Cardiologie
Actualités scientifiques
imminente de l’infarctus ou une insuffisance cardiaque progres-
sive. Ces patients se sentent généralement relativement bien et il
faut parfois les convaincre d’envisager un traitement prophylac-
tique pour les arythmies cardiaques, qui d’un point de vue
subjectif ne peuvent que diminuer leur qualité de vie à court terme.
Pour faire face à ces dilemmes, les cliniciens pendant les
années 1980 et 1990 pensaient que l’on pouvait prévenir la
mort subite en administrant un traitement pharmacologique
antiarythmique. Cette approche offrait l’avantage conceptuel
qu’elle pouvait être appliquée en tant que « chimioprophylaxie »
contre la mort cardiaque subite à un large groupe de patients
présentant un risque relativement faible. En raison de l’échec
spectaculaire des médicaments de la classe I (p. ex. flécaïnide)
après un IM, on s’est intéressé aux médicaments qui prolongent la
repolarisation cardiaque (médicaments de la classe III). Le plus
étudié de ces médicaments est l’amiodarone. Plusieurs études de
très grande envergure ont examiné en détail l’utilité potentielle de
l’amiodarone pour prévenir la mort subite chez les patients à haut
risque atteints de coronaropathie et de dysfonction du VG, les
études les plus importantes étant EMIAT (European Myoardial
Infarction Arrhythmia Trial)2et CHF-STAT (Congestive Heart Failure
– Survival Trial of Antiarrhythmic Therapy)3. L’étude CAMIAT
(Canadian Amiodarone Myocardial Infarction Arrhythmia Trial)4
comprenait également des patients ayant souffert d’un IM, dont la
plupart présentaient au moins une dysfonction modérée du VG,
ainsi que des extrasystoles ventriculaires fréquentes. Toutes ces
études étaient des études cliniques randomisées et contrôlées avec
placebo. Aucune n’a pu démontrer une réduction statistiquement
ou cliniquement significative de la mortalité cardiaque toutes
causes. Bien que des méta-analyses de l’amiodarone aient suggéré
une réduction légère et statistiquement significative de la mortalité
toutes causes dans les populations à haut risque, les études
individuelles auprès de patients atteints de coronaropathie et de
dysfonction du VG ne laissent que peu d’espoir quant à l’utilité de
l’amiodarone dans cette population de patients. Le fardeau
croissant des effets indésirables associés à l’amiodarone est un
autre obstacle à son utilisation. Étant donné le faible nombre de
données à l’appui, il n’existe pas de raison valable de prescrire
l’amiodarone comme traitement prophylactique primaire de la TV
ou de la FV chez les patients atteints de coronaropathie et de
dysfonction du VG et ne présentant pas de symptômes
d’arythmies ventriculaires soutenues.
Des études de grande envergure ont également examiné les
avantages potentiels des nouveaux médicaments antiarythmiques
de la classe III dans la prévention de la mort subite après un IM
ou chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque, comprenant
les études sur le dofétilide (DIAMOND5et DIAMOND-CHF6) et
sur l’azimilide (ALIVE7). Ces études n’ont pas démontré une
différence en ce qui concerne la mort subite ou la mortalité toutes
causes entre les patients traités avec les médicaments actifs et ceux
traités avec le placebo. Il est extrêmement important de noter que
le traitement avec les bêta-bloquants offre sans aucun doute
l’avantage de prolonger la vie chez les patients ayant subi un IM,
en particulier chez ceux atteints d’insuffisance cardiaque ou de
dysfonction du VG importante. Cependant, en-dehors des bêta-
bloquants qui sont universellement nécessaires, à moins qu’ils
ne soient absolument contre-indiqués, on ne peut pas vraiment
espérer que les médicaments antiarythmiques apportent du moins
Cardiologie
Actualités scientifiques
naropathie, principalement la dysfonction du VG et l’insuffisance
cardiaque, et la tendance à la mort subite d’origine arythmique.
Bien que l’on ait très clairement établi que les patients
souffrant de dysfonction du VG, avec ou sans insuffisance
cardiaque symptomatique, présentent un risque élevé d’arrêt
cardiaque en dehors de l’hôpital et de mort subite non
documentée, mais probablement d’origine arythmique, la
prévention de leur décès constitue un défi thérapeutique majeur.
Tout d’abord, il est difficile, sinon impossible, de prédire avec
un degré raisonnable de certitude quels sont les patients qui
souffriront d’arythmies mortelles et quels sont ceux qui demeu-
reront cliniquement stables, ou du moins qui ne souffriront pas
d’arythmies ventriculaires graves. Bien entendu, si l’on pouvait
identifier ces patients, on pourrait alors orienter le traitement
uniquement vers ce groupe sélectionné dont la destinée est de
souffrir de TV ou de FV (ils représentent environ 40 à 60 % de
tous les patients atteints de dysfonction du VG modérée à sévère)1.
Les tests visant à identifier les patients présentant un risque
particulièrement élevé de mort subite comprennent :
•Provocation d’une tachycardie ou d’une fibrillation
ventriculaire lors d’une étude électrophysiologique invasive;
•Documentation d’une tachycardie ventriculaire non
soutenue lors d’une surveillance Holter ou d’un ECG à l’hôpital;
•Présence d’anomalies ECG subtiles (non visibles à l’œil nu)
de la dépolarisation et de la repolarisation à l’ECG avec haute
amplification ou présence d’une alternance de l’onde T;
•Présence d’une modulation anormale de la fonction
cardiaque par le système autonome, sur la base de l’enregistrement
d’une variabilité de la fréquence cardiaque anormalement faible,
ou barocepteur à sensibilité réduite.
Bien que chacun de ces tests ait une certaine valeur
pronostique, pour des raisons cliniques pratiques, ils ne sont pas
suffisamment précis pour orienter le traitement. Une autre
expression de cette difficulté est « l’énigme bayesienne » par
laquelle les patients chez qui l’on a noté les marqueurs de risque
ci-dessus présentent un risque très élevé de mort subite, peut-être
de 20 à 40 % chaque année, en présence de plusieurs facteurs de
risque d’origine arythmique. Cependant, ces sujets ne constituent
qu’une petite fraction de tous les patients souffrant de dysfonction
ventriculaire présentant un risque potentiel de mort subite. En
revanche, l’incidence de la mort subite parmi tous les patients
ayant subi un IM est relativement faible.
Un deuxième problème conceptuel et pratique est l’incapacité
à identifier le moment ou les causes immédiates de la mort subite
due à une TV/FV. Ces événements surviennent apparemment
brusquement et chez la plupart des sujets, aucun facteur
clairement identifiable ne précède la mort cardiaque subite. Bien
que la coronaropathie soit le facteur étiologique le plus important
entraînant des arythmies ventriculaires menaçant la vie, on
observe rarement une angine, d’autres manifestations de
l’ischémie myocardique, une aggravation soudaine de l’insuffi-
sance cardiaque ou des facteurs comportementaux tels que le
stress ou l’effort, immédiatement avant la mort subite.
Une amélioration des traitements à court et à long terme et
de la survie chez les patients ayant subi un IM a entraîné
une augmentation relative du nombre des patients atteints de
coronaropathie chronique et de dysfonction du VG dont l’état est
néanmoins stable et chez qui l’on ne prévoit pas une récidive