E
:
le
club
des
pays
riches
prêt
à
s’o
e
Comme I‘Otan
ou
l‘Union européenne,
l‘OCDE
entend s‘élargir. Pour conserver sa légitimité internationale, le plus grand
G
think tank
H
du monde doit notamment accueillir de grands pays émergents. Réunie en cette fin de semaine
à
Paris, la conférence ministérielle de l’organisation
de coopération et de développement économiques va définir une véritable stratégie d’ouverture qui bouscule son identité.
DANIEL
BASTIEN
iscrètement
-
c’est souvent la règle
D
en pareille circonstance
-,
l’Orga-
nisation de coopération et de développe-
ment économiques (OCDE) va
s’offrir
un
<<
lifting
».
Les
participants
à
la confé-
rence ministérielle annuelle, qui se tient
aujourd’hui et demain
à
Pans, vont don-
ner le feu vert
à
son <<repositiorme-
ment
>>
sur la s&ne internationale.
Afin
de
se
<<muscler
»,
l’institution n’a pas
peur de s’élargir, comme l’ont déjà fait
I’Otan et tout récemment l’union euro-
péenne.
Au
milieu d’un ordre du jour officiel
nourri, allant de la conjoncture écono-
mique
à
la santé en passant par les
échanges internationaux (lire page
7),
les
ministres des 30 pays membres doivent
avaliser le
<<
rapport Noburu
»,
du nom
de l’ambassadeur japonais chargé, en
janvier 2003, de définir les voies de l’élar-
gisse.ment d’une institution encore com-
munément qualifiée de
<<
club des pays
riches
».
Pour la première fois, celle-ci va
mettre sur pied un processus volontariste
et
cohérent qui pourrait,
affirme
Seii-
chiro Noburu, faire passer le nombre des
membres
à
<<
40
ou
45
d’ici
à
une dizaine
d‘années
».
A
cette fin, les conclusions de
son rapport fournissent une
<<
méthode
permenant d’identifier et de cibler des
pays qui pourraient être invith soit
à
rejoindre l’organisation en tant que
membres, soit
à
coopérer avec elle sans
perspective d’adhésion
à
court ou moyen
terme
»,
indique-t-on avec un rien de
satisfaction au siège, château de, La
Muette.
ie
N
consensus
M
écorné
Cette réforme ne se résume pas
à
une
simple augmentation du nombre des
membres. Elle a porté l’organisation
à
réfléchir sur son identité même,
puisqu’elle s’accompagne de deux préa-
lables
:
l’abandon
-
certes partiel
!
-
du
sacro-saint
<<
consensus
»,
les questions
concernant le programme de travail, la
répartition du budget
ou
l’activité de ses
comitésdevant désormais êtrevotées ala
majorité de 60
%,
sauf opposition de
3 membres représentant au moins 25
%
des contributions budgétaires
;
et une
réforme du financement -encore
à
I
adopter
-
pour une meilleure répartition
des contributions
et
une plus grande
discipline budgétaire.
Au
bout du compte, même le fonction-
nement devrait être touché. Un autre
rapport rédigé en 2003, par l’ambassa-
deur de Finlande auprès de l’OCDE,
a
déjà souligné l’urgence de faire preuve
de davantage de réactivité face
à
la
concurrence.
<<
Les études du Forum de
Davos
ou
d‘autres organismes privés ne
sontpas meilleures que les nôtres, mais
ik;.
vont plus vite que nous et ont
un
meilleur
marketing.
Il
faut ofiir aux gouverne-
me& de nos membres et de nos parte-
naires des outils simples et plus réactifi
»,
affirme Jorma Julin.
Issue en 1961 de l’Organisation euro-
péenne de coopération économique
(OECE) chargée de mettre en œuvre le
plan Marshall après la Seconde Guerre
mondiale, l’OCDE est devenue, au fil
des décennies et de la croissance du
nombre de ses membres, un «monu-
ment
>>
de la scène économique interna-
tionale, car le plus grand
<<
think
tank
>>
du monde. Son objectifpremier est assez
simple
:
permettre aux gouvernements
de répondre ensemble aux défis écono-
miques, sociaux et environnementaux
nés de la mondialisation, en leur fournis-
sant des statistiques, des analyses et
des prévisions dans les domaines indis-
pensables
à
la définition de leurs poli-
tiques et
à
leur coopération. Au total,
une véritable assistance
à
la gestion éco-
nomique.
Forte de 2.300 employés et fonction-
naires internationaux
à
son siège,
à
Paris,
l’OCDE est une institution atypique.
<<
A
la différence de la Banque mondiale ou
du Fonds monétaire international, notre
organisation est totalement aux mains de
ses
membres, et sonsecrétariat général n’a
qu’un rôle d’animateur et de catalyseur.
Nous
sommes de ce fait beaucoup moins
institutionnels
”,
explique-t-on au châ-
teau de
La
Muette.
Sous
des abords
austères
et
très policés, l’OCDE est de
fait
ui1
curieux laboratoire. En son sein,
30 membres, 19 pays observateurs coo-
pérant
à
plus de 200 comités transnatio-
naux spécialisés, et
70
pays émergents
ou
en développement associés
à
des
groupes de travail et
à
des groupes d’ex-
perts échangent leur expertise
et
leurs
expériences nationales. Entre
<<
pairs
»,
les pays membres ont en particulier un
droit de regard total sur les économies
des
uns
et des autres
:
un
<<
benchmar-
king
B
(comparaison) sans égal ailleurs.
De cette alchimie naît un consensus
à
l’origine de règles et de disciplines collec-
tives souvent mondialement admises,
comme
c’est le cas dans les domaines du
commerce international, de la gouver-
nance, de la fiscalité
ou
de l’environne-
ment.
((
Il n’est pas surprenant que cette
sorte de démocratie
du
consensus attire
nombre de pays non membres soucieux
depesersur les règles qui serontproduites
ultimement,
relève un haut fonctionnaire
de l‘organisation.
Ici, il n’y a pas de
négociations, comme par exemple
à
I’OMC
[Organisation mondiale du com-
merce].
Donc pas de
“cout
de transac-
tion”, pas de gagnants ni de perdants, car
les modes de pensée ont progressivement
convergé tous ensemble.
))
Mis
à
part
l’attachement
à
l’économie de marché,
<<
il n’y a donc
à
l‘OCDE
ni doctrine ni
pensée unique
»,
ironise-t-il en pensant
visiblement
à
d’autres grandes organisa-
tions internationales.
16
pays
sur
les
rangs
Les
candidats
à
l’entrée dans
l’OCDE
ne
manquent pas et ont constitué une force
de pression
en
faveur de son ouvemire.
C‘est le tout récent élargissement de
l’Union européenne qui a précipité les
choses. Que faire en effet des nouveaux
membres de l’Union (Chypre, Estonie,
Lettonie, Lituanie, Malte, Slovénie) qui,
contrairement
à
la Hongrie, la Pologne,
la République tchèque et la Slovaquie,
n’appartiennent pas encore
à
l’organisa-
tion
?
Les
accueillir automatiquement
afm qu’ils rejoignent leurs partenaires
européens au nom d’une forme de pa-
rité
?
Ou
les laisser temporairement au-
dehors,
en
leur opposant des critères
objectifs
?
Des demandes ont déjà été
exprimées plus
ou
moins Officiellement
par
16
capitales, indique-t-on au château
de La Muette. Si le Chili et Israël sont
à
ce jour les seuls
à
avoir fait une démarche
auprès du
secrétariat
de l’organisation,
Vladimir Poutine a ofíïciellement
ex-
primé son
intérêt,
les
pays Baltes
et
la
Roumanie l’ont fait verbalement, et
l‘Afrique du Sud
<(
indirectement
».
Pour
quels bénéfices
?
<<
L’OCDE est une
ins-
titution intergouvernementale perma-
nente, attachée
à
l’économie de marché,
à
la
démocratie et aux droits de l‘homme, et
une vraie foire d‘experts travaillant dans
tous les domaines. C‘est donc
un
instru-
ment précieux qui peut
nous
aider
à
nous
développer.
Nous
sommes une économie
très ouverte sur le monde,
il
est donc
importantpour nous de pouvoirpesersur
l‘établissement par I‘OCDE des stan-
dards et règles internationaux
)>,
explique
Marcelo Garcia, représentant du Chili
auprès de l’OCDE.
<<
Etremembre àpart
entière de l‘organisation, c’est bénéficier
d’une exceptionnelle capacité de compa-
raison de nos politiques publiques, avoir
accès
à
une expertise et accéder
à
une
forme de “normalisation” sur le plan
international c‘est égaiement une cau-
11
Les
Echos
U
e
i
tion
sur le plan financier
»,
ajoute Dan
Catarivas, directeur général adjoint du
ministère israélien des Finances.
<<
Etre
membre du club, c’est l’équivalent d’une
bonnenote de lapart d’unegrande agence
internationale de rating
N,
comme Stan-
dard
&
Poor’s ou Moody’s, reconnaît
Seiichiro Noburu.
Surtout, la pression en faveur d’une
ouverture régulée se faisait de plus en
plus précise au sein de l’OCDE elle-
même. Depuis longtemps, on
y
sent bien
que, pour rester utile tant
au
développe-
ment économique et social de ses
membres qu’à celui de l’économie mon-
diale, comme, plus largement, pour maî-
triser la globalisation, l’organisation de-
vra accueillir un jour ou l’autre la Russie,
la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie ou
l'Afrique
du Sud.
<<
Avant, nous repré-
sentions
85
%
de l‘économie mondiale.
Ce n’est plus vrai aujourd’hui
Il
faut
intégrer d’autres
pays
du monde émergent
pour maintenir notre légitimité
>>,
estime
Francesco Olivieri, ambassadeur d’Italie
auprès de l’OCDE et président du co-
mité de coopération avec les non-
membres. I1 en va en effet de l’efficacité
des normes que produit l’organisation.
c(
Le futur de l’OCDE était en cause
>>,
résume Seiichiro Noburu.
Démarche progressive et raisonnée
S’imposait donc pour son extension la
définition d’une stratégie. Prêt
à
l’ouver-
ture,
ce
«club de démocraties indus-
trielles matures
>>,
selon le mot d‘un de ses
hauts responsables, ne tient pas
à
être
bousculé. Dans les années
1990,
le pre-
mier élargissement
à
des pays émergents
(Mexique, Corée du Sud et
4
pays de
l’Est dans la foulée de la chute du mur de
Berlin) s’était fait de manière très
<<
poli-
tique
»,
sous
la pression de Washington
en faveur de Mexico, de
Tokyo
pour
Séoul
et de l’Union européenne pour le
groupe de Visegrad.
Le
Mexique et la
Corée avaient d‘ailleurs assez malencon-
treusement sombré dans de sévères
crises économiques et financières peu
après leur entrée.
Le passage progressif de
30
à
environ
45
membres
-
pas plus
!
-se fera donc de
manière très raisonnée. D’abord parce
que l’organisation de coopération et de
développement économiques
<<
n’estpas
une
organisation internationale
à
voca-
tion universelle, comme
l’ONU
ou
la
Cnuced.
Et
que, sur le fond,
ses
membres
doivent être semblables pour qu’elle reste
efficace
»,
explique Seiichiro Noburu.
<<Rendez-vous compte de la taille de
la
,
salle
et du temps de parole déjà
néces-
saires
à
30
pays membres
!
»,
relève
u11
haut fonctionnaire. Se pose également
la
question du financement. Les Etats-
Unis, son plus gros actionnaire, qui lui
apporte
24
%
de ses
200
nullions de
dollars de budget annuel, veillent parti-
culièrement au grain. Et chacun sait que
les petits pays,
à
qui I’OCDEsert souvent
d‘«
extension
N
à
moindres
frais
de leur
ministère de l’Economie ou des Finances
en matière de statistiques et de conseil,
ne sont pas très «rentables» pour le
budget de l’institution
...
Le Chili en pole position
Afin de répondre
à
ce souci d’efficacité,
les règles proposées par le rapport
No-
buru et élaborées après
27
réunions au
niveau des ambassadeurs sont relative-
ment simples. Comme dans les clubs
anglais, c’est 1’« invitation
>>
à
rejoindre
l’organisation
-
et non la candidature du
nouveau venu
-
qui reste
la
règle. Mais
a
nous
ne devions pas
nous
contenter de
répondre
à
des demandes préalables.
II
nous
fallait une politique ‘>proactive” dé-
finissant le profil des futurs membres
»,
explique l’ambassadeur japonais.
Quatre critères prévaudront
:
la commu-
nauté de valeurs
(<<
like minded
>>),
comme l’attachement
à
l’économie de
marché ou
à
la démocratie
;
la capacité
de renforcer l’influence mondiale de l’or-
ganisation
;
celie d’améliorer l’efficacité
des travaux de l’OCDE et sa gouver-
nance
;
enfin, l’apport
à
la diversité, non
seulement géographique mais globale,
de l‘organisation. Une manière de se
<<
revivifier génétiquement
»,
estime
Francesco Olivieri. Et aussi d’«
évaluer
x
plus objectivement les pays prêts
à
adhé-
rer. Même si cette formule risque de
laisser la place
à
une certaine marge
d’interprétation.
<<
Acteur important qui
pourrait apporter énormément
à
l’organi-
sation, la Chine est actuellement assez peu
“like minded” en termes de marché et de
démocratie
!
>>,
ironise ainsi un diplo-
mate. Quoi qu’il en soit, cette formule
servira
à
établir une liste de candidats
idéaux, qui, s’ils le désirent, auront alors
à
traverser une phase de préaccession de
un
à
deux ans, largement matérialisée
par leur travail dans les comités spéciali-
Sés.
Adoptée cette semaine, cette stratégie
permettra de prendre des décisions
à
l’automne, indique-t-oii
à
l’OCDE. Et
le
Chili sera selon toute vraisemblance le
premier
<<
nominé
N
d’une vague
qui
s’étalera jusqu’à
2009,
d’après des
sources concordantes. La Slovénie pour-
rait lui emboîter le pas, cependant l’orga-
nisation n’envisage aucune automaticité
à
l’entrée en son sein des nouveaux
membres de l’Union européeniie.
Washington
-
mais
il
n’est pas le seul
-
voit en particulier d’un mauvais œil l’ar-
rivée en force de pays européens dans
une OCDE déjà très européocentrée
:
sur
30
membres,
23
sont actuellement
des pays du Vieux Continent. La Russie
pourrait également faire partie de cette
première vague. En revanche, c’est seu-
lement après
2010
que le Brésil, l’Inde,
l’Afrique du Sud ou l’Argentine embar-
queraient sur le navire. La Chine n’y
accéderait qu’en toute fin de processus.
Très preneurs de coopération avec l’or-
ganisation, certains pays ne veulent en
effet pas aller trop vite en termes d’adhé-
sion.
<<
C’est très contraignant
»,
recon-
naît-on au château de La Muette. Le
droit de regard de chaque pays membre
sur les affaires du voisin constitue le
principe premier..
.
et certainement le
plus dérangeant de la vie de l’OCDE.
12
Une
vocation
mondiale
-
1
a
Pays
membres
de
l'OCDE
I
¡dé/
Source
OCDE
Photo
SIPA
l'OCDE
compte
30
pays membres,
19
pays observateurs et
70
pays
associés
à
des
groupes de travail.
6
Les
vaaues
d'adhésion
a
l'OCDE
1961
:
Allemagne, Autriche, Belgique,
Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis,
France, Grèce, Irlande, Islande, Italie,
Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal,
Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie.
1964
:
Japon.
1969
:
Finlande.
1971
:
Australie.
1973
:
Nouvelle-Zélande.
1994
:
Mexique.
1995
:
République tchèque.
1996
:
Corée du Sud, Hongrie, Pologne.
2000
:
Slovaquie.
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