SANTÉ ANIMALE Meilleure est l’immunité, meilleure est la santé Les vaches ayant une réponse immunitaire supérieure peuvent être associées à moins de maladies et à moins de coûts ainsi qu’à un plus grand bien-être animal. Un cas de mammite coûte au producteur laitier entre 110 $ et 320 $ et il a été estimé que, globalement, près d’un quartier sur cinq est infecté au Canada1. Les maladies des bovins laitiers, notamment la mammite, sont associées à des coûts significatifs (traitements et perte de production) pour le producteur et l’industrie. L’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques accroît l’inquiétude des consommateurs ainsi que leur Bonnie Mallard et Kathleen Thompson-Crispi 40 MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS volonté de restreindre l’usage des antibiotiques, à la fois en élevage animal et en médecine humaine, à travers le monde. L’utilisation d’antibiotiques dans les aliments pour animaux a été bannie dans plusieurs pays. Par conséquent, des méthodes alternatives pour le contrôle des maladies, en accord avec le proverbe « il vaut mieux prévenir que guérir », qui prévaut en Europe, ont été revendiquées. Faire un meilleur usage du bagage génétique des animaux en Par KATHLEEN THOMPSON-CRISPI, doctorante, Ontario Veterinary College, Université de Guelph, BONNIE MALLARD, professeure en immunogénétique, Département de pathobiologie, Ontario Veterinary College, Université de Guelph, et HÉLÈNE POIRIER, agente de transfert, RCRMB, FMV, Université de Montréal sélectionnant les sujets dotés d’une réponse immunitaire naturellement plus forte est une option intéressante pour minimiser l’occurrence de maladies dans les fermes autant conventionnelles que biologiques. Plusieurs producteurs ont constaté que certaines vaches sont malades plus souvent que les autres. Ces animaux sont faciles à repérer, mais qu’en est-il de ceux avec une immunité naturelle supérieure, qui tombent malades moins souvent et qui répondent mieux aux traitements, en particulier aux vaccins? Ces individus sont plus difficiles à identifier par le producteur et pourtant, le faire dès leur jeune âge pourrait aider à diminuer significativement l’occurrence des maladies et les coûts qui en découlent. UNE QUESTION DE RÉPONSE IMMUNITAIRE Bonnie Mallard, professeur d’immunogénétique à l’Ontario Veterinary College de l’Université de Guelph, a mis au point une méthode brevetée pour identifier les vaches et les veaux ayant une réactivité immunitaire améliorée. Ces animaux ont des réponses immunitaires optimales et sont référencés comme étant à haute réponse immunitaire (HIR cows). En fait, les vaches HIR présentent moins de mammites que les vaches ayant une immunité faible à moyenne dans les trois quarts des troupeaux préalablement testés. De plus, aux États-Unis, dans les troupeaux commerciaux de grande taille, les vaches HIR ont moins de mammites, de déplacements de caillette et de rétentions placentaires. D’autre part, les vaches ayant une haute réponse en anticorps se sont avérées avoir une meilleure réponse VALEURS D’ÉLEVAGE ESTIMÉES (VÉE) POUR LES VACHES À HAUTE, MOYENNE OU FAIBLE RÉPONSE IMMUNITAIRE AU CANADA 115 Valeur d’élevage estimée 110 Haut 105 Moyen 100 sées à faible réponse immunitaire et 70 % étaient classées comme ayant une réponse immunitaire moyenne. Précédemment, il a été démontré que les vaches HIR étaient moins sujettes à contracter une maladie comparativement aux vaches ayant une réponse immunitaire faible ou moyenne. RÉPONSE IMMUNITAIRE ET PRODUCTION 95 Basse 90 85 Jour 14 Réponse immunitaire primaire aux vaccins commerciaux, incluant le J5 E. coli, que les autres vaches. Et finalement, le colostrum des vaches HIR contient plus d’anticorps à transmettre aux veaux. Ces associations représentent des bénéfices substantiels pour la santé des troupeaux et se traduisent par une réduction directe des coûts. Plus récemment, en collaboration avec le Réseau canadien de recherche sur la mammite bovine (RCRMB), 690 vaches issues de 58 troupeaux à travers le Canada ont été immunisées en utilisant la méthode brevetée pour évaluer la réponse immunitaire. Des échantillons sanguins ont été prélevés et un test a été effectué sur un échantillon de peau pour mesurer, respectivement, un anticorps spécifique et les réponses immunitaires à médiation cellulaire. L’anticorps et la réponse immunitaire à médiation cellulaire sont tous deux considérés au moment de catégoriser les animaux en fonction de leur réponse immunitaire. L’anticorps et la réponse immunitaire à médiation cellulaire contribuent à protéger l’animal contre une grande diversité de pathogènes et permettent d’améliorer la résistance générale à toute cette variété de microbes. L’amélioration de la santé au sens large est particulièrement importante pour contrer les maladies telles que la mammite, causée par des agents infectieux multiples et requérant des mécanismes variés de défense immunitaire pour être contrôlée. Jour 21 Réponse immunitaire secondaire réponse immunitaire ont été identifiés dans chaque troupeau testé à travers le Canada. Le classement des vaches peut être comparé à l’intérieur du troupeau, de la province et entre les régions. Dans cette étude canadienne, approximativement 15 % des vaches étaient classées HIR, 15 % étaient clas- Les résultats démontrent que le choix d’élever des sujets afin d’obtenir une réponse immunitaire optimale (HIR) n’entraîne pas de coûts de production additionnels. Il n’y a pas de différence dans la production de lait sur 305 jours, sur le rendement en protéine, le rendement en gras ni sur la profitabilité à vie des vaches HIR, lorsqu’on les compare avec les autres vaches de la population visée par l’étude du RCRMB. RÉPONSE IMMUNITAIRE ET SANTÉ Deux autres essais sur les réponses immunitaires ont précédemment LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE DU RCRMB Les animaux HIR, ceux à réponse immunitaire moyenne et ceux à faible MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 41 SANTÉ ANIMALE démontré que les vaches HIR ont une occurrence de maladies plus faible. Grâce à la base de données du RCRMB, des informations sur les cas de mammite clinique sont disponibles et une analyse est en cours pour déterminer l’association des vaches HIR sur la fréquence, la durée et la sévérité des cas. Les résultats préliminaires montrent que parmi tous les cas de mammite chez les vaches canadiennes testées pour leur réponse immunitaire, les vaches HIR avaient la plus basse occurrence de staphylocoques à coagulase négative (SCN). RÉPONSE IMMUNITAIRE OPTIMALE ET ÉLEVAGE L’héritabilité est la proportion de variation d’un caractère qui est due à sa variation génétique. Les résultats de cette étude démontrent que pour les deux caractères suivants, anticorps et réponse immunitaire à médiation cellulaire, l’héritabilité va de modérée à élevée (0,14 à 0,56). Cela indique qu’une proportion de 14 % à 56 % de la variation phénotypique de la réponse immunitaire peut être expliquée par la variation génétique. En utilisant ces estimations d’héritabilité, les valeurs d’élevage sont calculées pour classer les vaches en fonction de leur réactivité immunitaire. Puisqu’il y a une composante génétique significative quant à la variabilité des caractères rattachés à la réponse immunitaire, il serait possible d’inclure la réponse immunitaire dans les indices et ainsi faire des gains géné- tiques menant à l’amélioration de la santé globale des vaches laitières. APPLICATION À LA FERME Il y a sans contredit des bénéfices économiques à identifier les vaches ayant une haute réponse immunitaire. Lorsque les vaches HIR présentent une diminution de l’occurrence de maladies, elles ont besoin d’être traitées moins souvent et la perte de production associée au lait jeté est aussi plus faible. Toutefois, les producteurs peuvent aussi bénéficier de l’identification des vaches à faible réponse immunitaire, appelées LIR (Low Immune Response cows). Identifier les veaux LIR ou les vaches LIR peut potentiellement aider à prendre les bonnes décisions en matière de gestion de troupeau. Le fait de savoir quels animaux peuvent vraisemblablement améliorer la santé (HIR) ou encore lesquels contractent plus facilement une infection qui nécessite un traitement (LIR) va aider à la prise de décisions au sujet de la réforme. BÉNÉFICES POUR LE CONSOMMATEUR Les consommateurs bénéficieront de l’accroissement du nombre de vaches HIR au Canada par une production de lait de haute qualité provenant de vaches en meilleure santé. Accroître le nombre de vaches HIR peut réduire l’utilisation d’antibiotiques et, par le fait même, contribuer à limiter le développement d’une résistance bactérienne. Réduire l’occurrence de mala- LES VACHES HIR ONT NATURELLEMENT UNE HAUTE RÉPONSE IMMUNITAIRE Identifier les vaches HIR dans un troupeau est à la fois sécuritaire, rapide et efficace. Cette étape comporte en plus les avantages suivants : • Occurrence et sévérité plus faibles des maladies. • Traitements et coûts vétérinaires réduits. • Réponse accrue aux vaccins. • Colostrum de plus haute qualité. • Possibilité de tester les vaches et les veaux à partir de l’âge de deux mois. • Test unique pour toute la durée de vie de l’animal. • Test sécuritaire qui n’interfère avec aucun autre test diagnostique. • L’analyse coûts/bénéfices démontre des économies significatives. Pour plus d’informations sur la technologie HIR, contactez Bonnie Mallard au 519-829-4120, poste 54736 ou à [email protected]. 42 MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS dies peut aussi augmenter le bien-être animal. Les maladies telles que la mammite peuvent être très douloureuses et ont un impact négatif sur le confort des vaches. Par conséquent, minimiser la probabilité d’infection peut accroître le bien-être global des vaches laitières. Les vaches HIR permettront aussi de diminuer les coûts et les implications des éclosions d’une maladie, simplement parce qu’elles répondent mieux au traitement et que, comparativement aux autres vaches, elles ont des mécanismes pour mieux prévenir l’infection. ON REGARDE DU CÔTÉ DE LA GÉNOMIQUE L’orientation future de la recherche inclut le génotypage des vaches HIR, grâce au BovineSNP50 Genotyping Beadchip d’Illumina MC , permettant d’identifier les profils génétiques des animaux qui contribuent à l’amélioration génétique. Le BovineSNP50 Genotyping Beadchip contient 54 000 polymorphismes nucléotidiques simples (SNP), espacés uniformément dans le génome bovin, qui permettent de mesurer la variation génétique entre les individus et les populations. La variation génétique des caractères complexes, tels que la réponse immunitaire, peut être utilisée pour prédire la valeur d’une vache à la naissance. Dans le futur, il peut être possible d’inclure des marqueurs génétiques de la résistance aux maladies dans les programmes génotypiques afin de sélectionner le cheptel laitier qui améliorera la réponse immunitaire dans les générations subséquentes. La technologie HIR est un nouvel outil génétique utile pour élever des sujets avec une résistance accrue et devrait être considérée par les producteurs laitiers comme un soutien au contrôle des maladies. Les fonds pour réaliser ce projet de recherche ont été accordés à B.A. Mallard par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Réseau canadien de recherche sur la mammite bovine, le Réseau laitier canadien et l’Ontario Ministry of Agriculture Fisheries and Rural Affairs. ■ Visitez le site du RCRMB au www.reseaumammite.org 1 RCRMB, « La recherche sur la mammite 2008-2009 – Quoi de neuf? ».