Bilan 2001 des changements climatiques : Les éléments scientifiques
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La Terre et spécialement sa surface absorbent le rayonnement
solaire. Cette énergie est ensuite redistribuée par les circulations
atmosphérique et océanique et renvoyée dans l’espace à de plus
grandes longueurs d’onde (infrarouge). En moyenne annuelle et
pour la Terre dans son ensemble, le rayonnement solaire incident
est plus ou moins égal au rayonnement émis par le soleil vers la
Terre et le rayonnement émis par le globe terrestre. Tout facteur
qui modifie le rayonnement solaire ou celui qui est renvoyé dans
l’espace, ou encore qui modifie la redistribution de l’énergie dans
l’atmosphère ou entre l’atmosphère, les terres émergées et les
océans, peut influer sur le climat. Dans le présent rapport comme
dans les rapports précédents du GIEC, on appelle forçage radiatif
toute modification de l’énergie rayonnante nette propre au sys-
tème Terre-atmosphère. Un forçage radiatif positif a tendance à
réchauffer la surface terrestre et la basse atmosphère, tandis qu’un
forçage négatif à tendance à les refroidir.
L’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre aura pour
effet de réduire l’efficacité avec laquelle la surface de la Terre réflé-
chit le rayonnement incident vers l’espace. Une plus forte propor-
tion du rayonnement terrestre ascendant est absorbée par
l’atmosphère et diffusée de nouveau à des altitudes plus élevées et
à des températures plus basses. Il en résulte un forçage radiatif
positif qui contribue à réchauffer la basse atmosphère et la surface
de la Terre. Le fait qu’une moindre quantité de chaleur se perde
dans l’espace a pour effet de renforcer l’effet de serre – phénomène
qui se produit dans l’atmosphère de la Terre depuis des milliards
d’années par suite de la présence de gaz à effet de serre d’origine
naturelle : vapeur d’eau, dioxyde de carbone, ozone, méthane et
oxyde nitreux. L’ampleur du forçage dépend de l’importance de
l’accroissement de la concentration de chacun des gaz à effet de
serre, des propriétés radiatives de ces gaz et de la concentration
respective des autres gaz à effet de serre déjà présents dans l’at-
mosphère. Par ailleurs, une fois émis dans l’atmosphère, de nomb-
reux gaz à effet de serre y séjournent pendant des siècles et
contribuent ainsi durablement à un forçage radiatif positif.
Les aérosols anthropiques (particules ou gouttelettes micro-
scopiques en suspension dans l’air) présents dans la tro-
posphère, résultant par exemple de la combustion de
combustibles fossiles ou de la biomasse, peuvent réfléchir le
rayonnement solaire et déclencher ainsi une tendance au
refroidissement du système climatique. Les aérosols de noir
de carbone (suie), quant à eux, peuvent absorber le rayonne-
ment solaire et ont donc tendance à réchauffer le système
climatique. En outre, les variations de la concentration des
aérosols peuvent avoir des répercussions sur la nébulosité et
sur la réflectivité des formations nuageuses par le biais de leur
influence sur les propriétés et la longévité des nuages. Dans la
plupart des cas, les aérosols troposphériques ont tendance à
favoriser un forçage radiatif négatif et un climat plus frais.
Leur durée de vie considérablement plus courte (de l’ordre de
quelques jours à quelques semaines) que celle de la plupart
des gaz à effet de serre (de l’ordre de plusieurs décennies à
plusieurs siècles) explique la réaction plus rapide de leur
concentration aux variations des émissions.
L’activité volcanique peut projeter dans la stratosphère de gran-
des quantités de gaz soufrés (surtout du dioxyde de soufre), qui
se transforment par la suite en aérosols sulfatés. Chaque érup-
tion peut entraîner un forçage négatif important mais passager,
qui contribue à refroidir la surface de la Terre et la basse
atmosphère pendant quelques années.
La production d’énergie solaire varie légèrement (0,1 pour cent)
selon un cycle de 11 ans et peut en outre présenter des variations
sur de plus longues périodes. A des échelles de temps allant de
quelques dizaines à plusieurs milliers d’années, les lentes varia-
tions de l’orbite terrestre, qui sont bien connues, ont contribué à
modifier la répartition saisonnière et latitudinale du rayonnement
solaire, ce qui a joué un rôle déterminant dans les variations du
climat dans un passé lointain, notamment pour ce qui est des
cycles glaciaires et interglaciaires.
Lorsqu’il se produit une modification du forçage radiatif, le sys-
tème climatique réagit selon diverses échelles de temps. Les
réactions les plus longues sont imputables à la grande capacité
thermique des grands fonds océaniques et à l’ajustement dyna-
mique des nappes glaciaires. Cela signifie que la réaction passa-
gère à un changement (positif ou négatif) peut durer des milliers
d’années. Toute modification du bilan radiatif de la Terre, notam-
ment par suite d’un accroissement de la concentration des gaz à
effet de serre ou des aérosols, influera sur le cycle hydrologique
et les circulations atmosphérique et océanique à l’échelle du
globe, ce qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur les
conditions météorologiques ainsi que sur les régimes régionaux
de la température et des précipitations.
Tout changement climatique dû à l’activité humaine s’inscrit dans le
contexte des variations naturelles du climat, qui se produisent à des
échelles temporelles et spatiales fort diverses. La variabilité du cli-
mat peut résulter de fluctuations naturelles du forçage du système
climatique, correspondant par exemple à des variations d’intensité
du rayonnement solaire incident ou à des modifications de la teneur
en aérosols à la suite d’éruptions volcaniques. Des variations natu-
relles du climat peuvent également se produire en l’absence de
modification du forçage externe sous l’effet des interactions com-
plexes entre les diverses composantes du système climatique, et
notamment du couplage océan-atmosphère. Le phénomène El
Niño/oscillation australe (ENSO) est un exemple de cette variabilité
naturelle «interne» à des échelles de temps interannuelles. Pour dis-
tinguer les changements climatiques anthropiques des variations
naturelles, il est nécessaire d’isoler le «signal» anthropique du
«bruit de fond» que représente la variabilité naturelle du climat.
Encadré N°1 — Quelles sont les causes des changements climatiques ?