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Mise en perspective
Une telle incertitude, dans un contexte où les données sont si nombreuses, interroge et invite à
regarder de plus près les présupposés qui sous-tendent actuellement l’évaluation des
thérapeutiques.
Historiquement, la médecine occidentale moderne s’est construite au XIXème siècle avec Claude
Bernard sur les bases de la physiologie. Dans cette perspective, la connaissance du mécanisme de
l’action biologique d’un soin est essentielle dans le processus d’évaluation de celui-ci.
Paradoxalement, la méthodologie utilisée aujourd’hui pour évaluer les soins ne repose pas sur des
études physiologiques mais sur des études cliniques et statistiques. En d’autres termes, en pratique,
l’efficacité d’un soin n’est pas jugée à partir de travaux qui explicitent le fonctionnement de ce soin,
mais à partir de travaux qui observent directement ses effets sur des patients.
Enfin, on ne peut passer sous silence l’impact des enjeux économiques sur les méthodologies
progressivement retenues pour évaluer les soins, en particulier les soins médicamenteux.
Celles-ci s’appuient sur des protocoles rigoureux, conduisant à des résultats interprétables sans
ambiguïté. L’essai randomisé (où les traitements sont donnés aux patients à l’issue d’un tirage au
sort) est ainsi devenu incontournable. Mais dans quelle mesure doit-on appliquer sans
aménagement ce modèle d’évaluation à des soins développés selon une approche totalement
différente (comme c’est le cas de la médecine chinoise) et pour lesquels le modèle économique et
conceptuel est radicalement différent de celui du monde industrialisé du médicament ?
En effet, l’acupuncture est une approche thérapeutique très fortement personnalisée (le praticien
adapte sa prise en charge en fonction du patient qu’il a en face de lui). Cette forte personnalisation
du soin est plus difficilement opérationnalisable dans le cadre d’un essai thérapeutique classique. Par
ailleurs, faut-il évaluer l’efficacité de l’acupuncture par rapport une absence de soin ou par rapport à
une acupuncture factice ? S’intéresse-t-on à déterminer l’effet propre de l’acupuncture ou l’effet
global de la thérapeutique, qui peut inclure des effets directement liés à la relation patient-
thérapeute ? Doit-on tester l’efficacité de l’acupuncture ou bien la pertinence de la théorie qui la
sous-tend ?
Il découle de ces interrogations une grande hétérogénéité des travaux publiés, tant du fait de leur
design que de leur qualité méthodologique. Cette hétérogénéité est telle que les techniques utilisées
dans le but d’en faire une synthèse quantitative (méta-analyses) trouvent leur limite : on ne sait pas
véritablement conclure alors que des données sont disponibles.
Conclusion
Au total, il faut peut-être revenir à l’essentiel. L’acupuncture est une approche thérapeutique
largement pratiquée en France, qui permet d’apporter une réponse différente à des problèmes de
santé fréquents et invalidants. Il existe des formations reconnues. Les effets indésirables existent. Ils
peuvent être graves, mais leur fréquence est rare, en particulier en comparaison aux effets
indésirables des produits médicamenteux habituellement utilisés dans les mêmes troubles.
L’acupuncture challenge la médecine scientifique occidentale. Elle la challenge par le caractère
déstabilisant de la théorie qui la sous-tend. Elle la challenge également en l’invitant à remettre en
question ses paradigmes.