Le sujet presbyte
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cevoir différents niveaux de contraste (de 0 % à 100 %) pour
différentes fréquences spatiales (de 0,1 à 60 cycles par degré).
L’acuité morphoscopique classique n’étudie que les moyennes
et hautes fréquences spatiales sous contraste maximum. Cepen-
dant, un certain nombre d’aptitudes visuelles (perception du
mouvement, vision nocturne, reconnaissance des visages) impli-
quent également les faibles contrastes et les basses fréquences
spatiales.
■AMPLITUDE ACCOMMODATIVE
L’œil humain jeune peut modifier sa focalisation de l’infini à 7 cm
en 350 ms. Cette accommodation de 12 D environ décroît avec
l’âge, jusqu’à environ 1,5 D vers soixante ans.
L’amplitude d’accommodation moyenne dans la population
peut être approchée par la formule d’Hofstetter (« 18,5 D diminués
du tiers de l’âge en années »), mais elle se révèle très variable,
notamment plus importante chez le myope que l’hypermétrope.
Il est donc nécessaire pour chaque sujet de mesurer directement la
courbe de défocalisation décrivant l’amplitude accommodative. Cette
fonction permet également de comparer efficacement le bénéfice des
chirurgies de compensation de la presbytie (cf. infra, fig. 23- 22).
Dans la vie réelle l’accommodation est également affectée par
différents facteurs (psychiques, pharmacologiques) et, plus rare-
ment, par le contexte visuel.
L’effet de Man delbaum décrit la tendance à accommoder de près
dans des conditions de mauvaise visibilité (myopisation liée au pare-
brise sale, au mauvais temps, au brouillard, etc.). Cette focalisation
spontanée à une distance d’environ 0,9 mètre, variable selon les
sujets, est liée à la relaxation ciliaire du fait de l’absence de stimu-
lus précis de focalisation (« dark focus » ou focalisation sur « champ
vide »). Ce problème est majoré par l’effet sténopéique d’une pupille
étroite. Ses conséquences visuelles sont variables selon les individus
mais peuvent entraîner des conséquences sérieuses, comme par
exemple la désorientation spatiale des pilotes aériens (retenue comme
la cause probable de l’accident fatal de J.F. Kennedy Jr en 1999
[150]
).
Les anomalies de l’amplitude d’accommodation et de sa rela-
tion avec les vergences (rapport AC/A et CA/A) sortent du cadre de
ce chapitre mais elles jouent un rôle important dans les problèmes
de confort et de fatigabilité visuelle
[119]
.
La densité des récepteurs rétiniens est en effet la base anatomique
de la discrimination de deux points très proches par échantillonnage.
La projection d’un optotype « E » de Snellen à 10/10 (donc sous un
angle de 5 minutes d’arc environ) occupe sur la rétine une matrice
d’environ 10 × 20 cônes photorécepteurs. Selon le théorème de
Nyquist , l’acuité maximale théorique serait dans ce cas d’environ
20 à 40/10 (fig. 23- 1) ; en pratique, cette acuité maximale théo-
rique est limitée par les phénomènes de diffraction à pupille étroite
et de façon croissante par les aberrations optiques d’ordre supérieur
quand le diamètre pupillaire augmente (fig. 23- 1).
Le pouvoir séparateur est testé en clinique par la mesure classique
de l’acuité visuelle morphoscopique statique sous fort contraste
de loin et de près, mais différents éléments en affectent les résul-
tats (taille et forme du test, temps de présentation, état adaptatif,
contraste, mobilité de l’optotype ou de l’observateur…). La perti-
nence de l’acuité visuelle est donc souvent limitée pour apprécier
la qualité de vision et l’aptitude visuelle en conditions de vie réelle.
■SENSIBILITÉ AU CONTRASTE
OPTIQUE ET NEURALE
La vision humaine repose avant tout sur la perception des contrastes,
c’est- à- dire la différenciation du niveau d’intensité lumineuse de deux
plages adjacentes. L’agencement particulier des cellules photorécep-
trices et de l’intégration intrarétinienne ou dans les voies visuelles
favorise l’analyse des plages d’intensités lumineuses différentes alter-
nées (réseaux sinusoïdaux), dont l’espacement (période) détermine la
fréquence spatiale de l’objet observé, tandis que la différence d’in-
tensité lumineuse (amplitude) forme le contraste (fig. 23- 2).
Par analogie avec les sons, l’œil humain peut percevoir envi-
ron dix « octaves », correspondant au doublement de la fréquence
spatiale. Tout objet ou toute scène peuvent être décomposés en
une « somme » de réseaux sinusoïdaux de contraste « superposés »
dans l’espace observé. Ce mécanisme intervient par exemple dans
la reconnaissance rapide des expressions du visage — une apti-
tude neurophysiologique importante dans l’espèce humaine, qui
serait perturbée dans la schizophrénie
[89]
.
La courbe décrivant la fonction de sensibilité aux contrastes
traduit la capacité optique et neurale de chaque individu à per-
0012345678
5
10
15
20
25
30
35
40
Acuité (dixièmes)
Rétine
Aberrations
optiques
Diffraction
Acuité visuelle (dixièmes)
Diamètre pupillaire (mm)
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Fig.