conFlit et coMpétition politiques dans la « déMocratie souveraine » 19
« dictature de la loi », l’adoption à partir de 2001 d’une nouvelle législation
sur les partis politiques et les élections5 a contribué à transformer en pro-
fondeur les modalités du jeu politique. Si le but proclamé de ces réformes a
été, dans le prolongement du discours de Vladimir Poutine en juillet 2000,
de renforcer les partis nationaux dans un système jusque-là décrit com-
me fragmenté et faible6, elles ont avant tout bénéficié à une organisation
en particulier : Russie unie, créée le 1er décembre 2001 pour soutenir le
Président. Née de la fusion entre les blocs électoraux Unité (Edinstvo) et
Patrie- Toute la Russie (Otečestvo-Vsja Rossija) qui s’étaient affrontés aux
élections législatives de 19997, Russie unie bénéficie de la majorité absolue
des sièges à la Douma d’État – la chambre basse du Parlement – depuis
les élections législatives de décembre 2003. Au cours du second mandat de
Vladimir Poutine, le parti a progressivement conquis les parlements régio-
naux et locaux tandis que la très grande majorité des gouverneurs et des
maires des capitales régionales adhéraient à Russie unie. En novembre
2008, d’après les chiffres officiels fournis par le parti, parmi les 83 régions
russes, 74 avaient un gouverneur membre de Russie unie, tandis que le
parti disposait de la majorité des sièges dans 79 assemblées régionales8.
Par ailleurs, depuis 2007, quatre partis sont représentés à la Douma d’État,
ils étaient 43 à l’issue des élections de décembre 1995.
À rebours d’une approche socio-historique qui fait du conflit et de la
compétition entre les partis – « agent du conflit et instrument de son inté-
gration »9 – les vecteurs de la construction de l’État et d’un système démo-
cratique, les dirigeants russes affirment qu’un affrontement non maîtrisé
des forces politiques ne peut mener qu’au chaos. C’est en particulier à par-
tir du cas russe, qu’en 2007 le politiste américain Thomas Carothers a mon-
tré de quelle façon certains dirigeants utilisaient de façon sélective l’enjeu
de la construction de l’État contre les opposants politiques pour justifier la
mise en place de systèmes autocratiques et consolider leur propre position
au pouvoir. Il soulignait alors le caractère illusoire de cette argumentation
qu’il qualifie de « séquentialiste » (Carothers, 2007, pp. 13-18) et qui, diffé-
rant constamment la pluralisation du système, ne serait réalisable qu’une
fois la stabilité des institutions acquise ; or T. Carothers fait ressortir qu’un
tel atermoiement sape les bases de la mise en place d’un système politique
5. Les textes de ces lois sont accessible en anglais sur le site Internet de la Commission élec-
torale centrale : http://www.cikrf.ru/eng/law/. Pour une présentation détaillée, voir wilson
(2006).
6. Sur le système de partis russes dans les années 1990 et ses transformations depuis 2000,
voir GelMan (2006).
7. Créés respectivement en décembre 1998 et avril 1999, les mouvements Patrie et Toute la
Russie ont fusionné en août 1999 en un unique bloc électoral.
8. Les chiffres proviennent du site officiel du parti : http://edinros.er.ru/er/rubr.shtml?110112
(dernier accès le 31.01.10).
9. L’expression est de Stein Rokkan et Seymour Martin Lipset (lipset & roKKan, 2008, p. 11).