E :le club des pays riches prêt à s’o e Comme I‘Otan ou l‘Union européenne, l‘OCDE entend s‘élargir. Pour conserver sa légitimité internationale, le plus grand G think tank H du monde doit notamment accueillir de grands pays émergents. Réunie en cette fin de semaine à Paris, la conférence ministérielle de l’organisation de coopération et de développement économiques va définir une véritable stratégie d’ouverture qui bouscule son identité. deur de Finlande auprès de l’OCDE, a déjà souligné l’urgence de faire preuve DANIEL BASTIEN de davantage de réactivité face à la concurrence. << Les études du Forum de iscrètement - c’est souvent la règle Davos ou d‘autres organismes privés ne en pareille circonstance -, l’Orga- sontpas meilleures que les nôtres, mais ik;. nisation de coopération et de développe- vont plus vite que nous et ont un meilleur ment économiques (OCDE) va s’offrir marketing. Il faut o f i i r aux gouverneun << lifting ».Les participants à la confé- me& de nos membres et de nos parterence ministérielle annuelle, qui se tient naires des outils simples et plus réactifi », aujourd’hui et demain à Pans, vont don- affirme Jorma Julin. ner le feu vert à son <<repositiormeIssue en 1961 de l’Organisation euroment >> sur la s&ne internationale. Afin péenne de coopération économique de se <<muscler», l’institution n’a pas (OECE) chargée de mettre en œuvre le peur de s’élargir, comme l’ont déjà fait plan Marshall après la Seconde Guerre I’Otan et tout récemment l’union euro- mondiale, l’OCDE est devenue, au fil péenne. ’ des décennies et de la croissance du Au milieu d’un ordre du jour officiel nombre de ses membres, un «monunourri, allant de la conjoncture écono- ment >> de la scène économique internamique à la santé en passant par les tionale, car le plus grand << think tank >> échanges internationaux (lire page 7), les du monde. Son objectifpremier est assez ministres des 30 pays membres doivent simple : permettre aux gouvernements avaliser le << rapport Noburu », du nom de répondre ensemble aux défis éconode l’ambassadeur japonais chargé, en miques, sociaux et environnementaux janvier 2003, de définir les voies de l’élar- nés de la mondialisation, en leur fournisgisse.mentd’une institution encore com- sant des statistiques, des analyses et munément qualifiée de << club des pays des prévisions dans les domaines indisriches ».Pour la première fois, celle-ci va pensables à la définition de leurs polimettre sur pied un processusvolontariste tiques et à leur coopération. Au total, et cohérent qui pourrait, affirme Seii- une véritable assistance à la gestion écochiro Noburu, faire passer le nombre des nomique. membres à << 40 ou 45 d’ici à une dizaine Forte de 2.300 employés et fonctiond‘années ».A cette fin, les conclusions de naires internationaux à son siège, à Paris, son rapport fournissent une << méthode l’OCDE est une institution atypique. << A permenant d’identifier et de cibler des la différence de la Banque mondiale ou pays qui pourraient être invith soit à du Fonds monétaire international, notre rejoindre l’organisation en tant que organisation est totalement aux mains de membres, soit à coopérer avec elle sans ses membres, et sonsecrétariat général n’a perspective d’adhésion à court ou moyen qu’un rôle d’animateur et de catalyseur. terme », indique-t-on avec un rien de Nous sommes de ce fait beaucoup moins satisfaction au siège, château de, La institutionnels ”, explique-t-on au châMuette. teau de La Muette. Sous des abords austères et très policés, l’OCDE est de ie N consensus M écorné fait ui1 curieux laboratoire. En son sein, Cette réforme ne se résume pas à une 30 membres, 19 pays observateurs coosimple augmentation du nombre des membres. Elle a porté l’organisation à pérant à plus de 200 comités transnatioréfléchir sur son identité même, naux spécialisés,et 70 pays émergents ou en développement associés à des puisqu’elle s’accompagne de deux préagroupes de travail et à des groupes d’exlables : l’abandon - certes partiel ! - du sacro-saint << consensus », les questions perts échangent leur expertise et leurs expériences nationales. Entre << pairs », concernant le programme de travail, la répartition du budget ou l’activité de ses les pays membres ont en particulier un droit de regard total sur les économies comitésdevant désormais êtrevotées ala majorité de 60 %, sauf opposition de des uns et des autres : un << benchmar3 membres représentant au moins 25 % king B (comparaison) sans égal ailleurs. des contributions budgétaires ; et une De cette alchimie naît un consensus à réforme du financement -encore à I l’origine de règles et de disciplinescollectives souvent mondialement admises, adopter - pour une meilleure répartition des contributions et une plus grande comme c’est le cas dans les domaines du commerce international, de la gouverdiscipline budgétaire. Au bout du compte, même le fonction- nance, de la fiscalité ou de l’environnenement devrait être touché. Un autre ment. (( Il n’est pas surprenant que cette rapport rédigé en 2003, par l’ambassa- sorte de démocratie du consensus attire D nombre de pays non membres soucieux depesersur les règles qui serontproduites ultimement, relève un haut fonctionnaire de l‘organisation. Ici, il n’y a pas de négociations, comme par exemple à I’OMC [Organisation mondiale du commerce]. Donc pas de “cout de transaction”,pas de gagnants ni de perdants, car les modes de pensée ont progressivement convergé tous ensemble. Mis à part l’attachement à l’économie de marché, << il n’y a donc à l‘OCDE ni doctrine ni pensée unique », ironise-t-il en pensant visiblement à d’autres grandes organisations internationales. )) 16 pays sur les rangs Les candidats à l’entrée dans l’OCDE ne manquent pas et ont constitué une force de pression en faveur de son ouvemire. C‘est le tout récent élargissement de l’Union européenne qui a précipité les choses. Que faire en effet des nouveaux membres de l’Union (Chypre, Estonie, Lettonie, Lituanie, Malte, Slovénie) qui, contrairement à la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, n’appartiennent pas encore à l’organisation ? Les accueillir automatiquement afm qu’ils rejoignent leurs partenaires européens au nom d’une forme de parité ? Ou les laisser temporairement audehors, en leur opposant des critères objectifs ? Des demandes ont déjà été exprimées plus ou moins Officiellement par 16 capitales, indique-t-on au château de La Muette. Si le Chili et Israël sont à ce jour les seuls à avoir fait une démarche auprès du secrétariat de l’organisation, Vladimir Poutine a ofíïciellement exprimé son intérêt, les pays Baltes et la Roumanie l’ont fait verbalement, et l‘Afrique du Sud <( indirectement ».Pour quels bénéfices ? << L’OCDE est une institution intergouvernementale permanente, attachée à l’économie de marché, à la démocratie et aux droits de l‘homme, et une vraie foire d‘experts travaillant dans tous les domaines. C‘est donc un instrument précieux qui peut nous aider à nous développer. Nous sommes une économie très ouverte sur le monde, il est donc importantpour nous de pouvoirpesersur l‘établissement par I‘OCDE des standards et règles internationaux )>, explique Marcelo Garcia, représentant du Chili auprès de l’OCDE. << Etremembre àpart entière de l‘organisation, c’est bénéficier d’une exceptionnelle capacité de comparaison de nos politiques publiques, avoir accès à une expertise et accéder à une forme de “normalisation” sur le plan international c‘est égaiement une cau- 11 Les Echos U e i tion sur le plan financier », ajoute Dan Catarivas, directeur général adjoint du ministère israélien des Finances. << Etre membre du club, c’est l’équivalent d’une bonnenote de lapart d’unegrande agence internationale de rating N, comme Standard & Poor’s ou Moody’s, reconnaît Seiichiro Noburu. Surtout, la pression en faveur d’une ouverture régulée se faisait de plus en plus précise au sein de l’OCDE ellemême. Depuis longtemps,on y sent bien que, pour rester utile tant au développement économique et social de ses salle et d u temps de parole déjà nécessaires à 30 pays membres !», relève u11 haut fonctionnaire. Se pose également la question du financement. Les EtatsUnis, son plus gros actionnaire, qui lui apporte 24 % de ses 200 nullions de dollars de budget annuel, veillent particulièrement au grain. Et chacun sait que les petits pays, à qui I’OCDEsertsouvent d‘« extension N à moindres frais de leur ministère de l’Economieou des Finances en matière de statistiques et de conseil, ne sont pas très «rentables» pour le budget de l’institution... membres qu’à celui de l’économie mondiale, comme, plus largement, pour maîtriser la globalisation, l’organisation devra accueillirun jour ou l’autre la Russie, la Chine, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie ou l'Afrique du Sud. << Avant, nous représentions 85 % de l‘économie mondiale. Ce n’est plus vrai aujourd’hui Il faut intégrer d’autres pays du monde émergent pour maintenir notre légitimité >>, estime Francesco Olivieri,ambassadeur d’Italie auprès de l’OCDE et président du comité de coopération avec les nonmembres. I1 en va en effet de l’efficacité des normes que produit l’organisation. c( L e futur de l’OCDE était en cause >>, résume Seiichiro Noburu. Le Chili en pole position Afin de répondre à ce souci d’efficacité, les règles proposées par le rapport Noburu et élaborées après 27 réunions au niveau des ambassadeurs sont relativement simples. Comme dans les clubs anglais, c’est 1’«invitation >> à rejoindre l’organisation - et non la candidature du nouveau venu - qui reste la règle. Mais a nous ne devions pas nous contenter de répondre à des demandes préalables. II nous fallait une politique ‘>proactive” définissant le profil des futurs membres », explique l’ambassadeur japonais. Quatre critèresprévaudront :la communauté de valeurs (<< like minded >>), comme l’attachement à l’économie de marché ou à la démocratie ; la capacité de renforcer l’influencemondiale de l’organisation ; celie d’améliorer l’efficacité des travaux de l’OCDE et sa gouvernance ;enfin, l’apport à la diversité,non seulement géographique mais globale, de l‘organisation. Une manière de se << revivifier génétiquement », estime Francesco Olivieri. Et aussi d’« évaluer x plus objectivementles pays prêts à adhérer. Même si cette formule risque de laisser la place à une certaine marge d’interprétation. << Acteur important qui pourrait apporter énormément à l’organisation, la Chine est actuellement assez peu “like minded” en termes de marché et de démocratie !>>, ironise ainsi un diplomate. Quoi qu’il en soit, cette formule servira à établir une liste de candidats idéaux, qui, s’ils le désirent, auront alors à traverser une phase de préaccession de un à deux ans, largement matérialisée par leur travail dans les comités spéciali- Démarche progressive et raisonnée S’imposait donc pour son extension la définition d’une stratégie.Prêt à l’ouverture, ce «club de démocraties industrielles matures >>, selon le mot d‘un de ses hauts responsables, ne tient pas à être bousculé. Dans les années 1990, le premier élargissement à des pays émergents (Mexique, Corée du Sud et 4 pays de l’Est dans la foulée de la chute du mur de Berlin) s’était fait de manière très << politique »,sous la pression de Washington en faveur de Mexico, de Tokyo pour Séoul et de l’Union européenne pour le groupe de Visegrad. Le Mexique et la Corée avaient d‘ailleurs assez malencontreusement sombré dans de sévères crises économiques et financières peu après leur entrée. Le passage progressif de 30 à environ 45 membres - pas plus ! -se fera donc de manière très raisonnée. D’abord parce que l’organisation de coopération et de développement économiques << n’estpas une organisation internationale à vocation universelle, comme l’ONU ou la Cnuced. Et que, sur le fond, ses membres doivent être semblables pour qu’elle reste efficace », explique Seiichiro Noburu. <<Rendez-vouscompte de la taille de la , Adoptée cette semaine, cette stratégie permettra de prendre des décisions à l’automne,indique-t-oiià l’OCDE. Et le Chili sera selon toute vraisemblance le premier << nominé N d’une vague qui s’étalera jusqu’à 2009, d’après des sources concordantes. La Slovénie pourrait lui emboîter le pas, cependant l’organisation n’envisage aucune automaticité à l’entrée en son sein des nouveaux membres de l’Union européeniie. Washington - mais il n’est pas le seul voit en particulier d’un mauvais œil l’arrivée en force de pays européens dans une OCDE déjà très européocentrée : sur 30 membres, 23 sont actuellement des pays du Vieux Continent. La Russie pourrait également faire partie de cette première vague. En revanche, c’est seulement après 2010 que le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud ou l’Argentine embarqueraient sur le navire. La Chine n’y accéderait qu’en toute fin de processus. Très preneurs de coopération avec l’organisation, certains pays ne veulent en effet pas aller trop vite en termes d’adhésion. << C’est très contraignant », reconnaît-on au château de La Muette. Le droit de regard de chaque pays membre sur les affaires du voisin constitue le principe premier.. . et certainement le plus dérangeant de la vie de l’OCDE. Sés. 12 U n e vocation mondiale - 1 aPays membres de l'OCDE I ¡dé/ Source OCDE Photo SIPA l'OCDE compte 30 pays membres, 19 pays observateurs e t 70 pays associés à des groupes de travail. Les vaaues d'adhésion a l'OCDE 6 1961 : Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie. 1964 : Japon. 1969 : Finlande. 1971 :Australie. 1973 : Nouvelle-Zélande. 1994 : Mexique. 1995 : République tchèque. 1996 : Corée du Sud, Hongrie, Pologne. 2000 : Slovaquie. 13