Quelques mots sur ces marathons de danse dans leur CONTEXTE HISTORIQUE:
Ces marathons ont été inventés d’abord aux Etats-Unis à la fin des années 20, alors que
se développe la notion de « record », et que l’Amérique traverse la « Grande Dépression ».
Des organisateurs privés ont lancé des défis de plus en plus fou appelés « Dance
Marathon » et qui consistaient à danser en couple, le plus longtemps possible, avec 10
minutes de pause toutes les 50 minutes. Une prime financière était finalement
remportée par le dernier couple qui restait debout.
Ces marathons repoussent toujours plus loin les limites, ils durent plusieurs semaines,
puis plusieurs mois, jours et nuits. Le record a été atteint en 1931 par un couple qui a
dansé sept mois et demi… 5154 heures !
On peut s’interroger sur les motivations de ces concurrents qui ne ressortaient souvent
pas indemnes d’une telle épreuve. Il y avait la prime pour les gagnants bien-sûr, mais
également des récompenses à ceux qui proposaient des « numéros » pour les
spectateurs qui pouvaient « miser » sur tel ou tel couple. Les concurrents étaient logés,
nourris et blanchis, le temps qu’ils restaient dans cette compétition, ce qui, en temps de
crise, constituait aussi une raison notable. Et puis il y avait ce fantasme de célébrité, la
possibilité d’être « repéré » et potentiellement engagé par des producteurs ou
réalisateurs qui s’annonçaient… il y a là, bien évidemment un étrange effet miroir avec
nos télé-réalités d’aujourd’hui.
On peut dire en résumé, que ces marathons étaient une sorte de cruel mélange entre
Loft-story, les courses de chevaux et les spectacles de gladiateurs.
Ces marathons avaient beaucoup de succès auprès du public et bien-sûr auprès des
organisateurs qui voyaient là une réelle possibilité d’enrichissement. Ils se sont importés
en Europe et surtout en France, et on constate que certains concurrents revenaient d’un
marathon sur l’autre. On peut aussi interpréter leur participation à ces compétitions
comme la réponse à un certain désenchantement. Comme si les marathons pouvaient
recréer une micro-société, avec ses nouvelles règles, aussi dures soient-elles, mais peut-
être aussi rassurantes puisqu’elles rythmaient un quotidien totalement pris en charge.
C’est en tout cas comme cela que j’interprète ces évènements et leur succès, et c’est ce
que j’ai voulu mettre en avant avec FLEISCH. Sans savoir précisément pourquoi les
personnages se sont inscrits, on sent que c’est une nécessité, et que ce marathon
représente soit la possibilité d’un renouveau, d’une reconnaissance tant attendue, ou
d’un foyer.
Un autre aspect essentiel de ces marathons que j’ai voulu retranscrire dans mon écriture,
est la place du « voyeurisme ».
Le public était non seulement très nombreux à venir voir ces évènements, mais il l’était
de plus en plus au fur et à mesure que les jours passaient. Il y a là, indéniablement, un
attrait du morbide, un attrait pour le suspens, l’accident, le spectaculaire. Mais qu’est-ce
qui « fait » le spectaculaire ? Ici, il s’agit de voir des individus diminuer, voir s’humilier,
mais qui se battent pour réussir et sur lesquels nous pouvons projeter notre empathie.
Le Maître de Cérémonie dans FLEISCH nous renvoie à cette question. Il est en lien
permanent avec le public, et loin de moi l’idée que ce spectacle mette en accusation le
spectateur de théâtre venu voir FLEISCH, il questionne la place de l’ « exhibition » et des
attentes du public.