La septième édition des Journées de l’économie a eu lieu à Lyon les 13, 14 et 15 novembre 2014 autour du thème : « Le progrès social a-t-il un avenir ?» permettant ainsi de traiter des sujets d’actualité et des problèmes de fond. Les Journées de l’Economie se proposent de présenter une véritable pédagogie de l’économie, qui permette à tous une meilleure appréhension des mécanismes économiques, qui vise à : Créer un événement national grand public de référence en matière de réflexion sur les grandes questions économiques Favoriser un débat économique de qualité Impliquer l’ensemble de ces acteurs économiques dans le déroulement des Journées : économistes professionnels, chercheurs, praticiens, enseignants, médias, entrepreneurs et chefs d’entreprises de toutes tailles, collectivités locales et régionales intervenant en matière de développement économique Démocratiser l’analyse économique aux yeux du grand public, la rendre plus accessible, plus compréhensible, sans la dénaturer Améliorer la visibilité de la discipline. C’est dans le cadre du Plan National de Formation que nous avons participé à la journée du 14 novembre 2014, inscrits à différentes tables rondes qui se sont déroulées au cours de celle-ci. Vous trouverez ci-après la liste des thèmes des conférences auxquelles nous avons assisté avec le lien vers le référentiel pour une piste pédagogique. Selon les thèmes, ont été élaborés soit un compte rendu, soit une synthèse de la conférence, - Progrès ou déclin ? L’éco en photo (à partir des travaux réalisés par des élèves STMG et ES) Les entreprises du 3ème Disparités hommes femmes : discriminations ou préférences ? Le travail coûte-t-il vraiment trop cher ? Après la mondialisation Les objets connectés Inégalités : l’analyse de Thomas Piketty Le renouveau de l’Etat Providence. Pour compléter ces éléments, peuvent être consultés : Le site des Jéco avec les vidéos des conférences, le téléchargement du numéro spécial Jéco « Problèmes économiques » de La Documentation Française http://www.journeeseconomie.org/index.php Le site pédagogique dessinemoileco.com (en partenariat avec vidéos schématiques permettant d’introduire des notions La bibliothèque virtuelle : http://www.touteconomie.org/index Finances & Pédagogie, pour obtenir des documents pédagogiques et/ou des formations Le Monde) qui propose différentes [email protected] : délégué pour l’Auvergne Le portail pédagogique facil’éco du ministère de l’économie http://www.economie.gouv.fr/facileco avec des dossiers, vidéos pédagogiques La lettre d'information EcoGest@actu diffusée par messagerie sur abonnement libre qui propose des informations sur l'actualité de notre discipline en privilégiant un éclairage par les TIC. Elle inclut les dernières parutions au BO. Magazine « Liaisons sociales », numéro 156, novembre 2014 « Alternatives économiques » et des Pour l’académie de Clermont Ferrand, Françoise Dislers-Reversat, Raphaël Alexandre, Angèla Moreau, Celiane Raynaud, Stephanie Sivade finances Progrès ou déclin ? L’éco en photos Intervenants et fonctions : Denis Lafontaine, Photographe social Pierre Bezbakh, Maître de Conférences en Sciences Economiques Guillaume Gaulier, Economiste à la Banque de France, Service d’Etude de la Compétitivité et des Echanges Extérieurs (SEC2E) Rémi Jeannin, Cité de l’économie et de la monnaie Avant –propos Nous vivons dans une société qui connaît des changements économiques profonds : mondialisation, innovations technologiques (notamment dans le domaine de l’informatique et des communications), enjeux environnementaux, accès à l’éducation, à la santé, au logement, à l’emploi, etc. Ces changements ont des conséquences différentes en termes de bien-être sur chacun d’entre nous, et sont donc perçus selon la position chacun comme des avancées ou des reculs. Vivons-nous dans une société où le progrès a un avenir, où le bien-être de chacun peut progresser, ou dans une société condamnée au déclin ? Pour sa 4ème conférence aux Jéco, la Cité de l’économie et de la monnaie propose, sur un thème en lien direct avec le thème choisi pour les Jéco 2014 (Le progrès social a-t-il un avenir ?), un dialogue entre économistes et nonéconomistes à partir d’une sélection de photographies réalisées par six classes de lycées de la région lyonnaise (STMG et ES) Source : Jéco Les élèves ont effectué une présentation d’une partie des photos qu’ils ont prises, avec l’aide du photographe. Celle-ci a été complétée par les interventions des économistes. Voici quelques exemples de photos commentées : Une hôtesse de caisse, à son poste : le progrès technique menace-t-il l’emploi ? Les différents types de contrats, la précarité des emplois peu qualifiés. Une file d’attente à Pôle emploi : le marché du travail, les catégories les plus touchées par l’accès à l’emploi, l’inadéquation entre postes offerts et demandes Un mendiant à la sortie d’un supermarché : la question des inégalités Un pousse pousse lyonnais conduit par un jeune et en arrière-plan une automobile : 2 modes de transport dont l’un innovant qui prend en compte le développement durable ; Que penser des emplois peu qualifiés induits par ces nouveaux transports ? Le bas d’une tour : questions sur les limites, la capacité à maîtriser nos réalisations, qu’en est-il du coût de construction, du financement, de l’emploi d’une main d’œuvre peu qualifiée, du type de contrat de travail proposé. Un vieux monsieur : les questions liées au vieillissement de la population : le financement des retraites, le financement de la dépendance, les emplois induits. Cette démarche novatrice pourrait être utilisée dans le cadre des objets d’étude, la photo – prise par l’élève – pourrait être un support qui serait complété par un autre document plus « traditionnel » comme un article de presse. Positionnement dans le référentiel : Liste non exhaustive en fonction des photos envisagées : 6-3 Les revenus, leur répartition et la redistribution Activité possible : Le budget des ménages, les inégalités, la redistribution 6-2 La régulation de l’activité économique par les autorités publiques Activité possible : Le chômage Les entreprises du 3ème type Intervenants et fonctions : Florence Martin, présidente d’Enercoop Rhône-Alpes Martin De Douhet, co-opérateur à La Ferme des Routes « circuit court » agricole dans la Drôme Michel Lepesant, co-fondateur de la monnaie La Mesure Stephanie Paix, Président du directoire de la Caisse d’Epargne Rhône Alpes Patrick Viveret, philosophe (vidéo) Antoine Reverchon, Jean-Marc Vittori, Modérateur, Les échos. Avant propos : « Économie circulaire, alternative, collaborative, sociale, solidaire... De quoi parle-t-on ? Ces formes d'activité "différentes" sont-elles destinées à rester à la marge de l'économie marchande capitaliste ? Ou sont-elles les pionniers du modèle économique du futur ? » Source : http://www.journeeseconomie.org Pour faire simple, si nous devons résumer ce que sont les entreprises du 3 ème type, ce sont toutes les nouvelles entreprises créées favorisant deux aspects importants : l’esprit social et la solidarité. Pour cela, certaines personnes appelées « poisson pilotes » vont explorer le marché pour connaître des filières rentables et ainsi créer un « futur système ». Une question peut se poser par rapport à ces entreprises du 3ème type : sont-elles des entreprises considérées comme à la marge ou bien sont-elles les entreprises du futur ? Intervention n°1 : Florence MARTIN : Présidente d’Enercoop Rhône-Alpes Historiquement EDF est le pionnier mais également le leader en tant que fournisseur d’électricité. Depuis 2005, ce marché s’est ouvert à la concurrence. En effet, différents acteurs/entreprises se sont réunis pour proposer une alternative à la structure privée connue de tous considérant que l’énergie est un bien commun. C’est dans cette optique qu’Enercoop a fait son apparition. Une entreprise écologique : c’est le seul fournisseur d’électricité à s’approvisionner directement et à 100% auprès de producteurs d’énergie renouvelable (solaire, éolien, hydraulique et biogaz). Ses bénéfices sont réinvestis dans les énergies renouvelables. Cette entreprise va assurer l’approvisionnement grâce aux énergies renouvelables dont la biomasse auprès de producteurs divers pour ensuite le revendre à des prix qui ne sont pas toujours plus bas que ceux de la concurrence à des particuliers, des entreprises voire même des collectivités locales. L’achat à Enercoop assure une provenance écologique et durable. Il s’agit donc d’un acte citoyen puisque le prix peut être plus élevé que celui pratiqué par le fournisseur historique. Elle met en place cet aspect social et solidaire grâce à la mise en place d’une coopérative (SIC) avec des taux de participations physiques aux assemblées proches des 80 %. Chiffre clés : PDM des fournisseurs d’électricité - 95 % PDM = EDF, - 3 % PDM = GDF, - 2 % PDM = autres fournisseurs alternatifs (comme Enercoop). Pour aller plus loin : http://www.enercoop.fr/ Intervention n°2 : Martin DE DOUHET : Co-opérateur à la Ferme des Routes, « circuit court » agricole dans la Drôme Ces trois éleveurs paysans ont décidé de créer cette ferme sous le statut d’une EARL (Entreprise Agricole à Responsabilité Limitée) pour plusieurs raisons répondant à une économie sociale et solidaire. Tout d’abord l’EARL permet une installation rapide. Mais si ces fondateurs ont opté pour cela c’est surtout pour faciliter la transmission des fermes. En effet, plus celles-ci sont importantes moins les jeunes peuvent les reprendre car ils n’ont pas le budget nécessaire. De plus les critères d’une EARL correspondent parfaitement à des éléments du règlement intérieur de la Ferme des Routes : - Se rapprocher d’une coopérative, - Ne pas dépasser les 50 hectares et rester pérenne. Ceci va être facilité par leur activité de vente directe de leurs produits (transformés ou en l’état) de marchéage, grande culture de légumes secs et de transformation laitière. La vente se fait dans leur magasin réunissant uniquement des producteurs locaux (système d’une coopérative). Intervention n°3 : Michel LEPESANT : Co-fondateur de la monnaie La Mesure La Mesure est une monnaie utilisée localement. Cette monnaie n’est pas une monnaie complémentaire mais alternative ou du moins qui se veut être alternative. C’est-à-dire que les habitants d’une ville ou d’une région par exemple vont utiliser leur propre monnaie plutôt que l’€uro. 1 Mesure est égale à 1 €. La conversion est possible grâce à la parité. Cependant le rendu de la monnaie en euros n’est pas possible (obligation imposée par la Banque de France). Cette monnaie locale ou monnaie de proximité va permettre une réappropriation des usages mais surtout d’inciter à acheter localement. Cette « Mesure » est utile à 4 acteurs : - Les prestataires, - Les institutions, - Les militants, - Et les utilisateurs. Le constat est cependant fait sur ses limites et sa très faible utilisation. Intervention n°4 : Stéphanie PAIX : Président du directoire de la Caisse d’Épargne Les banques et les assurances ne peuvent pas être qualifiées en tant que telles d’entreprises du 3ème type. En effet, elles participent uniquement dans l’économie sociale et solidaire en tant que financeurs. Si elles ne sont pas considérées comme entreprise du 3 ème type, c’est qu’il y a une confusion entre l’objet économique ou social et le statut. Cependant quels que soient les statuts, la Caisse d’Épargne s’intéresse tout de même à la gouvernance. C’est avec cette gouvernance qu’elle peut mettre en place cette économie sociale et solidaire. En effet, ce sont les sociétaires de la banque qui vont élire leur administrateur pour les représenter au Conseil d’Administration et de Surveillance (250 administrateurs). Intervention n°5 : Interview de Pierre VIVERET par Antoine REVERCHON De nos jours les entreprises sont irresponsables à 3 niveaux : - Écologique, - Social, - Financier. L’évolution des mœurs et la mise en place de ces nouveaux types d’entreprise fonctionne par le fait qu’elles soient économiquement responsables. Pour être responsable sur ces 3 secteurs il faut agir de manière collective mais également de façon indépendante. Intervention n°6 : Cyril KRETZSCHMAR : Conseiller délégué à la nouvelle économie, aux nouveaux emplois, à l’artisanat et à l’économie sociale et solidaire à la Région RhôneAlpes Cette intervention servira également de conclusion à ce compte rendu sur cette conférence. Grâce à cette dernière intervention nous pouvons définir exactement ce qu’est une entreprise du 3ème type ainsi que son objectif/rôle. Tout d’abord une entreprise du 3 ème type répond à deux notions importantes et qui reviennent régulièrement durant cette conférence : l’économie sociale et solidaire. Cette économie va permettre de répondre aux « besoins des citoyens qui peuvent être couverts actuellement mais aussi ceux des citoyens futurs » (Cyril KRETZSCHMAR). Ceci est possible grâce à deux principes/conditions : - Condition de durabilité, - Diversité des services : pour le bien-être des générations futures il faut que cette diversité soit faite collectivement plutôt qu’individuellement. Les enjeux des entreprises du 3ème type reposent sur 4 points : - Le raccourcissement des circuits (économie de partage/ sharing), La coopération, c’est-à-dire trouver des modes différents pour les consommateurs grâce à une coopération, La durabilité, Et la démocratie. En conclusion, on peut dire que ces entreprises peuvent être considérées à la marge mais lorsqu’elles prospèrent, le système économique se les approprie. On peut donc dire qu’elles feront partie du futur système. Positionnement dans le référentiel : 1-2 Les organisations Activité possible : La structure des organisations 1-3 Les entreprises Activité possible : Les statuts des entreprises 4-2 La création de richesse par l’entreprise Activité possible : L’évolution du partage de la valeur ajoutée 4-2 la croissance et le développement économique Activité possible : La responsabilité sociétale et environnementale et le développement durable 6-3 Les revenus, leur répartition et la redistribution Activité possible : La redistribution Disparités hommes femmes : discriminations ou préférences ? Intervenants et fonctions : Dominique MEURS, professeure Sciences Économiques, Paris Ouest Nanterre, ÉconomiX et chercheuse associée à l’Ined. Marie Claire VILLEVAL, directrice de recherche au CNRS et directrice du Groupe d’Analyse et de Théories Économique (GATE). Jean Claude COULANGE, directeur des rédactions d’entreprise et carrières et de liaisons sociales. Cécilia GARCIA PENELOSA, directeur de recherche au CNRS et membre de l’École d’Économie d’Aix-Marseille. Mario PIACENTINI, économiste à la direction statistique de l’OCDE. Bien que les femmes aient largement rattrapé les hommes en termes d'éducation et d'expérience professionnelle, l'accès aux emplois les mieux rémunérés est toujours plus difficile pour elles que pour leurs homologues masculins, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. En matière d’entrepreneuriat, les écarts de genre sont importants dans le taux de création des nouvelles entreprises mais aussi dans la taille et la profitabilité de ces entreprises. Plusieurs mécanismes concourent pour expliquer ce phénomène persistent. Du côté de la demande, les imperfections de marché comme la discrimination et les différences d’accès au capital sont en partie responsables. Du côté de l’offre, l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle apparait toujours un frein à l'égalité professionnelle et à l’entrepreneuriat. Récemment, de nouvelles explications ont émergé de la recherche en économie comportementale : les femmes ont une attitude au risque et une compétitivité différente de celles des hommes. Ces préférences contribuent à expliquer que les femmes s’engagent moins dans les filières éducatives sélectives, candidatent moins à des promotions et s’engagent moins dans des négociations. Distinguer ces sources d’inégalité de genre est un défi pour la recherche économique et pour la justification des politiques de « discrimination positive ». Source : Jéco Jean Claude COULANGE, directeur des rédactions d’entreprise et carrières et de liaisons sociales. Jean Claude COULANGE commence par proposer une toute autre problématique que celle proposée dans le cadre des JECO : « Fini les potiches », tout en faisant référence au film « Potiche ». Pour lui, les femmes sont d’une part majoritaires dans la population active mais seulement aux Etats-Unis. Il met en avant par la suite le fait que 70% des filles obtiennent le baccalauréat contre 65% des garçons. Il y a donc un écart scolaire de plus en plus important. Les garçons connaissent beaucoup plus l’échec scolaire que les filles. Depuis 40 ans les législations corrigent ces écarts mais le « plafond de verre » subsiste toujours (différences des salaires entre les hommes et les femmes et discrimination à l’emploi). Dominique MEURS, professeure Sciences Économiques, Paris Ouest Nanterre, ÉconomiX et chercheuse associée à l’Ined. Dominique MEURS a débuté son intervention en faisant le panorama des situations professionnelles actuelles, soit : - un attachement traditionnel à l’égalité ; - une évolution longue de la société et la transformation de famille (recul de l’âge du premier enfant, montée des divorces…) ; - un intérêt de la part des entreprises dans le cadre de la RSE (responsabilité sociale élargie) ; - une politique publique (loi 2013 sur l’égalité professionnelle). Elle met en avant une persistance de l’inégalité de salaire. Celle-ci, selon elle, est liée à une ségrégation professionnelle, des contraintes familiales ainsi qu’aux congés parentaux et du partage des tâches. Par la suite, elle a fait l’analyse de plusieurs graphiques extraits de l’INSEE. Pour résumer ses propos, le salaire des hommes et des femmes reste figé et les femmes étudient beaucoup plus longtemps que les hommes. De plus, les femmes participent davantage au travail à temps partiel et font face à plus d’emplois peu qualifiés. Cependant, elle fait remarquer que le taux de chômage tend à devenir le même pour les hommes et les femmes. La ségrégation montre que les femmes ne vont pas occuper les mêmes emplois que les hommes. Il existe une pluralité de facteurs qui expliquent ces phénomènes. Ceux-ci sont : - le comportement des employés ; - la discrimination goût ; - la discrimination statistique (le comportement des femmes n’est pas efficace par rapport à celui des hommes, du fait des interventions de carrière liées aux enfants) ; - le comportement d’offre de travail ; - l’interaction entre les deux. Les naissances ont une répercussion sur la vie professionnelle et expliquent aussi certaines inégalités (aménagement des horaires, temps partiels, interruptions de carrière…). Pour remédier aux inégalités, on voit apparaitre un essor récent dans les pays nordiques concernant les congés parentaux pour le père (loi 2013 autorisant 6 mois de congés pour le père). Les effets recherchés par cette loi à court terme sont de diminuer les interruptions de carrière des femmes. Sur le long terme, ils sont d’augmenter la part des pères pour les tâches domestiques et de changer les mentalités y compris dans le entreprises. Elle conclut son intervention sur le fait qu’il est difficile de faire évoluer les normes sociales et qu’il faut mettre en place des actions pour concilier la vie professionnelle et familiale. Cécilia GARCIA PENELOSA, directeur de recherche au CNRS et membre de l’École d’Économie d’Aix-Marseille. Cécilia GARCIA PENELOSA se pose la question de savoir quelles sont les politiques à mettre en place afin de réduire les inégalités de salaire. Avant de répondre à cette problématique, il est nécessaire d’exposer les causes qui selon elle, sont génératrices d’inégalités salariales. D’une part, on constate une inégalité de revenu hommes/femmes en 2012 de 24.5% (source : l’enquête Emploi). Cette inégalité est due aux différents temps de travail pour 10.9%, aux différents types de poste et secteur pour 7.3% et 6.3% ne serait pas expliqué ou imprécis du fait de l’importance de la base de données. Deux types de discriminations subsistent : - la discrimination à l’embauche (ex : les femmes jeunes et sans enfants), qui n’est pas une préférence des hommes mais bien un problème d’anticipation des entreprises et des stéréotypes ; - la discrimination à la promotion. Le taux de promotion est le même pour les hommes comme pour les femmes mais celles-ci ont tendance à moins candidater. C’est donc l’aspect comportemental qui en ressort. Pour en revenir à la question de départ, nous allons donc évoquer les politiques qui pourraient être mises en place pour lutter contre les inégalités de salaires : - l’existence de plus de lois contre les inégalités ; - les politiques devraient se focaliser sur les anticipations dues aux stéréotypes et aux facteurs comportementaux ; - la lutte contre les stéréotypes peut être effectuée à l’aide des quotas (ex : donner un nombre de femmes obligatoire dans un domaine) ; - la répartition des activités domestiques devrait être plus égalitaire ainsi que le partage des congés ; - le système socio fiscal devrait être revu notamment avec l’impôt sur le revenu, la suppression du quotient familial ou bien la suppression des bonifications pour le 3 ème enfant. Mario PIACENTINI, économiste à la direction statistique de l’OCDE. Mario PIACENTINI a choisi de mettre en évidence les différences de genre dans l’entrepreneuriat. Il met lui aussi l’accent sur les imperfections du marché avec les discriminations, les contraintes de genre, les différences de comportements et attitudes entre les hommes et les femmes. Concernant l’entrepreneuriat, les femmes représentent 15 à 30% des travailleurs indépendant et celles-ci ont des revenus nettement inférieurs à ceux des hommes. Ceci est dû au nombre d’heures effectué inférieur à celui des hommes. Cette faible participation à l’entrepreneuriat s’explique par divers éléments : - la ségrégation ; - l’expérience managériale plus faible pour les femmes ; - la disponibilité (ex : le temps de travail diminue chez la femme après l’arrivée d’un enfant alors que celui des hommes reste stable ou augmente). Il y a aussi une explication liée aux attitudes et préférences puisque les femmes ont une préférence inférieure à celle des hommes pour l’activité indépendante. De plus, elles ont une attitude négative envers les risques. Pour conclure, il nous fait part de son avis final qui est de déterminer la différence de genre pas seulement par le comportement mais aussi par d’autres contraintes. Marie Claire VILLEVAL, directrice de recherche au CNRS et directrice du Groupe d’Analyse et de Théories Économique (GATE). Marie Claire VILLEVAL a exposé le thème des disparités hommes/femmes concernant le rôle des préférences. Elle met en évidence ses propos suite à diverses expériences pour mesurer les préférences. La disparité selon elle est liée à l’attrait pour la compétition (choix de la rémunération à la pièce ou à la compétition). Elle souligne elle aussi le fait que les femmes ont peur du risque et qu’elles ont moins confiance en elles mêmes que les hommes en eux. Naturel ou culturel ? Si l’on défend l’aspect naturel, on peut avancer la thèse du cycle ovarien. Les femmes sont plus aptes à la compétition lorsque la phase est au plus haut. C’est donc l’aspect physiologique qui est mis en avant. Cependant la nature n’explique pas tout, la compétition est différente selon les pays. Il existe un stéréotype du point de vue de la société. Afin de mettre en place des discriminations positives, il faut utiliser la méthode des quotas comme vu précédemment, et les femmes s’impliqueront davantage. Le quota permet donc de réduire « le gap » au niveau de la compétitivité car il pousse les filles à donner le meilleur. On peut dire qu’il y a une disparité du travail qui perdure même si l’éducation des femmes est plus importante que celle des hommes. De plus, le manque de confiance et la préférence à une culture ne favorise pas ces inégalités. Conclusion générale Pour conclure cette conférence et répondre à la problématique « Disparités hommes/femmes : discriminations ou préférences ? », nous pouvons dire qu’il y a d’une part des discriminations et de l’autre des préférences. Les discriminations sont dues aux stéréotypes et anticipations des entreprises et les préférences sont liées à la peur du risque et au manque de compétitivité des femmes. Pour lutter contre ces disparités des politiques peuvent être mises en place, mais il faut connaître préalablement la raison de l’inégalité… Positionnement dans le référentiel : Droit : Partie 1 : Le contexte économique de l’activité professionnelle Thème 1.1 : Les métiers et le contexte professionnel Activité possible : Le niveau de formation Partie 3 : Les relations sociales dans les organisations Thème 3.1 : Les ressources humaines Le recrutement Thème 3.2 : Le déroulement de carrière Activité possible : le contrat de travail, la durée de travail, la rémunération Économie : Partie 6 : La régulation économique Thème 6.3 : Les revenus, leur répartition et la redistribution Activité possible : les revenus et leur répartition : inégalités de revenu Le travail coûte-t-il vraiment trop cher ? Intervenants et fonctions : Gilbert Cette, Professeur d’économie associé à la Faculté de Sciences Economiques de l’Université d’Aix-Marseille II Eric Heyer, Directeur adjoint au Département analyse et prévision de l’OCDE Maria Jepson, Directrice de la recherche à l’European Trade Union Institute; Thibault Lanxade, Vice-Président du Medef Guillaume Duval, Modérateur, Alternatives Économiques Depuis le début de la crise, la question du travail trop cher en France est pointée du doigt. Ses conséquences, à première vue, seraient son impact sur la compétitivité des entreprises françaises et les effets sur l’emploi. Le coût horaire du travail dans l’industrie en France est proche de celui de l’Allemagne, autour de 33 euros, et pourtant il pose problème. En effet, au même coût, les performances de l’industrie française sont inférieures à celles de l’Allemagne, ce pays étant positionné sur des segments plus haut de gamme aux marges supérieures. La France produit des biens industriels de bas et moyenne gammes, dans une diversité de secteur plus riche que de nombreux pays européens. Cela a permis de protéger la France d’un net ralentissement aux moments les plus forts de la crise, mais ne lui permet pas de reprendre de la croissance. Elle vend dans des secteurs à forte concurrence, sur des segments où le prix est un facteur clé de succès. Pour pallier cette situation, notre gouvernement, avec le rapport Gallois de 2012, a décidé de mettre en place deux mesures phares, le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité. Ces derniers n’auront qu’un effet temporaire. Par conséquence, à cout terme, ces deux mesures provoquent un choc d’offre, par la diminution du coût du travail et seraient un moyen de stimuler la compétitivité. A long terme, seule une réforme structurelle pourait amener durablement une compétitivité à la France, via l’enseignement et la recherche. Les pays comparables à la France, ayant également des problèmes de compétitivité, ont adopté cette politique de réduction des charges, pour créer un choc d'offre. Mais comme tous les pays exécutent la même politique en même temps, les effets sont moindres et la réduction des coûts amène à une nouvelle difficulté, la déflation. La France est proche de cette situation, et des pays tels que l’Espagne sont, quant à eux, entrés en déflation. Ainsi, d’autres pistes doivent être mises en place pour effectuer une relance de la croissance et des emplois. Il faut également inciter à miser davantage sur l'innovation, la qualité et le savoirfaire de la main-d'œuvre ainsi que la formation pour améliorer la compétitivité sans diminuer les salaires ou les charges des entreprises. Positionnement dans le référentiel : 3-1 Les ressources humaines – Le management des ressources humaines – La motivation au travail. Activité possible : En quoi la baisse des charges ou du salaire entraîne une baisse de la productivité et de la qualité ? 3-2 Le déroulement de carrières Activité possible : Modification sur la politique de rémunération de l’entreprise 4-1 La production et l’organisation du travail Activité possible : Les déterminants de la productivité 4-2 La création de richesse Après la mondialisation Intervenants et fonctions : Elie Cohen, Directeur de recherche CNRS ; Michel Fouquin, Conseiller au CEPII ; Pascal Morand, Directeur général adjoint de la CCI Paris Ile-de-France ; Thierry Weil, Enseignant – chercheur à l’École des mines de Paris ; Christian Ménanteau, Modérateur, RTL. La mondialisation n’est pas un phénomène nouveau, les échanges entre les agents économiques opèrent depuis des siècles. Jamais l’intégration économique et technologique n’avait connu une telle accélération. Depuis la fin des années soixante, les pays riches se désindustrialisent au profit des pays en développement. Il en est de même de leur poids dans le commerce mondial, où les pays émergents gagnent en puissance économique, la Chine en tête (elle représentait environ 1,6% du PIB mondial en 1980 et atteint aujourd’hui 15,5%). Le point de départ de la différence de ces déséquilibres depuis la crise est que la Chine a une balance excédentaire alors que les États Unis surconsomment. Mais aujourd'hui les États Unis exportent plus vers la Chine qui a augmenté sa consommation domestique et par conséquent le déséquilibre commercial sino-américain s’est réduit. Quant à l'Europe, elle accumule des excédents de balance courante. Le Japon, lui, stagne. La recherche du profit et la baisse des coûts, sur des produits innovants, sont un enjeu majeur. Les pays développés sont de plus en plus en compétition avec des pays en développement, ce qui entraîne en partie cette désindustrialisation. Cette dernière s’explique essentiellement par trois facteurs : - Les gains de productivité ; - L’externalisation des services ; - La perte de compétitivité. On peut se demander s’il y a un avenir pour l’industrie dans les pays riches ? Et quelle forme va prendre la mondialisation ? Les processus de production sont réorganisés en chaîne de valeur à l’échelle mondiale. Les entreprises cherchent le meilleur rapport qualité/prix/performance sur l’ensemble du globe. Les pays se spécialisent en fonction de leurs compétences pour faire face à la concurrence. La France possède un large portefeuille d’activités, mais est confrontée à un double problème, de compétitivité coût et hors coût. En effet, le coût salarial français est trop élevé et les produits fabriqués sont sur des segments bas ou moyenne gammes. Il faut donc amener les entreprises françaises à réduire leurs coûts et augmenter leurs marges, pour créer de l’innovation via la recherche et le développement. C’est l’objectif recherché par le CICE et le pacte de responsabilité. Même si les pays émergents sont attractifs, ils ne répondent pas à tous les besoins des entreprises. C’est le cas pour le luxe, qui repose sur une image (celle de la France par exemple) et du savoir-faire unique et difficilement imitable. Si l’on prend exemple sur la production d’un IPhone, on se rend compte que la chaîne de valeur est constituée de la manière suivante : - Japon 61$ - Allemagne 30 $ - Corée du Sud 23$ - USA 11$ - Chine 6.5$ La chaine de valeur de l’IPhone est réalisée surtout dans les pays riches. C'est même un produit fabriqué en masse, avec une marge importante pour la conception, le marketing, et permet d’être en compétitivité hors coût. C'est aussi un modèle d'affaires complexe, en effet il fait intervenir différents acteurs tels qu’Itunes et Appstore, service à forte croissance. De plus, le prix de l’énergie et du pétrole ne cesse d’augmenter. La délocalisation n’a donc aujourd’hui de sens que si l’entreprise vend ses produits sur le marché où elle se situe, ou à proximité. On peut le constater dans le marché de l’automobile. Positionnement dans le référentiel : 1-3 Les entreprises Activité possible : Le couple marché – produit. 4-1 La production et l’organisation du travail Activité possible : Les déterminants de la productivité 4-2 La création de richesse Activité possible : Les performances de l’entreprise 5-1 La notion de marché Activité possible : Les mécanismes de la concurrence Les objets connectés Intervenants et fonctions : Najoua Ben Jemaa, Directrice Digital Groupe Keolis Davide Encaoua, Professeur émérite à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne Olivier Passet, Directeur des synthèses économiques, Xerfi Patrice Slupowski, Directeur innovation numérique Orange Le contexte La multiplication des objets connectés va accélérer l’émergence de gisements de données personnelles pour de nombreux acteurs économiques. La rencontre des données issues des objets connectés qu’elles proviennent d’Orange, des grands groupes ou d’autres acteurs peut permettre de constituer des collections inédites de type Big Data, dont le volume, la précision, la richesse et la portée seront à la source d’une quantité considérable d’analyses poussées, d’opportunités et d’applications qui sauront « révéler » des informations de plus haut niveau. Les enjeux Les dix dernières années ont été marquées par un déplacement de la valeur, de l’infrastructure vers le logiciel et elles ont vu l’essor de géants américains qui règnent désormais sur des écosystèmes très puissants. Les dix prochaines verront, sans doute, une transition de la valeur vers les entreprises maîtrisant les gisements et plateformes de données. Aujourd’hui ces entreprises sont soit les géants américains du logiciel (principalement Google, Amazon ou Facebook) soit des acteurs chinois qui sont issus d’internet (Tencent, Baidu, Webcat) ou poussés par d’ambitieux programmes gouvernementaux d’investissement ( autour des agglomérations chinoises). L’enjeu pour l’Europe et pour la France est de réussir à faire émerger des écosystèmes autour de plateformes opérées par des acteurs européens de référence permettant une reconfiguration économique autour des données pour éviter d’abandonner le marché aux seuls acteurs américains ou chinois. Une illustration dans l’automobile Par exemple, dans le domaine de l’automobile, des équipements de collecte de toutes les données du véhicule (localisation, vitesse, distance mais aussi qualité de la conduite) vont apparaître de plus en plus fréquemment. Ces objets innovants de type « dongle », branchés sur le port diagnostic du véhicule et communiquant avec les clouds et le smartphone de l’utilisateur, vont inciter les assureurs et mainteneurs automobiles à revoir leurs modes de gestion, en intégrant des indicateurs sur la conduite dans le calcul des primes ou des coûts de leasing. Ces entreprises auront donc un intérêt direct à financer l’équipement de leurs clients pour leur apporter une offre totalement personnalisée mais aussi de nouveaux services (paiement automatique de parcmètre, notification de vol, …). La valeur ajoutée de la plateforme dans ce cas d’usage est de permettre le croisement avec des données de tous les environnements (smart home, smart city, …) et de constituer une base commune pour les développeurs de chaque application. Ainsi la voiture sera en mesure d’interagir tant avec le domicile de l’utilisateur, qu’avec le système de stationnement de la ville, l’assureur qui développera un suivi personnalisé du risque ou le garage pour son entretien et la détection des pannes. Source : Jéco Pour la Directrice Digital du groupe Keolis, « le digital est un sujet stratégique. La force du numérique au service de la mobilité urbaine réside dans sa fonction de facilitateur et d’intégrateur de la multimodalité. Facilitateur, car il rend possible la proposition d’un parcours client sans couture, couvrant à la fois la préparation du voyage, l’achat en ligne du titre de transport et sa validation, et qu’il permet de personnaliser l’information en temps réel pour chaque voyage et chaque voyageur. Intégrateur, car il couvre toute l’offre de transport, dont le covoiturage et l’autopartage. Nous attachons aussi beaucoup d’importance à l’exploitation des données numériques. Cette nouvelle source de connaissance et d’analyse est à la fois un levier supplémentaire pour gagner en efficacité et en qualité de service sur notre offre de transport et une formidable source d’information pour mieux comprendre les attentes des voyageurs, et, ainsi, leur proposer des services qui leur correspondent toujours plus." Toutes les applications du digital chez Keolis : http://www.keolis.com/fr/eomag/la-mobilite-a-lere-du-digital/lassistant-de-mobilite-de-keolis.html L’exemple d’Optimod’Lyon : Problème récurrent des grandes métropoles, la congestion du trafic urbain freine la mobilité et génère des impacts négatifs sur l’environnement, l’économie locale, comme sur la qualité de vie des citadins. Malgré des efforts importants menés sur le report modal de la voiture vers d’autres modes de transport depuis plus d’une décennie, les impacts restent encore insuffisants. Dans ce contexte où le développement de solutions durables devient urgent, des acteurs publics, privés et universitaires de l’agglomération, sous l’impulsion du Grand Lyon, ont décidé d’unir leurs expertises au sein du projet Optimod’Lyon. L’information, levier stratégique pour faire évoluer les comportements et optimiser la gestion des réseaux, est au cœur du projet. L’ambition d’Optimod’Lyon est de collecter, centraliser et traiter l’ensemble des données de la mobilité urbaine sur une plateforme unique et de créer des services innovants qui faciliteront les déplacements et la vie des usagers. S’appuyant sur les technologies ITS, ce projet va permettre de réduire la part d’utilisation de la voiture personnelle en offrant des alternatives crédibles et faciliter ainsi les déplacements urbains des particuliers comme des professionnels du fret. Ce programme à l’échelle d’une métropole constitue une première mondiale et une opportunité unique pour les entreprises partenaires de développer leurs expertises et innovations technologiques et de générer des retombées économiques fortes. De quoi également confirmer le positionnement du Grand Lyon dans le peloton de tête des grandes métropoles européennes actives en matière de mobilité urbaine. L’on assiste à une véritable révolution technologique radicale. L’internet des objets est la prochaine révolution technologique. Les objets connectés permettent la croissance et de l’emploi en passant par des phases de destruction créatrice. Actuellement, il y a environ 15 milliards d’objets connectés en circulation, on en attend près de 80 milliards en 2020, dans 6 ans. Rappel historique, les années : - 1960-1970 : automatisation - 1980-1990 : introduction d’internet - Contemporaines : internet devient une composante intégrale des objets. Quel en est l’impact sur l’échelle des valeurs ? Les informations véhiculées via un objet connecté peuvent-elles avoir plus de valeur que le bien lui-même ? On assiste à un changement des métiers et des usages. Un nouveau business model se crée autour des objets connectés. Il n’y a pas de vente d’un bien mais d’un bien avec l’ensemble des services liés à ce bien. L’objet connecté crée un lien social. «Qu’en est-il des « des déconnectés ?... ». Positionnement dans le référentiel : 4-3 La croissance et le développement Activité possible : l’innovation 4-2 La création de richesse Activités possibles : Les performances de l’entreprise L’évolution du partage de la valeur ajoutée 5-1 La notion de marché Activité possible : Les mécanismes de la concurrence Inégalités : l’analyse de Thomas Piketty en débat Intervenants et fonctions : François Bourguignon, chaire émérite à Paris School of Economics ; Michael Forster, Administrateur principal de la division des politiques sociales de l’OCDE ; Jean-Luc Gaffard, Professeur de Sciences économiques ; Xavier Timbeau, Directeur du Département Analyse et prévision de l’OCDE ; Etienne Wasner, Professeur de Sciences économiques à Sciences Po ; Jean-Marc Vittori, Modérateur, Les échos. Avant –propos L’ouvrage de Thomas Piketty, « Le capital au XXIème siècle », best-seller, a relancé les débats autour de la répartition des richesses et des revenus, et permet de replacer les politiques de redistribution dans un cadre à la fois historique et analytique. Piketty décrit ainsi dans une langue accessible les lois mécaniques et les causes conjoncturelles de la répartition inégale des richesses entre personnes, sur trois siècles et à l'échelle mondiale. Le succès de cet ouvrage tient aussi bien à sa rigueur qu’à l’ambition des solutions qu’il propose, notamment l’instauration d’un impôt mondial sur le capital. Source : Jéco Résumé Depuis trente ans, les inégalités explosent. Comme au XIXe siècle, mieux vaut hériter que travailler, selon Thomas Piketty. [En effet, 10 % des Français héritent de plus ou moins 1 million avec un rendement de 5%. Ces 10 % de la population reçoivent davantage, en héritage, que ce que 50 % des Français, payés au SMIC, gagneront tout au long de leur vie, à savoir environ 700 000 euros] Source T.Piketty. Pourtant, avec les deux guerres mondiales et la crise de 1929, une grande partie du patrimoine a été détruite. Qu’est-ce qui explique ces inégalités ? Après-guerre, la société est profondément changée, et l’industrialisation prône la consommation de masse. Les salaires augmentent et la constitution d’un nouveau patrimoine aussi. Mais ce serait le marché boursier, avec par exemple les stock-options, qui agrandirait les inégalités de revenu et de patrimoine. Aujourd’hui, 10% des Français détiennent entre 60% et 65% du patrimoine, et 50% ne possèdent aucun capital. La part du revenu national allant aux 10% les plus riches a bondi de 35% à plus de 50% ces trois dernières décennies, alors que durant cette période, la croissance n’a pas dépassé 1,5% en moyenne. Ainsi Thomas Piketty constate que sur le long terme le rendement du capital (r) a été durablement supérieur au taux de croissance économique (g), ce qui entraîne, toutes choses égal par ailleurs, des inégalités de patrimoine croissantes. Plus le rendement du capital est élevé, plus on a d’argent et plus on a d’argent, plus on peut investir dans le capital. Selon Piketty et appuyé par /ce que confirme Xavier Timbeau, les inégalités vont encore s’accentuer dans les années à venir. Dans certains pays, 20% ou plus de la croissance long terme a été saisi par le top 1%. L’instauration d’un impôt sur le capital à l’échelle mondiale est une solution efficace pour ralentir le processus, mais jugée par l’auteur lui-même comme une « utopie ». Le capital abordé dans son ouvrage, comprend également l’immobilier, ce qui soulève des questions. Pour Etienne Wasmer, il faut bien inclure l'immobilier, mais sous quelle forme ? Sous la forme d’un impôt sur le capital au prix courant du marché (prix immobilier ou au prix des dividendes (loyers), ou bien, sous la forme d’une taxe des plus-values immobilières? Empiriquement et théoriquement, les effets des inégalités sur la croissance sont bien présents, bien que controversés. La hausse des inégalités engendrerait une diminution de la croissance économique (1% de hausse des inégalités entraîne 0.1% de la baisse de croissance), par le biais de multiples facteurs, tels que la consommation et l’épargne. Il est donc important de réguler les inégalités pour l’intérêt collectif. Positionnement dans le référentiel : 4-2 La création de richesse par l’entreprise Activité possible : L’évolution du partage de la valeur ajoutée 4-3 La croissance et le développement Activité possible : La réduction des inégalités influence positivement la croissance. 6-3 Les revenus, leur répartition et la redistribution Activité possible : La redistribution Le renouveau de l’État Providence Intervenants et fonctions : Jean Pisani-Ferry, Commissaire général à la stratégie et à la prospective, France Stratégie Brigitte Dormon : Professeur de sciences économiques et membre du Conseil d’analyse économique Nicolas Duvoux, Maître de conférences en sociologie à l’Université Paris Descartes Eloi Laurent, Économiste senior au département Études de l’OFCE Modérateur : Philippe Frémeaux, Délégué Général de l’Idies L’Etat Providence est, en France, presque toujours considéré sous l’angle de sa crise, et même de ses crises : crise de financement, crise de légitimité, crise d’efficacité. Cette conférence propose de dépasser la fausse évidence de la « crise de l’État providence » pour poser la question de son renouveau et donc de son avenir : renouveau lié à la redéfinition des stratégies économiques de développement, aux évolutions démographiques, à l’accroissement des inégalités sociales et à l’aggravation des crises écologiques. Constat : le degré de protection sociale a fortement augmenté : - 15 % du PIB en 1959, 32 % en 2011. L’Etat Providence est attaqué dans les faits d’une manière : - Explicite – voir les documents de la Commission Européenne qui fait une corrélation entre l’État Providence et le taux de chômage - implicite, l’exemple de la santé dont les dépenses sont « boostées » par les complémentaires santé - La modalité sociale xénophobe (l’Etat Providence serait réservé aux bons nationaux, résidents) alors que l’OCDE a prouvé que l’immigration n’a pas d’impact sur le système de santé ; elle est même un contributeur net au système de protection sociale. Pourquoi la santé est-elle un bien commun ? Car l’aide médicale d’état prend en charge par ex. des immigrés dans le cadre de la lutte contre le VIH. Il existe deux formes de sécurité sociale publique, une dite universelle (tout le monde peut en bénéficier) et l’autre dite « d’assistance » (seule une catégorie ciblée de la population peut y avoir accès). Les études de l’OCDE ont montré à l’échelle mondiale que la forme la plus efficace est la sécurité sociale publique universelle. En effet, il existe un paradoxe à la redistribution : plus un système social cible la pauvreté, plus il y a de pauvreté. De plus, en période de crise la légitimité en est très fortement remise en question et on assiste alors à un développement du financement privé de la solidarité. Mais l’universalité a des limites, par exemple la généralisation des remboursements médicaux incite les médecins aux dépassements d’honoraires… L’aspect environnemental doit être également pris en compte pour réduire les inégalités. Les 2/3 des personnes ciblées pour la prestation RSA ou la couverture santé ne la demandent pas, car ces aides s’accompagnent d’une mauvaise image. Depuis 1960, le taux de pauvreté a été divisé par 2 grâce à une augmentation de la part de la richesse nationale consacrée à la protection sociale et à la constitution des retraites par répartition. Qu’en est-il de l’Etat Providence pour les jeunes ? Faut-il réfléchir à un système de redistribution (qui existe pour les familles qui paient l’impôt) ou bien à la création d’emplois créatrice de richesse ? Il n’y a aucun consensus politique sur la pauvreté. Quelques pistes pour réduire l’Etat Providence : - par rapport à notre système de retraite par répartition, il faudrait des ajustements systématiques, comme par exemple, indexer les droits à la retraite sur la croissance. - par rapport au système de santé, pour ce qui est des dépenses médicamenteuses – celles des dépenses liées aux infrastructures en relation avec les progrès de la technologie médicale pouvant difficilement être contenues - la piste des génériques, celle du conditionnement à l’unité, sont avancées. Conclusion : il s’agit d’un vrai débat – la conférence a permis de mettre en exergue des points de vue divergents – Le politique peine à prendre des décisions sur le long terme, c’est pour cela que l’on fait de nombreuses réformes, comme celle des retraites (horizon à 20 ans et non à 40). Les problèmes sont traités lorsqu’ils apparaissent et non par anticipation. 6-3 Les revenus, leur répartition et la redistribution Activité possible : La redistribution