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Dossier contactologie
Nouvelles technologies et lentilles :
des stratégies d’adaptation et de surveillance
de plus en plus précises
Roland Pagot
a vidéotopographie cornéenne arrive au premier rang des nouvelles techniques
en contactologie. Sous l’impulsion de cette spécialité et de la chirurgie réfractive, elle
s’est largement développée depuis une quinzaine d’années pour devenir un examen de
routine. Elle a également évolué de la topographie spéculaire vers la topographie d’élévation, sans que la première ne devienne obsolète. Elle permet d’analyser les anomalies
cornéennes et d’établir un document médico-légal avant toute adaptation de lentilles.
Les autres avancées prometteuses, mais qui demandent encore à faire leurs preuves,
sont la tomographie par cohérence optique (OCT) du segment antérieur et la microscopie confocale. Toutes ces techniques ont l’avantage d’être non invasives et non contact.
L
La topographie spéculaire mesure
des rayons de courbure
et non des élévations
Ni la face postérieure ni la périphérie de la cornée ne
sont explorées : l’analyse ne concerne que les 8 mm
centraux.
L’interprétation dépend du type de carte, de l’échelle
colorée et des indices statistiques
En pratique, la topographie est représentée par différentes cartes qui permettent d’étudier la cornée dans
son ensemble et par zones. Ces cartes résultent d’algorithmes de reconstruction du film lacrymal en fonction d’une certaine modélisation de la cornée.
La représentation colorimétrique des résultats peut
être effectuée selon différentes échelles, notamment
absolue ou normalisée. Le code attribue le vert aux
valeurs moyennes, les couleurs chaudes aux puissances plus élevées (rayon de courbure plus petit), et les
couleurs froides aux puissances plus faibles (rayon de
courbure plus grand).
Les principales cartes sont les cartes axiale, tangentielle et d’élévation. Pour déterminer par calcul la
forme de la cornée, on utilise deux plans perpendi-
Figure 1. Carte en échelle absolue avec coordonnées (x, y, z)
et indices SAI, SRI, PVA.
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culaires. Le plan tangentiel passe par le point considéré et par l’axe optique. Le plan sagittal lui est
perpendiculaire et passe lui aussi par le point étudié.
La topographie spéculaire repose sur le calcul des
coordonnées x,y,z de chaque point étudié (repère tridimensionnel). Différents indices d’analyse statistique
permettent de juger de la normalité de la cornée
mesurée en la comparant à une cornée de référence.
C’est le cas des indices de régularité de surface (SRI),
d’asymétrie de surface (SAI) et de potentialité d’acuité
visuelle (PVA) (figure 1).
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La carte absolue (ou standard) permet d’effectuer
des comparaisons inter- ou intra-individuelles
En effet, cette échelle est invariable : une couleur donnée correspond toujours à la même puissance.
La topographie normale est jaune-verte avec un
dégradé de 3 à 5 nuances vers les couleurs froides en
périphérie et un aplatissement plus rapide en nasal
(figure 2).
Figure 4. Topographie en échelle normalisée (cartouche en haut
à gauche : en échelle absolue).
Elle affine l’étude de la puissance et du profil cornéens,
mais peut surestimer les différences de courbure.
Figure 2. Topographie spéculaire normale.
Une absence de dégradé témoigne d’une cornée dont
l’excentricité est faible ou nulle (figure 3).
La carte axiale (ou sagittale) est approximative
En effet, la puissance axiale est calculée par une
formule d’approximation à partir des rayons de
courbure axiaux. On l’appelle aussi puissance
sagittale. Elle s’exprime en dioptries kératométriques (conversion à partir du rayon de courbure).
La carte tangentielle (ou instantanée) renseigne
sur la forme de la cornée
La puissance tangentielle, calculée à partir des rayons
de courbure tangentiels, est parfois aussi appelée
puissance instantanée. Après conversion à partir du
rayon de courbure, elle s’exprime en dioptries kératométriques.
Ce type de carte donne une très bonne idée de la
forme de la cornée, notamment des ruptures brutales
de pente, mais elle ne signifie plus rien en termes de
puissance. Elle permet surtout de situer le sommet
d’un cône et d’apprécier le degré de sa pente (figure 5).
Figure 3. Cornée à excentricité faible.
La carte numérique optimise la stratégie d’adaptation
La carte standard normalisée est propre
à chaque cornée (figure 4)
En effet, l’ensemble des couleurs disponibles est
automatiquement réparti sur la cornée étudiée qui
est divisée en onze à vingt nuances, de la couleur la
plus froide à la couleur la plus chaude. L’échelle ne
concerne donc que la cornée considérée et ne permet
pas de comparer les topographies d’un même patient
dans le temps.
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En effet, la puissance est notée en chaque point de la
cornée. L’échelle de mesure n’a aucune importance
car la lecture, aidée par la couleur associée au nombre, s’effectue en direct sur la carte (figure 6).
Les topographes spéculaires peuvent calculer l’élévation,
mais pas la mesurer
La carte d’élévation correspond à la forme géométrique réelle de la cornée. Elle repose sur la détermi-
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Figure 5. Carte tangentielle à gauche, sagittale à droite.
Le sommet de la cornée paraît plus éloigné du centre
en carte sagittale.
nation de l’abscisse (x), de l’ordonnée (y) et de la hauteur (z) de chaque point étudié dans un repère à trois
dimensions. Les topographes spéculaires ne mesurent pas directement ces coordonnées : ils ne peuvent
que les calculer indirectement. Pour être interprétable, la surface reconstruite est habituellement comparée à une sphère de référence.
Figure 6. Carte numérique. La couleur verte uniforme permet
de savoir qu’il s’agit d’une cornée normale, sphérique
et sans aplatissement périphérique.
Le premier choix d’une lentille rigide ne se portera donc
pas sur une lentille de forte excentricité.
Les autres cartes en topographie spéculaire
ont moins d’intérêt
Les cartes en 3D, réfractive et hémiméridienne
sont moins utiles en pratique.
Les cartes comparatives permettent de suivre l’évolution, par exemple d’un corneal warpage après changement d’adaptation (figure 7).
A quoi correspondent les différentes
zones cornéennes ?
L’étude de chacune des quatre zones cornéennes
apporte des renseignements spécifiques.
Figure 7. Évolution sur un mois d’un corneal warpage OD
(en supérieur) et OG (en inférieur).
La zone centrale est extrapolée à partir de l’anneau
le plus interne
C’est l’une des limites de la vidéotopographie. Il faut
apprécier la régularité de la zone centrale, l’absence
de nebula et d’îlots centraux après chirurgie réfractive (figure 8).
La zone des 1,5 mm correspond au domaine d’exploration
du Javal
Elle met en évidence des cônes frustes passant inaperçus à l’ophtalmomètre.
La zone des 2,5 mm correspond à la chirurgie réfractive
Elle permet d’objectiver tout décentrement, irrégularité ou genou cornéen.
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Figure 8. Îlots centraux.
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La zone des 4 mm correspond à la greffe
de cornée
L’analyse de la rupture de pente greffonhôte est primordiale pour le choix d’une
lentille. Le coefficient d’excentricité de la
cornée est calculé à partir de cette zone.
La topographie par élévation
permet d’explorer
le segment antérieur
L’appareil type en est l’Orbscan II. Il associe une topographie spéculaire à des
cartes d’élévation des faces antérieure et
postérieure de la cornée, dont il permet
ainsi de mesurer l’épaisseur (figure 9).
L’œil est comparé à une sphère idéale
(couleur verte).
Là encore, les cotes moins puissantes
apparaissent en couleurs plus froides et
celles plus puissantes en couleurs plus
chaudes.
la zone centrale n’est plus extrapolée mais mesurée
L’Orbscan II a l’avantage de mesurer directement les
coordonnées spatiales d’un point des surfaces cornéennes antérieure et postérieure grâce au balayage
de la cornée par la fente optique associée au topographe spéculaire. Il analyse donc la déformation cornéenne non seulement antérieure, mais aussi postérieure. Surtout : la zone centrale n’est plus extrapolée
mais mesurée.
La cornée est étudiée dans son ensemble
Cet appareil permet également d’analyser toute la
cornée et d’en mesurer le diamètre. Cette étude
participe à la précision de son logiciel de contactologie
et à la possibilité de simuler une adaptation de lentilles perméables aux gaz de grand diamètre en fonction de l’asphéricité et de l’excentricité cornéennes.
En contactologie, de tels outils permettent donc
une étude qualitative de la cornée et une adaptation
« customisée » ou à façon. Grâce aux paramètres
relevés sur les cartes et aux essais préalables,
l’ophtalmologiste est à même de fournir des précisions importantes pour sélectionner la lentille.
Certains laboratoires se servent de ces cartes pour
fabriquer des équipements personnalisés. L’étape
suivante consistera à utiliser l’aberrométrie pour
compenser les aberrations sphériques et de haut
grade.
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Figure 9. Orbscan : quadmap d’un kératocône fruste.
L’OCT étudie l’adaptation
des lentilles, les complications
et les larmes
La qualité des images obtenues avec l’OCT de segment antérieur (Visante®) permet de vérifier précisément l’adaptation des lentilles dont on peut étudier le design, le profil et les bords. Cette technique,
qui notamment mesure l’œdème stromal, analyse
également les complications sous lentilles.
Les épaisseurs de la lentille, de l’épithélium, du stroma et du film lacrymal post- et prélentille peuvent être
mesurées (figure 10).
Un autre avantage est la possibilité de mesurer la
hauteur du ménisque lacrymal supérieur et inférieur,
méthode qui pourrait s’avérer plus performante que le
classique test de Shirmer.
Figure 10. OCT : lentille RPG sur cornée kératocônique.
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En outre, cette technique diagnostique in vivo les complications dues aux lentilles, notamment les kératites
infectieuses (figure 12).
La microscopie confocale
révèle les effets des lentilles
sur les tissus cornéeens
Dérivée du HRT (Heidelberg Retina Tomograph®), la
microscopie confocale permet une étude quasi histologique de la cornée (résolution de quelques microns).
Sur le plan technique, les systèmes d’observation
et d’illumination sont focalisés au même endroit, de
manière à éliminer des éléments situés en dehors du
point focal.
La diffusion de ces appareils permettra d’enrichir
l’iconographie cornéenne et de suivre beaucoup plus
précisément les conséquences inflammatoires et
mécaniques du port de lentilles (figure 11). On accédera ainsi au diagnostic préclinique, tout comme la
topographie spéculaire met en évidence les kératocônes frustes.
Figure 12. Microscopie confocale : filaments mycéliens
d’une kératite à Fusarium solani chez un porteur
de lentilles (Photo F. Malet, CHU Bordeaux).
Prochaine étape :
exploiter l’aberrométrie
En contactologie, la complémentarité des outils d’imagerie modernes permet d’envisager l’équipement
dans son ensemble : du choix de la lentille à partir
des topographies spéculaire et d’élévation au suivi
de l’adaptation en passant par l’analyse infraclinique
des complications grâce à l’OCT et à la microscopie
confocale.
L’avenir verra peut-être la fabrication de lentilles
personnalisées en fonction du profil cornéen et des
aberrations de l’œil à équiper.
Figure 11. Microscopie confocale : stroma cornéen antérieur
d’un kératocône équipé en lentille rigide perméable
(Photo F. Malet, CHU Bordeaux).
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