bases de données longitudinales pertinentes, ie incluant données sur
la maladie et données administratives, sur la relation cancer et emploi. Il existe désormais des
sources de données d’enquêtes venant compléter les informations relatives aux registres des
cancers, comme les enquêtes « La vie deux ans après le diagnostic de cancer » (Drees, Inserm
2004) Vican2 (2014) et Vican 5 (2016), ou la base de données Hygie (2005-2011 avec
rétrospective) que nous utilisons dans cet article.
Les travaux français les plus récents illustrent la difficile employabilité des personnes
atteintes du cancer. Aussi, les données issues de l’enquête Vican2 réalisée en 2012 montrent
notamment qu’au moment du diagnostic, la population est en moyenne plus âgée que la
population générale, que l’impact du cancer est négatif sur la situation professionnelle,
notamment deux ans après et que les populations plus vulnérables en termes d’âges (les plus
jeunes et les plus âgées) et occupant des fonctions d’exécution sont plus affectées
(Paraponaris et al. 2014). Les analyses menées à partir de Hygie montrent également que cet
impact négatif du cancer est persistant au-delà de deux ans pour les plus âgés notamment
(Barnay et al. 2015). Des travaux français plus anciens révèlent en outre que le site du cancer,
sa sévérité ainsi que le type de traitements reçus, en particulier lorsque chirurgie,
radiothérapie et chimiothérapie se combinent, ont une incidence sur l’allongement des délais
de retour au travail après le diagnostic (Malavolti et al., 2008). Enfin, certaines études
mentionnent également que le contexte des marchés du travail, le droit du travail de même
que l’effectivité des aménagements des conditions de travail ont également un impact pour
expliquer la réduction des délais de retour et le maintien dans l’emploi dans des conditions
efficaces (Duguet, Le Clainche, 2016).
Peu de travaux cependant se sont focalisés sur l’analyse des transitions sur le marché
du travail, en particulier entre l’emploi et l’inactivité à la suite d’un tel choc, à l’exception de