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RÉUNION DU GDR 2663 CNRS RICLIM
Archivio di Stato / Archives d’État (TURIN),
25 et 26 mai 2010
COMPTE RENDU
Risques climatiques
Risques climatiques Risques climatiques
Risques climatiques
urbains
urbainsurbains
urbains
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Conformément à la décision prise lors de la réunion de Grenoble en mai 2009 et confirmée à
Colmar en novembre 2009, la première réunion semestrielle du groupe RICLIM pour l’année
2010 s’est tenue les 25 et 26 mai dans les locaux des Archives d’État (Archivio di Stato) à
Turin à l’invitation de Luca Mercalli, Président de la Société téorologique Italienne
(Società Meteorologica Italiana), sur le thème des risques climatiques urbains, donc un
thème qui n’avait pas encore été développé dans le cadre des travaux du groupe RICLIM.
L’extension considérable des espaces urbanisés durant le XX
e
siècle a eu des effets
climatiques sensibles à échelle locale, voire régionale pour les plus grandes agglomérations.
En même temps, les effets et impacts de certains événements climatiques et météorologiques
sont modulés par la morphologie urbaine, ainsi susceptible d’en aggraver localement
l’intensité. La réunion RICLIM de Turin a donc eu pour objectif de débattre de ces problèmes,
en s’appuyant sur des travaux présentés durant la journée du 25 mai.
Puis, comme cela est l’usage lors des réunions du GDR RICLIM, la matinée de la deuxième
journée (mercredi 25) a quant à elle été consacrée aux activités et fonctionnement du GDR.
1. Bilan de la journée du mardi 25 mai
Durant la journée consacrée à la présentation des travaux de recherche du GDR, 11
personnes au total étaient présentes (cf. liste des participants), dont 8 en tant qu’intervenants.
Tous les intervenants prévus étaient présents. La séance a été ouverte par Luca Mercalli, puis
Marco Carassi (directeur des Archives d’État) a présenté les Archives, avant de les visiter.
Les risques liés au climat dans les villes ont été abordés et développés, comme il est
d’usage au cours des réunions scientifiques du groupe RICLIM, par les différentes approches
représentées dans le GDR. Le nombre de participants moins important que lors des réunions
précédentes (pour cause d’emplois du temps chargés…Et de « bug » SNCF pour expliquer
l’absence du directeur du GDR !) n’a pas empêché de fructueuses discussions, que permettent
ces réunions par rapport aux colloques traditionnels les échanges se limitent trop souvent à
de simples jeux de questions-réponses.
1.1. ARCHLIM – Reconstitution du climat des Alpes occidentales basée sur les
archives anciennes, centrée sur l’Optimum Climatique Médiéval
Luca Mercalli – (Società Meteorologica Italiana, www.nimbus.it)
Le projet “Archlim” a eté lancé en 2010 par la Société Météorologique Italienne avec
le soutien financier de la fondation bancaire « Compagnia di San Paolo » à Turin. La
recherche a pour but la reconstitution du climat d’un secteur des Alpes occidentales (Alpes
Cottiennes) à l’aide d’anciens documents soit édités soit à dépouiller dans des archives. La
région des Alpes Cottiennes est riche en références de passage par les cols frontaliers
(Montgenèvre, Montcenis), largement empruntés dès l’époque romaine. Les dates de passage,
équipements, chroniques, état de l’enneigement, tempêtes, sont des éléments fréquents dans
les documents historiques et très utiles pour une reconstitution climatique pluri-séculaire. Les
communes de montagne conservent des archives avec traces des événements climatiques tels
que les inondations, avalanches, sécheresses, chutes de grêle, grand vent, état de la végétation.
Le dépouillement des documents sera conduit sur une année par 4 paléographes et historiens.
Ensuite, deux climatologues s’occuperont de la mise en place d’une banque de données
informatisée et de l’interprétation des événements climatiques. On attend surtout des
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nouvelles données à intégrer pour aider à la reconstitution de l’Optimum Climatique Médiéval
(réchauffement climatique de l'an mil), actuellement remis en question par rapport au
réchauffement récent. Un second axe de recherche porte sur les réactions des populations
locales face aux risques climatiques du passé.
1.2. Apport des recherches géohistoriques à la connnaissance des risques
hydroclimatiques en milieu urbain : cas de la ville de Mulhouse
Brice Martin et Romain Ansel (CRESAT, Université de Haute-Alsace
Mulhouse), programme ANR – DFG TRANSRISK 2008-2010)
Le Plan de Prévention des Risques d’inondation (PPRI) pour le bassin de l’Ill,
approuvé en 2006, indique que la ville de Mulhouse (Haut Rhin, France) se trouve presque
totalement à l’abri des inondations. Cette situation apparaît comme le résultat de la
construction au XIX
è
siècle d’un important ouvrage de canalisation et de détournement des
eaux de l’Ill (« canal de décharge »). Si son objectif de l’époque était, surtout, de permettre
l’urbanisation et le développement industriel du « Manchester français », le canal de décharge
a transformé cette ville d’eau établie en zone marécageuse et inondable, en un espace a priori
dénué de tout risque d’inondation. La chronologie des événements établie sur la période 1400
– 2010, est de ce point de vue exemplaire : non seulement les inondations, nombreuses
jusqu’au milieu du XIXè siècle, disparaissent à Mulhouse, mais la ville devient un cas
particulier dans un bassin de l’Ill les crues destructrices continuent pourtant de se
multiplier à l’époque actuelle (la dernière en date s’étant produite en août 2007). Au-delà d’un
quelconque hasard météorologique, l’efficacité de ce canal semble donc incontestable. Mais,
dans le même temps, des rapports alarmistes, notamment dans le secteur des assurances,
évoquent l’éventualité d’une inondation touchant 70.000 des 110.000 habitants de Mulhouse.
Qu’en est il vraiment ? Pour les chercheurs comme pour les acteurs locaux en charge de la
gestion des risques majeurs, la question se pose donc d’une évaluation systémique des
aménagements de protection de la ville. L’idée est d’appliquer une démarche géohistorique et
multiscalaire destinée à replacer le système ville rivière- aménagement dans un contexte
spatial et temporel étendu en s’appuyant sur la chronologie des crues destructrices, leur
perception et leur contextualisation en termes d’évolution de l’occupation des sols. Un travail
de dépouillement des archives des sapeurs pompiers s’est révélé particulièrement fructueux,
en permettant l’identification d’une vingtaine d’inondations à Mulhouse depuis les années
1940. Mais ce n’est plus l’Ill qui déborde. Il s’agit de ruissellements urbains liés à des
précipitations torrentielles qui « accompagnent » la croissance de la ville, non plus dans la
plaine inondable de l’Ill mais sur les collines avoisinantes. Le risque d’inondation reste donc
bien présent, au point d’être même banalisé, toutefois, il ne vient plus du bas (rivière) mais du
haut (collines). Et l’histoire récente (certaines rues ayant été inondées à 12 reprises en 70 ans)
montre que si l’on avait effectué une démarche « botom up », intégrant les caractéristiques
du territoire en ce qui concerne la prévention des risques, un PPR ruissellements urbains
aurait été parfaitement justifié plutôt qu’un PPRI qui sous - estime, voire nie le risque
d’inondation.
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1.3. Les types de temps à risque climatique à Paris
Olivier Cantat (GEOPHEN-LETG, Université de Caen)
En région parisienne, la notion de risque climatique est étroitement dépendante de son
appartenance au domaine tempéré océanique et de son cadre topographique, contexte
géoclimatique auquel vient se greffer de façon plus moins marquée et durable les influences
urbaines, en liaison avec la diversité des types de temps.
Si le qualificatif de tempéré ne signifie pas sans excès, il est vrai cependant que la
prédominance des grands flux d’ouest propres aux latitudes moyennes et l’absence de relief
faisant obstacle à la propagation des masses d’air d’origine atlantique assurent une certaine
modération aux caractéristiques atmosphériques. Ainsi, les situations synoptiques à risque
climatique sont rares et, quand elles se produisent, leur durée est limitée par le brassage et/ou
le changement des masses d’air qui intervient au bout de quelques jours généralement.
Régionalement, l’occurrence des contraintes thermiques est d’environ 50 jours pour le
froid (Tn <= 0°C) comme pour la chaleur (Tx >= 25°C). A des seuils plus élevés, les cas sont
logiquement plus rares et non nécessairement présents chaque année : sur la période 2001-
2009, les grands froids (Tn <= -5°C) sont intervenus en moyenne à 5 reprises par an et les
fortes chaleurs (Tx >= 30°C) moins de 12 fois. Au cœur de Paris, l’influence de l’urbanisation
est surtout à l’origine d’une réduction sensible de la rigueur et l’intensité du froid (22 jours de
gelées et 1 jour de grand froid en moyenne) mais elle n’intervient guère sur la chaleur (51
jours avec Tx >= 25°C et 13 jours avec Tx >= 30°C). Ces observations reflètent concrètement
le phénomène d’îlot de chaleur urbain dont les effets sont principalement marqués sur les
valeurs nocturnes, appréciables notamment au travers des températures minimales. Ainsi, au
cours de la dernière décennie, la durée totale du gel est plus que divisée par deux entre le parc
de Paris-Montsouris et la station rurale de Melun (231 heures/an contre 491). Ces
caractéristiques urbaines ont pour conséquence la quasi-disparition des brouillards dans Paris
(7 jours par an) alors que dans la campagne environnante leur apparition est fréquente en
automne et en hiver (entre 30 et 50 jours, au gré des facteurs locaux propices à
l’humidification de l’air : proximité de forêts, lacs…). En terme de risque, la combinaison du
brouillard et d’une température négative tombe à moins de 2 jours par an dans Paris, contre 7
à 15 jours sur la périphérie. Il en va de même pour les phénomènes glissants liés à des
précipitations par températures négatives (3,8 jours à Paris avec Tn <= 0°C et RR >= 1 mm
contre 9,3 à Melun), le tout affecté par une variabilité interannuelle importante (2 jours durant
l’hiver 2006/2007 mais 16 jours pour l’hiver 2008/2009).
Toutefois, il est à noter que la diminution des types de temps à risque en ville ne
saurait s’analyser sans envisager la vulnérabilité des sociétés et des personnes et la sensibilité
des milieux. Il va par exemple de soi que les conséquences d’une seule journée de neige
tenant au sol sur Paris à une heure de grande affluence est autrement plus pénalisante pour
l’économie régionale et la sécurité des usagers qu’une semaine blanche sur la campagne…
Dans le même ordre d’idée, concernant les fortes chaleurs, il arrive que lors de
configurations synoptiques exceptionnelles la morphologie urbaine puisse aggraver fortement
les risques sanitaires. Tel fut le cas en 2003 avec l’intrusion et la stagnation d’une masse d’air
tropical continental. Pour mieux appréhender le risque induit par la canicule de cet été-là, une
analyse au pas de temps horaire a permis de discerner et de quantifier les phases de stress
thermique (T >= 30°C) et les phases de récupération physiologique (T <= 23°C). Ainsi, sur la
« décade extrême » (4-13 août 2003), au cœur de l’agglomération, les fortes chaleurs se sont
prolongées sur près de 15 heures par jour contre 11 heures « seulement » sur la campagne
la décroissance nocturne apparaissait plus rapidement et plus fortement. En conséquence, le
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temps de récupération était très limité pour les citadins (1,4 heure) comparativement aux
personnes vivant à la campagne (5,5 heures). Gardons de plus en mémoire que ce fait
climatique, observé « sous abri », ne tient pas compte de la situation à l’intérieur des
constructions où la chaleur avait encore plus de difficulté à s’évacuer.
Pour les précipitations abondantes, autre source de risques d’origine climatique, les
occurrences sont faibles sous notre climat ; la différenciation ville/campagne est peu marquée
et plus sous la dépendance des conditions aérologiques régionales et locales susceptibles de
renforcer la convection. Le nombre de fois où la pluie a excédé 10 mm par jour est de l’ordre
de 15 jours par an et de 1 fois tous les deux ans au seuil de 30 mm. Concernant le vent,
dernier paramètre à risque majeur envisagé ici, la distance au littoral atténue la violence des
tempêtes (1 jour/an avec FXI >= 28 m/s) et les cas de vents forts (48 jours avec FXI >= 16
m/s). Par ailleurs, au cœur de l’agglomération, il n’existe pas de site dégagé comparable aux
aérodromes. Ici les facteurs stationnels l’emportent sur l’échelle topoclimatique et de ce fait
les risques peuvent être fort différents pour des sites pourtant très proches, en fonction des
effets d’abri ou d’exposition engendrés par la morphologie urbaine et de la direction initiale
du vent.
Au total, l'appartenance au climat tempéré océanique des latitudes moyennes procure
généralement peu de situations à risques majeurs pour la région parisienne. Le principal effet
de l’urbanisation est d’atténuer l'intensité des risques liés au froid, en raison de la présence de
l'ICU. Cependant, dans de rares configurations synoptiques extrêmes, l'urbanisation renforce
parfois le risque, comme ce fut le cas lors de la canicule de 2003. Mais au-delà d’une analyse
rationnelle des éléments climatiques, le risque en milieu urbain ne peut être envisaqu’à
partir du croisement de l'aléa atmosphérique et de la vulnérabilité des sociétés et des
personnes.
1.4. Recherche sur des risques climatiques spécifiques en milieu urbain
tropical
Denis Lamarre (Pr. Retraité de l’Université de Bourgogne, Dijon)
1°) Déterminer les particularités des risques climatiques en milieu urbain
tropical oblige d’abord à considérer les divers facteurs, physiques et humains, aléas et
vulnérabilités, au niveau d’échelle propre à l’agglomération, c’est-à-dire dans un cadre spatial
restreint et densément occupé. C’est dans ce cadre que les faits doivent être pris en
combinaison et non pas séparément.
Les dangers climatiques du climat tropical régional se manifestent en rapport étroit
avec le site urbain, avec ses principales dispositions topographiques, telles l’altitude, le
système de pentes. La chaleur, la ventilation, l’évacuation ou la rétention des eaux pluviales
peuvent être très différentes d’un secteur de l’agglomération à un autre.
En même temps, à l’exception de quelques villes isolées (Arabie, Singapour, Hong-
Kong), les villes tropicales appartiennent à des « pays en voie de développement » (PVD) et
par conséquent sont marquées par une « topographie sociale » très contrastée entre les
quartiers. Il est quasiment de règle que les catégories sociales les plus démunies soient
cantonnées dans les parties de la ville les plus rebutantes, voire les plus dangereuses du point
de vue climatique, soumises aux plus fortes chaleurs, aux pollutions de l’air et de l’eau, aux
inondations, aux glissements de terrain, etc. La combinaison entre des conditions climatiques
potentiellement dangereuses et des conditions sociales particulièrement vulnérables peut donc
jouer à plein dans nombre de villes tropicales.
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