Risques climatiques Risques climatiques urbains

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RÉUNION DU GDR 2663 CNRS RICLIM
Archivio di Stato / Archives d’État (TURIN),
25 et 26 mai 2010
Risques climatiques
urbains
COMPTE RENDU
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Conformément à la décision prise lors de la réunion de Grenoble en mai 2009 et confirmée à
Colmar en novembre 2009, la première réunion semestrielle du groupe RICLIM pour l’année
2010 s’est tenue les 25 et 26 mai dans les locaux des Archives d’État (Archivio di Stato) à
Turin à l’invitation de Luca Mercalli, Président de la Société Météorologique Italienne
(Società Meteorologica Italiana), sur le thème des risques climatiques urbains, donc un
thème qui n’avait pas encore été développé dans le cadre des travaux du groupe RICLIM.
L’extension considérable des espaces urbanisés durant le XXe siècle a eu des effets
climatiques sensibles à échelle locale, voire régionale pour les plus grandes agglomérations.
En même temps, les effets et impacts de certains événements climatiques et météorologiques
sont modulés par la morphologie urbaine, ainsi susceptible d’en aggraver localement
l’intensité. La réunion RICLIM de Turin a donc eu pour objectif de débattre de ces problèmes,
en s’appuyant sur des travaux présentés durant la journée du 25 mai.
Puis, comme cela est l’usage lors des réunions du GDR RICLIM, la matinée de la deuxième
journée (mercredi 25) a quant à elle été consacrée aux activités et fonctionnement du GDR.
1. Bilan de la journée du mardi 25 mai
Durant la journée consacrée à la présentation des travaux de recherche du GDR, 11
personnes au total étaient présentes (cf. liste des participants), dont 8 en tant qu’intervenants.
Tous les intervenants prévus étaient présents. La séance a été ouverte par Luca Mercalli, puis
Marco Carassi (directeur des Archives d’État) a présenté les Archives, avant de les visiter.
Les risques liés au climat dans les villes ont été abordés et développés, comme il est
d’usage au cours des réunions scientifiques du groupe RICLIM, par les différentes approches
représentées dans le GDR. Le nombre de participants moins important que lors des réunions
précédentes (pour cause d’emplois du temps chargés…Et de « bug » SNCF pour expliquer
l’absence du directeur du GDR !) n’a pas empêché de fructueuses discussions, que permettent
ces réunions par rapport aux colloques traditionnels où les échanges se limitent trop souvent à
de simples jeux de questions-réponses.
1.1. ARCHLIM – Reconstitution du climat des Alpes occidentales basée sur les
archives anciennes, centrée sur l’Optimum Climatique Médiéval
Luca Mercalli – (Società Meteorologica Italiana, www.nimbus.it)
Le projet “Archlim” a eté lancé en 2010 par la Société Météorologique Italienne avec
le soutien financier de la fondation bancaire « Compagnia di San Paolo » à Turin. La
recherche a pour but la reconstitution du climat d’un secteur des Alpes occidentales (Alpes
Cottiennes) à l’aide d’anciens documents soit édités soit à dépouiller dans des archives. La
région des Alpes Cottiennes est riche en références de passage par les cols frontaliers
(Montgenèvre, Montcenis), largement empruntés dès l’époque romaine. Les dates de passage,
équipements, chroniques, état de l’enneigement, tempêtes, sont des éléments fréquents dans
les documents historiques et très utiles pour une reconstitution climatique pluri-séculaire. Les
communes de montagne conservent des archives avec traces des événements climatiques tels
que les inondations, avalanches, sécheresses, chutes de grêle, grand vent, état de la végétation.
Le dépouillement des documents sera conduit sur une année par 4 paléographes et historiens.
Ensuite, deux climatologues s’occuperont de la mise en place d’une banque de données
informatisée et de l’interprétation des événements climatiques. On attend surtout des
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nouvelles données à intégrer pour aider à la reconstitution de l’Optimum Climatique Médiéval
(réchauffement climatique de l'
an mil), actuellement remis en question par rapport au
réchauffement récent. Un second axe de recherche porte sur les réactions des populations
locales face aux risques climatiques du passé.
1.2. Apport des recherches géohistoriques à la connnaissance des risques
hydroclimatiques en milieu urbain : cas de la ville de Mulhouse
Brice Martin et Romain Ansel (CRESAT, Université de Haute-Alsace –
Mulhouse), programme ANR – DFG TRANSRISK 2008-2010)
Le Plan de Prévention des Risques d’inondation (PPRI) pour le bassin de l’Ill,
approuvé en 2006, indique que la ville de Mulhouse (Haut – Rhin, France) se trouve presque
totalement à l’abri des inondations. Cette situation apparaît comme le résultat de la
construction au XIXè siècle d’un important ouvrage de canalisation et de détournement des
eaux de l’Ill (« canal de décharge »). Si son objectif de l’époque était, surtout, de permettre
l’urbanisation et le développement industriel du « Manchester français », le canal de décharge
a transformé cette ville d’eau établie en zone marécageuse et inondable, en un espace a priori
dénué de tout risque d’inondation. La chronologie des événements établie sur la période 1400
– 2010, est de ce point de vue exemplaire : non seulement les inondations, nombreuses
jusqu’au milieu du XIXè siècle, disparaissent à Mulhouse, mais la ville devient un cas
particulier dans un bassin de l’Ill où les crues destructrices continuent pourtant de se
multiplier à l’époque actuelle (la dernière en date s’étant produite en août 2007). Au-delà d’un
quelconque hasard météorologique, l’efficacité de ce canal semble donc incontestable. Mais,
dans le même temps, des rapports alarmistes, notamment dans le secteur des assurances,
évoquent l’éventualité d’une inondation touchant 70.000 des 110.000 habitants de Mulhouse.
Qu’en est – il vraiment ? Pour les chercheurs comme pour les acteurs locaux en charge de la
gestion des risques majeurs, la question se pose donc d’une évaluation systémique des
aménagements de protection de la ville. L’idée est d’appliquer une démarche géohistorique et
multiscalaire destinée à replacer le système ville – rivière- aménagement dans un contexte
spatial et temporel étendu en s’appuyant sur la chronologie des crues destructrices, leur
perception et leur contextualisation en termes d’évolution de l’occupation des sols. Un travail
de dépouillement des archives des sapeurs pompiers s’est révélé particulièrement fructueux,
en permettant l’identification d’une vingtaine d’inondations à Mulhouse depuis les années
1940. Mais ce n’est plus l’Ill qui déborde. Il s’agit de ruissellements urbains liés à des
précipitations torrentielles qui « accompagnent » la croissance de la ville, non plus dans la
plaine inondable de l’Ill mais sur les collines avoisinantes. Le risque d’inondation reste donc
bien présent, au point d’être même banalisé, toutefois, il ne vient plus du bas (rivière) mais du
haut (collines). Et l’histoire récente (certaines rues ayant été inondées à 12 reprises en 70 ans)
montre que si l’on avait effectué une démarche « botom – up », intégrant les caractéristiques
du territoire en ce qui concerne la prévention des risques, un PPR ruissellements urbains
aurait été parfaitement justifié plutôt qu’un PPRI qui sous - estime, voire nie le risque
d’inondation.
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1.3. Les types de temps à risque climatique à Paris
Olivier Cantat (GEOPHEN-LETG, Université de Caen)
En région parisienne, la notion de risque climatique est étroitement dépendante de son
appartenance au domaine tempéré océanique et de son cadre topographique, contexte
géoclimatique auquel vient se greffer de façon plus moins marquée et durable les influences
urbaines, en liaison avec la diversité des types de temps.
Si le qualificatif de tempéré ne signifie pas sans excès, il est vrai cependant que la
prédominance des grands flux d’ouest propres aux latitudes moyennes et l’absence de relief
faisant obstacle à la propagation des masses d’air d’origine atlantique assurent une certaine
modération aux caractéristiques atmosphériques. Ainsi, les situations synoptiques à risque
climatique sont rares et, quand elles se produisent, leur durée est limitée par le brassage et/ou
le changement des masses d’air qui intervient au bout de quelques jours généralement.
Régionalement, l’occurrence des contraintes thermiques est d’environ 50 jours pour le
froid (Tn <= 0°C) comme pour la chaleur (Tx >= 25°C). A des seuils plus élevés, les cas sont
logiquement plus rares et non nécessairement présents chaque année : sur la période 20012009, les grands froids (Tn <= -5°C) sont intervenus en moyenne à 5 reprises par an et les
fortes chaleurs (Tx >= 30°C) moins de 12 fois. Au cœur de Paris, l’influence de l’urbanisation
est surtout à l’origine d’une réduction sensible de la rigueur et l’intensité du froid (22 jours de
gelées et 1 jour de grand froid en moyenne) mais elle n’intervient guère sur la chaleur (51
jours avec Tx >= 25°C et 13 jours avec Tx >= 30°C). Ces observations reflètent concrètement
le phénomène d’îlot de chaleur urbain dont les effets sont principalement marqués sur les
valeurs nocturnes, appréciables notamment au travers des températures minimales. Ainsi, au
cours de la dernière décennie, la durée totale du gel est plus que divisée par deux entre le parc
de Paris-Montsouris et la station rurale de Melun (231 heures/an contre 491). Ces
caractéristiques urbaines ont pour conséquence la quasi-disparition des brouillards dans Paris
(7 jours par an) alors que dans la campagne environnante leur apparition est fréquente en
automne et en hiver (entre 30 et 50 jours, au gré des facteurs locaux propices à
l’humidification de l’air : proximité de forêts, lacs…). En terme de risque, la combinaison du
brouillard et d’une température négative tombe à moins de 2 jours par an dans Paris, contre 7
à 15 jours sur la périphérie. Il en va de même pour les phénomènes glissants liés à des
précipitations par températures négatives (3,8 jours à Paris avec Tn <= 0°C et RR >= 1 mm
contre 9,3 à Melun), le tout affecté par une variabilité interannuelle importante (2 jours durant
l’hiver 2006/2007 mais 16 jours pour l’hiver 2008/2009).
Toutefois, il est à noter que la diminution des types de temps à risque en ville ne
saurait s’analyser sans envisager la vulnérabilité des sociétés et des personnes et la sensibilité
des milieux. Il va par exemple de soi que les conséquences d’une seule journée de neige
tenant au sol sur Paris à une heure de grande affluence est autrement plus pénalisante pour
l’économie régionale et la sécurité des usagers qu’une semaine blanche sur la campagne…
Dans le même ordre d’idée, concernant les fortes chaleurs, il arrive que lors de
configurations synoptiques exceptionnelles la morphologie urbaine puisse aggraver fortement
les risques sanitaires. Tel fut le cas en 2003 avec l’intrusion et la stagnation d’une masse d’air
tropical continental. Pour mieux appréhender le risque induit par la canicule de cet été-là, une
analyse au pas de temps horaire a permis de discerner et de quantifier les phases de stress
thermique (T >= 30°C) et les phases de récupération physiologique (T <= 23°C). Ainsi, sur la
« décade extrême » (4-13 août 2003), au cœur de l’agglomération, les fortes chaleurs se sont
prolongées sur près de 15 heures par jour contre 11 heures « seulement » sur la campagne où
la décroissance nocturne apparaissait plus rapidement et plus fortement. En conséquence, le
4
temps de récupération était très limité pour les citadins (1,4 heure) comparativement aux
personnes vivant à la campagne (5,5 heures). Gardons de plus en mémoire que ce fait
climatique, observé « sous abri », ne tient pas compte de la situation à l’intérieur des
constructions où la chaleur avait encore plus de difficulté à s’évacuer.
Pour les précipitations abondantes, autre source de risques d’origine climatique, les
occurrences sont faibles sous notre climat ; la différenciation ville/campagne est peu marquée
et plus sous la dépendance des conditions aérologiques régionales et locales susceptibles de
renforcer la convection. Le nombre de fois où la pluie a excédé 10 mm par jour est de l’ordre
de 15 jours par an et de 1 fois tous les deux ans au seuil de 30 mm. Concernant le vent,
dernier paramètre à risque majeur envisagé ici, la distance au littoral atténue la violence des
tempêtes (1 jour/an avec FXI >= 28 m/s) et les cas de vents forts (48 jours avec FXI >= 16
m/s). Par ailleurs, au cœur de l’agglomération, il n’existe pas de site dégagé comparable aux
aérodromes. Ici les facteurs stationnels l’emportent sur l’échelle topoclimatique et de ce fait
les risques peuvent être fort différents pour des sites pourtant très proches, en fonction des
effets d’abri ou d’exposition engendrés par la morphologie urbaine et de la direction initiale
du vent.
Au total, l'
appartenance au climat tempéré océanique des latitudes moyennes procure
généralement peu de situations à risques majeurs pour la région parisienne. Le principal effet
de l’urbanisation est d’atténuer l'
intensité des risques liés au froid, en raison de la présence de
l'
ICU. Cependant, dans de rares configurations synoptiques extrêmes, l'
urbanisation renforce
parfois le risque, comme ce fut le cas lors de la canicule de 2003. Mais au-delà d’une analyse
rationnelle des éléments climatiques, le risque en milieu urbain ne peut être envisagé qu’à
partir du croisement de l'
aléa atmosphérique et de la vulnérabilité des sociétés et des
personnes.
1.4. Recherche sur des risques climatiques spécifiques en milieu urbain
tropical
Denis Lamarre (Pr. Retraité de l’Université de Bourgogne, Dijon)
1°) Déterminer les particularités des risques climatiques en milieu urbain
tropical oblige d’abord à considérer les divers facteurs, physiques et humains, aléas et
vulnérabilités, au niveau d’échelle propre à l’agglomération, c’est-à-dire dans un cadre spatial
restreint et densément occupé. C’est dans ce cadre que les faits doivent être pris en
combinaison et non pas séparément.
Les dangers climatiques du climat tropical régional se manifestent en rapport étroit
avec le site urbain, avec ses principales dispositions topographiques, telles l’altitude, le
système de pentes. La chaleur, la ventilation, l’évacuation ou la rétention des eaux pluviales
peuvent être très différentes d’un secteur de l’agglomération à un autre.
En même temps, à l’exception de quelques villes isolées (Arabie, Singapour, HongKong), les villes tropicales appartiennent à des « pays en voie de développement » (PVD) et
par conséquent sont marquées par une « topographie sociale » très contrastée entre les
quartiers. Il est quasiment de règle que les catégories sociales les plus démunies soient
cantonnées dans les parties de la ville les plus rebutantes, voire les plus dangereuses du point
de vue climatique, soumises aux plus fortes chaleurs, aux pollutions de l’air et de l’eau, aux
inondations, aux glissements de terrain, etc. La combinaison entre des conditions climatiques
potentiellement dangereuses et des conditions sociales particulièrement vulnérables peut donc
jouer à plein dans nombre de villes tropicales.
5
2°) Rappelons que parler de risques implique l’éventualité de pertes humaines et (ou)
matérielles considérables, et non de simples dommages, plus ou moins courants, fussent-ils
notables. Or il se trouve que les climats tropicaux se définissent d’abord par leurs aspects
saisonniers très fortement réglés, comme les moussons. Ces aspects sont donc habituellement
attendus par les populations urbaines, qui sont confrontées à leurs excès et tâchent de s’en
prémunir, autrement dit essayent de réduire les risques. Ce qui rend le risque imparable, c’est
moins l’intensité des dangers en cause (vagues de chaleur, abats pluvieux), dont on sait
pertinemment qu’ils se dérouleront, que l’incapacité d’y faire face efficacement, à cause du
dénuement des populations à risques. La condition sociale urbaine défavorisée prend le pas
sur « la condition tropicale » (Hallé, 2010). Toutefois, dans les grandes villes, existent des
équipements sanitaires, inconnus ailleurs, qui rendent finalement la condition urbaine moins
mauvaise que la vie en milieu rural, notamment face aux maladies infectieuses tropicales.
Quant aux aspects violents de la météo tropicale, au premier rang desquels les
cyclones, ils sont reconnus comme dangereux, à juste titre. Cependant une étude récente (Q.
Li et Y. Duan, in Meteo. Atmos. Phys., 2010) sur l’impact des typhons sur les villes côtières
de la Chine (1949-2008), y compris Taiwan, relativise le danger cyclonique, pourtant un des
plus élevés au monde. Concernant les super-typhons, la période de retour est de 12 à 30 ans à
Taiwan ; elle n’est plus significative pour Hong-Kong. La vulnérabilité des villes tropicales,
riches ou pauvres, aux cyclones est donc très difficile à évaluer.
En conclusion, on insistera sur les engrenages temporels dans l’exposition aux risques
climatiques dans les villes tropicales. Si le temps court prédomine, c’est à cause du caractère
violent de certains événements météo qui peut aggraver subitement les risques, et surtout à
cause de la déficience de l’encadrement économique et social dans les PVD, sans prise sur
l’urbanisation spontanée et galopante, incapable de prévenir les risques, de gérer les
catastrophes, et même parfois de donner l’alerte. A l’évidence, dans de telles conditions, pour
la majorité des urbains tropicaux, le changement climatique n’est pas une préoccupation, et la
« ville durable » est une incongruité.
1.5. La sécheresse de 128 ap. J.C. en Afrique du Nord : réflexion sur ses
incidences et la construction d’aqueducs urbains et sur l’utilisation de
données archéologiques dans la recherche en climatologie
Philippe Leveau (Centre Camille Julian – MMSH, Université d’Aix-en-Provence)
La communication présentée s’inscrit dans le cadre plus général de la recherche de
données météorologiques et/ou climatiques sur l’époque romaine (IIe av. J.-C. / Ve ap. J.-C.)
déjà présentée lors de la précédente réunion de RICLIM à Colmar. Dans les deux cas, il
s’agissait de présenter des sources écrites relatives à l’histoire des villes corrélées aux données
archéologiques (aménagements) relatives aux risques hydrologiques (excès ou déficit
hydriques). À Colmar, le dossier concernait les inondations du Tibre à Rome. À Turin, il
portait sur la relation entre aléas climatiques et alimentation en eau des villes romaines.
Comme à Colmar, la démarche part de l’examen d’une situation transposable de l’époque
contemporaine à l’époque antique.
Dans un contexte climatique caractérisé par de graves épisodes de sécheresse (N.
Jacob-Rousseau et L. Astrade, Sécheresses et pénuries d’eau dans la France Méridionale entre
1815 et 1840), Marseille souffrait d’une grave pénurie d’eau. La ville n’était alimentée que
par l’Huveaune et son affluent le Jarret au débit faible et irrégulier. Jusqu’au XIXe s. les
Marseillais ne disposaient que de puits donnant une eau dont la qualité se dégradait. Cette
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pénurie apparaissait comme une grave limite au développement d’une ville en croissance
démographique rapide. Les épidémies de choléra de 1833 et de 1835 montraient l’urgence
d’augmenter la quantité d’eau disponible. Dans ce contexte, M.-D. Consolat, le maire de
Marseille, décida en 1834 d’amener à Marseille l'
eau de Durance « quoi qu'
il advienne, quoi
qu'
il en coûte ». Cette adduction dont la réalisation fut confiée à Fr. Mayor de Montricher
nécessita la construction d’un canal de 82 km de long. Pour arriver à une altitude suffisante, il
franchissait la vallée de l’Arc à Roquefavour.
La situation méritait d’être confrontée avec les conditions dans lesquels furent
construits les aqueducs alimentant les villes de l’Afrique Romaine et plus précisément celui
de Carthage. Cette comparaison permet de discuter un des six critères proposés comme
indices pour modéliser le climat de la période romaine par Oreste Reale et Paul Dimeyer
(Modeling the effet of vegetation on Mediterranean climate during the Roman Classical
Period Part I : Climate history and model sensitivy, Global and Planetary Change 25 (2000),
163-184 Oreste Reale et Jagadish Shukla : Part II Model Simulationn, ibid (2000), 185-214).
Refondée par l’empereur Auguste, à la fin du Ier s. av. J.-C., Carthage ne disposait à
l’origine que de ressources hydrauliques limitées : des nombreux puits puisant l’eau dans une
nappe dont le renouvellement était assuré par une pluviométrie annuelle de 600 mm en année
normale, des stockages dans des citernes privées ou publiques (La Malga : 42 000 m3). La
ville prit une importance considérable au IIe s. et son alimentation fut assurée par un aqueduc
de 90 km de long dont le débit est estimé à 25 000 à 30000 m3. Il captait deux sources
karstiques dans des massifs élevés (Dj Zghouan>1000m) et bien arrosés (7000-800 mm).
La construction de l’aqueduc répondait évidemment aux besoins nés de la croissance
de la ville. Mais il est possible, comme pour Marseille, d’établir une relation avec les
conditions climatiques de l’époque. Les études environnementales montrent en effet qu’à
partir du IIe s. le climat du Maghreb devient plus aride. Dans ce contexte, une remontée des
hautes pressions sahariennes peut faire tomber la pluviométrie annuelle à 200 mm. L’aqueduc
permettait à la ville de se prémunir contre les périodes de sécheresse qui surviennent
régulièrement. De ce fait, des archéologues ont établi une relation entre la construction de cet
aqueduc et un épisode de sécheresse rapporté dans la biographie de l’empereur Hadrien. En
128, “ quand (Hadrien) se rendit en Afrique, la pluie tomba à son arrivée après cinq années de
sécheresse, ce qui lui valut l’affection des Africains ” (Spartien, Vie d’Hadrien XXII, 14). On
a mis en doute la validité d’un renseignement dont l’objectif évident était de montrer que la
venue de l’empereur était bénie par les dieux. Mais la validité de ce renseignement est assurée
par deux inscriptions de l’Aurès qui commémorent le retour de la pluie en 128.
Le dossier présente deux intérêts. Le premier est d’attester d’un épisode de sécheresse
d’une durée de cinq ans à une date assurée. Le fait n’est ni exceptionnel ni anormal. Mais
aucune source n’en donne d’autre exemple pour l’Antiquité au Maghreb. Le second est de
suggérer une relation entre une tendance climatique et la construction d’aqueduc au IIIe s. de
notre ère.
1.6. Vulnérabilité et résilience aux changements climatiques en milieu urbain
Béatrice Quénault (CRESS-Lessor, Université Rennes-2)
Cette communication s’inscrit dans le cadre du projet de recherche d’un collectif
pluridisciplinaire d’enseignants-chercheurs (programme PIRVE 2009 du CNRS, label MSHB,
et soutien du CS de Rennes 2) que Béatrice QUENAULT, chercheur au CRESS-Lessor de
l’Université Rennes 2, coordonne. L’équipe se compose de : BERTRAND François et
ROCHER Laurence, équipe COST (UMR 6173 CITERES, Université de Tours), BLOND
7
Nadège et CLAPPIER Alain, LIVE (ERL7230, UMR 7011, Faculté de géographie, Université
de Strasbourg), BOIDIN Bruno et LALLAU Benoît, CLERSE (UMR 8019-IFRESI,
Université Lille 1, HELAND Laure, équipe COST (UMR 6173 CITERES, Ecole Nationale
Supérieure d’Architecture de Paris-la-Villette), PEYRACHE-GADEAU Véronique et
PIGEON Patrick, EDYTEM (UMR 5204, Université de Savoie), QUENAULT Béatrice,
CRESS-Lessor (PPF, Université Rennes 2), TSAYEM DEMAZE Moïse, GREGUM (UMR
6590 ESO, Faculté des Lettres, Langues et Sciences humaines, Université du Maine), en
collaboration avec les membres de l’entreprise NOVELTIS (Toulouse) spécialisée la
Physique et la Chimie de l’atmosphère, l’Océanographie, la Géodésie, et la Biosphère
continentale.
Face aux formes accentuées de risques qui pèsent sur les espaces urbanisés et sur les
sociétés urbaines en lien avec les changements climatiques et leurs impacts, de nombreux
rapports et études montrent que les villes contribuent localement à l’aggravation des
changements climatiques globaux et sont en outre vulnérables à ces changements. La
réduction de cette vulnérabilité devient un enjeu fondamental des politiques territoriales visant
à un développement urbain durable. Si beaucoup de villes sont déjà engagées sur des
politiques d’atténuation des changements climatiques (notamment par la réduction de leurs
émissions de gaz à effet de serre), elles sont encore peu nombreuses à avoir porté la question
de l’adaptation aux changements climatiques (ce qui renvoie à la notion de résilience) dans
leurs agendas et dans leurs politiques urbaines. Dans ce contexte, cette proposition revêt une
dimension de théorisation et de conceptualisation visant à mieux définir et caractériser des
notions interdisciplinaires et transversales fortement débattues (vulnérabilité, résilience,
adaptation, développement urbain durable…) de manière à progresser dans la compréhension
des impacts des changements climatiques sur les systèmes anthropisés et dans l’identification
des facteurs qui déterminent la capacité de réponse des sociétés urbaines face aux risques
environnementaux globaux tels que les changements climatiques. L’enjeu est de participer à
la construction des éléments qui composeront la ville durable de demain en proposant des
éléments de réponse aux questions suivantes : à quelles conditions l’apparition ou
l’exacerbation de vulnérabilités territoriales par les changements climatiques peut-elle opérer
comme levier pour la prise en compte d’enjeux globaux dans les politiques urbaines locales ?
Comment sont pensées et mises en œuvre les indispensables articulations, mises en cohérence
et coordination entre les actions d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques
dans des politiques urbaines prenant en compte les préoccupations de développement urbain
durable ? Comment les dynamiques urbaines sont-elles adaptées pour rendre les villes à la
fois moins vulnérables aux évolutions climatiques (donc plus résilientes) et moins
génératrices d’émissions de gaz à effet de serre ?
1.7. Bilan des travaux du programme ECORURB (ECOlogie/RURal/URBain), sur
l’agglomération de Rennes
Hervé Quénol et Vincent Dubreuil (COSTEL-LETG, Université RENNES-2)
En ville, l’expression la plus concrète de la modification du bilan d’énergie est l’îlot
de chaleur urbain (ICU). Caractérisé par un dôme d’air plus chaud couvrant la ville, l’ICU
est la manifestation de la hausse de température engendrée par les caractéristiques physiques
(bâti, etc.) et les activités de la ville. L’ICU est avant tout défini par la différence de
température existant entre les secteurs centraux d’une agglomération et ses secteurs
périphériques. Au-delà d’une trop simple distinction centre/périphérie, il s’appuie surtout sur
8
des différences de surface et d’occupation du sol, le centre étant généralement occupé par un
bâti dense, présentant des surfaces verticales rapprochées, alors que la périphérie est occupée
par des surfaces horizontales végétalisées ou humides.
Dans cette communication, nous montrons que la ville (notamment l’îlot de chaleur
urbain) a une influence sur la phénologie des plantes, provoquant un avancement
phénologique printanier dans les zones urbaines par rapport aux zones rurales environnantes.
Ce travail vise à mieux comprendre et approfondir la relation entre phénologie urbaine et
climat urbain à l’échelle intra-urbaine, en prenant en compte la structure de la ville. C’est dans
cet objectif qu’un réseau dense de stations météorologiques a été mis en place dans
l’agglomération rennaise. Il permet de qualifier et quantifier les modifications climatiques
dues à l’ICU. Parallèlement, des mesures phénologiques (platane et cerisier) sont réalisées
afin de pouvoir établir le lien entre les données climatiques et biologiques. Les résultats
mettent en évidence l’existence d’un gradient climatique et d’un gradient phénologique
correspondant au type d’urbanisation sur la ville de Rennes. La ville influe sur la phénologie
via la diminution de la différence thermique entre le jour et la nuit et par une augmentation de
la température minimale en allant vers le centre urbain. Une influence du type de surface
(végétalisée ou bâtie) sur la phénologie est également mise en évidence.
1.8. Apport de la géomatique pour définir la morphologie urbaine et son
influence sur les épisodes chauds à Paris
Ariane Sakhy1, Malika Madelin1, Sébastien Bridier2 et Gérard Beltrando1
1
PRODIG, Université Paris-7
Université d’Aix-en-Provence
2
Le dernier rapport du GIEG (2007) prévoit une augmentation de la fréquence des
vagues de chaleur dont les risques sanitaires associés pourraient avoir d’importantes
répercussions sur la société. Un événement météorologique comme la canicule de l’été 2003 a
engendré une surmortalité estimée à près de 15 000 personnes en France avec un tiers des
effectifs localisés en Ile de France et plus de 1000 décès seulement dans la ville de Paris.
La présente communication s’inscrit dans le cadre d’une première année de thèse (Recherche
doctorale réalisée dans le cadre d’une bourse fléchée MRES) portant sur l’impact des
températures sur la mortalité dans la ville de Paris. Il s’agit de définir le rôle que la
morphologie urbaine parisienne peut avoir sur la distribution des températures et par
conséquent sur la morbidité et la mortalité de l’homme.
La méthodologie développée ici pour l’étude de la structure urbaine de Paris a été
élaborée à partir de la BD Topo de l’IGN qui renseigne sur la structure des bâtiments et des
rues. Celle-ci est analysée par l’intermédiaire d’un SIG, pour calculer des densités surfaciques
et volumiques de bâti à différentes échelles (maille et arrondissement), cette approche permet
d’avoir une vue synthétique et quantitative sur la morphométrie de la ville. La BD topo en
format vectoriel a également été utilisée pour caractériser le canyon urbain, défini dans sa
longueur, sa largeur et sa hauteur, pour l’exemple du quatorzième arrondissement ici.
L’ensemble de ces traitements a pour but de développer une méthode permettant d’estimer la
distribution du rayonnement solaire par tranche horaire, selon un schéma théorique, sur les
façades du canyon urbain.
9
L’objectif à terme sera de confronter des données de température à des indices de
mortalité pour d’établir - sur une base spatialisée – les relations qui existent entre les
températures maximales et la santé de la population de Paris.
2. Bilan de la matinée du mercredi 26 mai
La séance du mercredi matin était consacrée aux activités et au fonctionnement du GDR
RICLIM, essentiellement au projet de GDRI en cours.
2.1. Discussion à propos du projet de GDRI
Dans l’objectif de prolonger l’existence du GDR RICLIM et après avoir discuté, au cours
des précédentes réunions, la proposition déjà évoquée de se tourner vers une structure de type
GDRI a été retenue par l’ensemble des participants, d’autant plus que l’aspect international
exigé dans cette structure existe déjà (UNIL) et est en cours de développement (Société
Météorologique Italienne représentée par Luca MERCALLI qui nous a reçu à Turin en mai
2010).
Quelques points précis ont été mis en avant par les collègues présents à Turin :
- Conserver le caractère pluri-disciplinaire du groupe, qui en constitue à la fois le fondement
et l’originalité.
- Mettre l’accent sur le bilan des publications communes et la valorisation des travaux tels
ceux qui seront présentés au colloque de l’AIC à Rennes (volume d’actes à paraître). Ce
colloque se tiendra en effet en fin de période de renouvellement du GDR, et un numéro
spécial de la revue Climatologie est prévu pour publier les travaux produits en climatologie
historique (réunion de Grenoble en mai 2009 et session du colloque de l’AIC consacrée à ce
sujet).
2.2. Informations diverses
2.2.1. A propos du site WEB
Le site web du GDR RICLIM, créé peu après la réunion de novembre 2008 à Rennes, sur
proposition et à l’initiative de Malika MADELIN (PRODIG-CNRS, Université Paris-7), est
hébergé à l’Université Rennes-2, à l’adresse suivante :
http://www.univ-rennes2.fr/costel/riclim
Le site contient une présentation du GDR, les participants, la liste de toutes les
réunions, les programmes et comptes-rendus des réunions depuis celle de Rennes en
novembre 2008, ainsi que les tables des matières des deux ouvrages déjà publiés et le lien
d’accès à la revue en ligne RISEO (N°1), dans laquelle sont publiées des communications
présentées à la réunion RICLIM de Colmar en novembre 2009.
2.2.2. Publication des communications présentées le 24 novembre (Colmar)
A l’issue de la réunion RICLIM de Colmar (novembre 2009), Hervé Arbousset et MarieFrance Steinle-Feuerbach ont proposé aux intervenants de soumettre leurs contributions sous
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forme d’article dans le premier numéro d’une nouvelle revue en ligne à comité de lecture,
sous la responsabilité du CERDACC : la revue RISEO (Risques, Etudes et Observations).
Cette revue propose des articles avec une forte connotation en droit, mais est ouverte à toute
étude sur les risques menée avec une approche transdisciplinaire. Les communications de la
réunion RICLIM de Colmar publiées dans RISEO (N°1) sont accessibles à l’adresse
http://www.riseo.fr/-Revue-1- (lien accessible sur le site web de RICLIM).
La revue RISEO sera référencée au doctrinal, qui est le site juridique des publications
avec comité de lecture.
2.2.3. Colloque de l’Association Internationale de Climatologie (Rennes,
septembre 2010) et numéro spécial « climatologie historique »
Le 23e colloque de l’Association Internationale de Climatologie (AIC) s’est tenu à Rennes
(Université Rennes-2) du 1er au 3 septembre 2010, sur le thème des risques et changements
climatiques (http://www.climato.be/aic/colloques.html). Suite à la session « climatologie
historique » de ce colloque, elle-même organisée en prolongement de la réunion RICLIM de
Grenoble (mai 2009), consacrée aux « méthodes de recherche en climatologie historique »,
un numéro spécial de la revue Climatologie, seule revue française de climatologie à comité de
lecture, est proposé sur le thème de la climatologie historique, élargie à l’histoire des sciences
et à la perception du climat et des événements climatiques selon les époques et les sociétés.
2.2.4. Prochaine réunion :
TROYES, 9-10 novembre 2010 : Les futurs du climat.
Bertrand GUILLAUME propose d’accueillir la dernière réunion du GDR à TROYES,
les 9 et 10 novembre 2010, dans les locaux de l’Université de Technologie de Troyes (ICDCREIDD), sur le thème des futurs du climat. Les propositions peuvent concerner les
modèles/récits/fictions du climat ainsi que la dialectique prospective/rétrospective.
Merci de me confirmer ([email protected]) votre participation à cette
réunion dans les plus brefs délais !
En espérant nous retrouver nombreux à TROYES en novembre 2010 !
Fait à Rennes, le lundi 13 septembre 2010
Olivier Planchon
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