Cancérologie Binome 2 Cours du vendredi 16/09/11 de 16h à 18h Mécanismes de réponse cellulaire aux dommages dans l’ADN et maladies génétiques associées N.B : Voici des abréviations souvent utilisées : - sb : simple brin - db : double brin - ADN pol : ADN polymérase Importance des systèmes de réparation : L’ADN est la seule molécule biologique réparée et non remplacée. Plus de 100 gènes sont impliqués dans les mécanismes de réparation. Si une lésion est mal ou non réparée alors se produit une mutagénèse et donc une non fonctionnalité d’un gène (ce qui peut conduire à un cancer). Si des dommages sont présents dans l’ADN alors ils doivent être réparés pour assurer une stabilité génomique. Cela peut induire des pathologies dont les cancers et aussi une divergence génétique. Il existe différentes isoformes des protéines de réparation. La recombinaison entraine des diversités protéiques. Il existe différents systèmes de réparation qui prennent en charge différents types de lésions : - réparation directe (par réversion) : une seule enzyme intervient - réparation par excision de la région endommagée : BER (répare base)/ SSBR (pour cassures sb), NER (répare nucléotide), mismatch repair : réparation des mésappariements (erreurs des ADN pol lors de la réplication) - réparation des coupures db : HR (recombinaison homologue car elle utilise 2 brins homologues) et NHEJ (recombinaison non homologue) - passage de lésion (réparation translésionnelle) I/ Réparation directe Une seule étape 2 systèmes connus 1. MGMT (méthyltransférase) Mécanisme suicidaire : une seule enzyme répare les lésions de type O6 méthylguanine (lésions dues aux radicaux libres et à la fumée de cigarette). L’enzyme greffe le méthyle sur une de ses cystéines, est dirigée vers la dégradation et cela répare la lésion de l’ADN. Dans certains polypes colorectaux et glioblastomes, il y a des altérations de la MGMT (hyperméthylation du promoteur du gène) et donc accumulation des lésions. 2. Photoréactivation Il existe chez les eucaryotes inférieurs mais n’est pas encore identifié chez les mammifères placentaires. Photolyase : enzyme qui répare les lésions induites par les UV (dimères de thymine) qui sont des lésions encombrantes pour l’ADN. La CPD-photolyase reconnaît ce type de dommage et utilise l’énergie apportée par la lumière pour s’activer et réparer la lésion. II/ Réparations plus complexes (par excision de la région endommagée) BER : Répare les dommages induits par les radiations ionisantes, les alkylations et les réactions spontanées du métabolisme cellulaire NER : en réponse à des lésions beaucoup plus encombrantes (UV ou dommages produits par les fumées de cigarette) HR et NHEJ : répare les cassures db dues aux anti-tumoraux et aux UV Mismatch repair: répare les erreurs de la réplication Après les dommages, la cellule se fige pour la réparation (il n’y a plus de réplications, de transcriptions et arrêt du cycle cellulaire sinon se produisent plein de mutations). 1. BER et SSBR Lésions réparées par le BER : - désintégration spontanée de liaisons chimiques dans l’ADN - sous produits du métabolisme cellulaire normal - agents environnementaux a. Désintégration spontanée de liaisons chimiques dans l’ADN - Hydrolyse de nucléotides générant des sites abasiques non instructifs : plusieurs milliers de dépurinations et centaines de dépyrimidinations Désaminations spontanées (ex : cytosines -> uraciles) b. Sous produits du métabolisme cellulaire - oxydations par des espèces réactives oxygénées (ROS) qui dérivent de la respiration oxydative et de la peroxydation des lipides méthylations : production de 3-méthyladénine par la S-adénosylméthionine c. Agents environnementaux - UVA et UVB et dommages oxydatifs induits par les UVB - Radiations ionisantes Agents chimiques Conclusion : ce système prend en charge les méthylations de bases, les sites abasiques et cassures sb Etapes du BER : - reconnaissance des lésions : pour BER :ADN glycosylases et pour SSBR : poly (ADP-ribose)polymérase (PARP) - élimination de la base endommagée : ADN glycosylases ou ADN glycosylases-AP lyases (capables de créer une incison en 3’ ou 5’ de la lésion) - incision du squelette sucre-phosphate APE : AP endonucléases, incision en 3’ du site abasique ADN glycosylases-AP lyases, incision en 5’ du site abasique - élimination du nucléotide abasique - polymérisation de novo ADN polymérases - ligation ADN ligases En réalité c’est plus compliqué car il y a de nombreux intervenants et plusieurs sous voies : - BER : short patch repair SPR : brèche de 1 à 2 nucléotide - SSBR : long patch repair LPR : brèche d’environ 6 nucléotides : d’autres ADN pol plus processives interviennent La voie est choisie en fonction du type de dommage, de l’enzyme qui reconnaît la lésion et du cycle cellulaire. Rôle de la réaction de poly(ADP-ribosyl)ation dans la réponse cellulaire aux interruptions de l’ADN : Important : PARP est une enzyme qui catalyse une réaction de poly ADP ribosilation après avoir reconnu la cassure sb (modification post traductionnelle des protéines). En réponse aux cassures sb, ces protéines PARP utilisent le NAD et catalyse la synthèse d’ADP-ribose sur des protéines nucléaires qui jouent un rôle dans la réponse cellulaire aux dommages. En inhibant PAR avec des inhibiteurs PARP on empêche la SSBR donc accumulation des cassures sb qui se transforment en cassures db par réplication et elles ne peuvent plus être réparées ce qui entraine la mort cellulaire (donc utilisé dans la thérapie du cancer). En cas d’ischémie, il y a une accumulation de cassures dans l’ADN donc PARP est suractivée (puisqu’elle reconnaît ces cassures) ce qui cause une production excessive de polyADPriboses entrainant la mort cellulaire. Ainsi les inhibiteurs PARP ont aussi un effet bénéfique pour protéger de la mort cellulaire. Il existe des anticorps dirigés contre le poly ADP ribose. On peut donc aujourd’hui doser cette activité de poly ADP ribosilation et ainsi reconnaitre les cellules endommagées, ce qui permet de doser la thérapie anti cancer. La synthèse de poly ADP ribose a 2 fonctions : - recruter des enzymes de réparation sur le site de cassure (ex : XRCC1 a des domaines de liaisons au poly ADP-ribose, sinon XRCC1 ne vient pas sur le site de cassure) - moduler l’activité des protéines de réparation BER et cancer : Il y a très peu d’évidences qu’une mutation dans une protéine de ce système de réparation ne conduise au cancer. On a quand même pu reconnaître des mutations dans certaines ADN glycosylases (ex : OGG1 : qui répare les 8-oxoguanines, générées par la fumée de cigarette) mais pas systématiquement (études toujours en cours). Cela est surtout retrouvé chez les patients âgés donc est peut-être lié au vieillissement. Les fumeurs âgés qui présentent un problème de réparation de la 8-oxoguanine (OGG1 muté) développent un cancer du poumon. SSB : cassures sb Sous processus de ce système de BER/SSBR Cela induit des pathologies neurologiques. Il y a 10 a 10000 cassures sb/jour/cellule qui viennent des dérivés radicalaires de l’oxygène (attaque oxydative par les ROS), des désintégration des sucres, des produits du BER ou des erreurs de la topoisomérase I. Les cassures sb bloquent la réplication, inhibent la transcription et induisent une suractivation de la PARP et donc la mort cellulaire. En fonction des dommages il n’y a pas les mêmes systèmes de réparation qui sont induits. Important : 2 protéines sont à connaitre pour la réparation de ces cassures sb : APTX et TDP1. Chez les patients traités à la camptotécine, ce médicament inhibe la topo I ce qui provoque une accumulation des cassures sb. TDP1 permet le relarguage de la topo I qui sinon reste bloquée. PARP, XRCC1 et PNK (polynucléotide kinase qui reforme les extrémités 5’P et 3’OH) sont recrutés puis il y a ligation. 2. NER Ce système répare les lésions induites par les UV (qui contorsionnent et distorsionnent l’ADN) : dimères de pyrimidines (CPD) et les 6-4 photoproduits (PP). 2 sous voies de réparation : - globale sur tout le génome (GG-NER) - ou associée à la transcription (répare les lésions UV pendant la transcription) : lésions qui bloquent l’ARN pol II donc d’autres protéines vont réparer (TC-NER) a. GG-NER : global-genome NER Répare les lésions de type CPD ou 6-4PP. - Reconnaissance de la lésion par une protéine XPCR23 (existe 7 XP : XPA, B, C, D, E, F, G). Une mutation d’une XP induit le xeroderma pigmentosum. - Formation puis fixation d’un gros complexe protéique autour de la lésion qui ouvre la double hélice de l’ADN. Dans le complexe se trouvent TFIIH, ADN pol II, XPA, XPG et RPA. - Excision du brin d’ADN contenant la lésion (XPF coupe en 5’ de la lésion et XPG coupe en 3’) donc on enlève une brèche d’environ 1000 nucléotides. - Polymérisation : les polymérases processives polymérisent la brèche. - Ligation b. TC-NER : transcription-coupled NER CSA et CSB (mutation -> cockayne syndrome) : rôle d’hélicase BRCA1 et BRCA2 (mutations -> cancer sein et ovaire) Maladies génétiques associées au NER : Xeroderma pigmentosum (enfants de la lune) : mutation dans un gène XP entrainant des problèmes de réparation de ces lésions et facilement des cancers si les patients s’exposent aux UV. Aujourd’hui 7 protéines XP induisent Xeroderma Pigmentosum + un variant XPV qui a un rôle dans NER mais dont la mutation n’entraîne pas de sensibilité aux UV Cockayne syndrome (CS) : mutation dans CSA ou CSB Sensibilité aux UV si aussi mutation aux gènes XP Ce syndrome entraine un vieillissement accéléré, une dégénérescence neuronale accentuée, un nanisme, des anomalies faciales et des déficiences neurologiques. Trichothiodystrophie (TTD) : XPB ou XPD muté Anomalies faciales, vieillissement accéléré et surtout cheveux cassants Pathologie moins délétère (effets entre XP et CS) 3. Mismatch repair (MMR) Cela sert à réparer les erreurs de la réplication. Il doit cibler le brin nouvellement synthétisé car la bonne base se situe dans le brin parental. Ce système répare aussi lors de la recombinaison homologue (en reconnaissant les hétérologies de séquence) et pas que pendant la réplication. Ceci est important dans la gestion des alkylations de bases (par agents anti tumoraux) Le système ressemble aux autres mais ce ne sont pas les mêmes protéines de reconnaissance qui interviennent. Etapes : - Reconnaissance d’une misincorporation d’une thymidine en face d’une guanosine pendant la réplication - Recrutement d’un complexe protéique (hMSH2-hMSH6 : hMutSα) sur le site du dommage qui en attire un autre (hMLH1-hPMS2 : hMutLα) - Translocation du complexe autour du mésappariement pour sortir la mauvaise base - Collision à la fourche de réplication puis saut d’un fragment d’Ogazaki à l’autre La complexité c’est que la cellule doit reconnaître le bon Nt à réparer (on ne sait pas comment la cellule humaine sait discriminer le brin neo synthétisé et le parental).On pense que PCNA (protéine de la réplication) fait la discrimination entre les 2 brins Chez E.Coli, des enzymes arrivent à discriminer le brin parental méthyle du brin neo synthétisé non méthylé. - Recrutement d’une exonucléase qui digère le brin avec la lésion (plusieurs cycle jusqu’à ce qu’on touche la lésion) - Polymérisation de la brèche - Ligation Lésions particulières : - Agents alkylants : temozolomide et agent de chimiothérapie induisent O6methylguanine - 6-thioguanine TG : traitement des leucémies, immunosuppresseurs induisent 6méthylthioguanine - Cis-platine : agents de chimiothérapie pour les cancers des testicules et ovaires induisent pontage intra-brin 1,2 GpG Pour ces lésions, le MMR intervient car cela est reconnu comme un mésappariement. Mais la réparation est dite futile car elle répare la thymine et non la partie méthyle donc se produit accumulation de mutations ce qui entraine l’apoptose. Les agents alkylants deviennent potentiellement mutagènes car au bout d’un moment il n’y a plus de réparation MMR donc il n’y a plus d’apoptose. 50% des cancers colorectaux héréditaires sont associés à une déficience du MMR : seule maladie connue en rapport avec ça aujourd’hui. 4. Réparation des cassures db (HR et NHEJ) HR : fidèle, plus actif en phase S et G2 car c’est à ce moment qu’il y a 2 brins NHEJ : souvent infidèle car gain ou perte de fonction, plus actif en G1 Ces 2 systèmes existent chez les mammifères. a. HR - Reconnaissance de la lésion par un complexe RMN (initiales des 3 protéines le formant) qui commence à grignoter le bout d’ADN de 5’ vers 3’ (activité exonucléasique) - Le bout d’ADN est ensuite protégé par RPA qui facilite la formation du filament RAD51 RPA recrute donc RAD51 et RAD52 (celui-ci stimule également la formation du filament RAD51) qui entourent le sb formé. Ces 2 RAD ainsi que RAD54 (ATPase) initient la recherche d’homologie et l’échange de brins - Formation de jonctions Holliday (échange de brins formés) - Résolution des jonctions Holliday par des résolvases une fois que la brèche est réparée b. NHEJ Le gène se nomme XRCC mais les protéines ont d’autres noms. - Les protéines de reconnaissances KU (ATPases à activité hélicase) sont recrutées, ouvrent l’ADN, rapprochent les extrémités d’ADN et recrutent XRCC4 et DNA ligase 4 - Formation de cassures db franches par ARTEMIS (nucléase) - Réparation des cassures par l’ADN ligase 4 et XRCC4 pour faciliter la formation d’extrémités ligables Encore une fois en réalité c’est peut-être plus complexe que ça. Maladies des gènes de réparation de l’ADN : Syndrome Xeroderma pigmentosum classique Ataxia telangiectasia Syndrome de Nijmegen BRCA1/BRCA2 Syndrome de Werner Syndrome de Bloom HNPCC Xeroderma pigmentosum variant Type de voie de réparation affectée NER Instabilité génomique Type de cancer associé Mutations ponctuelles Cancer de la peau induit par les UV Réparation de cassures db HR ? Aberrations chromosomiques Aberrations chromosomiques Aberrations chromosomiques Aberrations chromosomiques Aberrations chromosomiques Mutations ponctuelles Mutations ponctuelles Lymphomes HR HR/TLS Réparation de cassures db MMR TLS (synthèse translésionnelle) Lymphomes Cancer du sein (et ovaire) Leucémies Leucémies, lymphomes,… Cancer colorectal Cancer de la peau induit par les UV Maladies associées à un défaut de la réparation des cassures db : ATM mutée (protéine qui arrête le cycle cellulaire et signale les cassures db) alors pathologie Ataxia telangiectasia (AT) : neurodégénérescence, déficiences immunitaires, prédisposition aux cancers (lymphomes) et dilatation des vaisseaux NBS (Nijimegan breakage syndrome) : NBS1 mutée (une des protéines du complexe RMN dans le cas de la réparation HR) : instabilité chromosomique, déficiences immunitaires, cancers (lymphomes) et microcéphalie BRCA1/BRCA2 : cas familiaux de cancers du sein et de l’ovaire, rôle dans HR donc quand ils sont mutés alors les cassures db ne sont pas réparées (accumulation) donc des cancers apparaissent 5. Passage de lésions Certaines lésions ne sont pas réparées mais des ADN pol peuvent les traverser et donc la lésion persiste. On les appelle les polymérases Switch. Souvent ce sont des lésions qui bloquent la réplication. 2 possibilités : - Polymérase Switch : changement d’ADN pol/synthèse translésionnelle (hautement mutagène) - Template Switch : ADN échangé entre 2 brins (dépend de la recombinaison homologue) : pas mutagène Synthèse translésionnelle (TLS) : La fourche de réplication rencontre une de ces lésions bloquantes et dans certains cas l’ADN pol de la réplication est remplacée par des ADN pol translésionnelles. Elles vont garder la lésion, mettent un nucléotide en face (n’importe lequel) et la réplication reprend derrière. Donc se produit une accumulation de lésions non réparées. Les ADN pol translésionnelles (TLS) appartiennent toutes à la même famille de polymérases (Y). Ce sont des protéines qui ont des domaines fonctionnels conservés. Ces ADN pol sont devenues translésionnelles car elles étaient très peu fidèles (contrairement à une fidèle qui si elle se trompe peut revenir en arrière car elle se rend compte qu’elle a fait un mésappariement). Les ADN pol TLS sont donc peu fidèles et peu processives (c’est à dire qu’elles se décrochent du brin d’ADN puis reviennent puis se redécrochent etc…contrairement a une ADN polymérase à très forte processivité qui reste sur le brin d’ADN, ce qui lui empêche de sauter les lésions). Xeroderma pigmentosum variant (XPV) NER est fonctionnel mais les mêmes symptômes que les patients XP apparaissent. XPV intervient dans la TLS car cette protéine code pour l’ADN pol η. Comment l’absence de l’ADN pol η (mutation XPV) provoque-t-elle des cancers ? Cette ADN pol TLS est capable de répliquer un dimère de thymine mais elle incorpore les bon Nt (adénine). Donc se produit une accumulation de lésions mais avec le bon Nt en face. Comme cette ADN pol est absente chez ces patients une autre prend le relais mais n’incorpore pas les adénines (mais n’importe quel autre Nt en face de T) donc accumulation de mutations (d’où le xeroderma pigmentosum) et cancers.