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uvrir une porte. C’est le geste symbolique qui nous est proposé en ce début d’année
sainte qui célèbrera un jubilé en l’honneur de la miséricorde du Seigneur. Ouvrir une
porte indique la volonté de passer par cette porte soit pour chercher le
repos, soit pour partir explorer le monde. Jésus lui-même le souligne
dans l’Evangile de St Jean (Jn 10,9) Moi, je suis la Porte. Si quelqu’un
entre en passant par moi, il sera sauvé, il pourra aller et venir, et il
trouvera sa nourriture. Jésus se présente comme La Porte par laquelle
doivent passer les brebis du bercail. Pas seulement pour entrer, mais
aussi pour sortir. Il n’est question de rester dedans, ni de rester dehors.
Il s’agit d’aller et venir pour entrer en miséricorde : accueillir celle du
Seigneur, et l’offrir aux autres. De manière symbolique, nous franchirons
cette Porte en la fête de l’immaculée conception (8 déc) ; fête lumineuse
puisqu’en Marie la porte de l’humanité s’est ouverte pour accueillir le
Messie. Nous pourrons chanter :
Portes, levez vos frontons !
élevez-vous, portes éternelles :
qu’il entre, le roi de gloire ! Psaume 24
Ce psaume nous appelle à ouvrir la porte de notre cœur, la porte de nos églises, la porte
du monde. Il prend tout son sens dans notre préparation à la fête de la Nativité. Prenons
la mesure de l’évènement par lequel le Seigneur entre dans l’humanité.
Il rejoint Marie dans la prière humble, silencieuse et cachée d’une jeune femme d’Israël.
En elle s’accomplit l’œuvre de miséricorde du Seigneur. Il prend chair de sa chair, visage
de son visage, aussi silencieusement que la rosée dans la nuit. En elle, la Parole de Dieu
portée par tous les prophètes prend corps. Marie est en attente depuis la visite de l’Ange
et pendant de longs mois encore. Il lui fallut ce silence et cette solitude pour apprivoiser
l’étrange mystère de Jésus en même temps son fils et le Fils de Dieu. Elle ne le réalisera
qu’en sortant à son tour de chez elle ; en passant elle aussi par la porte de ce fils qui
l’entrainerait au loin sur les routes. Elle franchira les montagnes à la rencontre
d’Elisabeth. Elle sortira de son village, mère inquiète pour devenir disciple de Celui dont
elle écoute désormais la Parole, comme une nourriture pour le chemin qui reste à
parcourir. Les fenêtres de sa maison seront définitivement ouvertes sur l’ailleurs… à
tous vents, vers l’inconnu d’une histoire imprévue. De maison il n’y en a plus ! c’est
l’Eglise qui est devenue sa demeure au milieu des Apôtres de l’Eglise naissante, et par la
suite à travers les siècles sur les chemins du monde... porte choisie par le Christ pour
rejoindre les pauvres, de Juan Diego au Mexique à Bernadette Soubirous, et tant
d’autres.
Franchir la porte de l’église/Eglise dans les deux sens tel est le chemin tracé par Marie
pour chacun de nous. De la contemplation à la mission, de la mission à la contemplation.
Chemin de miséricorde de Dieu pour nous, de nous pour le monde et de nous pour
Dieu ! Notre intelligence de la miséricorde s’inscrit dans ces trois dimensions. La parole
d’amour du Seigneur reçue dans la prière silencieuse, ne peut être mise en réserve,
comme une nourriture que l’on garderait dans une réserve -elle serait alors inutile et
soumise à la moisissure. Le souffle de l’Esprit Saint nous entraine au dehors comme au
jour de Pentecôte.
Il existe quelque part au Cambodge un monastère bouddhiste installé dans un site qui
offre l’un des plus beaux points de vue du pays et dominant un paysage superbe à deux
cent kilomètres à la ronde. Pourtant toutes ses fenêtres donnent sur une cour intérieure.
Telle n’est pas l’Eglise qui nous est confiée et dont Marie est la figure.
La plus belle des contemplations nous invite à franchir la porte. C’est la miséricorde que
nous devons au Seigneur : donnez-leur vous-mêmes à manger. Il nous choisit pour être
la porte par laquelle il passera pour rejoindre notre génération comme ce fut le cas pour
Marie… à condition que nos fenêtres, celles de notre cœur, ouvrent sur l’extérieur, vers
ceux et celles qui attendent de percer à travers nos visages la miséricorde de Dieu.
Jacques Turck +