436 COMPTES RENDUS
Florence GAUTHIER, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution. 1789-1795-
1802, Paris, PUF «!Pratiques théoriques!», 1992, 310 p.
La thèse de l’auteur, maître de conférences en histoire moderne à l’Université Paris
VII, c’est que le droit naturel moderne, après une gestation que l’on fait remonter à
Grotius et surtout à Locke, a vu le jour, le 26 août 1789, grâce à la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen, s’est maintenu, au pouvoir en quelque sorte, pendant
environ quatre ans, et a sombré en même temps que disparaissait Robespierre, le 9
thermidor, pour ne réapparaître, après une éclipse tout au long du XIXe siècle, qu’avec la
Constitution française de 1946.
La tentative de démonstration se fait en trois temps. Dans une première partie, inti-
tulée «!Liberté!», p. 11-41, il est fait appel aux antécédents de Paine, de Mably, de
Rousseau et de Locke, pour établir que, selon le droit naturel, l’homme est non seule-
ment libre, c’est-à-dire insusceptible d’être soumis au pouvoir de quiconque, mais encore
est essentiellement liberté, en ce sens que l’homme se définit comme un pouvoir qui,
surplombant tout, n’est surplombé par rien. Ce que l’auteur exprime en disant que le
droit naturel est universel car attaché à la personne.
Or voilà que partis d’un si bon pas, les révolutionnaires français vont se diviser et
c’est ce que raconte la deuxième partie, intitulée «!Liberté, égalité!», p. 53-124. On
récuse l’opposition entre les Constituants qui, en 1789-1791 auraient préféré la liberté,
et les Conventionnels, qui, en 1793, auraient misé sur l’égalité. Il y a, de part et d’autre,
des gens pour qui la liberté étant une et indivisible, donc la même pour tous, celle des
uns ne peut pas offenser celle des autres. Ainsi, la liberté des riches ne saurait offenser
celle des pauvres. Ce sont les Girondins qui le disent, et toute limitation apportée au
droit de propriété est évidemment contraire au pauvre, car les pauvres sont des riches en
puissance ou en attente. À quoi l’on rétorquera avec les Jacobins que la liberté des
pauvres ne peut être contraire à la liberté de personne, et que donc tout ce qui est bon
pour eux est bon pour tous. Accapareur, suspect, contre-révolutionnaire, qui le nierait.
Par conséquent, le Gouvernement révolutionnaire n’a pas été une dictature, mais un
temps fort d’enseignement obligatoire du droit naturel, et Robespierre n’a pas été un
tyran, mais un professeur de droit naturel.
Restait à étendre ce droit naturel dans le temps et dans l’espace, c’est-à-dire à
l’ensemble des citoyens d’une même nation, à l’ensemble des nations européennes, et à
la totalité des peuples répandus à la surface de la terre.
Citoyenneté, cosmopolitisme, anticolonialisme ou anti-esclavagisme, l’auteur en
traite dans sa troisième partie, sous le titre «!Liberté, Égalité, Fraternité!», p. 125-243.
L’ouvrage se termine sur une quatrième partie où est offerte, sous le titre «!La
défaite du droit naturel en France et l’indépendance d’Haïti!» p. 245-306, comme
l’illustration, en positif et en négatif, de la thèse générale de l’auteur. Le droit naturel,
qui était né en France en 1789, a été mis à mort en France le 9 thermidor. Mais il a
triomphé en Haïti avec l’indépendance.
Cette thèse, on l’a compris, est double!: thèse de la continuité entre 1789 et 1793!;
et thèse de la rupture, de Thermidor d’avec 1789, jusqu’en 1946.
Elle a le mérite, du moins dans sa première branche, de la logique et de la clarté. Elle
s’inscrit dans une tradition qu’avec l’auteur on dira «!de gauche!», et même dans une