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5 janvier 2013 0
teindre un niveau de sécurité supérieur. Alors que l’effet
sur l’inflammation postopératoire est inconnu à ce jour, une
étude à large échelle, incluant 1500 patients, montre un
taux de complications aussi faible que ceux les plus bas
publiés dans la littérature pour la chirurgie manuelle.15 On
citera notamment le taux de la très redoutée rupture de la
capsule postérieure qui varie entre 0,45 7 et 3,5% 9 selon les
séries, et qui est de 0,31% dans la plus grande série publiée
sur le femtolaser, avec 1500 patients.15
la chirurgie assistée au femtolaser est-
elle supérieure à la chirurgie standard
de la cataracte ?
Cette question n’a pas encore trouvé de réponse. Les
quelques études comparatives publiées à l’heure actuelle
ne permettent pas de tirer de conclusion, principalement en
raison de leur méthodologie. Il n’existe en effet aucune
étude prospective randomisée qui compare les résultats
réfractifs et la sécurité de la chirurgie standard de la cata-
racte à ceux de la chirurgie assistée au femtolaser.16 Le coût
d’une telle étude est un élément dissuasif, mais également
le fait que la très grande majorité des machines acquises à
ce jour l’ont été par des centres privés dont l’orientation ne
va pas vers ce type d’étude. La réponse viendra probable-
ment de centres universitaires. Nous lançons à Lausanne
une étude pilote qui pourra mener à la conduite d’études
de plus larges échelles. Il est à noter que la phacoémulsi-
fication a été introduite en 1967 et que ce n’est qu’en 2001
que sa suprématie comparée à la chirurgie extracapsulaire
a été établie en termes de coût-efficacité par une étude
prospective randomisée.3 Ce fait illustre la difficulté à me-
ner de telles études bien qu’il faille s’attendre à un délai
probablement plus court pour le femtolaser.
précautions
La procédure du femtolaser est hautement technique et
demande ainsi une formation adéquate du chirurgien qui
veut la pratiquer. En effet, ce n’est pas l’étape du laser qui
est difficile mais plutôt l’adaptation à l’étape chirurgicale
qui suit l’application du laser. En effet, le laser crée des
bulles de gaz à l’intérieur de l’œil qui font augmenter la
pression intra-oculaire et des cas de perte de noyau dans
le vitré ont été décrits.17 Par ailleurs, ces mêmes bulles de
gaz rendent la visualisation de la capsulotomie pratiquée
par le laser plus difficile. S’ajoutent à cela les cas de cap-
sulotomie incomplète, qui font prendre un risque accru de
déchirure de la capsule antérieure du cristallin avec exten-
sion postérieure possible. Les autres complications per-
opératoires décrites, moins dangereuses, sont la perte de
succion de l’œil (pour les machines qui l’utilisent), et la
contraction de la pupille secondaire à l’énergie libérée par
le laser. L’utilisation du femtolaser demande ainsi une for-
mation spécifique pour le chirurgien qui doit adapter sa
gestuelle chirurgicale et appliquer des précautions, à pré-
sent connues, à sa pratique.15 Il semble que les chirurgiens,
qui ont déjà une expérience de chirurgie réfractive, aient
une courbe d’apprentissage plus rapide et moins de com-
plications au début, en raison notamment de leur habitude
du système de succion du femtolaser, pour les machines qui
utilisent ce système.18 Il est recommandé de ne pas com-
mencer la pratique avec des cas compliqués.
contre-indications
Par ailleurs, certaines situations sont contre-indiquées
pour l’utilisation du femtolaser, telles que les dilatations
pupillaires inférieures à 5 mm, les opacités cornéennes ou
les cataractes blanches, à travers lesquelles le laser ne peut
pas passer, les glaucomes avancés qui pourraient souffrir
de l’augmentation de pression due à la succion, et les con-
ditions qui rendent la succion difficile (petit écartement
palpébral, nystagmus, spasme facial, etc.).
coût
A ce jour, aucune assurance, de base ou complémen-
taire, ne prend en charge le surcoût inhérent à l’utilisation
de femtolaser. Ce surcoût est généré par plusieurs éléments
dont le coût de la machine (environ CHF 500 000.–) et de
son entretien (environ CHF 40 000.– par an), le coût du temps
supplémentaire d’utilisation du bloc opératoire (environ
20-30 min), et le coût du temps supplémentaire passé par
le chirurgien. Ces deux derniers éléments dépendent de la
rapidité du chirurgien et de la facturation et structure de
chaque établissement. Si la médecine basée sur les preu-
ves montre à l’avenir un avantage clair du femtolaser, la
question de son remboursement pourrait être considérée
à terme par l’Etat et les assureurs. Les patients ont toute-
fois prouvé par le passé leur appréciation de la technologie
du femtolaser, principalement pour la sécurité qu’elle ap-
porte. En effet, le femtolaser a été introduit pour la création
des capots cornéens de LASIK en 2001. A l’époque, 100%
des LASIK étaient pratiqués au microkératome. En 2011, une
étude américaine de marché a montré que 70% des LASIK
sont pratiqués au femtolaser malgré un surcoût à la charge
du patient d’environ 1200 dollars (http://market-scope.com/
refractive-report). Il a ainsi fallu dix ans pour qu’à présent
l’utilisation du femtolaser soit largement majoritaire et que
les avantages certains de l’automatisation de ce geste pous-
sent les patients à préférer cette technique malgré le coût
supplémentaire qu’elle induit. Il est probable que le fem-
tolaser pour la chirurgie de la cataracte, qui est encore à
ses débuts, suive la même évolution. A ce jour, le forfait à
la charge du patient pratiqué par l’hôpital ophtalmique,
pour l’utilisation du femtolaser, est de CHF 1450.–.
conclusion
Bien qu’aucune étude prospective randomisée et con-
trôlée à large échelle n’ait été effectuée pour démontrer la
supériorité des résultats de la chirurgie de la cataracte au
femtolaser, cette technique semble tout à fait prometteuse
et pourrait représenter l’avenir de la chirurgie de la cata-
racte. Cet avis est partagé par de nombreux experts inter-
nationaux en chirurgie de la cataracte. Pour le chirurgien se
pose la question de l’adaptation de ses gestes chirurgicaux
et d’un investissement personnel important. Du point de
vue du patient, l’investissement financier est conséquent,
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