Un cas de mammite coûte au pro-
ducteur laitier entre 110 $ et 320 $ et
il a été estimé que, globalement, près
d’un quartier sur cinq est infecté au
Canada1. Les maladies des bovins lai-
tiers, notamment la mammite, sont
associées à des coûts significatifs (trai-
tements et perte de production) pour
le producteur et l’industrie.
L’émergence de bactéries résistantes
aux antibiotiques accroît l’inquiétude
des consommateurs ainsi que leur
volonté de restreindre l’usage des anti-
biotiques, à la fois en élevage animal et
en médecine humaine, à travers le
monde. L’utilisation d’antibiotiques dans
les aliments pour animaux a été bannie
dans plusieurs pays. Par conséquent,
des méthodes alternatives pour le
contrôle des maladies, en accord avec
le proverbe « il vaut mieux prévenir que
guérir », qui prévaut en Europe, ont été
revendiquées. Faire un meilleur usage
du bagage génétique des animaux en
sélectionnant les sujets dotés d’une
réponse immunitaire naturellement plus
forte est une option intéressante pour
minimiser l’occurrence de maladies dans
les fermes autant conventionnelles que
biologiques. Plusieurs producteurs ont
constaté que certaines vaches sont
malades plus souvent que les autres.
Ces animaux sont faciles à repérer, mais
qu’en est-il de ceux avec une immunité
naturelle supérieure, qui tombent
malades moins souvent et qui répondent
mieux aux traitements, en particulier
aux vaccins? Ces individus sont plus
difficiles à identifier par le producteur
et pourtant, le faire dès leur jeune âge
pourrait aider à diminuer significative-
ment l’occurrence des maladies et les
coûts qui en découlent.
UNE QUESTION DE RÉPONSE
IMMUNITAIRE
Bonnie Mallard, professeur d’immu-
nogénétique à l’Ontario Veterinary
College de l’Université de Guelph, a
mis au point une méthode brevetée
pour identifier les vaches et les veaux
ayant une réactivité immunitaire amé-
liorée. Ces animaux ont des réponses
immunitaires optimales et sont réfé-
rencés comme étant à haute réponse
immunitaire (HIR cows). En fait, les
vaches HIR présentent moins de mam-
mites que les vaches ayant une immu-
nité faible à moyenne dans les trois
quarts des troupeaux préalablement
testés. De plus, aux États-Unis, dans
les troupeaux commerciaux de grande
taille, les vaches HIR ont moins de
mammites, de déplacements de
caillette et de rétentions placentaires.
D’autre part, les vaches ayant une
haute réponse en anticorps se sont
avérées avoir une meilleure réponse
Meilleure
est l’immunité,
meilleure est
la santé
SANTÉ ANIMALE
Par KATHLEEN THOMPSON-CRISPI,
doctorante, Ontario Veterinary College,
Université de Guelph, BONNIE MALLARD,
professeure en immunogénétique,
Département de pathobiologie, Ontario
Veterinary College, Université de Guelph, et
HÉLÈNE POIRIER, agente de transfert,
RCRMB, FMV, Université de Montréal
Les vaches ayant une réponse immunitaire supérieure
peuvent être associées à moins de maladies et à moins
de coûts ainsi qu’à un plus grand bien-être animal.
MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
40
Bonnie Mallard et Kathleen Thompson-Crispi
aux vaccins commerciaux, incluant le
J5 E. coli, que les autres vaches. Et fina-
lement, le colostrum des vaches HIR
contient plus d’anticorps à transmettre
aux veaux. Ces associations représen-
tent des bénéfices substantiels pour la
santé des troupeaux et se traduisent
par une réduction directe des coûts.
Plus récemment, en collaboration avec
le Réseau canadien de recherche sur la
mammite bovine (RCRMB), 690 vaches
issues de 58 troupeaux à travers le
Canada ont été immunisées en utilisant
la méthode brevetée pour évaluer la
réponse immunitaire. Des échantillons
sanguins ont été prélevés et un test a
été effectué sur un échantillon de peau
pour mesurer, respectivement, un anti-
corps spécifique et les réponses immu-
nitaires à médiation cellulaire. L’anticorps
et la réponse immunitaire à médiation cel-
lulaire sont tous deux considérés au
moment de catégoriser les animaux en
fonction de leur réponse immunitaire.
L’anticorps et la réponse immunitaire à
médiation cellulaire contribuent à pro-
téger l’animal contre une grande diver-
sité de pathogènes et permettent d’amé-
liorer la résistance générale à toute cette
variété de microbes. L’amélioration de la
santé au sens large est particulièrement
importante pour contrer les maladies
telles que la mammite, causée par des
agents infectieux multiples et requérant
des mécanismes variés de défense immu-
nitaire pour être contrôlée.
LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE
DU RCRMB
Les animaux HIR, ceux à réponse
immunitaire moyenne et ceux à faible
réponse immunitaire ont été identifiés
dans chaque troupeau testé à travers
le Canada. Le classement des vaches
peut être comparé à l’intérieur du trou-
peau, de la province et entre les
régions. Dans cette étude canadienne,
approximativement 15 % des vaches
étaient classées HIR, 15 % étaient clas-
sées à faible réponse immunitaire et
70 % étaient classées comme ayant une
réponse immunitaire moyenne. Précé -
demment, il a été démontré que les
vaches HIR étaient moins sujettes à
contracter une maladie comparative-
ment aux vaches ayant une réponse
immunitaire faible ou moyenne.
RÉPONSE IMMUNITAIRE ET
PRODUCTION
Les résultats démontrent que le choix
d’élever des sujets afin d’obtenir une
réponse immunitaire optimale (HIR)
n’entraîne pas de coûts de production
additionnels. Il n’y a pas de différence
dans la production de lait sur 305 jours,
sur le rendement en protéine, le rende-
ment en gras ni sur la profitabilité à vie
des vaches HIR, lorsqu’on les compare
avec les autres vaches de la population
visée par l’étude du RCRMB.
RÉPONSE IMMUNITAIRE
ET SANTÉ
Deux autres essais sur les réponses
immunitaires ont précédemment
MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 41
Jour 14
Réponse immunitaire
primaire
Jour 21
Réponse immunitaire
secondaire
Haut
Basse
Valeur d’élevage estimée
85
90
95
100
105
110
115
Moyen
VALEURS D’ÉLEVAGE ESTIMÉES (VÉE) POUR LES VACHES À HAUTE,
MOYENNE OU FAIBLE RÉPONSE IMMUNITAIRE AU CANADA
démontré que les vaches HIR ont une
occurrence de maladies plus faible.
Grâce à la base de données du RCRMB,
des informations sur les cas de mam-
mite clinique sont disponibles et une
analyse est en cours pour déterminer
l’association des vaches HIR sur la fré-
quence, la durée et la sévérité des cas.
Les résultats préliminaires montrent
que parmi tous les cas de mammite
chez les vaches canadiennes testées
pour leur réponse immunitaire, les
vaches HIR avaient la plus basse occur-
rence de staphylocoques à coagulase
négative (SCN).
RÉPONSE IMMUNITAIRE
OPTIMALE ET ÉLEVAGE
L’héritabilité est la proportion de
variation d’un caractère qui est due à
sa variation génétique. Les résultats de
cette étude démontrent que pour les
deux caractères suivants, anticorps et
réponse immunitaire à médiation cellu-
laire, l’héritabilité va de modérée à
élevée (0,14 à 0,56). Cela indique qu’une
proportion de 14 % à 56 % de la varia-
tion phénotypique de la réponse immu-
nitaire peut être expliquée par la varia-
tion génétique. En utilisant ces
estimations d’héritabilité, les valeurs
d’élevage sont calculées pour classer
les vaches en fonction de leur réactivité
immunitaire. Puisqu’il y a une compo-
sante génétique significative quant à la
variabilité des caractères rattachés à la
réponse immunitaire, il serait possible
d’inclure la réponse immunitaire dans
les indices et ainsi faire des gains géné-
tiques menant à l’amélioration de la
santé globale des vaches laitières.
APPLICATION À LA FERME
Il y a sans contredit des bénéfices
économiques à identifier les vaches
ayant une haute réponse immunitaire.
Lorsque les vaches HIR présentent une
diminution de l’occurrence de maladies,
elles ont besoin d’être traitées moins
souvent et la perte de production asso-
ciée au lait jeté est aussi plus faible.
Toutefois, les producteurs peuvent aussi
bénéficier de l’identification des vaches
à faible réponse immunitaire, appelées
LIR (Low Immune Response cows).
Identifier les veaux LIR ou les vaches
LIR peut potentiellement aider à prendre
les bonnes décisions en matière de ges-
tion de troupeau. Le fait de savoir quels
animaux peuvent vraisemblablement
améliorer la santé (HIR) ou encore les-
quels contractent plus facilement une
infection qui nécessite un traitement
(LIR) va aider à la prise de décisions au
sujet de la réforme.
BÉNÉFICES POUR
LE CONSOMMATEUR
Les consommateurs bénéficieront
de l’accroissement du nombre de
vaches HIR au Canada par une pro-
duction de lait de haute qualité prove-
nant de vaches en meilleure santé.
Accroître le nombre de vaches HIR peut
réduire l’utilisation d’antibiotiques et,
par le fait même, contribuer à limiter
le développement d’une résistance bac-
térienne. Réduire l’occurrence de mala-
dies peut aussi augmenter le bien-être
animal. Les maladies telles que la mam-
mite peuvent être très douloureuses et
ont un impact négatif sur le confort
des vaches. Par conséquent, minimiser
la probabilité d’infection peut accroître
le bien-être global des vaches laitières.
Les vaches HIR permettront aussi de
diminuer les coûts et les implications
des éclosions d’une maladie, simple-
ment parce qu’elles répondent mieux
au traitement et que, comparativement
aux autres vaches, elles ont des méca-
nismes pour mieux prévenir l’infection.
ON REGARDE DU CÔTÉ
DE LA GÉNOMIQUE
L’orientation future de la recherche
inclut le génotypage des vaches HIR,
grâce au BovineSNP50 Genotyping
Beadchip d’IlluminaMC, permettant
d’identifier les profils génétiques des
animaux qui contribuent à l’amélioration
génétique. Le BovineSNP50 Genotyping
Beadchip contient 54 000 polymor-
phismes nucléotidiques simples (SNP),
espacés uniformément dans le génome
bovin, qui permettent de mesurer la
variation génétique entre les individus
et les populations. La variation géné-
tique des caractères complexes, tels
que la réponse immunitaire, peut être
utilisée pour prédire la valeur d’une
vache à la naissance. Dans le futur, il
peut être possible d’inclure des mar-
queurs génétiques de la résistance aux
maladies dans les programmes génoty-
piques afin de sélectionner le cheptel
laitier qui améliorera la réponse immu-
nitaire dans les générations subsé-
quentes. La technologie HIR est un
nouvel outil génétique utile pour élever
des sujets avec une résistance accrue
et devrait être considérée par les pro-
ducteurs laitiers comme un soutien au
contrôle des maladies.
Les fonds pour réaliser ce projet de
recherche ont été accordés à B.A. Mallard
par le Conseil de recherches en sciences
naturelles et en génie du Canada, le
Réseau canadien de recherche sur la
mammite bovine, le Réseau laitier cana-
dien et l’Ontario Ministry of Agriculture
Fisheries and Rural Affairs.
Visitez le site du RCRMB au
www.reseaumammite.org
1 RCRMB, « La recherche sur la mammite
2008-2009 – Quoi de neuf? ».
MARS 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
42
SANTÉ ANIMALE
LES VACHES HIR ONT NATURELLEMENT
UNE HAUTE RÉPONSE IMMUNITAIRE
Identifier les vaches HIR dans un troupeau est à la fois sécuritaire,
rapide et efficace. Cette étape comporte en plus les avantages suivants :
Occurrence et sévérité plus faibles des maladies.
Traitements et coûts vétérinaires réduits.
Réponse accrue aux vaccins.
Colostrum de plus haute qualité.
Possibilité de tester les vaches et les veaux à partir de l’âge de deux
mois.
Test unique pour toute la durée de vie de l’animal.
Test sécuritaire qui n’interfère avec aucun autre test diagnostique.
Lanalyse coûts/bénéfices démontre des économies significatives.
Pour plus d’informations sur la technologie HIR,
contactez Bonnie Mallard au 519-829-4120, poste 54736 ou
à bmallard@ovc.uoghelph.ca.
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