Médecine et Soins de proximité Propositions formulées à l’occasion de la mission confiée par Monsieur le Président de la République à Madame Elisabeth Hubert, Présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile. 28 juillet 2010 2 Sommaire Introduction................................................................................................................5 1. Les définitions et les approches organisationnelles de l’exercice médical de terrain ne permettent pas de répondre au défi que constitue aujourd’hui la réponse aux besoins de santé de proximité tels qu’ils sont exprimés par les usagers du système de santé ...........................6 1.1. Les définitions de la médecine de proximité constituent autant de références utiles................................................................................................6 1.1.1. Les soins de santé primaires. .....................................................................6 1.1.2. Les soins de proximité ................................................................................7 1.1.3. Les soins de premier recours .....................................................................7 1.2. Les modes organisationnels de la médecine de proximité font apparaître une offre variée mais dont les éléments sont seulement juxtaposés sans véritablement de liens entre eux...............................................................8 1.2.1. L’exercice isolé ...........................................................................................8 1.2.2. Les maisons de santé. ................................................................................8 1.2.3. Les réseaux de santé..................................................................................9 1.2.4. Les centres de santé...................................................................................9 1.2.5. Les pôles de santé....................................................................................10 1.3. C’est l’approche des besoins des populations qui doit conduire la réflexion sur la médecine de proximité............................................................10 1.3.1. Le critère géographique. ...........................................................................10 1.3.2. Le critère financier ....................................................................................10 1.3.3. Le critère des besoins de prise en charge ................................................11 1.3.4. Le critère des approches populationnelles................................................11 2. La médecine de proximité doit avoir pour ambition de prendre toute sa part pour relever le défi des réponses nouvelles adaptées à de telles attentes...........................................................................................................12 2.1. Garantir l’existence d’une équipe de soins pour un nombre donné d’habitants ......................................................................................................12 2.2. Confirmer la place du médecin généraliste au cœur de l’offre de soins de proximité ...........................................................................................12 28 juillet 2010 3 2.3. Développer la coopération interprofessionnelle et interdisciplinaire au sein de structures de soins unifiées ...........................................................14 2.3.1. Moderniser et développer les centres de santé ........................................14 2.3.2. Améliorer la liaison entre les différents offreurs de soins de premier recours ....................................................................................14 2.3.3. Encourager la réalisation de certains actes médicaux de premier recours par des professionnels de santé non médecins............................15 2.4. Recourir de façon volontariste aux nouvelles technologies de l’information et de la communication...............................................................16 2.4.1. Encourager la dématérialisation des prescriptions médicales et des arrêts de travail..........................................................................................16 2.4.2. Développer la télémédecine en tant que facteur d’amélioration du service rendu aux usagers du système de santé.......................................16 2.4.3. Offrir rapidement à chaque citoyen qui le souhaite un dossier médical personnel .....................................................................................16 2.5. Généraliser les modes mixtes de rémunération des médecins de premier recours...............................................................................................17 2.5.1. Poursuivre la démarche des contrats d’amélioration des pratiques individuelles ...............................................................................18 2.5.2. Introduire une rémunération forfaitaire calculée selon le nombre de patients du médecin généraliste ................................................................18 2.5.3. Adapter la rémunération des médecins spécialistes choisis médecins traitants .....................................................................................18 2.5.4. Préserver la possibilité du paiement à l’acte direct des médecins « non traitants » et pour certains actes techniques ...................................18 2.5.5. Valoriser davantage les actes de prévention en évaluant leur efficacité sociale et sanitaire......................................................................19 2.6. Faire évoluer la médecine libérale de premier recours vers une médecine régulée ......................................................................................... 20 2.6.1. Garantir une répartition territoriale plus équitable des effectifs médicaux ...................................................................................................20 2.6.2. Garantir la permanence des soins ............................................................21 Conclusion ...............................................................................................................23 28 juillet 2010 4 Introduction Les années quatre-vingt et quatre-vingt dix ont été marquées par de vives discussions sur la sécurité sanitaire et les défis des nouvelles épidémies. Notre pays a su s’emparer de ces interrogations, souvent sous la pression de l’opinion. Il a su adopter des solutions, non sans succès dans certains domaines, même s’il reste évident qu’il y a encore du chemin à parcourir et que l’alerte médiatique reste encore nécessaire. Aujourd’hui, ce sont les questions de proximité des soins qui motivent l’inquiétude de nos concitoyens. Pour beaucoup d’entre eux, il est devenu plus commode d’aller directement aux urgences de l’hôpital que de trouver un médecin susceptible de prendre en charge leurs besoins de santé à proximité de leur domicile. Les médecins de ville sont effectivement devenus moins disponibles. Deux raisons sont principalement identifiées. L’incapacité des pouvoirs publics à anticiper la baisse de la démographie médicale, sujet pourtant parfaitement prévisible si l’on croise les données du numerus clausus avec celles de l’âge moyen des médecins. Les nouvelles attitudes professionnelles qui voient les nouveaux médecins aspirer à des conditions de travail moins contraignantes que celles connues de leurs pairs. Le thème des « déserts médicaux » qui a fait l’objet d’enquêtes journalistiques est bien quotidiennement une réalité vécue par de plus en plus de nos concitoyens. Mais les ressources médicales ne sont pas seulement devenues plus rares dans les territoires, elles sont aussi moins présentes dans le temps : la continuité et la permanence des soins, légitimement attendues de nos concitoyens qui solvabilisent par leurs contributions le système de santé, en pâtissent trop souvent. A ces difficultés s’ajoutent aussi les contraintes financières partagées par un nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens qui ne peuvent payer une consultation tarifée à 22 euros et qui ici encore préfèrent s’orienter vers les urgences hospitalières. On mesure ici toutes les conséquences de l’inentendable refus de pratiquer le tiers payant en consultation de ville. La prise en charge ambulatoire n’a pas évolué de façon parallèle aux nouveaux besoins des malades. De plus en plus âgés et souvent chronicisés grâce aux évolutions de la médecine, nos concitoyens réclament plus de coordination de leur suivi et de leurs soins ambulatoires. Pour fixer les idées, ce qui a été fait pour les malades lourds hospitalisés à domicile n’a pas été entrepris pour les malades moins lourdement affectés mais dont la trajectoire de soin est compliquée par les conséquences de la maladie. L’exercice isolé de la médecine qui reste encore trop souvent la règle générale ne permet pas de répondre à ces attentes. Enfin, pour être complet, les solutions attendues des nouvelles technologies de l’information et de la communication tardent à se déployer alors qu’elles permettent plus aisément qu’hier de coordonner les soins et d’en garantir la pertinence. Soigner en proximité, c’est donc le défi de la décennie si nous voulons faire vivre notre principe républicain d’égalité d’accès aux soins pour tous et partout. 28 juillet 2010 5 1. LES DEFINITIONS ET LES APPROCHES ORGANISATIONNELLES DE L’EXERCICE MEDICAL AMBULATOIRE NE PERMETTENT PAS DE REPONDRE AU DEFI QUE CONSTITUE AUJOURD’HUI LA REPONSE AUX BESOINS DE SANTE EN PROXIMITE TELS QU’ILS SONT EXPRIMES PAR LES USAGERS DU SYSTEME DE SANTE 1.1. Les définitions de la médecine de proximité constituent autant de références utiles 1.1.1. Les soins de santé primaires Leur définition en a été donnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1978 dans la déclaration d’Alma-Ata : « Les soins de santé primaires sont des soins de santé essentiels fondés sur des méthodes et une technologie pratiques, scientifiquement viables et socialement acceptables, rendus universellement accessibles aux individus et aux familles dans la communauté par leur pleine participation et à un coût que la communauté et le pays puissent assumer à chaque stade de leur développement dans un esprit d’autoresponsabilité et d’autodétermination. » Les soins primaires doivent donc pouvoir répondre à 90% des problèmes de santé et constituent la porte d’entrée dans le système. Les niveaux secondaire et tertiaire sont quant à eux spécialisés et donc segmentés. Pour les parties prenantes de la déclaration d’Alma-Ata, les soins primaires recouvrent les soins ambulatoires directement accessibles aux patients avec une dimension généraliste et communautaire. Ils sont centrés sur l’individu dans son contexte familial et social. Ils se caractérisent également par la continuité, la globalité, la coordination et la permanence. Ils combinent prévention, soins curatifs et de réhabilitation. Ces objectifs sont largement partagés dans le monde, au plan théorique. Les réalités des systèmes de santé, très contrastées d’un pays à l’autre, a amené en pratique à relativiser les conséquences concrètes de cette déclaration. Il n’est rien de dire que la France n’en a pas fait un critère de gouvernance de son système de santé qui est, à l’inverse, plutôt hospitalo-centré. 28 juillet 2010 6 1.1.2. Les soins de proximité La proximité est une composante de l’accessibilité, mais non la seule. En effet, les questions d’accès recouvrent non seulement la dimension physique, mais aussi les aspects culturels ou financiers (mode de prise en charge). Sans définition très précise, les activités de proximité sont souvent abordées au travers des réseaux de soins hiérarchisés et gradués avec certaines pathologies comme le cancer, le sida ou le diabète, ou d’une manière moins nette avec les secteurs psychiatriques adossés à une sectorisation territoriale. L’objectif de la proximité est de maintenir le plus de services possibles auprès des citoyens. Dans le cadre des services sanitaires, la proximité implique un nombre élevé d’unités de production de soins. A contrario, les soins de haute qualité technique nécessitent un niveau d’équipement élevé et un fort volume d’activité dans chaque unité de production, donc un nombre « relativement réduit » d’unités, dont il est plus acceptable qu’ils soient plus éloignés géographiquement des populations que les solutions destinées à la prise en charge des soins de santé primaire. La notion de proximité est d’abord perçue d’un point de vue géographique et elle suppose un juste équilibre entre les notions d’accessibilité, de sécurité et d’efficience. Il faut ajouter, au temps des maladies chroniques, caractéristique majeure de la période, que l’accessibilité à des soins de proximité est un facteur très important de qualité de vie. Ces soins de proximité doivent alors s’intégrer dans le dispositif de premier recours aux soins. 1.1.3. Les soins de premier recours La France n’est pas la seule à user de cette appellation. Elle lui a même donné une consécration législative dans l’article 36 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Pour le législateur, « l’accès aux soins de premier recours ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, qui s'apprécie en termes de distance et de temps de parcours, de qualité et de sécurité. Ils sont organisés par l'agence régionale de santé au niveau territorial défini à l'article L. 1434-16 et conformément au schéma régional d'organisation des soins prévu à l'article L. 1434-7. Ces soins comprennent : • • • • la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ; la dispensation et l'administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ; l'orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ; l'éducation pour la santé. Les professionnels de santé, dont les médecins traitants cités à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que les centres de santé concourent à l'offre de soins de premier recours en collaboration et, le cas échéant, dans le cadre de 28 juillet 2010 7 coopérations organisées avec les établissements et services de santé, sociaux et médico-sociaux. » Soins de premiers recours, médecine de proximité et soins de santé primaire constituent donc autant d’équivalents pour parler de l’optimisation de la réponse aux besoins de santé de nos concitoyens quand leur situation ne nécessite pas l’accueil ou le retour à l’hôpital. 1.2. Les modes organisationnels de la médecine de proximité font apparaître une offre variée mais dont les éléments sont seulement juxtaposés sans véritablement de liens entre eux 1.2.1. L’exercice isolé Ancré dans les idéaux de la Charte de la médecine libérale de 1927, il s’est imposé en France comme la marque de l’exercice médical de ville. Les cabinets de groupe qui ont connu un développement important dans les années 1970 n’ont pas fondamentalement remis en cause cet exercice isolé, d’autant moins qu’ils n’offraient pas le plus souvent de compétences pluridisciplinaires. Le patient restant fortement contraint de se déplacer d’un médecin à l’autre pour trouver les ressources médicales utiles à la prise en charge des différents aspects de sa ou de ses pathologie(s). Cet exercice isolé contraste fortement avec le cadre des établissements de soins primaires pluridisciplinaires que l’on peut trouver dans les pays qui nous entourent (Espagne, Portugal, Royaume-Uni, par exemple). 1.2.2. Les maisons de santé C’est justement avec le souci de faire progresser notre pays vers de nouveaux modes d’exercice de la médecine correspondant à la fois aux besoins de la population et à ceux des professionnels que la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires reconnait la nécessité de créer des maisons de santé pluriprofessionnelles. La composition des maisons de santé peut être très ouverte. Basée sur les médecins généralistes et les infirmiers, considérés comme le « noyau dur » de ces structures, elle comprend souvent des professionnels de rééducation (masseurs-kiné, orthophonistes, etc.), des diététiciens, des psychologues, des assistantes sociales. Des médecins spécialistes, membres à part entière ou par convention avec d’autres opérateurs, peuvent y exercer. Dans les quelques maisons de santé actuelles1, issues de cadre expérimentaux le plus souvent, les professionnels de santé sont essentiellement libéraux et les médecins exercent massivement en secteur 1. La rémunération principale est 1 Il existerait aujourd’hui environ 150 maisons de santé. 28 juillet 2010 8 constituée par les actes mais le paiement forfaitaire prend de l’importance. Parmi les adeptes de ces maisons de santé, de plus en plus de professionnels jugent le paiement à l’acte inadapté aux exercices pluriprofessionnels car ne couvrant pas la totalité des actions sanitaires et appellent de leurs vœux d’autres modes, mixtes, de rémunération, dans une vision très extensive (forfait, salaire, capitation…). Cet avis est d’ailleurs partagé par plusieurs des directeurs généraux d’agences régionales de santé mis en place par la loi du 21 juillet 2009. 1.2.3. Les réseaux de santé Chargés de faire le lien entre l’hôpital et la ville, et d’apporter notamment le lien nécessaire à la fluidité des prises en charge et à leur coordination, ces réseaux de santé se sont aussi déclinés de façon territoriale, notamment en gérontologie. Mais de remarquables expériences de réseaux de soins primaires sont aussi apparues. Ils ont été fortement contestés ces dernières années, notamment à la faveur d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales qui a mis en exergue leur coût par rapport à leur efficacité attendue. Ces réseaux restent fragiles. Reposant sur des personnalités fédératives et des financements incertains, très souvent thématiques, ils cumulent de ce fait les handicaps d’un développement raisonné qui n’a pas permis de faire de ces réseaux une modalité courante de prise en charge des besoins de santé primaire. 1.2.4. Les centres de santé Les centres de santé représentent les modes les plus anciens d’exercices pluriprofessionnels intégrés et les plus présents sur le territoire national. En 2005, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) en dénombrait un peu plus de 1400. Leurs statuts et leurs missions ont également été réactualisés par la loi du 21 juillet 2009. Le regroupement des professionnels sous le même toit participe de la même philosophie que celle qui sous-tend la création d’une maison de santé en termes de missions et, souvent, de fonctionnement. Toutefois, un certain nombre de caractéristiques les différencient : • • • le mode de rémunération de leurs professionnels, basé essentiellement sur le salariat (les médecins sont très généralement salariés et payés avec ou sans intéressement sur la base des actes médicaux réalisés en secteur 1), une forte prise en compte de la dimension sociale, leur implantation sur le territoire. Les centres de santé garantissent l’accès aux soins, pratiquent le tiers payant et inscrivent leurs professionnels en secteur 1. Ils ne participent pas, pour la plupart, au dispositif départemental de la permanence des soins. Ils sont gérés essentiellement par des organismes à but non lucratif quand ce n’est pas par des municipalités. 28 juillet 2010 9 1.2.5. Les pôles de santé Encore reconnus par la loi du 21 juillet 2009, le pôle de santé regroupe, dans un même territoire, des professionnels de santé différents, chacun conservant son indépendance et son lieu d’exercice. Mettant en avant une logique d’aménagement du territoire, les professionnels de santé promoteurs se proposent d’organiser, sur un bassin de vie, la majorité des cabinets médicaux et paramédicaux qui y sont présents, dans le cadre d’un projet professionnel. Il est difficile de connaître avec précision le nombre de pôles fonctionnant à l’heure actuelle. Selon le recensement fait par la Direction générale de l’organisation des soins (DGOS) à partir des pôles ayant eu des subventions du Fonds d’investissement pour la qualité et la coordination des soins (FICQS), il y aurait à l’heure actuelle 25 structures de ce type. Pour répondre aux défis des nouveaux besoins des populations dans la prise en charge de leurs soins de santé primaires autant que pour répondre aux aspirations nouvelles des professionnels de santé, la France reconnaît donc, au moins au plan légal, de nombreux modes d’exercice de la médecine de proximité. 1.3. C’est l’approche des besoins des populations qui doit conduire la réflexion sur la médecine de proximité Car, qu’est-ce que la proximité pour l’usager, spécialement dans un contexte où l’on ne cesse de parler de nouveaux besoins, notamment en raison de l’augmentation des maladies chroniques ? Pour l’usager, la proximité s’analyse selon quatre critères : géographique, financier, besoins de prise en charge, approches populationnelles. 1.3.1. Le critère géographique Il s’agit de : • • • permettre aux usagers de se rendre, dans des délais raisonnables, vers un dispositif permettant une prise en charge de premier recours ; permettre une intervention urgente, le cas échéant, au domicile d’un usager ; permettre le maintien à domicile de personnes, malades, âgées ou en situation de handicap et nécessitant des soins au quotidien. 1.3.2. Le critère financier Dans un contexte où les disponibilités financières d’un grand nombre de nos concitoyens sont modestes2 et fragilisées par la crise économique, il s’agit de : 2 Rappelons que la moyenne des pensions de retraite en France s’établit à 1400 €, et à 1000 € pour les femmes. 28 juillet 2010 10 • • permettre à tous les usagers un égal accès aux soins de premier recours, c’est-àdire a minima sans dépassement d’honoraires, au mieux avec dispense d’avance de frais ; d’éviter le recours des usagers à l’offre hospitalière urgente qui propose des soins sans avance de frais. 1.3.3. Le critère des besoins de prise en charge Il s’agit de : • • • répondre à la diversité des demandes propres aux soins de premier recours : diagnostic, information sur les différentes alternatives de traitement ou interventionnelle, prescription, intervention légère, prévention, éducation thérapeutique, etc. ; faciliter l’accès des usagers à une offre de soins « multiservices » : médicaux, paramédicaux, médico-sociaux, etc. ; de les orienter finement vers l’offre de soins la mieux adaptée à leur situation et ainsi éviter l’errance morbide de nombreuses personnes. 1.3.4. Le critère des approches populationnelles Il s’agit de : • • • permettre l’implication des médecins dans la prévention et la santé publique dans les territoires du ressort des actions et des programmes dans ces domaines ; permettre l’implication des médecins dans des approches de santé publique et de prévention secondaire de leur patientèle ; permettre la mobilisation des médecins dans l’éducation thérapeutique et l’accompagnement des patients. 28 juillet 2010 11 2. LA MEDECINE DE PROXIMITE DOIT AVOIR POUR AMBITION DE PRENDRE TOUTE SA PART POUR RELEVER LE DEFI DES REPONSES NOUVELLES ADAPTEES A DE TELLES ATTENTES 2.1. Garantir l’existence d’une équipe de soins pour un nombre donné d’habitants En effet, la « territorialisation » qui inspire la loi HPST doit permettre de passer à une deuxième étape permettant d’identifier et de garantir l’existence d’une équipe de soins pour un nombre donné d’habitants. La réduction, dans les dix prochaines années, du nombre de médecins (tant spécialistes que généralistes) et leur inégale répartition doivent amener les agences régionales de santé (ARS) à organiser, voire à « réguler » l’organisation des soins ambulatoires. Il revient en effet aux ARS de définir les objectifs des soins de premier recours et de préciser les services à rendre aux populations. Pour cela, elles pourront notamment mettre en œuvre les outils de la régulation par l’intermédiaire de contrats passés avec les professionnels de santé. En Catalogne, chaque « aire basique de santé » a la responsabilité de 5 000 à 25 000 habitants (exceptionnellement 40 000 pour les grandes villes). Dans chaque aire, il y a au moins un centre de soins de santé primaires. Ces centres fonctionnent 24 heures sur 24 et tous les jours de l’année. En Finlande comme en Suède, la loi propose de fixer des ratios d’offre en soins primaires en fonction de la population. Ces ratios s’expriment sous la forme du nombre de professionnels médicaux et paramédicaux, par unité de population.3 C’est donc dans le schéma de l’organisation des soins ambulatoires adopté par les ARS, sous le contrôle des conférences régionales de santé et de l’autonomie (CRSA), que l’on doit trouver ces territoires de soins de premier recours, faisant apparaître les ressources disponibles pour la prise en charge de la population résidant dans ce territoire. 2.2. Confirmer la place du médecin généraliste au cœur de l’offre de soins de proximité La réforme du médecin traitant et du parcours de soins introduite en 2004, qui incite fortement les assurés à s’inscrire auprès d’un médecin de leur choix, a posé un principe de hiérarchisation de l’accès au système de soins. Sans doute a-t-on fait du médecin traitant un outil trop financier, l’équivalent d’un « péage » dont le refus ouvre sur une prise en charge financière plus faible, de sorte que les aspects les plus dynamiques que l’on aurait pu attendre de cette innovation n’ont pas été au rendezvous. Cette loi aurait dû ouvrir des perspectives nouvelles en termes d’organisation des soins de premier recours et de pratiques dans les domaines de la prévention, l’éducation thérapeutique, la coordination des soins et la réduction des inégalités de 3 IRDES, Questions d’économie de la Santé, n° 141 – Avril 2009. 28 juillet 2010 12 santé. La réforme créait un « parcours de tarifs » là où les patients attendaient un « parcours de soins ». Sept ans plus tard, force est de constater que ces perspectives sont bouchées, soit que leur réalisation a été empêchée à cause de résistances culturelles, soit qu’elles n’ont pas été accompagnées des investissements nécessaires en restructuration de l’offre de soins. Pour autant, la loi du 21 juillet 2009, reconnait, dans son article 36, les missions des médecins généralistes de premier recours : • • • • • • • • Contribuer à l'offre de soins ambulatoire, en assurant pour ses patients la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies ainsi que l'éducation pour la santé. Cette mission peut s'exercer dans les établissements de santé ou médico-sociaux. Orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médico-social. S'assurer de la coordination des soins nécessaire à ses patients. Veiller à l'application individualisée des protocoles et recommandations pour les affections nécessitant des soins prolongés et contribuer au suivi des maladies chroniques, en coopération avec les autres professionnels qui participent à la prise en charge du patient. S'assurer de la synthèse des informations transmises par les différents professionnels de santé. Contribuer aux actions de prévention et de dépistage. Participer à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions fixées à l'article L. 6314-1. Contribuer à l'accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycles d'études médicales. La même loi confère au médecin généraliste des missions clairement définies le renforçant dans son rôle de coordinateur des soins. Aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, la fonction de gate-keeping est attribuée aux médecins généralistes et ceux-ci exercent pour la plupart en groupe. Le rôle de régulateur de l’accès aux soins spécialisés confié au médecin généraliste a constitué un principe organisateur des soins primaires. Ce rôle a évolué vers des fonctions de prévention et de coordination des soins dans une logique populationnelle, en lien avec le regroupement des médecins au sein de cabinets associant plusieurs professionnels de santé.4 Si notre pays ne souhaite pas accentuer la réforme de son système de santé vers des évolutions de ce type, la place du médecin généraliste au cœur de l’offre de soins de proximité ne doit pas être remise en cause. 4 In Le bilan des maisons et des pôles de santé et les propositions pour leur déploiement , Rapport à Mesdames Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la Santé et des Sports et Fadela Amara, Secrétaire d’Etat à la Politique de la Ville et à Monsieur Hubert Falco, Secrétaire d’Etat à l’Aménagement du Territoire, présenté par Monsieur Jean-Marc Juilhard, Sénateur du Puy-de-Dôme, Bérengère Chrochemore, Ancienne présidente de l’ISNAR-MG, Annick Touba, Présidente du SNIIl et Guy Vallancien, Professeur à l’Université Paris-Descartes, 19 janvier 2010. 28 juillet 2010 13 2.3. Développer la coopération interprofessionnelle et interdisciplinaire au sein de structures de soins unifiées 2.3.1. Moderniser et développer les centres de santé Héritiers de la grande tradition des dispensaires et de la médecine sociale, les centres de santé correspondent à un mode d’organisation des soins différents de ceux proposés par l’hôpital ou les cabinets libéraux. De nombreux professionnels peuvent y exercer pour offrir, en un lieu unique, une palette de soins et de services aux usagers. Ces centres présentent le très grand avantage de soigner tous ceux qui le souhaitent, sans discriminations. A ce titre, ils contribuent à lutter contre les inégalités sociales de santé et défendent une médecine de qualité pour tous. Ils proposent systématiquement le tiers payant. Tous les soins courants peuvent y être dispensés (médecine générale, médecins spécialistes, radiographie, échographie, analyses médicales, kinésithérapie, soins infirmiers, sur place ou à domicile, soins et prothèses dentaires). Il existe aussi des centres exclusivement dentaires ou infirmiers. On ne trouve pas de centre de santé partout parce que, pour des raisons historiques, ils ont été implantés là où des municipalités ou mutuelles à forte motivation sociale ont décidé de les créer et de les développer. Cependant, en dépit des avantages qu’ils présentent, les centres de santé souffrent d’une image dégradée et sont souvent associés à des structures de soins réservés aux plus pauvres et aux personnes désinsérées socialement. Ces centres de santé ont de plus en plus de difficulté pour obtenir les moyens qui permettent de prendre en charge une population élargie et d’accompagner les patients dans leur « parcours de soins » de la manière la plus égalitaire possible. Il convient donc de réhabiliter ces centres de santé et de les soutenir financièrement en prévoyant un plan adapté car il serait injuste de promouvoir d’un côté les maisons de santé pluridisciplinaires sans faire le même effort du côté des centres de santé. 2.3.2. Améliorer la liaison entre les différents offreurs de soins de premier recours L’organisation des soins ambulatoires est caractérisée par la coexistence de plusieurs professionnels qui se distinguent les uns des autres par leurs statuts. Les professionnels libéraux représentent une fraction importante des pourvoyeurs de soins ambulatoires de premier recours. Ils regroupent à la fois les médecins généralistes et spécialistes ainsi que de nombreux infirmiers. Les centres et maisons de santé, la Protection maternelle et infantile, la médecine scolaire, les centres d’examens de santé des CPAM, les services de médecine du travail offrent également, à leurs niveaux, des soins de proximité. 28 juillet 2010 14 Dans une certaine mesure, les établissements de santé, publics ou privés, accueillent le public en premier recours, dans le cadre de leurs services d’urgence ou des permanences d’accès aux soins de santé (PASS). Par ailleurs, les services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR), composés d’équipes médicales mobiles, délivrent des aides médicales urgentes lors d’accidents ou de malaises et effectuent des transports entre hôpitaux lorsqu'un patient nécessite des soins ou une surveillance médicale. Entre ces différentes « structures », on repère un manque souvent important de communication. Il appartient à l’usager de coordonner lui-même ses soins en reliant les professionnels les uns aux autres. Ce défaut d’organisation nuit à la continuité des soins dans la mesure où les professionnels ne sont pas mis en capacité d’articuler une réponse sur la base des actes réalisés par tous les intervenants de la chaîne de soins. C’est dans le domaine du suivi et de la coordination des soins ambulatoires pour les malades qui le nécessitent que des solutions font défaut. Il faudrait faire en sorte que tout patient dont l’état de santé le nécessite bénéficie d’un parcours de soins coordonné avec un professionnel de santé de référence, en proximité, auquel il soit en situation de s’adresser quand le besoin qu’il exprime ne relève pas du médecin qui a initié la prise en charge. 2.3.3. Encourager la réalisation de certains actes médicaux de premier recours par des professionnels de santé non médecins En Norvège et au Royaume-Uni, des infirmiers sont formés à la médecine d’urgence pendant 2 ans et sont habilités à faire des actes médicaux. En Finlande, en cas de pénurie de médecin dans une spécialité, les infirmiers peuvent accomplir, après une formation adaptée, certains actes médicaux. La Suède les autorise également, après une formation spécifique, à prescrire un nombre limité de médicaments. La prévention et le suivi des pathologies chroniques sont les principaux domaines où les infirmiers ont étendu leurs compétences En France, selon l’Observatoire national des professions de santé5 (ONDPS), des expérimentations montrent que « la réalisation d’actes médicaux par les professionnels paramédicaux préalablement formés est faisable dans des conditions de sécurité satisfaisantes pour les patients». L’ONDPS poursuit sa réflexion en indiquant qu’il est possible pour des professionnels paramédicaux de réaliser des actes médicaux sans danger pour les patients au prix d’une réorganisation des processus de travail et d’une étroite collaboration avec les médecins. Il ajoute : « Dans de nombreux endroits et semble-t-il de façon importante, les acteurs paramédicaux réalisent des actes en dehors de leur décret d’exercice. Ces pratiques semblent peu encadrées tout au moins formellement (pas toujours de protocoles écrits). […] Ce décalage pose question et justifie une mise en conformité des pratiques et des compétences. […] La plupart des rares études recensées concluent que des infirmières formées de façon appropriée peuvent délivrer des soins d’aussi bonne qualité que les médecins et atteindre des résultats de soins équivalents. » 5 Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professionnels de santé, par BERLAND Yvon, BOURGUEIL Yann, de l’Observatoire national des professionnels de santé, France, Juin 2006. 28 juillet 2010 15 La réalisation d’actes médicaux par les professionnels paramédicaux doit être envisagée et « protocolisée » pour assainir et formaliser des situations de fait, mais aussi pour gagner du temps médical employé à l’amélioration de la qualité de la prise en charge médicale. Cependant, si des transferts d’activités, d’actes ou de soins de médecins vers professionnels paramédicaux sont envisageables, ils doivent être organisés dans le respect des compétences reconnues et vérifiées des professionnels concernés. Dans ce cadre, les Ordres professionnels ont un rôle de garant à jouer afin de permettre le contrôle de la formation initiale et de la formation continue préalablement à l’autorisation donnée à un paramédical de se voir déléguer des actes médicaux. Ainsi, les coopérations de professionnels de santé envisagées par l’article 37 de la loi du 21 juillet 2009 ne doivent pas être remises en cause. Toutefois, leur déclinaison doit garantir les exigences de sécurité sanitaire et de protection des données individuelles de santé attendues par les patients. 2.4. Recourir de façon volontariste aux nouvelles technologies de l’information et de la communication 2.4.1. Encourager la dématérialisation des prescriptions médicales et des arrêts de travail La prescription est un ensemble d'informations qui circule entre différents acteurs (médecins, pharmaciens, employeurs dans le cas d’un arrêt de travail). Sa transmission sous forme électronique serait un garant d'efficacité et de qualité des soins, par la réduction des erreurs et la possibilité de mieux relier prescripteur et autres professionnels de santé, d’une part, et prescripteur et usager, d’autre part, dans le strict respect du secret médical et la protection du droit à la vie privée. 2.4.2. Développer la télémédecine, en tant que facteur d’amélioration du service rendu aux usagers du système de santé Le développement de la télémédecine ouvre de nouvelles perspectives pour l’amélioration de la qualité de la prise en charge des personnes malades. Le soin à distance, sous réserve que soient respectées la nécessité de recueillir le consentement du patient ainsi que la confidentialité des informations de santé le concernant, doit être perçu avant tout comme un outil permettant de développer le travail confraternel, les avis partagés entre professionnels de santé et de suivre le patient sans lui imposer les transports d’un service de santé à un autre. 2.4.3. Offrir rapidement à chaque citoyen qui le souhaite un dossier médical personnel Notre système de santé gagnerait en efficience s’il dépassait les résistances repérées au cœur de certaines pratiques professionnelles en favorisant la circulation 28 juillet 2010 16 des données de santé - sous réserve que soient respectés les impératifs de sécurité, de consentement et de confidentialité des données. Au-delà de la création du dossier médical personnel (DMP), porteur d’espoirs pour la coordination des soins, le médecin traitant a à jouer un véritable rôle d’ « agent de liaison » entre tous les acteurs des soins, professionnels et usagers compris. Ce sont les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui vont le lui permettre. Afin notamment que les professionnels d’aval soient en situation d’intervenir de façon pertinente et que ceux qui ont la charge du suivi et de la coordination des soins ambulatoires puissent accomplir leurs tâches. La dématérialisation des prescriptions médicales et des arrêts de travail, le développement de la télémédecine et la mise en place rapide du dossier médical personnel constituent trois éléments décisifs pour une médecine de proximité plus sûre et plus efficace. 2.5. Généraliser des modes mixtes de rémunération des médecins de premier recours La Suède et la Finlande (pays dans lesquels le système de santé est régulé par l’Etat) ont adopté dans les années 1990 un nouveau système de rémunération pour les « médecins référents » exerçant au sein des centres de santé. Ce système se répartit en trois composantes : la part salariale, la part de paiement à la capitation (en fonction du nombre de patients du cabinet médical) et la part de paiement à l’acte. L’objectif de la rémunération à la capitation est de favoriser l’accès aux soins et la continuité des soins en maintenant une « relation personnelle et individualisée entre les médecins et les patients ». Au Royaume-Uni, un nouveau contrat, le NEW GP contract, rationalise un grand nombre d’éléments du contrat traditionnel entre les médecins généralistes et le NHS et introduit une exigence essentielle de qualité des soins. Dorénavant, 30% du budget versé par le NHS au cabinet de groupe dépendra de la qualité des soins promulgués (liste de 100 indicateurs cliniques, organisationnels, de satisfaction qui doit être renseignée pour chaque cabinet).6 L’organisation des soins ambulatoires en France est largement déterminée par les principes de la médecine libérale : libre choix du médecin par le patient, respect absolu du secret professionnel, droit à des honoraires pour tout malade soigné, paiement direct par l’assuré, liberté thérapeutique de prescription et liberté d’installation. L’article 44 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 rend possible des expérimentations portant sur de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé ou de financement des centres de santé et des maisons de santé mentionnés. Ces expérimentations seront conduites par les ARS qui pourront conclure des conventions avec les professionnels de santé, les centres de santé et les maisons de santé volontaires. 6 Ibid 28 juillet 2010 17 Le glissement progressif du paiement à l’acte vers une rémunération mixte des médecins généralistes doit maintenant s’accentuer pour que chacune des missions qui lui ont été reconnues soit valorisée au juste prix. 2.5.1. Poursuivre la démarche des Contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) De notre point de vue, les CAPI n’ont pas à être remis en cause. Ils constituent un bon outil articulant rémunération et objectifs de santé publique. La démarche a en revanche le défaut de ne pas avoir été organisée en concertation avec les associations d’usagers du système de santé. La simple présentation aux conseils de la CNAMTS et de l’Union national des caisses d’assurance maladie (UNCAM) est loin de constituer l’approche participative attendue. Afin de prévoir les évolutions qui pourraient être envisagées pour les CAPI, un observatoire devrait être installé au sein de l’UNCAM, avec une représentation garantie pour les usagers du système de santé. 2.5.2. Introduire une rémunération forfaitaire calculée selon le nombre de patients du médecin généraliste Cette rémunération forfaitaire devrait permettre un meilleur suivi des malades chroniques, une dispense totale d’avance de frais pour tous les assurés, la valorisation du temps de travail-médecin dédié à la prévention. 2.5.3. Adapter la rémunération des médecins spécialistes choisis médecins traitants Lorsqu’un médecin spécialiste reçoit un patient qui l’a choisi au titre de médecin traitant, celui-ci doit être rémunéré selon un forfait calculé pour lui permettre d’exercer pleinement ses missions de premier recours. La somme allouée au médecin doit être pondérée pour permettre à la fois la dispense d’avance de frais du patient et la juste rémunération du professionnel de santé pour les missions de premier recours qui lui sont reconnues. 2.5.4. Préserver la possibilité du paiement à l’acte direct des médecins « non traitants » et pour certains actes techniques Le médecin traitant doit devenir la clé de voute de l’accès au système de santé et pour répondre à la multiplicité de ses tâches ainsi qu’au défi de la qualité des soins, le paiement au forfait doit prendre en compte ces nouvelles tâches, en se généralisant au-delà du cadre expérimental, encore trop confidentiel et trop local. Cette progression vers un mode de rémunération éprouvé dans de nombreux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) doit accompagner le changement de la pratique professionnelle : le médecin traitant ne doit plus être responsable d’un acte isolé mais de l’état de santé global de son patient qui l’a choisi. 28 juillet 2010 18 Cette logique répond également au besoin de lever les freins de l’accès aux soins de ville que constituent aujourd’hui le paiement à l’acte et les dispenses d’avance de frais très exceptionnelles. Garant de la liberté de choix, le paiement à l’acte donne la possibilité à tout usager d’évoluer dans un parcours de soins qu’il a façonné lui-même, selon ses convenances personnelles. Cette liberté du patient a sous-tendu l’organisation de l’offre de soins que nous connaissons aujourd’hui et doit être préservée quelles que soient les orientations que devra prendre la réforme de la rémunération des médecins de ville. L’égalité d’accès aux soins, assurée notamment par le paiement au forfait, doit pouvoir se conjuguer avec la liberté et le confort des usagers garantis avec le paiement à l’acte. Pour que la seconde soit préservée sans préjudice de la première, un juste équilibre doit être recherché. Il n’est pas contradictoire de généraliser le paiement au forfait des médecins traitants pour les raisons évoquées plus haut, et de maintenir le paiement à l’acte dans les cas suivants : • • • lorsque le patient consulte un médecin autre que son médecin traitant en première intention ; lorsque le patient recourt à un médecin dit « non traitant » en seconde intention ; pour certains actes à définir en fonction de leur technicité. 2.5.5. Valoriser davantage les actes de prévention en évaluant leur efficacité sociale et sanitaire Le secteur de la santé doit être un modèle de développement durable et la culture de la prévention des risques doit maintenant surpasser la recherche du gain économique à court terme. Il serait vain de démentir le coût de la maladie ; il faut au contraire admettre son augmentation due aux efforts de dépistages précoces, au recours aux soins innovants et aux matériels de haute technologie dont le poids financier à court terme peut aussi se traduire par des économies substantielles à plus long terme. L’action sur la « responsabilisation » des malades produit d’insupportables injustices sociales et n’occasionne que des gains économiques très limitées. Les véritables opportunités pour l’avenir de l’assurance maladie solidaire et la sanctuarisation du régime des affections de longue durée (ALD) se situent au niveau de la prévention des risques. Les risques en santé sont connus de tous mais la lutte contre ces facteurs pathogènes reste confidentielle, adressée à des populations trop restreintes et encore trop éloignée des groupes sociaux les plus vulnérables. La mise au point de critères économiques d’évaluation des bénéfices en terme d’efficacité sociale et sanitaire est urgente. Les actions de prévention doivent être 28 juillet 2010 19 valorisées en tenant compte des frais de prise en charge des pathologies « aigües » qu’elles permettent d’éviter. Pour le développement des actes de prévention, les centres de santé, les maisons de santé pluridisciplinaires et plus globalement des services de santé collégiaux disposent d’atouts importants : la pluridisciplinarité et la facilité d’accès. Dans ces structures de proximité, les professionnels peuvent mettre en œuvre des actions de sensibilisation au plus près des besoins des usagers. Pour améliorer la prise en charge en proximité, et notamment motiver les médecins qui désertent aujourd’hui certains territoires, il convient de les rendre financièrement attractifs par de nouveaux modes de rémunérations plus proche des taches finalement multiples qu’accomplissent aujourd’hui les médecins. 2.6. Faire évoluer la médecine libérale de premier recours vers une médecine régulée 2.6.1. Garantir une répartition territoriale plus équitable des effectifs médicaux Au 1er janvier 2007, la France comptait 208 000 médecins actifs. Il s’agit là d’un maximum historique, tant du point de vue des effectifs que du point de vue de la densité de praticiens en activité par habitant. Selon les nouvelles projections de la Direction de la recherche et des études sanitaires et sociales (DRESS), leur nombre devrait baisser de 10% au cours des dix prochaines années. Dans le scénario tendanciel réalisé par la DREES, les inégalités des densités médicales régionales seraient fortement modifiées mais pas réduites en 2030.7 La mise en place des aides à l’installation des médecins en zones sous-denses (majoration des honoraires de 20 % pour les médecins généralistes exerçant en cabinet de groupe dans les zones déficitaires en médecins généralistes définies par les missions régionales de santé ; exonération d'impôt sur le revenu pour les rémunérations perçues au titre de la permanence des soins pour les médecins généralistes installés dans les zones déficitaires à hauteur de soixante jours de permanence par an ; exonération temporaire de taxe professionnelle pour les médecins et auxiliaires médicaux s'établissant ou se regroupant dans une commune de moins de 2 000 habitants ou une zone de revitalisation rurale ; prise en charge totale ou partielle par les collectivités territoriales des frais d'investissement ou de fonctionnement liés à l'activité de soins ; mise à disposition d'un local lié à cette activité, d'un logement et versement d'une prime d'exercice forfaitaire, d'aides au logement, d'indemnités de déplacement pour les étudiants titulaires du concours de médecine/inscrits en faculté de médecine ou de chirurgie dentaire...) se solde par un échec8. Dorénavant, l’organisation de l’accès aux soins hospitaliers et ambulatoires sur le territoire relève de la compétence de l’ARS9 et les nouveaux Schémas régionaux de 7 "La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales", Etudes et Résultats, n° 679, DREES, février 2009. 8 Ibid. 9 Article L. 1431-2, 2°, c) du Code de la Santé publ ique. 28 juillet 2010 20 l’Organisation des soins10 (SROS), qui découlent de cette compétence, devront permettre d’aménager l’offre de soins aux besoins de la population et de lutter contre la désertification médicale. Différents types de mesures sont prévues par la loi du 21 juillet 200911 qui devront être comprises dans les SROS : • • • la promotion de la coopération, l’évaluation des besoins de transports sanitaires, la détermination des missions de service public assurées par les établissements de santé.12 La régionalisation et la territorialisation de l’organisation des soins permettront d’intervenir de manière très ciblée sur les facteurs de la désertification médicale. L’action des ARS doit être graduée pour permettre de repeupler les déserts médicaux dans les zones marquées, par ailleurs, par un déficit d’attractivité en raison de soldes migratoires négatifs, de la fuite des services publics, du taux de chômage, de l’absence d’offre culturelle, de l’isolement, etc. 2.6.2. Garantir la permanence des soins La permanence des soins désigne les dispositifs qui permettent aux patients d’avoir accès à un médecin la nuit et le week-end, quand les cabinets de médecins libéraux sont fermés. Des défaillances sont souvent détectées dans certains secteurs comme les zones rurales ou à certains moments dans l’année. L'organisation de la permanence des soins des médecins généralistes libéraux relève en partie de la compétence du conseil de l'Ordre des médecins et repose sur la base du volontariat. Le financement de la permanence des soins est prévu par l'avenant n° 4 à la convention nationale des médecins libéraux (JO du 1er juin 2005). Son objectif est de garantir aux assurés une permanence des soins efficiente sur tout le territoire, et aux professionnels libéraux une juste rémunération pour leur participation à la permanence des soins. Une enquête réalisée par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) en 2010 montre une « érosion du volontariat au niveau des 2 412 secteurs de garde comptabilisés au 1er janvier 2010 (- 147 secteurs en un an, soit une baisse de 5,5 % comme en 2008) ». La permanence des soins, telle qu’elle est aujourd’hui organisée, est un échec. Le risque de rupture de la chaîne de soins qu’elle engendre représente un danger pour les usagers qui, selon leur lieu de résidence ou le moment de leur incident de santé, pourraient être victimes d’une prise en charge trop tardive. 10 Articles L. 1434-7 et L.1434-8 du Code de la Santé publique. Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. 12 Art. L. 1434-9 du Code de la Santé publique. 11 28 juillet 2010 21 Selon le CNOM, trois facteurs fragiliseraient la participation des médecins à la permanence des soins : « une démographie médicale déclinante, une reconnaissance encore insuffisante de la mission de service public assurée par la profession et l’absence de mesures pour améliorer l’organisation de la garde, le samedi après-midi ou en nuit profonde. »13 L’un des objectifs principaux et urgents des ARS consistera à améliorer la permanence des soins compte tenu de l’échec du dispositif existant. Les articles 36 et 44 de la LFSS pour 2008 ouvrent la possibilité pour les ARS volontaires de mettre en place des expérimentations de rémunération des médecins assurant la permanence de soins, qui dérogent aux dispositions réglementaires traditionnelles. La permanence des soins est devenue une mission de service public en décembre 200614 et est également visée au titre des quatorze missions de service public énumérées par la loi du 21 juillet 2009 transcrites à l’article L. 6112-1 du Code de la Santé publique. Si le volontariat n’est pas à même de consolider l’organisation de la permanence des soins par les médecins libéraux, les ARS devront en tirer toutes les conséquences pour que soit garantie la sécurité des usagers. 13 14 Enquête du Conseil national de l’Ordre des médecins sur l’état des lieux de la permanence des soins – janvier 2010. Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007. 28 juillet 2010 22 Conclusion La proximité des soins, c’est un critère d’organisation optimale de l’accès aux soins, au plus près des besoins et des moyens des usagers, tenant compte de l’évolution des outils de communication et dans le respect des référentiels de bonnes pratiques. Les professionnels qui auront à assurer les soins de premier recours doivent pouvoir disposer des moyens juridiques, administratifs, économiques et humains nécessaires pour assurer leurs fonctions en contrepartie de quoi ils doivent s’engager à être accessibles, à pratiquer collégialement dans la prise en charge de leurs patients et à proposer à ces-derniers une approche et une offre de service globales. C’est de soins plus « sociaux » et plus globaux dont les usagers et la collectivité ont besoin. 28 juillet 2010 23