dans le sens du coran mais à contre-courant

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Grand-Angoulême
DANS LE SENS DU CORAN MAIS À CONTRE-COURANT
A l'occasion du ramadan, Tayeb Mesnard, ex-catho, converti à l'islam, raconte son parcours et
parle, sans concessions, de sa communauté. Portrait
CHARENTE LIBRE : 06.09.2008Stéphane URBAJTEL
Photo Cathédrale d’Angoulême discours de JCM (pour la mort du Pape Jean Paul II)
Ses amis et sa famille l'appellent toujours «Jean-Claude». Mais pour les fidèles de sa
communauté, c'est «Tayeb». En ce mois du ramadan, l'homme à la barbichette grise, dont le
visage est connu depuis années dans les quartiers angoumoisins, n'a pas une minute à lui. Il
navigue de la mosquée de Basseau à la salle de prière de Soyaux pour dire et expliciter le Coran.
En français. «Je ne parle pas l'arabe. Dieu à donner à chacun un moyen d’expression pour vivre
sa religion», lâche celui qui est aujourd'hui le vice-président de l'association culturelle des
musulmans de Charente.
Le ton est sec, les phrases courtes, les mots percutants. A 66 ans, Jean-Claude Mesnard est un
fonceur. «ça doit dater du temps où j'étais troisième ligne de rugby à Ruelle». C'était il y a
presqu'un demi-siècle. L'époque où il était catholique. «Je suis de culture profondément française.
Rien ne me prédestinait à devenir musulman». Car les racines de la famille Mesnard sont du
terroir. Lui est né ici et charentais de souche. «Des "Mesnard" sont enterrés depuis plusieurs
siècles à Saint-Genis d'Hiersac. Mes grands-parents sont d'Argence. Mes ancêtres étaient
agriculteurs». Il est arrivé sur le chemin de l'Islam un peu par hasard.
1990: son fils Philippe choisit de devenir musulman sans en informer ses proches. Les parents,
tolérants et sans a priori, n'y trouvent rien à redire. Jean-Claude Mesnard, raconte comment, un
soir, il passe devant le tapis de prière de son fils quand une idée saugrenue lui traverse l'esprit.
«Je me suis demandé quel effet cela peut faire de se prosterner ? Regard circulaire, personne ne
peut me voir et se moquer de moi». L'expérience est saisissante, poursuit-il. «Dès que mon front
a touché le sol, j'ai manqué d'air, j'ai suffoqué. Une peur panique s'est emparée de moi. Moi le
rugbyman, je comprends que je viens de blasphémer». C'est une révélation. Il s'intéresse
brusquement à l'islam, à sa civilisation, au Coran. Adopte un nouveau mode de vie, «un code de
conduite». Une expérience personnelle, affirme-t-il, sans subir d'influence. Et sans influencer les
autres. «Ma femme est catholique et l'est restée. Elle respecte ce que je suis. Je respecte ce
qu'elle est».
Ses collègues de travail ? Il prétend que ce chamboulement dans sa vie n'a rien changé: lui, le
prof de génie électrique au lycée professionnel de Ruelle, devenu à la fin de sa carrière
inspecteur de l'Education nationale, n'a rien caché mais il n'aime pas mélanger les genres.
Proche de Dalil Boubakeur
L'histoire de sa conversion, ce jeune retraité n'a d'ailleurs jamais voulu la révéler publiquement
tant qu'il était fonctionnaire. Soumis, à ses yeux au fameux «droit de réserve». «Mais je l'affirme,
on peut vivre très bien sa religion en France: la culture française et les pratiques de l'islam ne sont
pas contradictoires. Ceux qui prétendent le contraire ont tort».
Jean-Claude Mesnard ne fait cependant pas d'angélisme quand il s'agit d'observer sa
communauté. Les musulmans qu'il côtoie dans les mosquées ? «Pour la plupart, ils ne
connaissent pas leur propre religion et ne lisent pas. Et pour eux, tout Français est forcément
suspect. A leurs yeux, je crois que je le suis toujours un peu».
Les jeunes qu'il rencontre dans les quartiers ? «Il y a une vraie mission d'éducation à mener pour
éviter qu'ils tombent dans la délinquance». L'extrémisme religieux ? «Tout ce qui peut nuire à la
religion est inquiétant. J'ai été bien content quand les salafistes qui tenaient un kebab de Soyaux
ont été mis dehors».
Lui défend un islam basé sur le sens strict du Coran. C'est pour cela qu'il tient à traduire les
versets en français devant les jeunes musulmans les soirs de prière. C'est pour cela aussi qu'en
2001, juste après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, il a sillonné les quartiers
d'Angoulême à l'heure où beaucoup ont assimilé «islam» à «terrorisme» avec à la main un petit
livre présentant une image positive de la religion.
Son engagement est religieux, associatif et même politique: le vice président de l'association
culturelle des musulmans de Charente adhère à la fédération régionale de la grande mosquée de
Paris. Il est un proche de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris. Et ne ménage
pas ses critiques vis-à-vis des frères musulmans de l'UOIF (l'Union des organisations islamiques
de France). Mais il se défend de tout esprit belliqueux. La religion, dit-il, lui a appris à prendre de
la hauteur. Dans une autre vie, se souvient-il, il n'hésitait pourtant pas à «marcher sur les autres».
«On n'obtient pas le poste que j'ai décroché à l'Education nationale sans avoir cet esprit-là. Et je
peux vous dire que quand je jouais au rugby à Ruelle, je ne redoutais pas les chocs».
La nouvelle mosquée de Basseau qui sera inauguré avant la fin de l'année accueille depuis cet
été un nouvel iman. Il s'appelle H'hamed Belhadj. il est Algérien, originaire d'Oran. Il parle très
peu français et s'installe, a priori, à Angoulême pour quatre ans.
Chaque soir pendant toute la durée du ramadan (tout le mois de septembre) les mosquées de
Basseau et Soyaux proposent «l'Iftar», chaque soir, plus communément appelée «la soupe du
pauvre». Certains soirs, en cette période, les salles peuvent accueillir jusqu'à cinquante
personnes.
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