REFUS ALIMENTAIRE EN PSYCHOGERIATRIE DROUFFE Mathilde, interne et EYMAR Karine, chef de clinique Centre Hospitalier Esquirol de Limoges LINUT, 6 Décembre 2007 INTRODUCTION Fréquent chez le sujet âgé • Troubles alimentaires = valeur non univoque de symptôme => Pathos organiques, psychiatriques et aussi porteur de sens pour le sujet • Situation difficile à interpréter et à accepter -> inquiétude, angoisse de mort / risque vital -> remise en cause / sentiment de culpabilité, sentiment d’incompétence -> vécu lié à histoire et valeurs personnelles ● 2 FONCTIONS PSYCHOLOGIQUES DE L’ALIMENTATION • Valeur hédonique : -> plaisir de manger = plaisir possible ms diminution des capacités olfacto-gustatives -> plaisir du partage = maintien des relations sociales, ouverture sur l’extérieur 3 FONCTIONS PSYCHOLOGIQUES DE L’ALIMENTATION • Valeur de maintien de la santé et de la vie • Fonction symbolique de communication • Valeur identitaire : > imprégnée de notre culture (familiale et sociale) et de nos choix (fn de notre personnalité, de nos désirs...) = autonomie -> va – et – vient entre souvenirs et éprouvés -> prise sur le temps 4 CLINIQUE : 1er temps • - DISTINGUER : Anorexie : dimiution ou perte totale d’appétit, involontaire Refus alimentaire : lutte volontaire contre l’acte de manger Faim : besoin ressenti de manger Appétit : désir de manger • ÉLIMINER un étiologie organique : trouble de la déglutition, apraxie bucco-pharyngée, anorexie physiologique secondaire à un état cancéreux ou infectieux, un état douloureux, une pathologie buccale ou digestive, une anorexie médicamenteuse (corticoïdes, antibiotiques…) 5 PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES • SYNDROME DEPRESSIF : - perturbation des fonctions instinctuelles : perte d’appétit liée à la perte d’élan vital, au désinvestissement, à l’anhédonie - refus alimentaire comme équivalent suicidaire dans les dépressions sévères, sous-tendu par sentiment d'inutilité, d'incurabilité = refus de résignation - parfois unique symptôme dépressif 6 PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES • ETAT DELIRANT : - délire de négation d’organe (sd de Cotard) dans la mélancolie : en ne mangeant rien, la personne âgée n'est rien, si elle n'est rien, c'est qu'elle est morte - délire de persécution par crainte d’être empoisonné (PHC, délire paranoïaque, schizophrénie, BDA) - délires hypocondriaques concernant la sphère digestive +7 PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES • ETAT CATATONIQUE/STUPOREUX : -> mélancolie, schizophrénie, confusion • ETAT D’AGITATION : -> état maniaque, syndrome confusionnel 8 PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES • CONVERSION HYSTERIQUE : / oropharynx -> mutisme et déglutition impossible • TROUBLES PHOBIQUES ET OBSESSIONNELS : -> évitement d'une catégorie alimentaire précise 9 PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES • TROUBLES DEMENTIELS : -> troubles des fonctions cognitives (mémoire, praxie, gnosie => fonctions de l'alimentation désinvesties) -> perturbations de l’activité motrice (déambulations, stéréotypies) -> perturbations des rythmes alimentaires, des sensations de faim et de satiété -> apraxie complète jusqu’à impossibilité de mâcher ou d’avaler 10 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE ● ● ● ● Svt refus alimentaire en institution Sans cause organique evidente Sans étiologie psychiatrique majeure sousjacente Svt refus étendu à communication verbale , soins de nursing, traitement => difficultées de PEC => évolution fréquente vers une détresse métabolique 11 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Refus d'opposition : = refus des conditions de vie (entrée en institution ...), refus de soins douloureux ou pénibles = moyen de manifester ses désirs ou ses difficultés = moyen de pression sur l'entourage 12 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Refus d'acceptation : -> acceptation du terme de sa vie -> se réapproprier sa fin, négocier l'approche de sa propre mort “ je me retire de ce monde ” => Syndrome de glissement 13 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Refus comme maintien de l'intégrité : -> Etre nourri = vécu comme un franchissement désorganisant et incontrôlé de la barrière entre le soi et le non-soi => refus = tentative de restaurer ces limites, résistance à la passivité 14 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Maintien d'un certain statut identitaire -> Ne pas voir ses déficiences, ne pas être confronté à l'échec -> S'affirmer en négatif = détruire les capacités estimées insuffisantes pour répondre à l'idéal socio-familial 15 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Tentatives pour récupérer une illusoire maîtrise / revendications affectives (peur d'être sous l'emprise de son entourage ) -> relation à l'autre = risque d'empiètement -> dépendance / autonomie -> cpt d'emprise plutôt qu'échange source de perte 16 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Troubles névrotiques : Réactivations de conflits oedipiens non dépassés = mort ressentie comme fait d’être tué (et non aboutissement naturel) = angoisse -> refoulement de la prise de conscience / vulnérabilité et maladie -> déni des exigences corporelles -> tout ce qui est perçu est aussitôt rejeté => refus alimentaire comme ignorance d’une certaine réalité 17 AUTRE SENS DU REFUS ALIMENTAIRE • Régression quand mécanismes de défense dépassés, surtout si entrave à la mentalisation (AVC, processus dégénératifs) -> recherche d’une jouissance primitive = stade oral => repli et nourrissage => éléments dépressifs possibles mais démarche salutaire de rassemblement et de réparation 18 CAT AVEC LE PATIENT • Traitement causal en cas de pathologie curable et possible nutrition SNG ou PVC pour passer le cap de l'aigu • Traiter rapidement les pathologies intercurrentes et éviter la iatrogénie (pathologie provoquée) 19 CAT AVEC LE PATIENT • Pratiques comportementales et environnementales : -> Cadre des repas : atmosphère calme, agréable, rassurante, rythme régulier, respecter la confiance -> Incitation au repas, sans forcer, guidage de l’acte, fractionnement, encourager le grignotage pendant la marche -> Alimentation : enrichie de qualité, changement de régime, de texture : alimentation en morceaux, pâteuse, puis semi-liquide, respect des habitudes culturelles et des goûts 20 CAT AVEC LE PATIENT ● Si respect du refus : -> orienter les soins vers accompagnement -> améliorer la qualité de vie, lui faire plaisir -> éviter les complications (nursing) => confort ultime du patient 21 ETHIQUE ET LOIS • LOIS : Loi de mars 2002 et loi du 22 avril 2005 (Léonetti) -> respect des droits du patients en fin de vie = droit au refus de tout ttt jugé futile ou inutile par le patient, prise en compte des volontés du patient à travers les directives anticipées, l'avis de la personne de confiance pour les patients devenus hors d'état d'exprimer leur volonté 22 ETHIQUE ET LOIS • ETHIQUE : est-il éthique de ne pas nourrir une personne qui ne veut plus s'alimenter ? - principe d'autonomie - principe de bienfaisance et de non malfaisance - principe de proportion - principe de non futilité - principe d'humanité 23 CAT AVEC LES PROCHES • Epreuve +++ • Symbolique / communication avec autrui et manifestation des sentiments => acte d'affection refusé (ce qu'il aime manger) => alternance entre culpabilité (et désir de réparation) et rejet => risque d'escalade symétrique d'attitudes stéréotypées, conflictualité des repas, détresse de l'entourage qui s'emporte... 24 CAT AVEC LES PROCHES • Renvoie à fatalité de la maladie et/ou insuffisance des aides => anxiété voire aggressivité envers les soignants : idée de la mort et souffrance / faim et soif comme inacceptable, idée de l'impuissance 25 CAT DES SOIGNANTS • Alimentation = soins de base, devoir professionnel + sujet agé = dépendance avec devoir de protection => si refus = échec personnel, sentiments d'incompétence et de culpabilité (renforcés par pression familiale + éventuelle fluctuation des troubles) pouvant conduire au rejet ou à des méthodes cohercitives => souffrance 26 CAT DES SOIGNANTS • Références propres sur « prendre soins de », responsabilité, peur / mort (+ décès de leurs proches) : vécu différent => sentiment de solitude => conflit éventuel au sein de l'équipe par incompréhension 27 CAT DES SOIGNANTS Projet de soins cohérent et accepté par tous dans le sens du confort du patient : -> staff multidisciplinaire ● Accompagner les proches : informations + réinvestir leur place autrement que par l'alimentation ● 28 CONCLUSION • Tous démunis face à des états de dénutrition engageant le pronostic vital alors qu’ils s’associent manifestement à une perturbation de l’équilibre psychique souvent complexes et intriqués 29 CONCLUSION • Focalisation sur le symptôme alimentaire majoré par le risque vital encouru, ne doit pas masquer la problématique = continuer à vivre ou mourir dans des conditions acceptables • “CHERCHER A OFFRIR DE LA VIE AUX ANNEES PLUTÔT QUE DES ANNEES A LA VIE” (Dr SEBAG-LANOE) • “PATIENCE ET EMPATHIE VALENT MIEUX QUE FORCE ET RAGE” 30