Sensibilisation aux problèmes de la simulation numérique à travers l

Sensibilisation aux problèmes de la simulation numérique à travers
l'étude des composants à semiconducteurs
Arnaud Bournel et Sylvie Galdin-Retailleau
PMIPS - Magistère E.E.A., Université Paris Sud, Bât. 220, 91405 Orsay cedex
Tél. : 01 69 15 40 25, Fax : 01 69 15 40 25, Mél. : bournel@ief.u-psud.fr
Résumé : Afin d'illustrer le cours d'Analyse Numérique en Magistère E.E.A. 2ème année, une séance de
travaux pratiques sur la simulation numérique des dispositifs à semiconducteurs a été mise en œuvre. Ce TP a pour but,
d'une part, de mettre en évidence les problèmes apparaissant dans toute simulation numérique (l'influence des
dimensions du maillage de la structure, des méthodes de résolution numérique et des modèles physiques utilisés), d'autre
part, d'élargir les connaissances des étudiants en Physique du Composant.
Mots clés : simulation, modèles, composant, semiconducteur, jonction, transistor
1. Introduction
Afin d'illustrer le cours d'Analyse
Numérique en Magistère E.E.A. 2ème année,
une séance de travaux pratiques sur la
simulation numérique des dispositifs à
semiconducteurs a été mise en œuvre depuis
trois ans. Le but de ce TP est double :
mettre en évidence les problèmes
apparaissant dans toute simulation numérique,
c'est-à-dire l'influence des dimensions du
maillage de la structure, des méthodes de
résolution numérique et des modèles physiques
utilisés,
élargir les connaissances des étudiants en
Physique du Composant par rapport au
programme de la Licence E.E.A.
Cet article est organisé de la façon suivante.
Dans la deuxième partie, nous présentons le TP
et nous en indiquons la mise en œuvre. Les
troisième, quatrième et cinquième parties
concernent des exemples représentatifs de
problèmes liés à la simulation : l'influence du
maillage adopté, des méthodes numériques
employées et des modèles physiques utilisés
sur les résultats issus des simulations. Enfin,
nous conclurons.
2. Mise en œuvre du TP
Nous avons utilisé le module ATLAS
développé par la société SILVACO sur stations
de travail SUN. Ce logiciel est basé sur la
résolution par une méthode du type éléments
finis des équations qui décrivent le
fonctionnement des dispositifs en
microélectronique ("dérive-diffusion" ou
"énergie-balance" couplées avec Poisson).
Nous nous limitons dans ce TP au modèle de
dérive-diffusion.
La durée impartie au TP, 4 heures, ne
permet pas matériellement de réaliser toutes les
simulations nécessaires au cours de la séance.
Nous avons donc préalablement préparé une
série de fichiers de résultats sur la simulation
d'une jonction P+N et d'un transistor à effet de
champ MOS que les étudiants doivent analyser.
Ces fichiers sont de deux types : les uns
correspondent aux caractéristiques
courant-tension et les autres permettent de
visualiser, pour différents points de polarisation
et pour chaque nœud du maillage, les valeurs
du champ et du potentiel électrostatique, des
concentrations en porteurs libres, des énergies
des bandes de conduction et de valence, de la
vitesse des porteurs...
La jonction P+N étudiée est constituée par :
une zone dopée P+ de concentration en
accepteurs NA égale à 5×1018 cm-3 et
d'épaisseur 2 µm,
une zone dopée N de concentration en
donneurs ND égale à 1016 cm-3 et
d'épaisseur 3 µm.
une zone N+ permet d'assurer un bon
contact ohmique.
Le transistor MOS quant à lui a les
caractéristiques suivantes :
il est réalisé sur un substrat dopé P avec une
concentration en accepteur NA égale à
1017 cm-3
les caissons de source et de drain sont
dopés N+ avec une concentration en
donneurs ND égale à 4×1019 cm-3
Enfin la longueur de la grille L est égale à
1,5 µm et l'épaisseur de l'oxyde de grille eox
à 20 nm.
3. Maillage
La simulation de la jonction permet de
mettre en évidence la forte influence du
maillage sur les résultats : le changement de
pente caractérisant le passage du régime de très
faible injection (courant de recombinaison
prédominant avec pente q/2kT) au régime de
faible injection (courant de diffusion
prédominant avec pente q/kT) n'apparaît pas
sur les caractéristiques courant-tension
logIF(VF) pour un maillage trop lâche (cf. figure
1).
10-12
10-10
10-8
10-6
10-4
0,01
1
100
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Courant (A/m)
Tension directe appliquée (V)
Maillage large
Maillage fin
Figure 1 : Courant IF dans la jonction P+N
en fonction de la tension directe VF
appliquée pour deux maillages différents.
Quand on examine les variations des
concentrations d'électrons et de trous, on
s'aperçoit qu'un nombre trop faible de nœuds
présents dans la zone de charge d'espace (ZCE)
ne permet pas de décrire correctement la région
où les concentrations des deux types de
porteurs sont équivalentes, région dans laquelle
la recombinaison est la plus efficace.
4. Méthode de résolution numérique
Dans ATLAS, il existe essentiellement deux
méthodes numériques pour la résolution des
équations : les méthodes dites de Newton et de
Gummel. La méthode de Newton correspond à
la résolution itérative d'un système regroupant
les trois équations différentielles régissant le
fonctionnement de la structure (équations de
continuité pour les électrons et les trous et
équation de Poisson). La méthode de Gummel
consiste à découpler en trois sous-systèmes le
système global décrit précédemment : les trois
équations sont résolues itérativement les unes
après les autres jusqu'à atteindre la convergence
globale des solutions. L'intérêt potentiel de cet
algorithme par rapport à celui de Newton réside
dans la réduction des dimensions des systèmes
matriciels à résoudre, ce qui permet a priori de
diminuer le temps de calcul.
Sur la figure 2, nous avons comparé les
caractéristiques courant-tension issues de
l'utilisation des méthodes de Gummel (tirets) et
de Newton (ligne continue). Si pour une
tension appliquée supérieure à 0,5 V les deux
méthodes donnent des résultats identiques, on
observe une différence significative pour une
tension inférieure à cette tension, zone dans
laquelle le courant de recombinaison
prédomine. Cependant aucun des deux
algorithmes n'est à remettre en cause : la
méthode de Gummel donne en fait le même
résultat que celle de Newton si l'on rend
suffisamment restrictif le critère de
convergence pour Gummel. Par défaut le
critère de convergence est atteint lorsque les
variations relatives d'une itération à l'autre des
concentrations en porteurs de charge et du
potentiel électrostatique sont inférieures à
ε=105. Pour que la méthode de Gummel donne
le même résultat que la méthode de Newton, il
faut imposer ε=109 (croix sur la figure 2).
Gummel avec ε=10-5
Newton avec ε=10-5
Gummel avec ε=10-9
10-9
10-8
10-7
10-6
10-5
0,0001
0,001
0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6
Courant (A/m)
Tension directe appliquée (V)
Figure 2 : Courant dans la jonction P+N en fonction de
la tension appliquée. Comparaison de deux méthodes
numériques de résolution des systèmes d'équations: la
valeur indiquée du paramètre
ε
correspond au critère de
convergence utilisé.
On peut s'apercevoir en revanche que dans
la simulation d'un transistor à effet de champ
MOS la méthode de Gummel diverge
rapidement en fonction de la tension
source-drain.
Les temps de calcul sur une station SUN
SPARC 5 pour obtenir la caractéristique en
direct de la jonction simulée sont les suivants :
7 minutes 20 secondes en utilisant la méthode
de Gummel avec le critère de convergence
standard, 13 minutes 35 secondes en utilisant la
méthode de Gummel avec le critère de
convergence beaucoup plus sévère donné
ci-dessus et enfin 13 minutes en utilisant la
méthode de Newton. Du point de vue du temps
de calcul, la méthode de Gummel perd tout son
intérêt lorsque l'on rend plus sévère le critère de
convergence.
5. Modèles physiques utilisés
Les étudiants ont également étudié
l'influence des modèles physiques sur les
caractéristiques I(V) de la jonction P+N et du
transistor MOS: recombinaison, "band gap
narrowing" (BGN), modèles de mobilité. Pour
cela, chaque modèle est rajouté l'un après
l'autre dans différentes simulations.
5.1. Modèle de "band gap narrowing"
Le modèle BGN permet de tenir compte de
la diminution de la largeur de bande interdite
d'un semiconducteur lorsque le dopage
augmente. Ce phénomène est important dans le
cas de la zone fortement dopée P+ de la
jonction étudiée.
Si l'on ajoute le modèle BGN, on constate
ainsi sur la figure 3 que le courant est plus
faible en zone de très faible injection, et plus
fort en faible et forte injection. En effet, la prise
en compte du modèle BGN entraîne d'une part
la réduction de l'épaisseur de la ZCE, d'où la
diminution du courant de recombinaison, et
d'autre part la réduction de la barrière de
diffusion (cf. figure 6), d'où l'augmentation du
courant de diffusion. La visualisation des
diagrammes des bandes obtenus avec ou sans
BGN permet de confirmer cette interprétation.
Sans BGN
Avec BGN
10-10
10-8
10-6
0,0001
0,01
1
100
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Courant (A/m)
Tension appliquée VF (V)
10-4
Figure 3 : Courant dans la jonction en fonction de la
tension directe appliquée pour des simulations
avec ou sans BGN.
-1
-0,5
0
0,5
2 2,2 2,4 2,6 2,8 3
Energie (eV)
Distance (µm)
Eg1
Eg2<Eg1
Bande de valence
Bande de conduction
VF=0,6 V
Figure 4 : Diagrammes des bandes obtenus pour des
simulations avec ou sans BGN à VF=0,6 V.
5.2. Modèles de mobilité
La simulation du transistor MOS est quant à
elle bien appropriée pour illustrer l'influence de
tous les modèles de mobilité. Sur la figure 5,
nous avons tracé l'évolution du courant de drain
ID en fonction de la tension source-drain VDS à
VGS=4 V, obtenue grâce à ATLAS avec
différents modèles de mobilité : mobilité
constante µ0 égale à 1000cm2/Vs, puis en
considérant sa dépendance par rapport à la
concentration en impuretés NA,D, par rapport à
la composante parallèle du champ électrique E//
à l'interface oxyde/canal ou par rapport à sa
composante transverse E. Le transistor a une
longueur de grille de 1,5 µm et une tension de
seuil VT d'environ 1,3 V.
L'introduction de la dépendance de la
mobilité en fonction du dopage, µ(NA,D),
montre bien la proportionnalité du courant de
drain avec la mobilité. En effet, le canal étant
dopé 1017cm-3, on note bien une réduction du
courant de drain ID d'un facteur 1,5 qui
correspond au rapport des mobilités µ0/µ(1017)
= 1000/650 = 1,5.
L'influence de la composante E// sur la
mobilité se traduit non seulement par une
diminution de ID associée à la réduction de la
mobilité lorsque la composante E// augmente,
mais aussi à un décalage de la tension VDSsat
délimitant la frontière entre les deux zones de
fonctionnement : ohmique et source de courant.
En effet, la saturation du courant apparaît bien
pour une tension VDSsat proche de VGS-VT,
correspondant au pincement du canal, lorsque
l'on considère une mobilité indépendante du
champ (µ0 ou µ(NA,D)). Par contre, la tension
de saturation VDSsat est nettement plus faible
que VGS-VT si l'on tient compte de la variation
de la mobilité avec le champ parallèle
(µ(NA,D;E//)). En effet, la longueur de la grille
étant assez courte, à fort VGS (ici 4V) la vitesse
des électrons atteint une vitesse limite (cf.
figure 6) avant que le pincement du canal n'ait
pu avoir lieu.
Enfin, si l'on rajoute l'influence du champ
transverse (µ(NA,D;E//;E)), le courant décroît
globalement à cause de la réduction de la
mobilité liée à la rugosité à l'interface SiO2/Si
contre laquelle a lieu la conduction, mais VDSsat
n'est pas modifiée.
Cet "exercice de style" permet de séparer les
effets engendrés par différents phénomènes
physiques sur le courant de drain et de réaliser
le lien direct entre les modèles analytiques du
courant et la physique du composant étudiée en
cours de façon plus académique.
0
100
200
300
400
500
012345
ID (A/m)
VDS (V)
µ0=1000 cm2.V-1s-1
µ(ND,A)
µ(ND,A;E //)
µ(ND,A;E//;E )
Figure 5 : Courant dans un transistor MOS en fonction
de la tension VDS pour différents modèles.
106
107
108
0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2
Vitesse des électrons (cm/s)
Distance le long du canal d'inversion
entre source et drain (µm)
µ0=1000 cm2.V-1s-1
µ(ND,A)
µ(ND,A;E//)
µ(ND,A;E//;E )
Figure 6 : Vitesse des électrons dans le canal d'un
transistor MOS avec différents modèles de mobilité.
5. Conclusion
Les étudiants montrent en général un vif
intérêt à ce type de TP. Ils réalisent notamment
que la simulation est un outil puissant mais qui
demande beaucoup d'analyse et d'esprit critique
vis à vis des résultats pour ne pas aboutir à des
conclusions erronées.
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