N° 247 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2015 14,00 E R E V U E D E L’ A D M I N I S T R A T I O N T E R R I T O R I A L E D E L’ E T A T LE CHANGEMENT CLIMATIQUE n Etat des lieux des connaissances n La préparation et les objectifs n La France en première ligne dans la lutte contre les changements climatiques n Une préoccupation planétaire rquie tat - Istanbul 2015 - Tu l’E de ux ria ito rr te s nt s représenta es Journées européennes de 22 : ial éc Sp r ie ss Do ET AUSSI… HISTOIRE : Conséquences écologiques et économiques induites par les dévastations faites par l’homme dans la Lybie antique. LIBRES OPINIONS : Les principaux enjeux du Décret 2011-1474 ; Comment écrire l’histoire de notre métier ? LIVRES... Une publication de l’Association du Corps Préfectoral et des Hauts Fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur S O M M A I R E P.44 Le débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie P.131 Changement climatique et santé : OMS et OMM vers une nouvelle collaboration P.36 Penser le climat autrement : la tyrannie de l’urgence ? AVANT-PROPOS 4 36 P enser le climat autrement : la tyrannie de l’urgence ? par M. Michel PUECH, Philosophe, Maître de conférences à la Sorbonne, Université Paris-Sorbonne M . François HOLLANDE, Président de la République INTRODUCTION 6 8 LA PRÉPARATION ET LES OBJECTIFS T ous acteurs de la transition énergétique, tous mobilisés pour la réussite du sommet Paris Climat - Mme Ségolène ROYAL, Ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie L es enjeux de la Conférence Paris Climat 2015, M. Laurent FABIUS, Ministre des Affaires étrangères et du Développement international 38 L ’énergie, dossier européen par excellence, entretien avec M. Dominique RISTORI, Directeur général de la DG Energie, Commission européenne 42 V ers des mesures concrètes : l’Agenda des Solutions, par Mme Laurence TUBIANA, Ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la Conférence Paris Climat 2015 44 L e débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie, par M. Christian LEYRIT, Préfet de Région (h), Président de la Commission Nationale du Débat Public 48 C onvaincre l’humanité de se sauver d’elle-même, par M. Nicolas HULOT, Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète, Président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme 52 L a France va porter son effort vers la sobriété et les énergies peu carbonées, entretien avec M. François BROTTES, Député de l’ Isère 55 L ’intégration des enjeux économiques et environnementaux de la transition énergétique, par MM. Alain GRANDJEAN et Jean-Marc JANCOVICI, associés de « Carbone 4 » 61 C hangement climatique et eau…, par M. Pierre ROUSSEL, Président de l’Office National de l’Eau 67 C oncilier développement et lutte contre le dérèglement climatique, Agence Française pour le Développement – AFD ETAT DES LIEUX DES CONNAISSANCES 10 C limat : responsabilités et esprit d’innovation, par M. Gilles BERHAULT, Président du Comité 21 et du Club France Développement durable, Organisateur et porte-parole de Solutions COP 21 12 L e climat en France au 21ème siècle : les scénarios de changements climatiques jusqu’en 2100, M. Jean JOUZEL, Climatologue et glaciologue, Prix Nobel, Directeur de recherche au CEA 17 Q uelles sont les dernières observations de l’OMM sur les changements climatiques au niveau mondial ? Entretien avec M. Michel JARRAUD, Secrétaire général de l’Organisation Météorologique Mondiale 21 A daptation au changement climatique et aux évènements extrêmes sur le territoire, par M. Marc GILLET, fondateur de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique 26 L es conséquences du changement climatique sur la biodiversité, par M. Philippe GERMA, Directeur général du WWF France 30 B iodiversité et changements climatiques, entretien avec M. Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, ancien Président du Muséum national d’Histoire naturelle, Président de l’association Humanité et Biodiversité 33 L a lutte contre le changement climatique : un levier pour protéger la santé humaine, réduire les inégalités et préserver l’environnement, par M. Jean-Claude AMEISEN, Président du Comité consultatif national d’éthique LA FRANCE EN PREMIÈRE LIGNE DANS LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES 74 L es énergies renouvelables doivent être au cœur de nos politiques climatiques, entretien avec M. Jean-Louis BAL, Président du Syndicat des énergies renouvelables 1 002-SOMMAIRE 247.indd 2 Administration • N° 247 21/09/15 21:25 S O M M A I R E P.26 Les conséquences du changement climatique sur la biodiversité P.67 Concilier développement et lutte contre le dérèglement climatique, Agence Française pour le Développement (AFD) P.88 Prévenir les catastrophes naturelles et y répondre : l’exemple du risque TSUNAMI aux Antilles 77 U ne structure au service du développement durable, par M. Alain VALLET, Directeur régional de la DRIEE, Ile de France 78 C OP 21 : SNCF du côté des solutions pour une mobilité durable, par M. Stéphane VOLANT Secrétaire général de SNCF 84 L es TAAF, sentinelles du changement climatique, par Mme Cécile POZZO DI BORGO, Préfète, Administrateur supérieur des Terres Australes et Antarctiques françaises 88 P révenir les catastrophes naturelles et y répondre : l’exemple du risque TSUNAMI aux Antilles, par M. Fabrice RIGOULET-ROZE, Préfet de la Martinique 90 A griculture, forêt et bioéconomie face à COP 21, par M. Claude ROY, Président du CLUB des Bioéconomistes, membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux 94 G randes entreprises : les stratégies d’adaptation mises en place pour minimiser les conséquences du dérèglement climatique, par M. Paul-Antoine SEBBE, Directeur général de SEDE Environnement 98 U n phénomène en voie d’élargissement : l’adaptation des entreprises au changement climatique, Mme Claire TUTENUIT, Déléguée générale de l’association « Les entreprises pour l’environnement » 104L’éolien, une filière dynamique qui participe à la solution dans la lutte contre le réchauffement climatique, par M. Frédéric LANOË, Président de la Fédération française éolienne, porte-parole des professionnels éoliens 108Un investisseur responsable face aux enjeux climatiques, par M. Philippe DEFOSSES, Directeur de l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique 110Comment l’école mobilise les élèves autour de la problématique du changement climatique, par Mme Patricia GALEAZZI, Inspectrice d’académie, Directrice académique des services de l’Education nationale de Seine-et-Marne 113Moustiques : la Métropole face aux nouveaux risques sanitaires, par M. Jérôme de MAUPEOU d’ABLEIGES, Ingénieur principal, Directeur général de l’Etablissement public interdépartemental pour la démoustication du littoral atlantique N° 247 • Administration 002-SOMMAIRE 247.indd 3 UNE PRÉOCCUPATION PLANÉTAIRE 118Les atolls, des territoires menacés par le changement climatique global ? L’exemple de Kiribati – Pacifique Sud, par Mme Esméralda LONGEPEE, Maître de conférences en géographie, Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte 127Les forêts et le cycle mondial du carbone, Directive relative au changement climatique édictée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, FAO 131Changement climatique et santé : OMS et OMM vers une nouvelle collaboration 138Erosion du littoral, un phénomène mondial HISTOIRE 142Conséquences écologiques et économiques induites par les dévastations faites par l’homme dans la Lybie antique, par M. Philippe LEBLANC, Directeur de cabinet du Directeur général des étrangers en France, ministère de l’Intérieur AERTE 14522ème Journées européennes des représentants territoriaux de l’Etat Istanbul 2015 - Turquie LIBRES OPINIONS 160Les principaux enjeux du Décret 2011-1474 164Comment écrire l’histoire de notre métier ? LIVRES 165Pape François : « Loué sois-Tu ». Encyclique • Histoire du climat depuis l’An Mil. Emmanuel Leroy Ladurie • 1177 avant J.-C., le jour où la civilisation s’est effondrée. Eric H. Cline • L’Homme face au climat, CNRDD- GOF • Le climat à quel prix ? Christian de Perthuis et Raphaël Trotignon • La France au défi. Hubert Védrine 2 21/09/15 21:25 AVANT-PROPOS M. FRANÇOIS HOLLANDE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D u 30 novembre au 11 décembre prochains, la France accueillera la 21ième conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la plus vaste conférence internationale jamais organisée par la France. L’organisation de cet évènement exceptionnel est déjà un défi en soi pour l’ensemble des services de l’Etat. Le changement climatique n’est pas une question sectorielle, qu’il faudrait traiter à part, en aval de tous les autres sujets jugés plus prioritaires. Ses impacts se font déjà sentir partout dans le monde, y compris dans notre pays, avec des coûts croissants en termes humains, économiques et sociaux. L’inaction aurait des conséquences d’une extrême gravité. Sur notre propre mode de vie. Et sur la vie même de certaines espèces. C’est surtout une grande responsabilité pour notre pays. Il y a en effet urgence à agir pour limiter le réchauffement climatique, dû essentiellement aux activités humaines et à la combustion des énergies fossiles, comme en attestent les travaux des scientifiques au sein du GIEC. Le réchauffement climatique aggrave le dénuement des populations les plus pauvres, pousse aujourd’hui des millions de personnes à fuir des régions devenues inhabitables, où prospèrent alors les trafics de toutes sortes. La question 4 M. FRANÇOIS HOLLANDE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, (SUITE) des migrations, qui interpelle si fortement aujourd’hui l’Union européenne, ne pourra être traitée sans établir le lien entre sécurité et développement durable, partie intégrante aujourd’hui de la résolution de conflits aux causes multiples. gagements pris, qui répondent aux besoins des pays les plus vulnérables. Bref, un accord facteur de progrès et de coopération pour un monde plus humain. Pour réussir, nous avons besoin non seulement du savoir-faire de nos diplomates pour faire aboutir la négociation, mais aussi de la mobilisation de tous les acteurs de la société. Nos administrations doivent être pleinement engagées et intégrer l’enjeu écologique, dans l’ensemble des politiques publiques qu’elles ont à mettre en œuvre, à tous les échelons. A tous les niveaux, la France s’engage pour le climat. Elle met en œuvre résolument la transition énergétique et la croissance verte sur son territoire, y compris en outremer. Elle travaille à ce que l’Union européenne se dote d’une politique énergétique plus cohérente et plus ambitieuse. L’objectif enfin est de conclure à Paris un accord universel à la hauteur des enjeux. Déjà beaucoup d’initiatives innovantes ont été prises, et les nouveaux contrats de plan Etatrégions font désormais une large place aux projets liés à la transition énergétique élaborés avec l’ensemble des responsables des territoires concernés. Nos expériences en matière de ville durable et d’aménagement du territoire sont de plus en plus reconnues dans le monde entier. QUEL ACCORD CHERCHONS-NOUS ? • Un accord historique, qui marque une nouvelle ère par son caractère universel, et par l’association des acteurs de la société civile à cette profonde mutation • Un accord ambitieux, qui nous permette vraiment de limiter le réchauffement de la planète à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, comme le recommandent les scientifiques. La transition énergétique ne constitue pas une contrainte. Elle est une source de formidables opportunités à saisir pour inventer les activités et les emplois de demain, et tracer des perspectives pour les jeunes générations tout particulièrement. • Un accord dynamique, qui trace des trajectoires lisibles et réalisables • Un accord différencié selon les responsabilités et les capacités de chaque pays La mobilisation croissante des États, des régions, des entreprises, de la société civile pour trouver les solutions adéquates en mesure de relever le défi climatique, traduit l’ardent espoir suscité par le grand rendez-vous de décembre 2015 à Paris d’un développement plus durable et équitable. • Un accord crédible, qui donne le signal fort tant attendu des acteurs économiques et financiers pour engager la transformation économique et technologique • Un accord soutenu par des financements à la hauteur des enjeux, conformément aux en- Il est de notre devoir de le concrétiser. 5 INTRODUCTION MME SÉGOLÈNE ROYAL MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE TOUS ACTEURS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE TOUS MOBILISÉS POUR LA RÉUSSITE DU SOMMET PARIS CLIMAT P our que la Conférence de Paris sur le climat débouche sur des résultats à la hauteur des enjeux de la lutte contre le dérèglement climatique, il ne faut pas seulement que les Etats prennent ensemble des engagements ambitieux : il faut que toutes les forces vives de la société civile, les citoyens, les entreprises, les territoires, se mobilisent pour agir dans la même direction. Les grandes orientations à court et moyen terme y sont clairement indiquées. Elles permettent à tous les acteurs de prendre leurs décisions en connaissance de cause et sécurisent les investissements nécessaires. Le premier grand chantier, c’est l’efficacité énergétique des bâtiments et des logements car l’énergie la plus protectrice du climat et la moins chère, c’est celle qu’on ne consomme pas. Rénover les constructions existantes, développer l’éco-construction et les bâtiments à énergie passive ou positive, cela permet de baisser les charges des ménages, des entreprises et des collectivités. Ce sont aussi plus d’activités pour le secteur du bâtiment, des grands groupes aux PME et artisans, et plus d’emplois (75.000 emplois supplémentaires selon les fédérations professionnelles). LA FRANCE A FAIT LE CHOIX D’ÊTRE EXEMPLAIRE Elle est le seul pays à avoir donné force de loi aux objectifs qu’elle s’est fixés, avec l’Union européenne, et aux moyens de les atteindre. Avec la promulgation, le 17 août 2015, de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte et avec les plans d’action qui l’accompagnent, notre pays engage de manière irréversible la construction de son nouveau modèle énergétique. C’est, à ce jour, la législation la plus complète, en Europe et dans le monde. Un outil pour agir, ici et maintenant. Un atout pour convaincre et entraîner tous les pays qui participeront en décembre au Sommet de Paris. La création du crédit d’impôt de 30% (dans la limite de 8.000 euros pour une personne seule ou de 16.000 euros pour un couple) et d’un éco-prêt à taux zéro simplifié, la mise en place par les Régions du tiers financement (pour faire aux particuliers l’avance du 6 MME SÉGOLÈNE ROYAL MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE (SUITE) coût des travaux), la généralisation dans tous les territoires des plateformes de la rénovation énergétique sont autant de moyens concrets et accessibles à chacun pour lancer sans tarder des travaux d’isolation et de performance énergétique. cement de la transition énergétique géré par la Caisse des dépôts. Nombre de dispositions de la nouvelle loi sont d’application immédiate. Présidente pendant dix ans d’une Région qui a fait le choix de l’excellence environnementale, je sais de quel dynamisme nos territoires sont capables quand l’élan est donné, les freins levés et des moyens d’agir opérationnels mis en place. Le deuxième grand chantier concerne les transports propres, pour réduire la pollution de l’air, préparer l’après-pétrole et accélérer le remplacement du parc de voitures (particulières et utilitaires), de camions, de cars, de bus par des véhicules faiblement émetteurs. Pour la croissance verte, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’engager, comme l’a montré le Business Summit organisé à Paris en mai dernier dans le cadre de la préparation de la COP 21. Le nouveau bonus de 10.000 euros pour remplacer un vieux diésel par une voiture électrique est en place depuis avril 2015 et le plan de déploiement de 7 millions de points de recharge est lancé. La loi fait également obligation aux administrations, lorsqu’elles renouvellent leur flotte, d’acquérir au moins 50% de véhicules propres. En France, grands groupes et PME se mobilisent avec l’aide des appels d’offre du Ministère de l’Ecologie, du Programme des investissements d’avenir et de BPI France, la banque de la transition énergétique et écologique. Innovation technologique, développement de filières d’avenir, création d’activités nouvelles et d’emplois durables, gains de compétitivité et conquête de marchés à l’international : nos entreprises, confortées par les choix clairs de la loi, prennent activement le tournant de la nouvelle économie climatique. Troisième chantier : la lutte contre les gaspillages. La loi inscrit pour la première fois dans notre droit positif l’économie circulaire qui fait des déchets des uns la matière première des autres et englobe tout le cycle de vie des produits, de leur conception à leur recyclage. L’appel à projets « Territoires zéro déchet, zéro gaspillage », lancé par le Ministère de l’Ecologie, a déjà suscité l’engagement de 293 collectivités qui rassemblent, dans toutes les régions, plus de 7,5 millions d’habitants et cette dynamique va s’amplifier. La clef de la réussite, c’est la mobilisation de tous les Français, dès lors qu’ils sont conscients des enjeux du dérèglement climatique, convaincus que chacun peut agir à son échelle et que ce qui est bon pour le climat l’est aussi pour eux : pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat, pour la santé. C’est dire l’importance de l’éducation précoce à l’environnement, du partage de l’information, de la proximité des plateformes de conseil sur la transition énergétique, de la simplicité des aides mises à la disposition de chacun et de l’association de tous les citoyens aux décisions qui les concernent. Le quatrième chantier, c’est la montée en puissance de toutes les énergies renouvelables qui deviennent de plus en plus compétitives : éoliennes (qui viennent d’atteindre 10.000 MW de puissance installée), solaires (le photovoltaïque dépasse les 6.000 MW), marines, biomasse, géothermie, hydraulique… Visibilité des objectifs pour les entreprises et les collectivités, implication des citoyens grâce au nouvel investissement participatif, simplification avec le permis unique : la loi et les appels à projets qui l’accompagnent permettent de changer d’échelle. La Conférence de Paris Climat 2015 mettra en valeur le foisonnement d’initiatives de la société civile et de solutions concrètes à portée de toutes les mains. L’Espace Génération Climat leur sera dédié et les demandes affluent pour y tenir un stand ou animer une rencontre. Un espace réservé aux entreprises, également sur le site du Bourget, constituera une véritable vitrine des technologies et de l’excellence françaises. Plus de 300 contrats de territoires à énergie positive ont déjà été signés par des villes et des groupements de communes qui s’engagent à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et de l’éclairage public, à promouvoir des modes de transports propres, à gérer plus efficacement leurs déchets, à produire localement des énergies vertes, à déployer des compteurs intelligents qui permettent à chacun de maîtriser sa consommation, à protéger et valoriser la biodiversité, à développer l’éducation à l’environnement. Ces territoires moteurs de la mutation écologique bénéficient de subventions du nouveau fonds de finan- Dans tout le pays, en relation avec ce grand rendezvous mondial et avec le nouvel horizon de notre propre mutation énergétique, des centaines de projets économiques, technologiques, civiques, éducatifs, artistiques et même sportifs témoignent que la prise de conscience, la créativité et le désir d’agir sont là. C’est un bel encouragement pour réussir le Sommet que nous accueillons et en faire un moment d’accélération, pour la France et tous les pays du monde. å 7 INTRODUCTION M. LAURENT FABIUS MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL LES ENJEUX DE LA CONFÉRENCE PARIS CLIMAT 2015 2015 sera pour la France, et en particulier pour le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international, une « année climat ». Nous aurons la double tâche d’accueillir la 21e Conférence des Nations Unies sur le climat – la COP 21 – et de la présider. Elle aura lieu du 30 novembre au 11 décembre de cette année. ACCUEILLIR : LE DÉFI N’EST PAS MINCE Il s’agira de la plus vaste conférence internationale jamais organisée en France – 20 000 délégués, 20 000 invités, 3 000 journalistes. En tant que pays hôte, la France devra aménager un accueil à la hauteur de l’enjeu. Nous devrons d’abord faire du Parc des expositions Paris-Le Bourget le cadre adéquat pour les négociations : dans ces conférences, les discussions sont longues, difficiles ; nous devrons permettre qu’elles aient lieu dans des conditions matérielles favorables. Nous devrons associer largement la société civile : c’est l’objectif du « village » que nous installerons à proximité du centre de conférences et qui sera consacré à la mise en valeur d’initiatives non gouvernementales, notamment celles des entreprises, des villes, des régions ou des associations. Nous devrons faire en sorte que la COP 21 soit irréprochable sur le plan environnemental et que son empreinte carbone soit compensée. Accueillir de façon exemplaire, donc. pour la première fois, les Etats-Unis et un certain nombre de pays émergents ont pris des engagements chiffrés, bien que non contraignants. En 2012 à Doha, le protocole de Kyoto a pu être prolongé jusqu’en 2020. Mais la réponse collective a été globalement très en-deçà de l’ampleur du défi climatique. Le niveau des émissions de gaz à effet de serre a récemment atteint un record. Nous sommes sur le chemin d’une hausse moyenne des températures de trois à quatre degrés – un scénario catastrophe. Pour autant, pour la première fois depuis Copenhague, l’espoir d’un accord substantiel à Paris en décembre 2015 est réel. Je vois au moins trois grandes raisons. D’abord, beaucoup ont compris qu’il fallait agir. Aujourd’hui, presque tous les pays du monde sont conscients de la gravité de la situation. Le climato-scepticisme recule. Le sentiment d’urgence progresse. Les constats des scientifiques ont leur part importante dans cette évolution : chaque rapport du GIEC est un coup porté à ceux qui ne veulent pas voir la réalité en face. Mais, plus intuitivement, des phénomènes comme la pollution croissante, la montée des océans, la déforestation sont des aiguillons puissants pour l’action. Les pays émergents prennent conscience de leur vulnérabilité. IL NOUS FAUDRA AUSSI PRÉSIDER LA COP 21 La tâche s’annonce exaltante, car l’urgence n’a jamais été aussi forte, et l’espoir de parvenir à un accord historique pour la préservation de notre planète jamais aussi grand. Mais cette tâche est aussi très complexe car il s’agit de mettre d’accord 195 pays, sur un sujet très ardu : les obstacles ne manqueront pas. Ensuite, nous savons que nous disposons de moyens pour agir. Les solutions technologiques sont là et elles sont de plus en plus abordables. Produire propre ne sera bientôt pas plus cher que de produire polluant. Là encore, il s’agit d’une évolution très nette. D’abord, sur le diagnostic, soyons lucides : si l’on dresse le bilan de la négociation internationale sur le dérèglement climatique, l’échec a été malheureusement la règle, le succès l’exception. A l’exception du protocole de Kyoto, la négociation internationale sur le climat a été une suite d’espoirs déçus. Copenhague en 2009 a déçu, même si Enfin, la volonté politique s’est renforcée. Les derniers mois de 2014 ont été, dans ce domaine, positives. En septembre, le sommet sur le climat organisé à New York 8 LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL (SUITE) par le Secrétaire général des Nations Unies a été une réussite. En octobre, l’Union européenne a été la première à présenter son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2020 : réduction d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990, ce qui constitue l’engagement climatique le plus ambitieux au monde à ce stade. La France, pays de la loi sur la transition énergétique, a joué un rôle important pour pousser à cet accord, qui n’a pas été facile à atteindre. En novembre l’accord entre la Chine et les Etats-Unis a marqué un tournant : les deux pays les plus pollueurs – qui représentent à eux deux plus de 40 % du total mondial des émissions de gaz à effet de serre – ont annoncé leur intention de réduire leurs émissions, la Chine fixant un pic autour de 2030, et « si possible avant ». Enfin, le Fonds vert pour le climat a été capitalisé à hauteur de 10,2 milliards de dollars, ce qui était l’objectif. La France avait lancé le mouvement en septembre à New York, en annonçant une contribution d’un milliard de dollars. maintien d’un environnement vivable pour les autres, et de vie ou de disparition pour des dizaines de millions d’habitants sur notre planète. La France devra aussi porter un discours positif sur le climat : tous les acteurs – Etats, mais aussi régions, villes, entreprises – doivent mesurer que la lutte contre le dérèglement climatique constitue non seulement une nécessité, mais aussi une opportunité. C’est l’occasion, pour la planète tout entière, de définir de nouveaux modèles de développement, porteurs de croissance et d’emplois. Il s’agit d’un point majeur : la négociation se jouera pour partie sur le terrain des valeurs – la solidarité à l’égard des générations futures, la préservation nécessaire de notre planète –, mais elle se gagnera aussi sur le terrain économique. Ce que l’on demande aux différents pays, c’est de repenser leur modèle de développement pour les prochaines décennies, ce qui implique qu’on apporte également à ces pays des solutions. Pour ne prendre qu’un exemple, on ne convaincra pas l’Inde, dont 40 % de la population n’a pas accès à l’électricité, de ralentir sa production électrique ou de ne pas construire de centrale à charbon si elle n’a pas d’autre solution crédible. Face à une réalité si brute, les postures stigmatisantes sont de peu d’effet – voire contreproductives. Et reconnaissons que, sur la question climatique, l’Occident industrialisé a pu parfois céder à cette facilité. L’Union européenne a raison de viser l’idéal ; mais elle doit aussi comprendre la réalité de ceux qui n’ont pas connu la même trajectoire de développement qu’elle. Lors de la COP 20 à Lima, en décembre, les discussions ont été difficiles, même si nous avons réussi l’essentiel : éviter un blocage ; obtenir une décision qui constitue une base de travail pour l’année qui s’ouvre ; définir le contenu et le processus d’évaluation des contributions nationales. Nous devons faire preuve, en ce début 2015, d’un optimisme mobilisateur, qui incite à l’action. Dans notre esprit, l’accord de Paris en décembre prochain pourrait être constitué de quatre piliers : l’accord intergouvernemental, portant sur les objectifs communs, les droits et les devoirs de chacun, les règles de suivi ; les engagements nationaux, notamment de réduction des émissions ; un accompagnement financier et technologique, notamment en faveur des pays les plus vulnérables – l’Afrique, les petites îles du groupe AOSIS, sans exclure des pays émergents comme l’Inde –, que nous devons aider à relever le défi de la transition vers une économie sobre en carbone ; des engagements et des actions complémentaires, émanant notamment d’acteurs non gouvernementaux : villes, régions, entreprises, société civile – ce que nous appelons « l’agenda des solutions ». C’est pourquoi j’entamerai dès janvier un « tour du monde du climat », qui me conduira notamment en Inde, en Chine, et dans plusieurs autres pays émergents, afin d’identifier avec eux comment nous pouvons collectivement, par des solutions concrètes et crédibles, les accompagner dans leur transition écologique. Nous devons associer pour réussir. Associer les Etats, mais aussi les acteurs du secteur privé, qui auront à se mobiliser pour prendre des engagements volontaires – c’est tout l’esprit de l’agenda des solutions. Les entreprises doivent nous aider à identifier les leviers permettant d’accélérer la décarbonation des économies des pays émergents. Chacun doit saisir l’occasion de contribuer à la solution d’ensemble. Pour parvenir à cet accord, beaucoup reste évidemment à faire. Nous allons travailler précisément sur les points qui restent en suspens. Personnellement, je consacrerai au moins la moitié de mon temps à ce sujet en 2015, avec plusieurs mots d’ordre. L’écoute, parce que l’une des clés du succès réside dans la prise en compte des différences de situation entre les pays. L’esprit de compromis, parce que parvenir à un accord universel implique de rassembler 196 parties avec l’Union européenne sur des sujets lourds, qui nous engagent pour des décennies. L’ambition, enfin, parce que sans accord ambitieux, nous ne serons pas à la hauteur de l’enjeu, qui est de limiter la hausse des températures à 2°C par rapport au niveau pré-industriel : ce sera très difficile, mais c’est un enjeu de survie pour de nombreuses régions du globe, de La France, en tant que présidente de la COP 21, ne ménagera pas ses efforts tout au long de l’année 2015. Le Ministère des Affaires étrangères et du Développement sera à la pointe de ce combat pour le climat. Mais seule une mobilisation collective peut nous conduire au succès. Le travail qui nous attend constitue sans doute le défi le plus important, le plus grave aussi, auquel ait à faire face notre génération. D’ici à décembre 2015, en cette année décisive pour l’avenir de notre planète, il nous faudra nous montrer à la hauteur des enjeux. å Sources : Reproduit avec l’aimable autorisation de la Revue « L’ENA hors les murs ». 9