La Méditerranée mise sur les digital natives pour son développement économique “Un grand pas sur une route qui est longue et pleine de défis” a dit Monsieur Boutros Harb, Ministre des Télécommunications du Liban, lors de la session ministérielle qui a constitué le dernier volet d’une journée de conférences sur le thème du numérique et du développement économique. Organisée par l’Agence Française de Développement, le Centre pour l’intégration en Méditerranée et la Banque Mondiale, elle réunissait des personnalités et ministres venus spécialement des deux rives de la Méditerranée. L’Etat fait confiance à la nouvelle génération Madame Wala Kasmi, Présidente de l’association tunisienne Youth Decides, a ouvert cette session en rappelant le contexte politique actuel de la Tunisie et les ambitions 2.0 du nouveau gouvernement. L’association œuvre pour l’inclusion politique et économique de la jeunesse tunisienne. Pour Wala Kasmi, les jeunes natifs du digital sont des problems solver et les solutions alternatives locales doivent être prises en compte. “On n’a rien à apprendre aux jeunes, ce sont eux qui vont nous apprendre des choses”, a approuvé Anouar Maarouf, Ministre tunisien des Technologies de la Communication et de l’Economie Numérique. Pour le Ministre libanais Monsieur Boutros Harb aussi, l’Etat doit aider les jeunes à créer, à se lancer dans l’entreprenariat en particulier dans les domaines des télécommunications. Il a d’ailleurs évoqué le projet de création d’un écosystème avec la banque centrale libanaise afin de soutenir les nouveaux projets et de favoriser l’entreprenariat. Cette génération représente une “rébellion internationale” et ces nouveaux comportements pourraient aider le gouvernement à créer du contenu qui permettrait aux jeunes de trouver du travail. Cette politique de développement doit s’intéresser aussi aux régions rurales et pas seulement aux centres urbains. Promouvoir l’inclusion sociale grâce aux TIC Il est nécessaire en effet pour chaque pays, d’avoir un dialogue à l’échelle nationale pour mesurer l’apport du numérique dans tous les secteurs, y compris l’agriculture et l’environnement et de pousser l’Etat à investir dans des plateformes partagées pour que toute l’administration puisse bénéficier du numérique. Comme cela a déjà été dit tout au long de la Semaine économique de la Méditerranée, l’inclusion passe d’abord par la formation. Mais il existe toujours, sur le pourtour méditerranéen comme ailleurs, de grandes disparités entre l’offre et la demande dans le domaine des TIC. Les jeunes ne sont pas près pour le monde du travail, et en réponse les industries créent elles-mêmes leurs programmes de formation. Les systèmes éducatifs et industriels ne devraient-ils pas travailler ensemble pour financer cela ? Les Etats méditerranéens doivent favoriser l’échange de bonnes pratiques et réaliser toutes leurs ambitions. S’inspirer de l’international, favoriser les initiatives locales L’intervention de Allam Mousa, Ministre des Télécommunications et des TIC, Palestine, est allée dans ce sens, insistant sur la nécessité de s’ouvrir à l’Europe afin de mobiliser toutes les chances pour les étudiants palestiniens. Avec une coopération à l’échelle internationale, les TIC pourraient permettre de combler la fracture géographique existante. Rattraper le reste du monde, c’est également l’objectif de M. Abdel-Menhem Youssef, PDG de la société libanaise Ogero Telecom. Le numérique apporte de grandes possibilités économiques en Afrique. Abdel-Menhem Youssef a cependant rappelé le problème d’absence d’infrastructures et la différence de salaires entre l’Europe et la majorité des pays africains. Avec moins de 600$ par habitant en moyenne, la facturation d’une offre numérique ne devrait pas être à plus de 3$ par mois. Un véritable blocage pour les opérateurs étrangers qui n’investissent pas. Il est donc essentiel de soutenir les projets à l’échelle locale. Vers une transformation profonde du monde de l’emploi A une personne du public s’inquiétant de la disparition des emplois, M. le Ministre Anouar Maarouf a répondu qu’il était évident que de nombreux métiers allaient disparaître, mais qu’il est aussi certain que d’autres vont être créés et nous emmener plus loin dans le progrès. “C’est le devoir de chaque gouvernement d’assurer que chaque famille puisse être connectée” et donc de faire en sorte que les digital natives et leurs enfants soient prêts et compétitifs pour ces nouveaux métiers. Il a ainsi assuré que chaque école tunisienne sera connectée d’ici février, l’objectif étant de remplacer au fur et à mesure les outils, mais surtout le contenu en incitant les instituteurs à utiliser le digital. Les gouvernements ne doivent pas non plus être des obstacles pour les entrepreneurs qui recherchent la compétitivité. Le mot d’ordre est “l’économie ouverte” : tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé car il est impossible de gérer l’économie numérique par les lois de l’économie traditionnelle. Estelle Barthélemy