Premier état des lieux introductif : les « shrinking cities » en Europe

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Premier état des lieux introductif : les « shrinking cities » en Europe
Les « shrinking cities » : un phénomène global inscrit dans la combinaison de plusieurs
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Au cours des trois dernières décennies, les effets de la sindustrialisation et de la transition d’une
économie industrielle à une économie tertiaire, les impacts d’une compétitivité économique
globalisée sur les économies locales, la suburbanisation, la perte de qualité environnementale, les
résultats faibles des politiques d’intégration sociale, sont autant de phénomènes qui ont contribué à
la formation de zones urbaines sinistrées, en déclin. Ces zones « rétrécissantes » sont caractérisées
par un taux de chômage élevé, une hausse de la pauvreté, de l’injustice et de l’exclusion sociale
(Conway, Konvitz, 2000), et surtout par une baisse de population, due à la migration vers des zones
urbaines plus attractives (Wiechmann, 2009) et à un vieillissement démographique. C’est donc la
combinaison de plusieurs processus qui est au cœur du phénomène des villes en décroissance, qui
sont définies comme « des espaces urbains qui ont connu des pertes de population, un
retournement économique, un déclin de l’emploi et des problèmes sociaux, symptômes d’une crise
structurelle » (Martinez-Fernandez et al, 2012).
Ce « modèle du déclin » touche des zones urbaines à travers le monde entier (le cas de Détroit aux
Etats-Unis est le plus connu) : dès les années 1990, le nombre de villes en déclin atteint à l’échelle
mondiale plus du quart des villes de plus de 100 000 habitants (Rienits, 2006). Ces « villes
rétrécissantes », ou « shrinking cities » (le terme anglais permet de prendre en compte les deux
dimensions : rétrécissement et décroissance), peuvent être de tailles très variées, et peuvent être
touchées par le phénomène à des rythmes différents. Le rétrécissement peut-être à un stade récent,
c’est-à-dire caractérisé par une perte de population mais sans conséquences économiques
immédiatement visibles. Il peut être à un stade avancé, c’est à dire caractérisé par une perte de
population pérenne accompagnée de conséquences économiques, spatiales, sociales :
- La demande vers les services urbains décline, ce qui signifie une baisse de demande des
transports et une adaptation de l’offre.
- La perte de population est corollaire à un vieillissement démographique plus ou moins
important dans les pays européens : les infrastructures et les services à destination des
personnes âgées se retrouvent surexploités et très demandés, tandis que les écoles, les
jardins d’enfants et les crèches ferment.
- La baisse de la demande dans le secteur du logement affecte les prix, ce qui affecte la
demande et les investissements.
- Le tissu économique s’affaiblit, les entreprises migrent dans des zones plus attractives, les
commerces ferment.
En Europe
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Le phénomène des « shrinking cities » touche de manière contrastée les différentes régions
européennes : même si le vieillissement démographique est européen et si la globalisation de
l’économie n’a éparg aucune région, les pays anciennement soviétiques sont particulièrement
touchés par le phénomène de décroissance urbaine, car la transition post-industrielle s’est doublée
d’une transition post-soviétique. Les systèmes productifs et les systèmes économiques, très dirigés
avant la chute du Mur, ont été bouleversés en une décennie seulement : face à une concurrence
contre laquelle elles n’étaient pas armées, les industries de l’Europe de l’Est se sont retrouvées dans
une situation de faillite presque immédiate. Ci-dessous, l’évolution de la population dans les régions
et les zones urbaines élargies, à partir de données Audit Urbain 2010 et Eurostat ESPON 2013,
confirme ce déséquilibre entre Europe de l’Est et de l’Ouest.
Source : IGEAT, UMS Riate, 2010
Ce déséquilibre se retrouve également en ce qui concerne le vieillissement démographique : peu
prégnant en France (avec une fécondité qui reste parmi les plus dynamiques du continent), il est
particulièrement sensible en Allemagne, avec le plus faible taux de fécondité en Europe et un
manque d’apports migratoires compensateurs. La typologie des « Shrinking Regions » ci-dessous, en
se basant sur des données Eurostat, permet d’estimer le taux de croissance démographique moyen
annuel entre 2005 et 2030 en Europe :
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Source : UMS Riate, UMR Géographie-cités, 2008
L’on peut tenter de partir du principe que les zones urbaines les plus touchées par le phénomène de
décroissance sont celles qui étaient autrefois les plus industrialisées, ou qui étaient spécialisées dans
une mono-industrie : l’Angleterre en est un exemple intéressant, avec des villes précoces lors de la
révolution industrielle (Manchester, Liverpool) qui ont connu un déclin fulgurant dans les années
1970-1980 puis un redressement progressif, ce qui les écartent de la définition des « shrinking
cities ». Les politiques urbaines que ces villes ont déployé dans les années 1990-2000 sont des
politiques de reconversion post-industrielle, d’où l’intérêt de les évoquer. En Italie, en Espagne, au
Portugal, le phénomène de décroissance urbaine est également très présent (en particulier dans les
petites et moyennes villes) même si le sujet est peu exploré.
Car ces différences conjoncturelles, ces différences de « tempo » de décroissance, font écho à des
différences de traitement du phénomène selon les pays : c’est en Allemagne que la thématique des
« shrinking cities » a émergé au début des années 2000, donnant naissance à une littérature et des
études foisonnantes et opérationnelles. En France, la problématique n’a été que très peu abordée en
tant que telle par la recherche urbaine, et même si certaines des dynamiques du rétrécissement
semblent assez bien identifiées à l’échelle locale, le contexte national et les politiques publiques
semblent pour l’instant les ignorer (Cunningham-Sabot et al, 2013).
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Car c’est toute la difficulté de traitement du phénomène : après l’avoir identifié, il s’agit d’y adapter
des politiques initialement calquées sur un modèle de croissance urbaine. Les acteurs de la
gouvernance urbaine doivent donc changer de modèle de développement urbain, tout en acceptant
d’avoir moins de ressources en main.
Les politiques urbaines de la décroissance
Il est difficile de parler d’un modèle unique de développement urbain européen, au vu des énormes
disparités qui existent entre les villes européennes, en termes de taille, de situation économique, de
contexte géographique et politique. Le processus de métropolisation
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observé dans le monde entier
bénéficie aux grandes métropoles, et encourage une concurrence accrue entre ces grandes villes
compétitives ; cela entraîne le creusement du fossé entre ces « bons élèves » et les « autres »
espaces urbains, les « seconds cities », les capitales régionales, les villes moyennes d’ancienne
industrialisation.
En revanche, on peut considérer qu’un modèle urbanistique existe de facto dans les grandes
métropoles européennes : la « bonne urbanité » européenne fait en effet consensus autour de l’idée
d’une ville dense, historique et compacte, qui doit tendre à l’« écologisation » (nature en ville, modes
doux de transports, économies d’énergie…) et à la « numérisation » (la ville connectée, la « Smart
city ») pour rester compétitive et garantir un climat urbain favorable aux affaires et au commerce. En
parallèle, l’émergence du marketing urbain traduit une volonté de promouvoir cette ville durable à
l’échelle européenne city branding » et slogans de villes : « Only Lyon », « I’amsterdam », « Lond-
on »…).
Nous verrons dans les études de cas que deux types de choix de politiques urbaines sont
potentiellement ouverts aux villes en situation de décroissance :
- Les politiques urbaines « mainstream » visant à retrouver le chemin de la croissance, qui
prônent la « bonne urbanité » décrite précédemment, et qui sont souvent choisies par les
grandes métropoles ne souhaitant pas perdre au jeu de la compétitivité régionale, nationale
ou internationale ;
- Ou les politiques urbaines de « smart shrinking », dont l’objet est d’accepter et de faire
accepter le rétrécissement, pour ensuite l’utiliser à des fins de résilience et d’amélioration de
la qualité de vie des habitants. Ce sont le plus souvent les villes de petite taille ou de taille
moyenne qui s’engagent dans ces actions.
La question du logement
La problématique du logement est bien entendu intrinsèquement liée à la désertion des habitants
des villes en décroissance : la demande de logement se concentre dans les zones attractives en
termes d’emploi, qui sont également les zones les plus tendues au niveau de l’immobilier et du
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Métropolisation = rôle grandissant joué par les métropoles dans la croissance économique.
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foncier, ce qui alimente la désertion des zones moins attractives. Les processus de périurbanisation
ont également joué un rôle important dans la nouvelle répartition des logements sur les territoires.
De manière générale en Europe de l’Ouest (France, Royaume-Uni…), la structure géographique du
logement social ou « affordable housing », édifié initialement en réponse aux besoins du
développement industriel du XX° siècle, ne correspond plus aux besoins actuels en matière de
logement, ce qui provoque un manque de logements sociaux dans les zones les plus tendues et une
forte vacance dans les zones en dépopulation. Cela se double d’un problème d’adaptation du stock à
une population vieillissante, quand les jeunes actifs désertent ces zones urbaines.
En Europe de l’Est et plus spécifiquement dans les pays anciennement soviétiques, une production
colossale de logements planifiée à l’échelle de l’URSS entre 1960 et 1987 pour des villes
fonctionnelles a été menée (100 millions de m² ont été planifiés à cette période). Lors de la chute du
bloc soviétique, tous ces logements ont été largement privatisés et réhabilités ; là encore, les taux de
vacances ont augmenté fortement, du fait de l’ouverture des frontières et de l’émigration massive
des populations des régions post-soviétiques.
Ce sont donc la vacance et la qualité du stock qui posent problème dans les villes en décroissance.
Divers types de politiques de rénovation urbaine sont encore mis en œuvre, que nous étayerons
dans les études de cas.
Une problématique qui se développe au niveau de l’Union Européenne
En gardant à l’esprit que le domaine de l’urbain ne fait pas partie des compétences de l’Union
Européenne, on peut observer que la thématique des « shrinking cities » est de plus en plus visible au
sein des réseaux européens.
URBACT, programme européen d’échange pour un développement urbain durable, a publié un
rapport en 2013, « From Crisis to Choice : Re-Imagining the Future in Shrinking Cities », qui propose
une analyse des causes et conséquences du phénomène de décroissance urbaine, à partir d’études
de cas, et répertorie un panel de stratégies de développement pour les villes concernées.
En septembre 2014, la Commission européenne a lancé une consultation publique dans l’optique de
recueillir les avis des acteurs urbains et des citoyens concernant le contenu et la mise en œuvre d’un
futur agenda urbain européen. L’approche commune européenne du développement urbain durable
(telle que définie dans la Charte de Leipzig, la déclaration de Tolède et l’agenda territorial UE 2020)
définit les villes comme devant être des plateformes attractives de progrès social, de réhabilitation
environnementale, de mocratie et de diversité, et des moteurs de croissance économique.
Auparavant, ce consensus européen concernant les politiques urbaines était le produit d’une
coopération intergouvernementale au niveau du Conseil européen. Aujourd’hui, c’est une étape de
plus qui est franchie, afin de définir pourquoi, comment et dans quel but élaborer une stratégie
européenne en faveur des villes. Dans ce cadre, la préoccupation concernant le maintien de la
cohésion territoriale (en tant qu’objectif de l’Union, article 3.3 du Traité de l’Union Européenne), face
à des disparités de plus en plus flagrantes entre territoires attractifs et territoires en déclin, semble
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