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Parler du Savès
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C’est-à-dire : Samatan dessous Lombez (donc en aval), quatre chèvres seize pieds.
Indiscutable des points de vue mathématique, zoologique et géographique aussi.
Nous avons dit territoire historique? Le plus ancien découpage administratif connu de notre région remonte à
l’époque gallo-romaine (Ier au IVème siècle). La structure économique et sociale était basée sur la villa qui était
un grand domaine agricole avec un propriétaire romain et des esclaves d’origine gauloise, ibère ou basque. Les
avis des historiens sont partagés sur ce dernier point. Cependant, la présence à Agassac d’une stèle représentant
une déesse de la mythologie celte (Epona) tendrait à démontrer la présence gauloise dans notre région,
contrairement à ce que prétendent certains. A côté de la villa, il pouvait y avoir un vicus, hameau réservoir de
travailleurs pour la villa (esclaves ou affranchis). Au dessus était le « pagus » d’où viennent les mots pays,
paysan ou encore païen et paganisme. Le nom du Savès viendrait du pagus des « savencii » mais on connaît très
peu de choses sur cette époque malgré les nombreuses traces archéologiques gallo-romaines trouvées dans notre
région.
Par contre, lorsqu’on arrive au Moyen-Age, les choses s’éclairent, surtout à partir du XIIème siècle. A cette
époque, deux pouvoirs se faisaient concurrence et s’opposaient parfois ouvertement : le pouvoir religieux et le
pouvoir féodal. Chacun avait son territoire. Pour le premier, au niveau local, il y avait la paroisse avec son curé
et son église et au niveau, disons régional, le diocèse avec son évêque ou archevêque et sa cathédrale. Pour le
second, au niveau local c’était la seigneurie avec son seigneur installé dans son château sur motte et au niveau
régional le Comte qui contrôlait son Comté. Entre ces deux derniers niveaux, pouvait exister un échelon
intermédiaire : châtellenie, baronnie ou vicomté.
En ce qui concerne le Savès, jusqu’au XIIème siècle, il était dans la mouvance toulousaine tant au niveau
féodal qu’au niveau religieux, ce qui ne veut pas dire qu’il n’était pas en Gascogne, du moins du point de vue
linguistique, car le parler gascon arrivait jusqu’à la Garonne. A Toulouse, même, les habitants du quartier Saint-
Cyprien étaient raillés et méprisés par le reste de la ville à cause de leur « parler étrange». A Muret on distinguait
« lé païs dé cagar déhoro et lé païs dé cagar déforo », le f devenant un h aspiré en pays gascon, c’est-à-dire sur la
rive gauche de la Garonne.
En 1120, au niveau féodal le Savès ainsi que le Muretain vont devenir commingeois en raison du mariage de
la fille de Raymond IV, Comte de Toulouse (elle s’appelait Diaz de Muret) avec Bernard Ier, Comte de
Comminges, son père lui ayant donné en dot Muret et Samatan qui vont devenir les deux plus importantes
châtellenies du Comté de Comminges. (3) Muret étant la ville la plus importante du Comminges, elle en
deviendra de fait la capitale pendant plusieurs siècles. En 1789, c’est à Muret que se sont tenues les assemblées
générales des « Trois Ordres » à la suite desquelles ont été élus les députés du Comminges pour la réunion des
« Etats Généraux »qui sera le détonateur de la Révolution.
Agassac dépendait, à l’époque, de Samatan. On a une trace de ce lien de vassalité puisqu’un document
d’archives atteste qu’en l’an 1201, Jehan, Vital, Raimond et Arnaud d’Agassac rendent hommage à leur suzerain
à Samatan. Au XIVème siècle, certaines communautés du Haut-Savès, dont Agassac, vont être distraites de la
châtellenie de Samatan pour être incluses dans celle de l’Isle-en-Dodon et, au XVème siècle, le Comté de
Comminges va entrer dans le domaine du roi de France.
Pour ce qui est du religieux, il y a une plus grande stabilité des territoires. La raison en est très simple, c’est
que les archevêques et les évêques ne se succédaient pas de père en fils et n’avaient pas de filles à doter.
L’actuel canton de l’Isle-en-Dodon, dans le domaine religieux était divisé en deux parties principales : le
Serrère et le Savès. Le Serrère dépendait de l’évêché de Comminges dont l’évêque avait un palais à Saint-
Frajou qui était siège d’archiprêtré. Saint-Frajou était donc la capitale religieuse du Serrère. Faisaient partie du
Serrère : Saint-Frajou, l’Isle-en-Dodon, Puymaurin, Anan, Saint-Laurent, Montesquieu, Guittaut, Montbernard,
Salerm, Lilhac (4) et quelques paroisses qui n’existent plus aujourd’hui comme Figas qui se trouvait entre
Montbernard et Lilhac. Il y avait aussi toutes les paroisses de la partie Nord de l’actuel canton de Boulogne.
L’évêché de Comminges dépendait lui-même de l’archevêché d’Auch, c’était donc un évêché gascon. La
seconde partie, le Savès, (Agassac, Ambax, Castelgaillard, Coueilles, Frontignan, Goudex, Labastide, Cazac,
Martisserre, Mauvezin, Mirambeau, Riolas, Saint-Pé d’Arès) (5) dépendait de l’archevêché de Toulouse. Ici,
j’évoquerai une pièce archéologique importante et très significative que possède la commune de Coueilles. Il
s’agit d’une croix qui a d’ailleurs fait l’objet d’un article dans la « Revue de Comminges » en 1973, article signé
par l’abbé Dumail. Cette croix a la particularité d’avoir, sur un côté, une croix occitane emblème du Comté de
Toulouse et sur l’autre, une fleur de lis, emblème du roi de France. Il faut savoir que les communautés qui
avaient une grande importance religieuse comme Saint-Frajou à cause de son palais épiscopal, Fabas et Saint-
Laurent à cause de leurs abbayes, avaient été récupérées par le roi de France et étaient regroupées dans une
province artificielle formée de toutes les enclaves royales situées à partir de la Plaine de Rivière (en contrebas de
Montréjeau) jusqu’à Verdun-sur-Garonne, cette province était appelée Pays de Rivière-Verdun. Donc il
semblerait que la fameuse croix de Coueilles ait, en fait, été une borne entre le domaine royal (Saint-Frajou en
Rivière-Verdun) et le domaine Toulousain (Coueilles en Savès).