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Faut-il modifier les mécanismes de fixation de prix d’achat du coton graine au
producteur et d’abondement du fonds de gestion risque prix de la filière coton
au Cameroun ?
Mpabe Bodjongo Mathieu Juliot
Phd en économie
Ministère du Commerce du Cameroun
Centre de Recherche en Economie et Gestion de l’Université de Yaoundé 2
Tel : (00237) 699 49 60 50
BP : 27 Yaoundé
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Résumé :
Cette étude cherche à apporter une réponse à une préoccupation actuelle des pouvoirs
publics camerounais sur la modification des mécanismes de fixation de prix d’achat du coton
graine au producteur et d’abondement du fonds de gestion risque prix du coton au Cameroun
(FGRPC-C). Au regard de la théorie économique et des informations recueillies auprès de la
SODECOTON et de la CNPCC
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pour le compte de la campagne cotonnière 2014/2015, nous
avons trouvé que ces 2 instruments de gestion de risque prix actuellement mis en œuvre
présentent un coût énorme pour les différents acteurs de la filière.
Le mécanisme de fixation du prix d’achat du coton graine doit prendre en compte les coûts
de production supportés par les cotonculteurs. L’Etat du Cameroun doit supprimer les
subventions octroyées à cette filière et respecter les prix arrêtés par le nouveau mécanisme.
Il faut supprimer le principe de plafonnement du fonds de gestion risque prix.
Mots clés : mécanisme, fixation de prix, fonds de gestion risque prix, filière coton
Code JEL : Q13, Q18, Q19, 013
Abstract
This study seeks to provide an answer to a current concern of the Cameroonian government
on changing the setting mechanisms of the purchase price of seed cotton producer and
employer contribution of funds management risk price of cotton in Cameroon (FGRPC-C ).
In view of economic theory and information gathered from SODECOTON and CNPCC on
behalf of the cotton 2014/2015 campaign, we found that these two currently implemented
price risk management instruments have enormous cost to the various players in the sector.
The attachment mechanism of the purchase price of seed cotton must take into account the
production costs incurred by cotton growers. The government of Cameroon needs to remove
subsidies to this sector and meet the price set by the new mechanism. We must remove the
principle of capping the risk management fund prices.
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CNPCC : Confédération Nationale des Producteurs de Coton du Cameroun
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1. Introduction
La filière cotonnière au Cameroun, à l’instar de celles des autres pays de l’Afrique
subsaharienne, est en proie à de nombreuses difficultés imputables aux subventions élevées
octroyées aux cotonculteurs des pays occidentaux, l’accroissement des coûts de production
et de transport, les faibles taux d’égrenage et de trituration domestiques du coton graine et
aux défaillances des mécanismes actuels de fixation des prix plancher d’achat du coton
graine (Nubukpo, 2006). Ces mécanismes de fixation de prix d’achat du coton graine
indexés essentiellement sur les cours de la fibre de coton sur le marché mondial souffrent de
sa baisse tendancielle et de sa volatilité. A titre d’illustration, le cours du coton sur le marché
mondial a reculé de 8,95% en variation relative entre avril 2015 et janvier 2016. Les
ajustements du mécanisme prix coton ont été mis en œuvre dans le but d'adapter les filières
cotonnières au caractère endémique des crises du marcmondial de coton dans certains
pays producteurs en Afrique (Fok, 2006). Le mécanisme d’abondement du FGRPC-C essuie
des critiques de la part de la SODECOTON et de la CNPCC.
L’inefficacité des mécanismes de détermination du prix plancher d’achat du coton graine et
d’abondement des fonds de gestion risque du prix du coton graine ont eu les effets directs ou
indirects suivants (Fok, 1993, 2006 ; Chatel, 2002) : (i) le retard dans l’annonce du prix
d’achat du coton ; (ii) le retard dans la commercialisation du coton pouvant induire le
déclassement du coton et la réduction des revenus des cotonculteurs. Le taux de pauvreté
monétaire dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord
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qui est
respectivement de 47,1%, 67,9% et 74,3% semble largement supérieur à la moyenne
nationale (37,5%)
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; (iii) le retard dans le paiement des revenus des cotonculteurs ; (iv) le
retrait des paysans de la production du coton et la diminution de la production de la graine
et de la fibre de coton. La production camerounaise de coton-fibre pour la campagne 2015-
2016 était d’environ à 97 650 tonnes, soit une baisse de 10 850 tonnes en variation absolue
et 10% en variation relative (USDA, 2016). Le Cameroun ne compte pas parmi les 4
principaux pays producteurs de coton en Afrique ; (v) le fléchissement des rendements et des
superficies agricoles. Les superficies et les rendements agricoles prévus pour la saison
cotonnière 2015-2016 connaitront un repli respectivement de 4,54% et 5,65% (USDA,
2016) ; (vi) le solde déficitaire de la SODECOTON.
Pour se détourner de cet avenir sombre prédit par Nubukpo (2006), l’objectif de cette étude
est d’examiner les défaillances des mécanismes actuels de fixation des prix du coton-graine
et d’abondement du FGRPC-C et de proposer des nouveaux mécanismes plus en adéquation
avec les réalités de la filière.
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Le coton est cultivé uniquement dans ces 3 régions au Cameroun
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INS (2015)
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La réalisation de cet objectif s’articule autour de 4 sections. La première section retrace
l’évolution de la politique cotonnière au Cameroun. La seconde section fait un examen
critique du mécanisme actuel de détermination du prix plancher d’une part, et propose un
nouveau mécanisme de fixation de ce prix d’autre part. La troisième section opère une
analyse critique du mécanisme actuel d’abondement du FGRPC-C d’une part et suggère un
nouveau mécanisme d’abondement. La quatrième section, en guise de conclusion, propose
quelques recommandations.
2. Evolution de la politique cotonnière au Cameroun
La politique cotonnière a connu des changements durant les différentes phases de l'évolution
institutionnelle du Cameroun. D'abord marquée par la forte présence de l'État en amont et
en aval de l'activité agricole durant la phase de planification, elle a connu un démantèlement
de l'activité étatique avec les PAS et la Nouvelle Politique Agricole (NPA) mise en place dès
1990.
2.1. La politique cotonnière camerounaise avant la mise en œuvre de l’ajustement
structurel
Avant la mise en œuvre des PAS, l'État est fortement impliqué dans l'élaboration et la mise en
œuvre de la politique cotonnière au Cameroun (Goreux, 2003). Il est fortement impliqué
dans les activités cotonnières par le truchement de certains de ses organes : la SODECOTON
dans les opérations de production, le FONADER en matière de financement, de l’ONCPB dans
le domaine de la commercialisation et l’IRA dans la recherche scientifique (IRA).
Plusieurs instruments étaient alors utilisées : (i) la subvention à la production. Elle se
matérialisait par l’octroi des primes diverses à l'arrachage et à la création de nouvelles
plantations et les transferts courants sans contrepartie destinés à l’acquisition du matériel
agricole et des intrants agricoles (semences sélectionnées, engrais, produits phytosanitaires,
etc.). Selon Varlet & Berry (1997), le taux de subvention des engrais était compris entre 75%
et 100% ; (ii) l’administration du prix d’achat du coton graine aux producteurs. L’Etat fixait
le prix d’achat du coton-graine; (iii) la formation et l'information des cotonculteurs, la
facilitation de leur accès aux crédits financiers; les subventions à l’exportation.
2.2. La politique cotonnière camerounaise post ajustement structurel
Apres la crise économique et bancaire des années 80, le Cameroun sous l’égide des
institutions de Bretton Woods, a été mis sous ajustement structurel. La nouvelle stratégie de
relance de la filière cotonnière était assise sur les éléments suivants (Touna Mama, 2008) :
(i) l’amélioration des techniques culturales pour accroitre les rendements ; (ii) le
renforcement de la recherche appliquée et la vulgarisation des résultats ; (iii) l’accroissement
de l’utilisation des engrais et des pesticides ; (iv) la poursuite de la promotion de la culture
motorisée et attelée ; (v) l’extension de la culture du coton dans la partie méridionale du
Cameroun ; (vi) la forte réduction des subventions aux intrants agricoles. A titre
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d’illustration, la filière cotonnière ne reçoit de l’Etat du Cameroun qu’environ 2 milliards de
FCFA ; (vii) la privatisation de la distribution des engrais. La FONADER a été liquidé ; (viii)
l’instauration d’un système de prix plancher au producteur ; (ix) la réduction des coûts de
commercialisation et de fonctionnement de l’ONCPB et de la SODECOTON ; (x) la mise en
place d’un système de répartition des surplus entre les producteurs, la SODECOTON et un
fonds de stabilisation (FGRPC-C) ; (xi) la libéralisation de la commercialisation du coton pour
accroitre sa compétitivité grâce à une correction des modalités d’octroi des agréments aux
exportateurs, à une suppression des monopoles de commercialisation accordés dans certaines
zones, et à une rétrocession des attributions de commercialisation de l’ONCPB au secteur
privé ; (xii) la suppression de la taxe sur les exportations ; (xiii) l’appui à la réalisation des
micro-projets initiés par les coopératives ou les communautés villageoises ; (xiv) l’ouverture
du capital de la SODECOTON aux acteurs du secteur privé. Contrairement aux pays
développés ou émergents producteurs de coton (Fousseini, 2010 ; Bagayoko, 2013), ce
système d’aide au développement du coton au Cameroun n’a pas prévu des instruments tels
que les subventions à l’exportation, les subventions à la production, les restrictions aux
importations du coton, les subventions à la consommation de coton pour les industriels
locaux, la fixation d’un quota spécial d’importation, des prêts à la commercialisation, d’une
assurance récolte visant à couvrir les producteurs contre les risques climatiques ou les
maladies susceptibles de faire chuter les rendements, des autres mécanismes de facilitation
d’accès aux crédits bancaires (des taux d’intérêt financier bonifiés), les crédits impôt, les
contrats de recherches et les allègements fiscaux.
Le mécanisme de fixation du prix d’achat du coton graine aux producteurs et le mécanisme
d’abondement du fonds de gestion risque prix de la filière cotonnière, ainsi mis en œuvre au
Cameroun pendant l’ajustement structurel, sont aujourd’hui victimes des diatribes des
cotonculteurs.
3. Mécanisme de fixation du prix d’achat du coton graine
Dans cette section, une analyse critique du mécanisme actuel de fixation du prix d’achat du
coton graine au Cameroun sera effectuée. Puis, un nouveau mécanisme va être proposé.
3.1. Critique du mécanisme actuel de fixation du prix d’achat du coton graine au
Cameroun : à l’aune de la théorie de la valeur du bien
Le mécanisme de fixation du prix d’achat du coton graine actuellement en vigueur au
Cameroun se fixe pour objectif de garantir le paiement au producteur d’un prix plancher
d’achat du coton graine fixé au début de la campagne agricole, quelle que soit l’évolution des
cours de la fibre de coton et de leur octroyer un complément de prix en cas d’évolution
favorable des cours. La formule de calcul du prix-plancher employée actuellement se
présente de la manière suivante:
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