36-40-PAGOT 4/05/07 17:42 Page 36 Dossier contactologie Nouvelles technologies et lentilles : des stratégies d’adaptation et de surveillance de plus en plus précises Roland Pagot a vidéotopographie cornéenne arrive au premier rang des nouvelles techniques en contactologie. Sous l’impulsion de cette spécialité et de la chirurgie réfractive, elle s’est largement développée depuis une quinzaine d’années pour devenir un examen de routine. Elle a également évolué de la topographie spéculaire vers la topographie d’élévation, sans que la première ne devienne obsolète. Elle permet d’analyser les anomalies cornéennes et d’établir un document médico-légal avant toute adaptation de lentilles. Les autres avancées prometteuses, mais qui demandent encore à faire leurs preuves, sont la tomographie par cohérence optique (OCT) du segment antérieur et la microscopie confocale. Toutes ces techniques ont l’avantage d’être non invasives et non contact. L La topographie spéculaire mesure des rayons de courbure et non des élévations Ni la face postérieure ni la périphérie de la cornée ne sont explorées : l’analyse ne concerne que les 8 mm centraux. L’interprétation dépend du type de carte, de l’échelle colorée et des indices statistiques En pratique, la topographie est représentée par différentes cartes qui permettent d’étudier la cornée dans son ensemble et par zones. Ces cartes résultent d’algorithmes de reconstruction du film lacrymal en fonction d’une certaine modélisation de la cornée. La représentation colorimétrique des résultats peut être effectuée selon différentes échelles, notamment absolue ou normalisée. Le code attribue le vert aux valeurs moyennes, les couleurs chaudes aux puissances plus élevées (rayon de courbure plus petit), et les couleurs froides aux puissances plus faibles (rayon de courbure plus grand). Les principales cartes sont les cartes axiale, tangentielle et d’élévation. Pour déterminer par calcul la forme de la cornée, on utilise deux plans perpendi- Figure 1. Carte en échelle absolue avec coordonnées (x, y, z) et indices SAI, SRI, PVA. Strasbourg 36 culaires. Le plan tangentiel passe par le point considéré et par l’axe optique. Le plan sagittal lui est perpendiculaire et passe lui aussi par le point étudié. La topographie spéculaire repose sur le calcul des coordonnées x,y,z de chaque point étudié (repère tridimensionnel). Différents indices d’analyse statistique permettent de juger de la normalité de la cornée mesurée en la comparant à une cornée de référence. C’est le cas des indices de régularité de surface (SRI), d’asymétrie de surface (SAI) et de potentialité d’acuité visuelle (PVA) (figure 1). Les Cahiers n° 110 • Mai 2007 36-40-PAGOT 4/05/07 17:42 Page 37 Dossier contactologie La carte absolue (ou standard) permet d’effectuer des comparaisons inter- ou intra-individuelles En effet, cette échelle est invariable : une couleur donnée correspond toujours à la même puissance. La topographie normale est jaune-verte avec un dégradé de 3 à 5 nuances vers les couleurs froides en périphérie et un aplatissement plus rapide en nasal (figure 2). Figure 4. Topographie en échelle normalisée (cartouche en haut à gauche : en échelle absolue). Elle affine l’étude de la puissance et du profil cornéens, mais peut surestimer les différences de courbure. Figure 2. Topographie spéculaire normale. Une absence de dégradé témoigne d’une cornée dont l’excentricité est faible ou nulle (figure 3). La carte axiale (ou sagittale) est approximative En effet, la puissance axiale est calculée par une formule d’approximation à partir des rayons de courbure axiaux. On l’appelle aussi puissance sagittale. Elle s’exprime en dioptries kératométriques (conversion à partir du rayon de courbure). La carte tangentielle (ou instantanée) renseigne sur la forme de la cornée La puissance tangentielle, calculée à partir des rayons de courbure tangentiels, est parfois aussi appelée puissance instantanée. Après conversion à partir du rayon de courbure, elle s’exprime en dioptries kératométriques. Ce type de carte donne une très bonne idée de la forme de la cornée, notamment des ruptures brutales de pente, mais elle ne signifie plus rien en termes de puissance. Elle permet surtout de situer le sommet d’un cône et d’apprécier le degré de sa pente (figure 5). Figure 3. Cornée à excentricité faible. La carte numérique optimise la stratégie d’adaptation La carte standard normalisée est propre à chaque cornée (figure 4) En effet, l’ensemble des couleurs disponibles est automatiquement réparti sur la cornée étudiée qui est divisée en onze à vingt nuances, de la couleur la plus froide à la couleur la plus chaude. L’échelle ne concerne donc que la cornée considérée et ne permet pas de comparer les topographies d’un même patient dans le temps. n° 110 • Mai 2007 En effet, la puissance est notée en chaque point de la cornée. L’échelle de mesure n’a aucune importance car la lecture, aidée par la couleur associée au nombre, s’effectue en direct sur la carte (figure 6). Les topographes spéculaires peuvent calculer l’élévation, mais pas la mesurer La carte d’élévation correspond à la forme géométrique réelle de la cornée. Elle repose sur la détermi- Les Cahiers 37 36-40-PAGOT 4/05/07 17:42 Page 38 Dossier contactologie Figure 5. Carte tangentielle à gauche, sagittale à droite. Le sommet de la cornée paraît plus éloigné du centre en carte sagittale. nation de l’abscisse (x), de l’ordonnée (y) et de la hauteur (z) de chaque point étudié dans un repère à trois dimensions. Les topographes spéculaires ne mesurent pas directement ces coordonnées : ils ne peuvent que les calculer indirectement. Pour être interprétable, la surface reconstruite est habituellement comparée à une sphère de référence. Figure 6. Carte numérique. La couleur verte uniforme permet de savoir qu’il s’agit d’une cornée normale, sphérique et sans aplatissement périphérique. Le premier choix d’une lentille rigide ne se portera donc pas sur une lentille de forte excentricité. Les autres cartes en topographie spéculaire ont moins d’intérêt Les cartes en 3D, réfractive et hémiméridienne sont moins utiles en pratique. Les cartes comparatives permettent de suivre l’évolution, par exemple d’un corneal warpage après changement d’adaptation (figure 7). A quoi correspondent les différentes zones cornéennes ? L’étude de chacune des quatre zones cornéennes apporte des renseignements spécifiques. Figure 7. Évolution sur un mois d’un corneal warpage OD (en supérieur) et OG (en inférieur). La zone centrale est extrapolée à partir de l’anneau le plus interne C’est l’une des limites de la vidéotopographie. Il faut apprécier la régularité de la zone centrale, l’absence de nebula et d’îlots centraux après chirurgie réfractive (figure 8). La zone des 1,5 mm correspond au domaine d’exploration du Javal Elle met en évidence des cônes frustes passant inaperçus à l’ophtalmomètre. La zone des 2,5 mm correspond à la chirurgie réfractive Elle permet d’objectiver tout décentrement, irrégularité ou genou cornéen. 38 Les Cahiers Figure 8. Îlots centraux. n° 110 • Mai 2007 36-40-PAGOT 4/05/07 17:42 Page 39 Dossier contactologie La zone des 4 mm correspond à la greffe de cornée L’analyse de la rupture de pente greffonhôte est primordiale pour le choix d’une lentille. Le coefficient d’excentricité de la cornée est calculé à partir de cette zone. La topographie par élévation permet d’explorer le segment antérieur L’appareil type en est l’Orbscan II. Il associe une topographie spéculaire à des cartes d’élévation des faces antérieure et postérieure de la cornée, dont il permet ainsi de mesurer l’épaisseur (figure 9). L’œil est comparé à une sphère idéale (couleur verte). Là encore, les cotes moins puissantes apparaissent en couleurs plus froides et celles plus puissantes en couleurs plus chaudes. la zone centrale n’est plus extrapolée mais mesurée L’Orbscan II a l’avantage de mesurer directement les coordonnées spatiales d’un point des surfaces cornéennes antérieure et postérieure grâce au balayage de la cornée par la fente optique associée au topographe spéculaire. Il analyse donc la déformation cornéenne non seulement antérieure, mais aussi postérieure. Surtout : la zone centrale n’est plus extrapolée mais mesurée. La cornée est étudiée dans son ensemble Cet appareil permet également d’analyser toute la cornée et d’en mesurer le diamètre. Cette étude participe à la précision de son logiciel de contactologie et à la possibilité de simuler une adaptation de lentilles perméables aux gaz de grand diamètre en fonction de l’asphéricité et de l’excentricité cornéennes. En contactologie, de tels outils permettent donc une étude qualitative de la cornée et une adaptation « customisée » ou à façon. Grâce aux paramètres relevés sur les cartes et aux essais préalables, l’ophtalmologiste est à même de fournir des précisions importantes pour sélectionner la lentille. Certains laboratoires se servent de ces cartes pour fabriquer des équipements personnalisés. L’étape suivante consistera à utiliser l’aberrométrie pour compenser les aberrations sphériques et de haut grade. n° 110 • Mai 2007 Figure 9. Orbscan : quadmap d’un kératocône fruste. L’OCT étudie l’adaptation des lentilles, les complications et les larmes La qualité des images obtenues avec l’OCT de segment antérieur (Visante®) permet de vérifier précisément l’adaptation des lentilles dont on peut étudier le design, le profil et les bords. Cette technique, qui notamment mesure l’œdème stromal, analyse également les complications sous lentilles. Les épaisseurs de la lentille, de l’épithélium, du stroma et du film lacrymal post- et prélentille peuvent être mesurées (figure 10). Un autre avantage est la possibilité de mesurer la hauteur du ménisque lacrymal supérieur et inférieur, méthode qui pourrait s’avérer plus performante que le classique test de Shirmer. Figure 10. OCT : lentille RPG sur cornée kératocônique. Les Cahiers 39 36-40-PAGOT 4/05/07 17:42 Page 40 Dossier contactologie En outre, cette technique diagnostique in vivo les complications dues aux lentilles, notamment les kératites infectieuses (figure 12). La microscopie confocale révèle les effets des lentilles sur les tissus cornéeens Dérivée du HRT (Heidelberg Retina Tomograph®), la microscopie confocale permet une étude quasi histologique de la cornée (résolution de quelques microns). Sur le plan technique, les systèmes d’observation et d’illumination sont focalisés au même endroit, de manière à éliminer des éléments situés en dehors du point focal. La diffusion de ces appareils permettra d’enrichir l’iconographie cornéenne et de suivre beaucoup plus précisément les conséquences inflammatoires et mécaniques du port de lentilles (figure 11). On accédera ainsi au diagnostic préclinique, tout comme la topographie spéculaire met en évidence les kératocônes frustes. Figure 12. Microscopie confocale : filaments mycéliens d’une kératite à Fusarium solani chez un porteur de lentilles (Photo F. Malet, CHU Bordeaux). Prochaine étape : exploiter l’aberrométrie En contactologie, la complémentarité des outils d’imagerie modernes permet d’envisager l’équipement dans son ensemble : du choix de la lentille à partir des topographies spéculaire et d’élévation au suivi de l’adaptation en passant par l’analyse infraclinique des complications grâce à l’OCT et à la microscopie confocale. L’avenir verra peut-être la fabrication de lentilles personnalisées en fonction du profil cornéen et des aberrations de l’œil à équiper. Figure 11. Microscopie confocale : stroma cornéen antérieur d’un kératocône équipé en lentille rigide perméable (Photo F. Malet, CHU Bordeaux). Bibliographie Touzeau O, Allouch C, Borderie V, Laroche L. Topographie d’élévation et analyse du segment antérieur par balayage d’une fente lumineuse (Orbscan). Encycl Méd Chir (Editions scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-200-A15.2001, 27p. Assouline M et Lebuisson DA. Topographie cornéenne. Encycl Méd Chir (Editions scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-200-A-12.1998, 27p. Baudouin C, Bourcier T, Dupas B, Labbé A, Sonigo B. Apport de la microscopie confocale cornéenne in vivo pour l’exploration de la surface oculaire. Collection librairie médicale Laboratoires Théa. 40 Les Cahiers Hirano K, Ito Y, Suzuki T, Kojima T, Kachi S, Miyake Y. Optical coherence tomography for the non invasive evaluation of the cornea. Cornea 2001;20(3):281-9. Wang J, Fonn D, Simpson TL, Jones L. 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