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INTRODUCTION
transports seront moins énergivores mais ne freine-
ront pas pour autant la mobilité. « De même les in-
dustries grosses consommatrices d’eau développeront
simplement de nouvelles technologies pour éviter la
pénurie ».
Modèle rhénan ou modèle anglo‐saxon
Après l’Irlande, dont on sait ce qu’il est advenu, deux
modèles sont désormais montrés en exemple en Eu-
rope: le modèle rhénan – qui semble avoir réussi la
difficile alchimie entre les intérêts des différents ac-
teurs de la vie économique (actionnaires-patron-Etat-
travailleurs) et le modèle anglo-saxon plus versatile
plus empirique, moins respectueux des contingences
sociales. Désormais, assure l’économiste belge Bruno
Colmant dans L’Écho du 26 février 2012, «il faut évoluer
vers un capitalisme de coordination qui se situe entre
les modèles rhénan et anglo-saxon». Ce qui, selon lui,
entraîne trois contraintes.
D’abord, l’État doit reformuler son rôle, il doit être
allégé, désengagé des secteurs productifs et se limiter
aux fonctions régaliennes, avec pour objectif d’opti-
maliser le partage des connaissances.
Ensuite, il faut réinventer la protection sociale « de-
venue paralysante dans une économie où le recyclage
des connaissances devient la contrainte absolue».
Enfin, il faut favoriser une mentalité personnelle d’en-
treprenariat dissociée du concept de l’Etat-providence.
Au final, même si l’économiste s’attend à de fortes
tensions idéologiques et sur fond de coupes budgé-
taires douloureuses dans les finances publiques, « ce
sera la confiance en l’individu et donc sa responsabilité
au titre d’acteur de l’économie de marché qui prévaudra.
C’est ce que nous qualifions de capitalisme éclairé ou
coordonné. Ceci ramène à un des grands défis de nos
communautés occidentales: la répartition des richesses,
c’est-à-dire l’alignement des intérêts privés et des béné-
fices sociaux.»
Et Bruno Colmant de prévenir en guise de conclusion:
«L’équilibre penchera probablement plus vers l’atomi-
sation que vers la protection sociale. Malheureusement
nous n’avons pas le choix : c’est la mondialisation qui
nous l’impose».
désormais administrateur de nombreuses multinatio-
nales.
Dans le magazine Alternative économique de mars 2012,
il enfonce le clou : «Il est temps de réorienter l'économie
vers un modèle au sein duquel la gouvernance d'entreprise
favorise l'investissement à long terme. Il faut pour cela
mettre en place des règles qui encouragent un actionna-
riat stable, et en particulier l'actionnariat salarié ». Et
d’ajouter : «Le libéralisme a conduit à augmenter les dé-
localisations. Il faut clairement favoriser la production
sur le sol national d’industrie et d’énergie. Mais pour cela
des actions gouvernementales sont nécessaires.»
Jean-Louis Beffa tire au passage les leçons de la crise:
«Ce capitalisme a été jusqu’à l’excès financier. On a fa-
cilité le capitalisme à court terme. Il faut aujourd’hui
mettre en avant des stratégies à long terme et promou-
voir l’innovation». Et il donne une leçon à l’Europe :
«L’Europe s’est dotée d’un modèle qui protège les
consommateurs. Il serait temps de se doter d’un modèle
qui protège les producteurs. (…) Il faut redonner l’avan-
tage aux gens qui produisent et ne plus se focaliser uni-
quement sur les consommateurs ». En d’autres termes,
dans une économie où la mondialisation règne en
maître, l'industrie européenne serait handicapée par
des règles que ne sont pas tenus de respecter ses prin-
cipaux concurrents que sont les Japonais, les Chinois
ou les Américains.
Cela étant, il n’est pas sûr que la vieille économie occi-
dentale renonce de sitôt à un modèle où protection
de l’environnement et protection de ses citoyens ont
atteint une forme très aboutie, quoiqu’insuffisam-
ment parfaite aux yeux des dirigeants les plus
« verts ». L’Américain Michael Spence, prix Nobel
d’Économie, synthétise de cette façon sa pensée sur
le sujet : «Abandonner le système capitalistique et donc
la croissance n’est pas envisageable. Il n’y a pas d’autre
choix que d’essayer d’adapter le système à l’évolution
technologique et globale », explique-t-il dans L’Écho
du 23 février 2012. Croissance ou décroissance ? « L’al-
ternative à la décroissance est de changer le modèle
de croissance de manière à alléger l’impact des activités
économiques sur les ressources naturelles et l’environ-
nement » (…). Pour modifier un modèle de croissance,
il faut dit-il en substance, en inventer un nouveau,
au fil du temps, pas à pas, à partir d’ingrédients com-
plémentaires et essentiels: l’éducation et les valeurs.
C’est en croisant ces deux éléments que, demain, les
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