Qu'est ce qu'un accélérateur de particules ?
Introduction écrite dans le cadre de l'interdivision SFP "accélérateurs"
Un accélérateur est une machine capable de communiquer à des particules chargées
électriquement, électrons ou ions, une énergie importante en général au moins égale, mais
souvent très supérieure à 1 MeV:
1 MeV = 1 Mega électron-volt
= Énergie imprimée à un électron ou proton par un potentiel de 1 Million de Volts
Cette unité est toujours adoptée, car si on l'exprime en unités usuelles (MKSA) on obtient
1 MeV = 1,6 10-13 Joules, dont on voit bien que c'est une quantité peu agréable à manipuler !
On échappe difficilement ici à citer la célèbre formule d'Einstein :
E = mc2m =
γ
mo (masse "au repos") et
γ
= 1/[1 – v2/c2]1/2
v = vitesse de la particule
c = vitesse de la lumière
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 20406080100
Tension d'accélération (MV)
v / c = vitesse d'une particule / vitesse de la lumière
électron
proton
J.-M. Ortega, CLIO/LCP, Bat. 201 – Université Paris-Sud, Orsay 91405
Pour un électron, mo = 0.5 MeV. Donc, s'il est accéléré par 1 Million de Volts ou plus, il
acquiert une énergie cinétique très supérieure à son énergie de masse (c'est-à-dire l'énergie
qu'il produirait s'il se désintégrait complètement). Sa vitesse se rapproche alors très vite de
celle de la lumière lorsqu'on l'accélère. Pour un proton (2000 fois plus lourd) ce n'est vrai
qu'au delà d'environ 1 GeV (= 1000 MeV). C'est pour cela, que pour caractériser un
accélérateur, on parle toujours de l'énergie finale plutôt que de la vitesse acquise.
Il existe de nombreux types différents d'accélérateurs : linéaires, circulaires,
électrostatiques ou "RF" (radio fréquence : accélération par des ondes électromagnétiques),
etc. Leur point commun est que les particules ne sont pas confinées dans des tuyaux, comme
des liquides, mais sont confinées et accélérées par les champs magnétiques et électriques
qu'on leur applique. Ils sont quand même dans des "tuyaux", mais ceux-ci servent, en fait, à
réaliser le vide en évacuant les molécules de l'atmosphère du voisinage des particules
accélérées : sinon, celles-ci seraient diffusées dans toutes les directions par ces molécules.
Certains de ces "tubes" servent également à guider les champs électriques utilisés dans le
processus d'accélération.
L'étude théorique des accélérateurs consiste ainsi à étudier la dynamique de particules
chargées dans des champs électromagnétiques statiques ou alternatifs. Ces champs ne sont pas
imposés par la nature (ils doivent, bien entendu, obéir aux équations de Maxwell) mais leur
géométrie est conçue par le Physicien et fait partie de l'étude à mener lorsque l'on conçoit une
machine. Ces études font aussi appel à l'optique (couplages avec des lasers) et à de
nombreuses technologies (calcul numérique, ultravide, supraconductivité, électronique rapide,
informatique, etc…). C'est donc un domaine de la physique très riche, où les progrès sont
continus et les applications nombreuses.
Photo 1 : Un accélérateur au service des objets d'art et d'archéologie; AGLAE est
l'Accélérateur Grand Louvre pour l'Analyse Élémentaire. Inauguré en 1989, c'est un
accélérateur électrostatique tandem de 2 Millions de volts.
J.-M. Ortega, CLIO/LCP, Bat. 201 – Université Paris-Sud, Orsay 91405
Photo 2 : accélérateur linéaire RF médical pour la radiothérapie (électrons de 10 à 20 MeV
produisant des rayons gamma sur une cible en tungstène)
Ajoutons que les machines sont confinées et entourées de béton destiné à assurer la
radioprotection contre les radiations provoquées par les pertes de particules en divers endroits
: ceci fait que les accélérateurs ne sont pas "visibles" par tout un chacun car généralement
situés dans les sous-sols de laboratoires de recherche ou d'hôpitaux. Ces machines peuvent
être relativement petites (quelques mètres pour des accélérateurs de quelques MeV) ou très
grandes (27 Km pour l'anneau à protons de 120 GeV du CERN à Genève).
À quoi servent les accélérateurs de particules ?
A l'origine, les accélérateurs ont été développés pour étudier la Physique Nucléaire, c'est-à-
dire l'étude des constituants élémentaires du noyau des atomes. Celle-ci s'est ensuite sub-
divisée en deux : Physique Nucléaire et Physique des Particules. La Physique Nucléaire
accélère des ions (atomes chargés) à quelques centaines de MeV pour les précipiter sur
d'autres atomes (cibles). La Physique des Particules accélère et fait collisionner des particules
plus légères (électrons ou protons) à l'énergie la plus élevée possible afin de produire les
constituants ultimes de la matière. Actuellement, on construit des machines d'énergie
supérieure à 1 TeV (1 Million de MeV !).
J.-M. Ortega, CLIO/LCP, Bat. 201 – Université Paris-Sud, Orsay 91405
Photo 3 : vue aérienne du Tevatron à Chicago de circonférence 6.3 Km. Il accélère à
l'énergie de 1 TeV (= 1000 GeV) puis fait collisionner des protons et des anti-protons
tournant en sens inverse. Les chocs produisent des gerbes de particules qu'étudient les
physiciens.
D'énergie plus modeste, beaucoup d'accélérateurs sont d'un usage plus répandu dans la
vie courante. En particulier, des accélérateurs d'électrons de quelques MeV servent
d'irradiateurs : stérilisation de matériel médical (instruments, seringues, etc…), pour la
conservation d'aliments, et pour le traitement de tumeurs cancéreuses. Cette dernière
technique est maintenant courante et il existe en France environ 400 irradiateurs médicaux.
Commencent à se développer également, mais en nombre beaucoup plus restreint étant donné
le coût, les accélérateurs pour la "protonthérapie". Il s'agit de machines circulaires
("synchrotrons") fonctionnant à environ 100 MeV avec des particules lourdes (protons ou
ions). Elles sont particulièrement précieuses pour le traitement de certaines tumeurs délicates
(du cerveau notamment).
Une application scientifique des accélérateurs s'est développée considérablement ces
dernières années : il s'agit du "rayonnement synchrotron", c'est-à-dire la lumière émise par des
électrons circulant dans des machines circulaires, appelés anneau de stockage (le stockage
permet d'avoir des intensités très importantes). Ce rayonnement se trouve majoritairement
dans le domaine des rayons X et sa brillance est typiquement 100 millions de fois plus
grandes que celle des tubes à rayons X "ordinaires". Il est utilisé par de nombreuses équipes
de scientifiques (physiciens, chimistes, biologistes) dans leurs travaux. Il existe une dizaine de
machines de ce type en Europe. L'énergie est de quelques GeV pour des circonférences allant
J.-M. Ortega, CLIO/LCP, Bat. 201 – Université Paris-Sud, Orsay 91405
de 100 m à 1 Km. Sans atteindre l'extrême gigantisme des machines de physique des
particules, ce sont donc des installations très onéreuses. Chaque machine peut desservir une
quarantaine d'expériences simultanément et ce, 24 heures sur 24 ! Au total, plusieurs milliers
de chercheurs l'utilise chaque année. Ces "centres serveurs" sont devenus, en quelque sorte, le
"laboratoire" des laboratoires.
Schéma 1 : Plan de l'anneau de rayonnement synchrotron SOLEIL construit à Saclay
(Essone). Les différentes expériences (lignes de lumière) portent, en général, des noms
poétiques ou empruntés à l'astronomie…Les électrons que l'on veut injecter dans l'anneau de
stockage sont produits par un linéaire de 100 MeV, puis pré-accélérés par un synchrotron
("Booster") jusqu'à l'énergie finale (2.75 GeV). La circonférence de l'anneau est de 356 m.
Afin de rentabiliser l'investissement, un tel accélérateur fonctionne nuit et jour (environ 5000
heures/an) et différentes équipes d'utilisateurs se succèdent sur chacune des lignes de lumière
pour quelques heures ou quelques jours.
J.-M. Ortega, CLIO/LCP, Bat. 201 – Université Paris-Sud, Orsay 91405
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