Texte de la 213ème conférence de l`Université de tous les

Texte de la 213ème conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 31 juillet 2000.
Une exploration au cœur du monde quantique
par Serge Haroche
Cent ans de physique quantique
L’an 2000 marque le centenaire de la physique quantique. C’est en 1900 que Planck,
pour comprendre les propriétés du rayonnement des corps chauffés, émit la fameuse
hypothèse que les échanges d’énergie entre la matière et la lumière devaient se faire par
quanta discrets, et non de façon continue. Einstein reprit cette notion de quanta cinq ans plus
tard en montrant que la lumière elle-même était constituée de grains discrets, appelés par la
suite photons, et en interprétant à l’aide de cette idée révolutionnaire l’effet photoélectrique,
l’émission d’électrons par les métaux éclairés. Dans les vingt ans suivants, la théorie
quantique, cherchant à comprendre le comportement de la nature à l’échelle atomique, se
développa à partir d’hypothèses hardies et d’intuitions géniales, notamment grâce aux travaux
de Niels Bohr. En 1925 et 1926, Heisenberg, Schrödinger et Dirac arrivèrent
indépendamment à la formulation complète de la théorie, qui constitue sans nul doute une des
plus grandes conceptions de l’esprit humain.
La théorie quantique sert en effet de cadre essentiel à notre compréhension de la
Nature, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. La physique des particules dites
élémentaires, celle des atomes et des molécules, toute la chimie sont basées sur les lois
quantiques. Les ensembles d’atomes que constituent les solides obéissent également à ces
lois, qui seules peuvent expliquer, par exemple, la conductivité électrique, le magnétisme ou
la supraconductivité de certains métaux aux basses températures. Même la vie, dans la mesure
où elle dépend de processus physico-chimiques au niveau de la molécule d’ADN, ne pourrait
être comprise en dehors des lois quantiques. Enfin, la cosmologie, la science qui s’attache à
l’étude de l’évolution de l’univers, donne une grande importance aux phénomènes quantiques
qui se sont produits au moment du big-bang initial.
Et pourtant, malgré ses succès éclatants, la physique quantique est souvent perçue
comme étrange. Elle introduit en effet dans la description du monde des notions bizarres qui
défient notre intuition classique. Il s’agit du principe de superposition des états qui implique
qu’un système physique peut être comme suspendu entre différentes réalités, ou encore du
concept d’intrication quantique qui introduit une notion troublante de non-localité en
physique. Le caractère étrange de ces concepts provient en grande part de ce que nous n’en
observons jamais les effets sur les objets macroscopiques qui nous entourent et que donc notre
esprit n’est pas préparé à les comprendre. Cette étrangeté troublait les fondateurs de la théorie,
et son interprétation a fait l’objet entre eux de discussions très animées. Ces débats se sont en
particulier déroulés au cours des fameux Congrès Solvay, à l’époque de l’élaboration de la
théorie. Les participants à ces congrès prirent l’habitude d’imaginer des expériences virtuelles
dans lesquelles ils isolaient et manipulaient en pensée des particules obéissant aux lois
quantiques pour essayer de mettre en évidence des contradictions internes de la théorie. Tous
ces débats se conclurent par la victoire de la théorie quantique, à laquelle ni Einstein ni
Schrödinger qui jouaient volontiers le rôle d’avocats du diable ne purent trouver de faille.
L’intérêt de la majorité des physiciens se détourna alors de ces discussions sur des
expériences infaisables, et se consacra à l’exploitation de la théorie pour comprendre la
nature, avec le succès évoqué plus haut.
Depuis quelques années cependant, les progrès de la technologie ont permis de réaliser
des versions simples des expériences de pensée des fondateurs de la théorie. On peut
maintenant piéger des photons, des atomes ou des molécules un à un, les manipuler pour ainsi
dire in vivo à l’aide de faisceaux lasers et ainsi construire des objets étranges, relativement
complexes, obéissant à la logique quantique. On peut alors aborder à nouveau, mais de façon
concrète, l’étude des fondements de la théorie. On peut également commencer à envisager des
applications fascinantes. C’est à ces expériences de pensée devenues réelles qu’est consacré
cet exposé, brève exploration au cœur du monde quantique.
Superpositions, interférences quantiques et complémentarité
Commençons par une introduction au principe de superposition. La théorie quantique
nous dit que, d’une certaine manière, toute particule microscopique possède un don
d’ubiquité. Alors que classiquement elle doit à tout instant être en un point bien précis,
quantiquement, elle peut se trouver comme « suspendue » dans une superposition des états
correspondant à toutes les positions classiques possibles. À chacune de ces positions est
associé un nombre appelé fonction d’onde de la particule au point considéré. Cette fonction a
été introduite par de Broglie et c’est Schrödinger qui a établi l’équation qui décrit son
évolution, jetant ainsi les bases des lois de la dynamique quantique. La fonction d’onde est en
général un nombre complexe. Alors qu’un nombre réel peut être symbolisé par un segment
sur une droite, un complexe est représenté par un vecteur dans un plan et possède donc une
amplitude (la longueur du vecteur) et une phase (sa direction). C’est le physicien Max Born
qui donna l’interprétation physique de la fonction d’onde. Le carré de son amplitude
représente la probabilité de trouver la particule au point correspondant lorsqu’une mesure est
effectuée. Ainsi, d’après la théorie, l’ambiguïté quantique, la superposition, ne subsiste que
tant que l’on ne cherche pas à savoir où est la particule. Si on cherche à déterminer sa
position, on force la nature à abandonner son étrangeté quantique, la particule apparaît bien en
un point et en un seul, mais cette apparition ne peut être que prévue statistiquement et non
déterminée de façon absolue comme en physique classique. C’est ce qui fit dire à Einstein que
selon la physique quantique « Dieu joue aux dés », ce qu’il se refusait personnellement à
admettre.
La physique atomique permet d’illustrer un aspect élémentaire du principe de
superposition. Les chimistes représentent l’état d’un électron dans un atome – par exemple le
plus simple d’entre eux, l’hydrogène – par un volume de l’espace qu’on appelle son orbitale
(Figure 1a). Ce volume est, pour l’état fondamental de l’hydrogène, une petite sphère centrée
sur le noyau de l’atome d’environ un Angström (soit 10-10 m) de diamètre. Il décrit la région
de l’espace dans laquelle l’électron est délocalisé. Il se trouve en fait dans une superposition
de toutes les positions possibles à l’intérieur de cette sphère. Lorsque l’on porte l’électron de
l’atome dans un niveau électronique excité en lui fournissant de l’énergie lumineuse, la forme
de l’orbitale change, elle s’étire en général pour occuper des régions plus éloignées du noyau
comme le montre la figure 1b. Les états très excités de l’atome s’appellent des états de
Rydberg. Dans certains de ces états, l’électron occupe une orbitale très étendue, en forme de
tore, dont le rayon peut atteindre un millier d’Angströms (figure1c). Ces états excités géants
ont des propriétés très intéressantes que nous retrouverons plus loin.
Abordons maintenant une conséquence essentielle du principe de superposition,
l’existence d’interférences quantiques. Considérons la fameuse expérience des fentes de
Young réalisée au début du XIXe siècle avec de la lumière, c’est-à-dire des photons, et au
XXe siècle avec des électrons, et plus récemment avec des atomes et des molécules : des
particules traversent une paroi percée de deux fentes avant d’atteindre un écran. Les particules
sont détectées en des points discrets sur l’écran, comme le montre la figure 2a. Après avoir
enregistré l’arrivée d’un grand nombre de particules, on constate que les points d’impact se
regroupent suivant un réseau de franges « brillantes », séparées par des franges « noires » où
les particules n’arrivent jamais. L’expérience se comprend bien en termes de fonction d’onde
des particules. Cette fonction possède en effet deux composantes, correspondant au passage
de la particule par chacune des deux fentes. La fonction d’onde totale est la somme des deux
composantes, au sens de l’addition des nombres complexes, ou encore des vecteurs qui les
représentent. En certains points de l’écran, les ondes sont en phase, leurs vecteurs de même
direction, et la probabilité de trouver la particule est importante. En d’autres points, les ondes
sont en opposition de phase, leurs vecteurs opposés, et la particule a une probabilité nulle
d’arriver. La figure d’interférence s’évanouit si on ferme une des deux fentes, puisque alors
une des composantes de la fonction d’onde disparaît.
Cette interprétation ondulatoire est étrange si l’on note que l’expérience peut être faite
dans des conditions de flux très faible, où il ne se trouve à chaque instant qu’une particule
dans l’appareil. On obtient alors les mêmes franges, après un temps de moyen-âge très long.
On peut alors se demander comment une particule, seule dans l’interféromètre, peut « savoir »
si les deux trous sont ouverts, auquel cas elle doit éviter les franges noires, ou si un trou est
bouché, auquel cas elle peut arriver n’importe où ! On a là un exemple typique de logique
non-classique : un phénomène (arrivée de la particule en un point) est moins probable lorsque
deux possibilités sont offertes à la particule que si une seule ne l’est ! Un physicien classique
posera immédiatement des questions simples : par quel trou passe réellement la particule ? Est
ce une onde (auquel cas on comprend les interférences mais pas l’arrivée discrète sur l’écran)
ou une particule (auquel cas on comprend les impacts discrets mais plus les interférences). La
mécanique quantique répond qu’en vertu du principe de superposition, la particule passe par
les deux trous à la fois, aussi longtemps qu’on ne la force pas à choisir ! Notons enfin que de
telles expériences, relativement faciles à réaliser avec des particules microscopiques,
deviennent de plus en plus difficiles avec des particules de taille importante. C’est encore
possible avec des molécules, mais pas avec des boules de billard ou un quelconque objet
macroscopique !
Les interférences quantiques jouent un rôle capital en physique microscopique et l’on
peut s’en servir pour des applications importantes. Considérons par exemple un atome
possédant deux niveaux d’énergie, un niveau fondamental g d’énergie Eg, et un niveau excité
e, d’énergie Ee. On sait qu’en absorbant de la lumière dont la fréquence ν satisfait la relation
Ee – Eg = hν (où h est la constante de Planck) l’atome peut être porté du niveau g au niveau e
en absorbant un photon. Si on excite l’atome par une impulsion lumineuse et si on ajuste la
durée de cette impulsion, on peut s’arranger pour que l’atome se trouve excité « à mi-
chemin » entre e et g, dans une superposition de ces deux états. Appliquons maintenant à
l’atome initialement dans l’état g deux impulsions identiques, séparées dans le temps, à deux
instants t1 et t2. Chacune des impulsions superpose les deux états e et g. Mesurons enfin
l’énergie de l’atome et, en recommençant l’expérience un grand nombre de fois, déterminons
la probabilité de le trouver finalement dans l’état e. La fonction d’onde associée à l’atome va,
comme dans le cas de l’expérience de Young, présenter deux termes. L’un correspond à
l’excitation de l’atome de g à e à l’instant t1, l’autre à l’instant t2. À ces termes correspondent
des amplitudes complexes qui interfèrent. Leur phase relative peut être variée en balayant la
fréquence ν autour de la fréquence de résonance atomique. On observe alors que la probabilité
de trouver l’atome dans l’état e oscille en fonction de ν. On obtient un signal d’interférence
dit « de Ramsey », du nom du physicien qui a mis au point cette méthode interférométrique.
Alors que dans l’expérience de Young l’interférence provient du fait que l’on ne sait pas par
quelle fente la particule est passée, ici elle résulte de l’ambiguïté sur l’instant de l’excitation
de l’atome. C’est en détectant de telles franges sur l’atome de Césium que l’on fait
fonctionner l’horloge atomique qui définit actuellement la seconde.
Revenons un instant sur la question de savoir par quel chemin la particule est passée.
L’interférence ne s’observe que si on n’a aucun moyen de connaître ce chemin. Si on cherche
à le déterminer, il faut introduire un nouvel élément dans l’appareillage expérimental, par
exemple ajouter dans l’expérience des fentes d’Young une source lumineuse, un laser, qui
éclaire les fentes (figure 2b). Lorsque la particule passe, elle diffuse de la lumière au
voisinage de la fente correspondante et l’éclair lumineux peut être détecté pour déterminer le
trajet de la particule. On constate bien alors que la particule passe aléatoirement par un trou
ou par l’autre, mais aussi que les franges disparaissent : les points d’impact sont maintenant
distribués de façon uniforme. En d’autres termes, la particule, en diffusant la lumière qui
révèle son chemin a été perturbée de façon telle que les relations de phase existant entre les
deux composantes de la fonction d’onde associée sont brouillées, entraînant la disparition des
franges. Ce résultat exprime ce que Bohr a appelé le principe de complémentarité. L’existence
des franges et l’information sur le chemin suivi sont deux aspect exclusifs l’un de l’autre et
complémentaires de la réalité physique. Ils nécessitent l’utilisation d’appareils différents. On
est sensible tantôt à l’aspect ondulatoire de la particule, si on utilise un appareil rendant les
chemins indiscernables, tantôt à l’aspect corpusculaire, si on utilise un appareil permettant de
distinguer les chemins.
Intrication quantique, chat de Schrödinger et décohérence
Venons-en maintenant à une autre conséquence essentielle du principe de
superposition, observable dans des systèmes constitués d’au moins deux particules qui
interagissent entre elles, puis se séparent. Pour fixer les idées, considérons la collision de deux
atomes identiques. Chacun de ces atomes possède deux niveaux d’énergie e et g. Supposons
qu’avant la collision, l’atome 1 est excité (état e) et l’atome 2 est dans son état fondamental
(état g). Au cours de la collision deux événements différents peuvent survenir. Ou bien les
atomes conservent leurs énergies initiales, ou bien ils les échangent. Classiquement, les
atomes devraient « choisir » l’une de ces deux possibilités. La règle quantique est différente.
Ils peuvent suivre les deux voies à la fois. Le système se trouve après la collision dans une
superposition de l’état où l’atome 1 est dans e et 2 dans g et de l’état où 1 est dans g et 2 dans
e. À chacun de ces états est associée une amplitude complexe. Les modules élevés au carré de
ces amplitudes représentent les probabilités de trouver l’une ou l’autre de ces deux situations
au cours d’une mesure effectuée sur les deux atomes. Notons que si le résultat de la mesure
sur chaque atome est aléatoire, les corrélations entre les résultats des mesures sont certaines.
Si l’atome1 est trouvé dans e, l’atome 2 est dans g et inversement. C’est cette corrélation
parfaite, observable quel que soit le type de mesure effectué sur les atomes, que l’on appelle
intrication (« entanglement » en anglais). Cette intrication subsiste même si les deux atomes
se sont éloignés l’un de l’autre et se trouvent séparés après la collision par une distance
arbitrairement grande. Elle décrit une non-localité fondamentale de la physique quantique.
Une mesure de l’atome 1 peut avoir un effet immédiat à grande distance sur le résultat de la
mesure de l’atome 2 ! Il y a donc entre les deux particules un lien quantique immatériel et
instantané. C’est Einstein, avec ses collaborateurs Podolski et Rosen, qui a discuté le premier
en 1935 cet aspect troublant de la théorie quantique. On l’appelle depuis le problème EPR.
Pour Einstein, il s’agissait là d’un défaut grave de la théorie puisqu’elle prévoyait des effets
qui lui paraissaient manifestement absurdes. Depuis, le problème a été repris par d’autres
physiciens, notablement John Bell dans les années 60, et des expériences effectuées sur des
photons intriqués ont montré que la nature se comportait bien comme la théorie quantique le
prescrit. L’une des expériences les plus probantes a été effectuée dans les années 1980 par
Alain Aspect et ses collègues à Orsay. Notons que la non-localité vérifiée par ces expériences
ne contredit pas le principe de causalité. On ne peut se servir des corrélations EPR pour
transmettre de l’information instantanément entre deux points.
Si l’intrication nous apparaît comme bizarre, c’est pour une bonne part parce que,
comme les interférences quantiques, elle ne s’observe jamais sur des objets macroscopiques.
Ceci nous conduit à la métaphore fameuse du chat de Schrödinger. Réfléchissant sur le
problème EPR, Schrödinger alla en effet plus loin. Qu’est ce qui empêcherait, se demanda-t-
il, d’amplifier un phénomène d’intrication microscopique pour y impliquer un système
macroscopique? Considérons un atome excité qui émet un photon en se désexcitant. La
mécanique quantique nous apprend qu’avant que le photon n’ait été émis de façon certaine, le
système se trouve dans une superposition d’un état où l’atome est encore excité et d’un état où
il s’est déjà désexcité. Chacun de ces termes est affecté de son amplitude complexe dans
l’expression de l’état global du système. Mais, remarque Schrödinger, un seul photon peut
déclencher un événement macroscopique. Imaginons en effet notre atome enfermé dans une
boîte avec un chat. Supposons que le photon émis par l’atome déclenche un dispositif qui tue
le chat. Si l’atome est dans une superposition d’un état où il a émis un photon et d’un état où
il ne l’a pas encore émis, quel est à cet instant l’état du chat ? Si l’on admet que le chat peut
être décrit par un état quantique bien défini ( et l’on touche là, comme nous le montrons plus
loin, à un aspect crucial du problème), on conclut immanquablement à l’existence d’une
intrication du système « atome + chat » qui devrait se trouver dans une superposition du chat
vivant associé à l’atome excité et du chat mort associé à l’atome désexcité. Une telle situation
laissant le malheureux chat suspendu entre la vie et la mort, représentée sur la figure 2c, était
jugée burlesque par Schrödinger. Ce problème a fait couler beaucoup d’encre. Certains ont dit
que c’est au moment où on cherche à observer si le chat est vivant ou mort qu’un processus
mental chez l’observateur « force » la nature à décider. D’autres se sont demandé s’il fallait
tenir compte du processus mental du chat lui-même et la discussion a vite versé dans la
métaphysique.
Si on veut éviter un tel débat, l’approche pragmatique de Bohr est utile. Pour savoir si
la superposition d’états existe, il faut imaginer un dispositif d’observation spécifique. La
superposition « chat vivant- chat mort » ne peut être prouvée que si l’on sait réaliser une
expérience susceptible de révéler l’interférence des amplitudes complexes associées aux
parties « vivante » et « morte » du chat. Schrödinger n’a pas poussé la discussion jusque-là,
mais on peut par exemple songer à utiliser comme sonde de l’état du chat une souris
« quantique» à qui l’on demanderait de traverser la boîte. La probabilité que la souris
s’échappe devrait alors être le carré de la somme de deux amplitudes, une correspondant au
chat vivant, l’autre au chat mort. Verra-t-on dans la probabilité finale un terme
d’interférence ? C’est peu probable et fortement contraire à notre intuition.
La question qui se pose est alors : qu’est-il arrivé aux interférences, pourquoi ont-elles
disparu ? La réponse fait intervenir la notion fondamentale de décohérence. La situation que
nous avons schématisée à l’extrême a négligé un élément essentiel. Notre chat ne peut être
isolé en présence d’un seul atome « décidant » de son sort. Le chat – comme en général tout
système macroscopique - est en effet baigné par un environnement constitué de très
nombreuses molécules, de photons thermiques, et son couplage avec cet environnement ne
peut être négligé. Pour mieux comprendre ce qui se passe, revenons à l’expérience d’Young.
Si l’on cherche à déterminer le chemin par lequel la particule est passée, on doit par exemple
lui faire diffuser un photon (figure 2b). On intrique alors ce photon avec la particule et on
obtient une espèce de paire EPR dont un élément est la particule et l’autre le photon. Si on
mesure le photon dans un état, on sait que la particule est passée par un trou. L’autre état a
alors disparu. Il n’y a plus d’interférence. On comprend ainsi mieux la complémentarité
comme un effet d’intrication de la particule avec l’environnement (ici le photon) qui interagit
avec elle. La situation de notre chat est similaire. Notons tout d’abord que le point de départ
de notre raisonnement, l’existence d’un état quantique bien déterminé pour le chat à l’instant
initial de l’expérience, doit être remis en question. Dès cet instant, le chat est déjà intriqué
avec son environnement et ne peut donc pas être décrit par un état quantique qui lui est
propre. En admettant même que l’on puisse le découpler du reste du monde à cet instant
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