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TDC NO1086
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NEIGE ET AVALANCHES
pas les échanges turbulents, mais plus il renou-
velle la pellicule d’air au contact du MN, plus
il les intensifie.
La pluie réchauffe le MN, mais le fait peu
fondre. En revanche, elle l’humidifie et le tasse.
Enfin, le MN échange un flux d’énergie avec le
sol qu’il recouvre, principalement dû à la chaleur
emmagasinée durant la période estivale dans ses
50premiers centimètres. Le flux de sol, souvent
faible (sauf vers l’équateur ou à basse altitude),
fait peu fondre le MN, mais maintient vers 0°C
sa température basale.
Évolution des couches de neige
Dictée par les contraintes mécanique et ther-
modynamique auxquelles elles sont soumises,
depuis leur dépôt jusqu’à leur ultime état de strate
de neige fondante, l’évolution de l’ensemble des
couches du MN, en termes de densité, cohésion,
albédo, etc., s’accompagne du changement de
forme de leurs grains constitutifs (métamorphose
ou métamorphisme).
Contrainte mécanique, le vent arrache et brise la
neige de surface du MN (celle transportable) pour
la redéposer dans les zones de calme sous forme
de grains (de particules reconnaissables à grains
fins) plus petits et plus arrondis. Autre contrainte
mécanique, le poids des couches supérieures
compacte celles sous-jacentes, les densifie et atté-
nue le caractère dendritique de leurs grains.
L’évolution thermodynamique d’une couche
de neige, dictée par son contenu en eau liquide,
est dite de neige sèche quand elle n’en contient
pas, et de neige humide quand elle en contient.
En neige sèche, à micro-échelle, les déséqui-
libres des phases glace et vapeur, à l’interface
glace-air des éléments constitutifs d’une couche
de neige sont permanents. Quand les diérences
de température dans la couche sont infimes, ce
sont les surfaces les plus convexes qui sont siège
de sublimation, et les plus concaves de condensa-
tion solide. Quand elles sont plus marquées, les
surfaces de glace les plus chaudes sont siège de
sublimation, et les plus froides de condensation
solide. Ainsi, c’est le gradient de température de
la couche (rapport entre la diérence de ses tem-
pératures basale et sommitale et son épaisseur)
qui gouverne préférentiellement l’un ou l’autre de
ces processus antagonistes de transfert de vapeur.
Les couches siège de faibles gradients se densi-
fient, leurs grains s’arrondissent (grains fins) et
grossissent un peu; simultanément, des ponts
de glace intergrains (frittage) se développent,
accroissent la cohésion (neige à igloo). Celles
siège de gradients moyens à forts se densifient
dicilement. Leurs grains deviennent plus angu-
leux (faces planes puis gobelets). Peu de ponts
de glace intergrains se forment, et ceux existants
disparaissent petit à petit. Ces neiges ont une
faible cohésion; elles coulent entre les doigts
comme du gros sel. Quel que soit le gradient,
plus la densité de la couche est faible, plus sa
température moyenne est élevée, plus son évo-
lution est rapide. Pour cette raison, et en relation
avec son forçage énergétique, l’évolution du MN
est plus lente en face nord qu’en face sud.
En présence d’eau liquide, une couche de neige,
quel que soit l’état de son évolution, subit une méta-
morphose de fonte (transferts de matière entre les
phases solide et liquide). Ses grains s’arrondissent
et grossissent. Elle se densifie. Sa cohésion, tout
d’abord capillaire (moyenne) quand le contenu en
eau est faible, disparaît au-delà d’un certain taux
(de l’ordre de 5% de la masse totale glace +eau),
mais devient excellente en cas de regel.
Variabilité spatiale et stabilité
du manteau neigeux
En un lieu et à un instant donnés, la structure
du MN (épaisseur, stratigraphie, etc.) est intime-
ment liée à son histoire, elle-même dépendante
de sa localisation géographique de moyenne et
grande échelles. À une date donnée, l’enneigement
alpin dière du pyrénéen, tout comme dièrent
ceux de deux massifs voisins comme Belledonne
et l’Oisans. À une échelle plus réduite (quelques
dizaines de m), la variabilité du MN est aussi très
marquée.Les caractéristiques topographiques
du lieu ont un impact à la fois sur son forçage
énergétique et sur la manière dont le vent redis-
tribue la neige mobilisable des zones d’érosion
vers celles de calme.
Les MN instables, avalancheux (ceux préoccu-
pants) se classent en deux types, selon leurs struc-
tures et leurs mécanismes de déclenchement.
Les MN à structure de plaque ont un agen-
cement particulier de couches cohésives (frit-
tées), dont l’aptitude à résister à la propagation
d’une fissure initiale (ténacité) est faible, sur-
montant des couches fragiles. Ils sont mis en
mouvement (départ d’avalanche) sous l’eet de
surcharges (chutes de neige, skieurs, véhicules,
etc.) qui, transmises à travers les couches frit-
tées, cisaillent et rompent les couches fragiles
enfouies, ou d’une diminution par métamor-
phose de la cohésion des couches fragiles. Dans
la zone de départ d’une avalanche de plaque,
une cassure linéaire est identifiable.
Les MN dont les couches supérieures sont
constituées de neige facilement mobilisable (neige
fraîche, neige humide) peuvent se mettre en mou-
vement quand le rapport cohésion sur contrainte
de gravité de ces couches diminue, après une
humidification, une surcharge supplémentaire,
etc. À la différence d’une avalanche de plaque,
dont le mode de rupture est linéaire, une ava-
lanche de neige de faible cohésion présente une
zone de départ ponctuelle. C’est au cours de son
trajet que l’avalanche déstabilise la neige encore
en place (zone de transition en forme de cône).
Suivant le type de la neige mobilisée, respective-
ment froide et peu dense ou fondante, les zones
de transition et de dépôt seront peu identifiables
ou parsemées de boules. ●
❯
Le manteau
neigeux du col de
Porte. Coupe verticale
(54 cm) réalisée au mois
de mars (Tair = – 8 °C, ciel
clair).
❯
Manteaux
neigeux à structure
de plaque.
❯
Le bilan
énergétique du
manteau neigeux.
Les signes + et –
indiquent si les flux
concernés sont
susceptibles d’apporter
un gain ou une perte
d’énergie au MN.
+ –
+–
+ –
latente
sensible
Pluie
neige
T
Flux de chaleur
air
Humidité
Vent