Ensemble vers la Vie : mission et évangélisation dans des contextes en évolution MISAL, Londres, mai 2014 par Kirsteen Kim1 Le document Ensemble vers la vie : mission et évangélisation dans des contextes en évolution a été approuvé par le Comité Central du Conseil Œcuménique des Églises (COE) lors de sa réunion en Crète, le 5 septembre 2012, en tant que communiqué officiel du Conseil. C'est seulement la deuxième déclaration du COE sur le sujet de la mission et de l’évangélisation, et le premier des trente dernières années. C’est donc un document marquant et c'est mon plaisir de vous le présenter. La nouvelle déclaration veut, globalement, stimuler la réflexion sur la mission et encourager une action lucide de la part des églises qui réaliseront la mission de Jésus Christ. Le but général de cette mission est compris dans le sens de 'qu'ils puissent avoir la vie... dans toute sa plénitude' (Jn 10:10). Plus spécifiquement la nouvelle déclaration veut encourager une appréciation renouvelée de la mission du Saint-Esprit car c’est un aspect devenu proéminent ces dernières années, surtout de l'Esprit comme le Dispensateur de la Vie, tel qu’énoncé dans le credo de Nicée et Constantinople. Elle met en valeur le but de la mission qui est de promouvoir la justice, la réconciliation et l’inclusion des marginalisés. Elle ré-imagine aussi l'Église dans le pouvoir de l'Esprit comme ‘en mission’, c'est à dire comme témoin de la Vie et qui donne la Vie, et évangélique, c'est-à-dire proclamant authentiquement la Bonne Nouvelle en parole et en action. Le COE et la CME Ce document a été issu par la Commission Mission et Évangélisation (CME) du COE. Les origines de la CME remontent à la Conférence Missionnaire Mondiale d’Edimbourg en 1910. Cet événement partait de la vision du Méthodiste américain, John R. Mott, Secrétaire Général de la Fédération du Monde Étudiant Chrétien, soutenue par Joseph Oldham, presbytérien écossais. Étaient convoqués les dirigeants de presque toutes les dénominations protestantes et la plupart des agences missionnaires protestantes. Son but était de 'considérer les Problèmes Missionnaires par rapport au monde nonchrétien'2. Il n'était pas facile de rassembler tant d’églises différentes et cela fut fait, étant entendu qu'il n'y aurait aucune discussion théologique – mais, seulement, sur 'la science de la mission’ - et qu’il n’aurait aucune prise de décision. Une décision a bien été prise cependant, celle de former un comité de suivi qui est devenu le Conseil Missionnaire International (CMI). Le CMI rassemblait les comités missionnaires des églises et des agences missionnaires dans des conseils missionnaires nationaux. La Conférence d'Edimbourg 1910 a stimulé, parallèlement, les mouvements pour Life and Work et Faith and Order qui se sont mis d’accord en 1937 pour former un Conseil Œcuménique des Églises qui 1 Kirsteen Kim, PhD, est Professeure de Theology and World Christianity à la Leeds Trinity University. Elle se spécialise en théologie et histoire de la mission et pneumatologie de la mission. Publications récentes : Mission in the Spirit: The Holy Spirit in Indian Christian Theologies (ISPCK 2003), The Holy Spirit in the World: A Global Conversation (Orbis Books 2007), Joining in with the Spirit: Connecting World Church and Local Mission (SCM Press 2012) and, jointly with Sebastian C.H. Kim, Christianity as a World Religion (Continuum 2008) et A History of Korean Christianity (Cambridge University Press, forthcoming in 2014). De 2007 à 2013 elle a été vice –modératrice de la CME au COE. Elle a présidé le groupe chargé de la rédaction de la nouvelle déclaration sur la mission et l’évangélisation, Together towards Life, qu’elle présenta au Comité central du COE en 2012. 2 Sous-titre de la Conférence d’Edinburgh 1910. Les fruits de la recherche derrière les délibérations de la conférence et son document final ont été publiés comme World Missionary Conference, 1910, Vols. 1-9 (Edinburgh: Oliphant, Anderson and Ferrier, 1910). Pour le contexte et l’histoire delaconférence, voir Brian Stanley, The World Missionary Conference, Edinburgh 1910 (Grand Rapids, MI: Wm B. Eerdmans, 2009). fut constitué finalement en 19483. Le CMI a d’abord continué parallèlement avec le COE. Il a tenu des conférences sur des thèmes missionnaires à Jérusalem en 1928 ; Tambaram, Madras en 1938 ; Whitby, Canada en 1947 ; Willingen, Allemagne en 1952 ; et Achimoto, Ghana en 1958. La théologie dominante de la mission n'était pas remise en question en 1910, mais les débats du CIM incluaient des sujets théologiques et, dans l'époque d'après-guerre, le CIM développa, par ses conférences, la théologie de missio Dei, célébrée par David Bosch dans son opus magnum de 1991, comme le paradigme courant de la mission sur lequel le CIM a vu un consensus œcuménique4. Missio Dei est une approche Trinitaire qui place la mission dans l'envoi du Fils et de l'Esprit dans le monde5. Cette nouvelle théologie avait d’importantes conséquences pratiques. En premier lieu, le sujet des discussions change de 'missions' (au pluriel) et leurs problèmes à 'mission' (au singulier), sa base et sa nature théologique. En second lieu, l'Église change maintenant pour ne plus 'être celle qui envoie mais celle qui est envoyée', comme servante de la mission de Dieu dans le monde. Troisièmement, si la mission vient d’en-haut, alors il n'y a plus de centre terrestre à partir duquel l'évangile est universalisé, mais mission et église sont polycentriques, et toute église ou communauté locale a une obligation missionnaire. Quatrièmement, puisque l'Église elle-même est envoyée, elle est missionnaire par nature et la mission devrait être intégrée à la vie de l'Église. Cinquièmement, la mission est générale en ce qu’elle comprend tout ce que Dieu envoie l'Église faire dans le monde, ou même - pour les interprètes plus radicaux - tout ce qui pourrait être compris comme activité de Dieu dans le monde, que l'Église soit impliquée ou pas6. L'existence de deux corps globaux - le COE et le CIM - auquel les nouvelles églises devaient se rattacher, le fardeau financier de supporter les deux, et l’argument théologique que la mission est de la nature-même de l'Église, tout cela a convaincu les chefs de mission que les deux institutions allaient de pair. Finalement les deux institutions furent fondues lors de l’Assemblée Générale du COE à New Delhi en 1961. Le travail du CIM sur la mission fut combiné avec celui du le bureau pour l'évangélisation du COE pour former la Commission Mission et Évangélisation du COE7. Les conférences mondiales sur la mission ont continué, environ tous les dix ans : Mexique 1963, Bangkok 1972-1973, Melbourne, Australie 1980, San Antonio, Texas 1989, Salvador de Bahía, Brésil 1996 et Athènes, Grèce 2005. En 2010 la CME a participé à la conférence du centenaire de la Conférence Mondiale Missionnaire, connue comme 'Edimbourg 2010'8. Bien qu'Edimbourg 1910 n’ait réuni que des protestants et des anglicans, le Conseil Général qui organisa le projet du centenaire de cet événement a aussi inclus, comme invités à part entière, des représentants de l'Église catholique via le Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens, les églises Orthodoxes et les églises indépendantes pentecôtistes ou autres. Le Conseil Œcuménique des Églises est 'une fraternité d'églises qui confessent le Seigneur JésusChrist comme Dieu et Sauveur selon les Saintes Ecritures, et qui, par conséquent, cherchent à réaliser ensemble leur vocation commune à la gloire du Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.' On recommande aux églises l’étude des documents du COE et leur mise en œuvre. Ceux-ci n'ont d’autre autorité que la 3 COE/WCC (World Council of Churches), ‘History of World Mission and Evangelism’, http://www.oikoumene.org/en/who-arewe/organization-structure/consultative-bodies/world-mission-and-evangelism/history.html 4 David J. Bosch, Transforming Mission: Paradigm Shifts in Theology of Mission (Maryknoll, NY: Orbis Books, 1991). 5 Pour une discussion récente sur les origins et le sens de missio Dei, voir inter alia: Wolfgang Günther, ‘The History and Significance of World Missionary Conferences in the Twentieth Century’, International Review of Mission 92-367 (2003), 521-37; Jacques Matthey, ‘God’s Mission Today: Summary and Conclusions’, IRM 92-367 (2003), 579-87. 6 Pour aller plus loin, voir John G. Flett, The Witness of God: The Trinity, Missio Dei, Karl Barth, and the Nature of Christian Community (Grand Rapids, MI: Wm B. Eerdmans, 2010). 7 Elle était appelée au début Division for World Mission and Evangelism. Cf. World Council of Churches, ‘History of World Mission and Evangelism’, http://www.oikoumene.org/en/who-are-we/organization-structure/consultative-bodies/world-mission-andevangelism/history.html. 8 Edinburgh 2010 website, www.edinburgh2010.org. Les études d’ l’Edinburgh 2010 on continué avec une série de plus de 20 livres sur la mission, publiés par Regnum Books International, Oxford. See http://www.ocms.ac.uk/regnum/list.php?cat=3. vérité intrinsèque de leur contenu et ne lient pas les églises, pas même les églises membres du COE. Ce sont des documents de consensus, préparés par des membres de l’institution du COE qui représentent principalement des églises protestantes et orthodoxes. Il y a, depuis les années 1970s, une participation croissante des Catholiques dans les travaux du COE. Plus récemment il y a eu un rapprochement avec l’Alliance Mondiale Évangélique qui inclut de nombreuses églises protestantes qui ne sont pas membres du COE et avec des représentants d'églises Pentecôtistes. Les sources utilisées dans les documents du COE sont variées. La Bible et le Credo de Nicée ont une place particulière car, avec d’autres déclarations officielles du COE, ce sont les seules autorités écrites partagées par les églises membres. On a pu aussi se référer au travail d’institutions ou de conférences associées au COE ; aux déclarations d'églises membres et aux documents d'autres institutions globales d’églises, y compris le Magisterium ; et à la recherche. La CME a produit, depuis 1961, deux déclarations devenues documents officiels du COE. Le deuxième document est celui qui nous intéresse aujourd'hui. Le premier était la déclaration de 1982, Mission et Évangélisation, une Affirmation Œcuménique (AE)9. AE naquit comme une réponse aux deux documents suivants, la Convention de Lausanne (1974) des Protestants Évangéliques et l'Exhortation apostolique de Paul VI, Evangelii Nuntiandi (1975). Tous deux s’attaquaient à la question de savoir si la priorité de la mission ou de l’évangélisation devait être la tâche religieuse étroite de convertir et de planter l’église, ou bien le rôle social plus large de se vouer aux pauvres et de promouvoir la justice sociale, ce qui avait été un sujet de débat très animé à l’Assemblée de Nairobi de 1975. C'était le débat entre conservateurs et progressistes, et, dans le monde protestant entre 'œcuméniques' et 'évangéliques.' Le document de 1982 réfléchissait sur le thème de la conférence de Melbourne, 'Que Ton Règne vienne' et les idées de la théologie de la libération latino-américaine contemporaine s’y exprimaient. AE prit une approche holistique de la mission, mettant en valeur les deux points de vue, l'appel à être vrai témoin de Jésus Christ et du royaume de Dieu promis, mais aussi le mandat de vivre en solidarité avec ceux qui sont exploités et repoussés par les systèmes sociaux et économiques10. Cette tentative de relier proclamation et action sociale se retrouve dans la préférence du document pour le terme 'témoin'. Il insistait sur le rôle particulier du pauvre et des églises des pauvres dans la mission de Dieu et soulignait le sérieux défi que le message du royaume jetait à la missiologie traditionnelle et aux programmes missionnaires. En même temps il affirmait l'appel de l'église à la proclamation, l'importance de la mission transculturelle et de la constitution de communautés locales comme étant essentielles à la stratégie de la mission chrétienne. Le document a inventé l'expression 'mission à la manière du Christ'. Il a aussi réfléchi sur le fait que le choix du Christ de la vulnérabilité et son chemin de croix est un défi à l’usage du pouvoir, en politique, dans l’église et dans la vie de mission11. AE a été rédigé en termes de christologie et de royaume. Histoire et nature de la déclaration La Commission Mission et Évangélisation a travaillé sur cette nouvelle affirmation sur la mission et l’évangélisation dès qu’elle fut reconstituée, suite à la 9ème Assemblée du COE à Porto Allegre en 2006. La Commission qui prépara ce document avait vingt-cinq membres plus, approximativement, cinq personnes du staff du COE. Le modérateur en était Mgr Gee Varghese Mor Coorilose, Métropolitain de Niranam, Église Syriaque Orthodoxe Malankara, en Inde. Les Secrétaires de la Commission durant cette période étaient le Revd Jacques Matthey de l’Église Réformée de Suisse et 9 COE, Mission and Evangelism: An Ecumenical Affirmation, in Jacques Matthey (ed.), ‘You Are the Light of the World’: Statements on Mission by the World Council of Churches 1980-2005 (Geneva: WCC, 2005), pp. 4-38. 10 Jacques Matthey, Preface de Mission and Evangelism: An Ecumenical Affirmation, in Matthey, ‘You Are the Light of the World’. 11 Histoire du CME , http://www.oikoumene.org/en/what-we-do/cwme/history [accessed 1 March 2014]. plus tard, le Revd Dr Jooseop Keum de l'Église presbytérienne de Corée. 25 pour cent des membres de la commission représentaient des églises non-membres. Il y avait des responsables d'églises évangéliques et pentecôtistes, et des représentants catholiques. Un des membres du staff était le conseiller catholique : d’abord Maria Arantxa Aguado et, plus tard, le Professeur Dr Annemarie Mayer. Les commissaires ont travaillé en groupes correspondant aux quatre sections principales du document. Celles-ci ont été coordonnées par le groupe chargé du draft, présidé par la Professeure Kirsteen Kim, vice modératrice de la Commission. Le dernier avant-projet du document complet fut examiné lors de la conférence préparatoire à l’assemblée de la CME, à Manille en 2012 et puis soumis à une révision supplémentaire à cette lumière. La dernière version fut approuvée à l'unanimité par le Comité Central du COE à l'Académie Orthodoxe, réuni en Crète, en septembre 2012. L’intention d’Ensemble vers la vie n'était pas de remplacer mais de compléter l'Affirmation Oecuménique précédente. Les commissaires reconnaissaient dès le début la validité durable du document de 1982 ; mais comme celui-ci avait été écrit plus de trente ans auparavant, alors que le paysage global était très différent, ils ont considéré comme une tâche importante et urgente, d’exprimer une théologie œcuménique de la mission pour aujourd'hui. Voilà quelques exemples de ces changements : 1982, c’était avant la fin de la Guerre Froide, avant la soi-disant époque dela globalisation, avant l'invention de l'Internet, et avant l’événement du 9/11. En 1982, le Pape Jean Paul n’était en fonction que depuis deux ans, la Chine venait seulement de s’embarquer dans la libéralisation économique, et Ronald Reagan venait juste d’arriver à la Maison blanche. La Commission observa les développements dans la théologie de la mission depuis 1982. Elle s'est concentrée seulement sur quelques questions données, plutôt que d'essayer d'être exhaustive. Les quatre domaines étudiés ont été : la mission de l'Esprit, la mission depuis la périphérie, Église et mission, et évangélisation. On a formé des groupes de travail qui ont rédigé les quatre sections principales du présent document. Voilà pourquoi on a fait ainsi : on a voulu que l’accent pneumatologique, qui marque le document entier, complète la christologie du document de 1982. De plus, la définition Nicéenne du Saint-Esprit comme 'Dispensateur de Vie' a repris et répété l’approche d’AE12 au royaume de Dieu. Le document tient compte aussi d'une contribution directe au thème de la 10ème Assemblée du COE de Busan, Corée, en novembre 2013, 'Dieu de Vie, mènenous à la justice et à la paix', et a pris en considération le souci écologique croissant. La participation de la Commission au projet d’Edimbourg 2010 suggère en outre qu'une approche pneumatologique aurait un appel encore plus général, allant au-delà des églises-membres pour atteindre toutes les rives du christianisme mondial. De plus les développements récents en théologie des religions avaient établi une fondation pneumatologique pour le dialogue et la collaboration sur les questions de notre vie commune. Depuis 1982, et en partie suite au changement de missions à mission, on a porté une attention croissante à la mission comme forme de spiritualité plutôt que comme tâche13, et cela a aussi influé la première section et l'entière approche du document. Le thème de 'mission depuis la périphérie' était en partie un développement du souci de 1982 pour le pauvre, qui incluait toutes les catégories de marginalisation et insistait sur le fait que la mission n'est pas unidirectionnelle du centre à la périphérie mais que ceux qui sont à la périphérie font partie intégrante de la mission de Dieu qui est juste et inclusive, guérir et réconcilier. La mission depuis la périphérie a aussi reconnu le changement du centre de gravité des populations chrétiennes du Nord et de l’Ouest vers le Sud et l’Est et, dans certains cas, un renversement dans la direction de l’envoi des missionnaires. 12 Cf. Kirsteen Kim, ‘Edinburgh 1910 to 2010: From Kingdom to Spirit’, Journal of the European Pentecostal Theological Association 30/2 (2010), 3-20. 13 Commençant avec Gustavo Gutiérrez, We Drink from Our Own Wells: The Spiritual Journey of a People (Maryknoll, NY: Orbis Books, 1984 [1983]). Le travail en ecclésiologie de la mission s’est concentré sur l’œuvre de l'Esprit qui anime, qui promeut et rend fort dans les initiatives locales de la mission comme aussi les mouvements globaux. On voit que de nombreux migrants sont chrétiens et donc que l'Église est, dans un sens, 'en marche'. La discussion sur mission et église a d’abord été vue comme la mise en œuvre principale des nouvelles réflexions sur la mission et appelait à une plus grande coopération avec la Commission Faith and Order qui avait travaillé la question de la nature et de la mission de l’Église14. En conséquence, les deux Commissions en arrivèrent à s’accorder sur la priorité de missio Dei pour comprendre l'Église et sa relation intégrante à l’unité. Ce document est donc principalement un défi au ministère 'évangélique' de l'Église. Bien que la CME ait été responsable de l’évangélisation, le terme était fortement contesté en 1982 et la Commission n'avait pas élaboré de déclaration à ce sujet. Le développement de cette dernière section principale a été grandement aidé par la parution du document Témoignage chrétien dans un monde multi-religieux : recommandations de conduite15 préparé conjointement par le COE, le PCPCU et le WEA, dans lequel s’est impliqué le conseiller du COE pour l’évangélisation, John Baxter-Brown. Alors que la discussion antérieure sur la conduite à tenir dans l’évangélisation se faisait principalement dans le contexte du ‘vol’ de disciples entre dénominations chrétiennes, on se met ici dans le contexte de la pluralité religieuse et culturelle contemporaine et de la conscience des relations de pouvoir entre les différents groupes. En écho à la déclaration de 1982, on y discute d’une 'évangélisation à la manière du Christ' qui met en valeur le besoin de vulnérabilité et d’authenticité. L'introduction et la conclusion du document ont été rédigées par le Secrétaire de la Commission et retravaillées en consultation avec le Modérateur et la Vice-Modératrice avant d’être approuvées par la Commission. Une grande partie est inspirée par la réflexion sur Jn 10:1-18, où le travail vivifiant et le souci sacrificiel du Bon Pasteur sont mis en contraste entre, d’un côté l’égoïsme et la recherche excessive du profit des mercenaires, et,de l’autre, le bien-être et la connaissance de la brebis qui surpasse tout. Les séries du début de la déclaration de foi sont amplifiées dans le corps principal du document et il en résulte une série d'affirmations et, à la fin, de directives. Contenu de la déclaration Ensemble vers la Vie continue selon le paradigme théologique de 'la mission de Dieu' (missio Dei) conçu dans la période postcoloniale et repris par l’Affirmation de 1982. C'est-à-dire que 'la Mission commence dans le cœur du Dieu Trine' (§2). La Mission est le débordement, en faveur de toute l'humanité et de la création, de l'amour qui lie ensemble la Trinité Sacrée et la plénitude de Vie que partagent les trois Personnes. On veut donc que la missio Dei soit comprise dans ce document comme l’affirmation de l'importance du Saint-Esprit pour la théologie de la mission. La nouvelle déclaration part de la prémisse que, dans une perspective pneumatologique, la mission implique le discernement de la présence et de l’activité du Saint-Esprit pour s’y associer. Et elle exprime la conviction que le principal signe de l'Esprit est la Vie vécue par Jésus Christ et mise à la disposition de tous par sa crucifixion et sa résurrection. 14 Commission on Faith and Order, The Nature and Mission of the Church (Geneva: World Council of Churches, 2005). Available at http://www.oikoumene.org/en/resources/documents/wcc-commissions/faith-and-order-commission/i-unity-the-church-and-itsmission/the-nature-and-mission-of-the-church-a-stage-on-the-way-to-a-common-statement. Voir aussi Kirsteen Kim, ‘Mission Theology of the Church’, International Review of Mission 99/1 (Apr 2010), 39-55, et d’autres articles dans ce numéro qui fait le récit de la consultation conjointe de la of CME et la Commission on Faith and Order. 15 Disponible sur http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/interelg/documents/rc_pc_interelg_doc_20111110_testimonianzacristiana_en.html. Le document se structure en six parties selon les différentes caractéristiques et les différents symboles de la mission vivifiante de l'Esprit : 1. Ensemble vers la Vie : Introduction du thème 2. Esprit de mission : Souffle de Vie 3. Esprit de libération : Mission depuis la périphérie 4. Esprit de communauté : Église en marche 5. Esprit de Pentecôte : La Bonne Nouvelle pour tous 6. Fête de la Vie : Affirmations finales 1. Ensemble vers la Vie Le titre de la nouvelle déclaration, Ensemble vers la Vie, fait référence à la Vie avec un capital V : pas seulement l’existence biologique mais la Vie dans toute sa plénitude, la Vie abondante que Jésus promet (Jn 10.10). C'est la Vie 'dans toutes ses dimensions, y compris la libération des opprimés, la guérison et la réconciliation de communautés brisées et la restauration de la création' (§24). Jésus Christ est la Vie du Monde et le Saint-Esprit est l'Esprit de Vie, alors que 'le voleur ne vient que pour voler, tuer et détruire' (Jn 10:10). Ensemble nous luttons contre toute destruction de vie et pour une plénitude de Vie, dont le bien-être économique et la santé écologique car, comme dit clairement le document, 'une dénégation de vie est un refus du Dieu de Vie'. (§1). Nous faisons ceci 'ensemble' parce que la Vie est pour tous et parce que l'oikoumene en entier est interconnecté dans le réseau du Dieu de Vie. Ensemble vers la Vie est en premier lieu une affirmation œcuménique, parce que la CME représente des églises du monde entier et de traditions différentes – églises-membres du COE, organismes de mission affiliés, et représentants d'autres organismes non-membres - et, en second lieu, parce que la mission vivifiante nous rassemble dans la création entière. Ensemble nous nous associons à la mission vivifiante du Christ à travers le Saint-Esprit. Le titre utilise aussi le mot 'vers'. Cela exprime notre orientation vers la Vie, et aussi notre attente, notre espoir dans le Christ, 'Résurrection et Vie' (Jn 11:25). De plus, il suggère que notre idée de la mission évolue encore, et que nos activités de mission évoluent dans des contextes en évolution. La déclaration identifie d’abord dix questions sur la mission, partant des contextes changeants de la mission aujourd'hui, parmi lesquels les deux individualismes répandus, laïcisme et matérialisme. Elle exprime aussi une plus grande appréciation de la spiritualité sous des formes différentes. Elle met en valeur le souci écologique et l’exigence de justice économique. Dans le contexte de religions nombreuses et devant la diversité culturelle, elle discute la montée d’un 'christianisme mondial' et la contribution à la mission depuis la périphérie de la société. À la lumière de ce contexte contemporain, elle étudie dix questions sur la mission, parmi lesquelles : Comment et où discernonsnous le travail vivifiant de Dieu qui nous permet de participer à la mission de Dieu aujourd'hui ? Comment pouvons-nous retrouver la mission comme spiritualité transformatrice et affirmation de la Vie ? Comment l'Église peut-elle se renouveler pour être missionnaire et avancer ensemble vers la Vie dans sa plénitude ? Et comment pouvons-nous proclamer l'amour de Dieu et la justice à cette génération? 2. Esprit de mission : Souffle de Vie Ce même Esprit de Dieu qui, à la création, «planait à la surface des eaux» est descendu sur Marie (Luc 1,35) et a donné naissance à Jésus. Ce fut l’Esprit Saint qui emplit de force Jésus à son baptême (cf. Mc 1,10) et lui donna mandat pour sa mission (cf. Luc 4,14.18). Empli de l’Esprit de Dieu, Jésus Christ est mort sur la croix. «Il remit l’esprit» (Jean 19,30). Dans la mort, dans le froid du tombeau, par la puissance de l’Esprit Saint il a été ressuscité à la vie, premier-né d’entre les morts (cf. Ro 8,11). La première grande section de la déclaration - Esprit de mission : Souffle de Vie - établit le lien entre le Saint-Esprit et la mission. Elle introduit le Saint-Esprit comme Souffle de Vie. Depuis la Création, le Saint-Esprit a été l'agent de la mission de Dieu pour apporter la Vie ; Jésus Christ a été conçu dans l'Esprit, vivait dans l'Esprit et a donné l'Esprit ; et c’est à cause du Christ, à la Pentecôte, que la communauté des disciples est née d'en-haut, du Saint-Esprit. L'Esprit de Dieu a le pouvoir/énergie de recréer notre monde et donc la mission dans l'Esprit qui nous inspire par le Christ est vivifiante et transformatrice. 'L'Esprit rend forts les faibles et défie les puissants, il les prive de leurs privilèges en faveur des faibles' (§33). Ce qui est clair c’est que, par l'Esprit, nous participons à la mission d'amour qui est au cœur de la vie de la Trinité. D’où le témoignage chrétien qui proclame sans se lasser le pouvoir salvifique de Dieu par Jésus Christ et affirme constamment la participation dynamique de Dieu, à travers le Saint-Esprit, dans la totalité du monde créé. Tous ceux qui répondent à l'épanchement de l'amour de Dieu sont invités à s’associer avec l'Esprit dans la mission de Dieu. (§18) Le nouveau document voit la mission 'dans l'Esprit', comme une forme de vie spirituelle, ou un type de spiritualité : 'la spiritualité transformatrice' (§29-35). La mission dans l'Esprit 'a la création au cœur' (§105; Gn 1:2; 2:7) et c'est une bonne nouvelle pour tous. La mission n'est pas que stratégie ; c'est beaucoup plus qu’une tâche ou une activité ; c'est une orientation spirituelle et un style de vie. La mission part d’ 'une compulsion intérieure urgente' (1 Cor 9:16) qui vient de l'Esprit de Dieu parmi nous. En plus, l'Esprit donne la sagesse et le discernement (par exemple 1 Cor 12:10) qui sont nécessaires pour suivre Le Christ. 3. Esprit de libération : Mission depuis la périphérie Jésus a commencé son ministère en proclamant qu’être rempli de l'Esprit c’est libérer les opprimés, ouvrir les yeux des aveugles, et annoncer la venue du règne de Dieu (Luc 4:16-18). Il s'est engagé à accomplir cette mission en optant d’être avec les personnes marginalisées de son temps, non par charité paternaliste mais parce que leur situation témoigne du péché du monde et de leur désir ardent pour une vie orientée vers le dessein de Dieu. (§36) La deuxième grande section - 'Esprit de libération : mission depuis la périphérie – relie la mission de l'Esprit avec le ministère de libération de Jésus Christ, et par conséquent avec la libération de l'oppression et de la marginalisation pour participer à la mission de Dieu. 'L'Esprit du Seigneur est sur moi', dit Le Christ, 'parce qu'il m'a oint pour aller prêcher la Bonne Nouvelle aux pauvres... ' (Luc 4:18). Jésus Christ a choisi d’'être avec les personnes marginalisées de son temps, non par 'charité paternaliste' mais à cause de leur désir ardent de justice et de vie dans la dignité (§36). Il les a appelées 'sel du monde', lumière et levain du monde (Mat 5:13, 14,; 13:33). Il s’est identifié à elles, et le Christ crucifié et ressuscité porte les marques de l'oppression systémique dans sa propre chair. La mission depuis la périphérie cherche à faire obstacle aux injustices dans la vie, dans l’église, et dans la mission. Elle cherche à être un mouvement missionnaire alternatif, contre la perception que la mission puisse être faite seulement du puissant à l'impuissant, du riche au pauvre, ou du privilégié au marginalisé. De telles approches peuvent contribuer à l’oppression et à la marginalisation. La mission depuis la périphérie reconnaît qu'être au centre veut dire avoir accès aux systèmes qui garantissent les droits, la liberté, et l’individu étant reconnu et respecté ; vivre à la périphérie veut dire être privé de justice et de dignité. Vivre dans la périphérie cependant peut fournir ses propres leçons. Les gens en périphérie ont l'agir, et peuvent souvent voir ce qui, du centre, est hors de vue. Les gens en périphérie, vivant des situations vulnérables, savent souvent quelles forces d'exclusion menacent leur survie et peuvent discerner au mieux l'urgence de leur lutte ; les gens en situation de privilège ont beaucoup à apprendre des luttes journalières des personnes qui vivent dans les conditions périphériques. (§38) Ceux qui sont en périphérie 'peuvent souvent voir ce qui, du centre, est hors de vue' (§38). Cette section du document signale que les marginalisés ne sont pas simplement objets de mission mais qu’ils sont agents de mission, à la recherche de justice et d’inclusion. Ce sont des 'réservoirs d'espoir actif, de résistance collective, et de persévérance' (§39). Par conséquent, la participation à la mission de Dieu 'exige un engagement pour la lutte et la résistance aux pouvoirs qui font obstacle à la plénitude de Vie que Dieu veut pour tous. Elle exige aussi la volonté de travailler avec toutes les personnes 'engagées dans les mouvements et dans les initiatives pour la justice, la dignité et la vie' (§45). En d'autres termes, la mission est inclusive. La déclaration dit que 'toute activité missionnaire doit, par conséquent, sauvegarder la valeur sacrée de chaque être humain et du monde (cf. Is 58)' (§42). Elle doit promouvoir guérison, intégrité et réconciliation pour tous, la Vie par le Saint-Esprit. 4. Esprit de communauté : une Église en marche L’Église n’a pas toujours existé dans l’histoire : théologiquement et empiriquement, elle est née pour la mission. Il est impossible de séparer l’Église et la mission pour ce qui est de leur origine ou de leur but. L’objectif de l’Église est de réaliser le dessein missionnaire de Dieu. La relation entre Église et mission est une relation très intime parce que ce même Esprit du Christ qui habilite l’Église dans la mission, est aussi la vie de l’Église. En même temps qu’il envoyait l’Église en mission dans le monde, Jésus Christ a insufflé l’Esprit Saint dans l’Église (cf. Jn 20,19-23). De ce fait, l’Église existe par la mission, tout comme le feu existe en brûlant. Si elle ne pratique pas la mission, elle cesse d’être Église. (§57) La troisième grande section du document se concentre sur le Saint-Esprit comme 'Esprit de Communauté' et explique pourquoi l'Église est 'en marche'. Parce qu'elle discerne, prend sa direction et tire son énergie de l'Esprit du Dieu d'amour, l'Église est missionnaire de par sa nature même. Le même Saint-Esprit qui donne son pouvoir à la mission est aussi la vie de l’Église. En d'autres termes, 'Si on ne prend pas part à la mission, on cesse d'être Église' (§57). 'De là', déclare le document, 'suit une compréhension dynamique du caractère apostolique de l'Église : ce caractère apostolique ne sauvegarde pas seulement la foi de l'Église à travers les âges mais participe aussi à l'apostolat' (§58). C’est conformément à son ministère apostolique, que l'Église agit et s’adapte, selon le dessein de Dieu, pour susciter une nouvelle vie et la possibilité de prospérer à la création. Vivre concrètement notre foi en communauté est une manière importante de participer à la mission. Par le baptême, nous devenons des sœurs et des frères faisant partie d'un même ensemble en Christ (cf. Heb 10,25). L'Église est appelée à être une communauté inclusive qui accueille tout le monde. Par ses paroles et par ses actes, et dans son existence même, l’Église est un avant-goût du règne à venir de Dieu et elle en témoigne. L’Église est le rassemblement des fidèles et leur envoi en paix. (§59) Aujourd'hui l'Église est en mission dans le contexte d’un christianisme mondial changé et la déclaration a senti le besoin pressant de ré-imaginer l'Église comme incarnée de nouveau dans la vie du monde, surtout dans les situations où les gens crient pour que la grâce salvifique de Dieu leur permette de vivre dans une liberté et une dignité possibles pour tous. Elle attire surtout l'attention sur les mouvements de migration, le défi qui oblige les communautés d'église existantes à reconnaître qu’elles sont aussi en pèlerinage et à offrir l'hospitalité à leurs compagnons migrants. Parce qu'il y a un corps, un espoir et un Esprit (Eph 4:4), il y a une mission - la mission de Dieu - et nous sommes appelés à un témoignage commun. Et si la mission est une réponse amoureuse à l'appel du Dieu Trine, alors l'Église doit prouver cet amour dans la manière dont elle fait la mission. Le document déclare donc clairement que 'la mission authentique fait de l’ "autre" un partenaire dans la mission, non un "objet" de mission' (§93) et que 'la Mission n'est pas un projet d'églises en expansion mais de l'Église qui personnifie le salut de Dieu dans ce monde' (§58). 5. Esprit de la Pentecôte : Bonne Nouvelle pour tous 'L'évangélisation est l'écoulement de cœurs qui sont remplis de l'amour de Dieu pour ceux qui ne le connaissent pas encore.' À la Pentecôte, les disciples ne pouvaient pas ne pas proclamer les œuvres puissantes de Dieu (Lois 2:4; 4:20). L’évangélisation, sans exclure les dimensions différentes de la mission, se concentre sur l’articulation explicite et intentionnelle de l'évangile, y compris 'l'invitation à la conversion personnelle à une nouvelle vie dans Le Christ et à devenir disciples.' Alors que le Saint-Esprit en appelle quelques-uns à être des évangélistes (Eph. 4:11), nous sommes tous appelés à rendre compte de l'espoir qui est en nous (1 P 3:15). Ce ne sont pas seulement les individus mais aussi l'Église entière, tous ensemble, qui est appelée à évangéliser (Mc 16:15 ; 1 P. 2:9). (§81) L’œuvre de Dieu en Jésus Christ par le Saint-Esprit est l'évangile du salut pour tous. Dans sa quatrième et finale grande section, la nouvelle déclaration se concentre spécifiquement sur l’évangélisation en tant qu’elle porte la 'Bonne Nouvelle à tous' dans l’'Esprit de la Pentecôte'. Le document dit que 'l'évangélisation est l’activité de mission qui rend explicite et non équivoque la centralité de l'Incarnation, de la passion et de la résurrection de Jésus Christ, mais sans mettre de limites à la grâce rédemptrice de Dieu. Elle cherche à partager cette Bonne Nouvelle avec tous ceux qui ne l'ont pas encore entendue et elle les invite à une expérience de Vie dans le Christ' (§80). Le document déclare clairement que 'l'évangélisation, ce n'est pas le prosélytisme' parce que 'c'est l'Esprit de Dieu seulement qui crée la nouvelle Vie et provoque la renaissance (Jn 3:5-8 ; 1Th 1:46)'(§82). 'L'évangélisation est l'écoulement de cœurs remplis de l'amour de Dieu pour ceux qui ne le connaissent pas encore' (§81). L'évangélisation authentique est fondée sur l’humilité et le respect de tous et fleurit dans le contexte du dialogue. Elle promeut le message de guérison et de réconciliation de l’évangile, en paroles et en actes. "Il n'y a pas d’évangélisation sans solidarité ; toute solidarité chrétienne implique le partage du message que le règne de Dieu vient." L’évangélisation inspire donc l’établissement de relations interpersonnelles et communautaires. Ces relations authentiques se nourrissent au mieux dans des communautés de foi basées sur un contexte culturel local. Le témoignage chrétien est autant dans notre présence que dans nos paroles. Dans les situations où le témoignage public de sa foi n’est pas possible sans risquer sa vie, vivre l’évangile peut être une forte alternative.(§89) L’évangélisation se vit dans le contexte du dialogue et dans 'l’espoir de rencontrer Dieu qui nous a précédés et a été présent aux personnes dans leur situation propre' (§94). Cela n’implique pas seulement l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, mais l’affirmation de la plus large présence et activité de l’Esprit-Saint. La déclaration souligne cependant que l’évangélisation requiert aussi 'le discernement des esprits' (1 Cor12 :10). 'On discerne l’Esprit de Dieu partout où la Vie s’affirme en plénitude… Nous discernons aussi les esprits mauvais partout où dominent les forces de mort et de destruction de la vie.' (§24). En d’autres termes, 'l’évangélisation est aussi une vocation prophétique, dire la vérité aux puissants dans l’espérance et la charité. (Act 26 :25 ;Col 1 :5 ; Eph 4 :15' (§91). La prédication de la Bonne Nouvelle aujourd’hui doit dénoncer les idoles de la richesse, du consumérisme, et autres forces destructrices de vie. Puisque c’est 'communiquer la vérité dans l’amour' (cf Eph 4 :15) l’évangélisation authentique passe par la parole et par les actes.' L’amour que nous avons les uns pour les autres est preuve de l’évangile que nous proclamons (Jn 13 :34-35)' (§86). L’évangélisation implique de se vider de soi-même (kenosis ; Phil 2 :7), la vulnérabilité de la part de celui qui évangélise et, simultanément, se remplir du 'pouvoir d’en-haut' afin d’être des témoins du Christ dans les contextes différents d’aujourd’hui (Lc 24 :49 ; Act 1 :8). 6. Fête de la vie Nous sommes au service du Dieu Trine qui nous a confié la mission de proclamer la Bonne Nouvelle à toute l’humanité et à toute la création, en particulier aux personnes opprimées et à celles qui souffrent et qui aspirent à la plénitude de la vie. En tant qu’elle consiste à témoigner en commun du Christ, la mission est une invitation au festin dans le Royaume de Dieu (cf. Luc 14,15). La mission de l’Église consiste à préparer le banquet et à inviter tous les êtres humains au festin de Vie. Cette fête est une célébration de la création et de la fécondité qui débordent de l’amour de Dieu, lui qui est la source de la Vie en abondance. C’est un signe de la libération et de la réconciliation de l’ensemble de la création, ce qui est l’objectif de la mission. En renouvelant notre gratitude pour la mission de l’Esprit de Dieu, nous proposons ci-après un certain nombre d’affirmations en réponse aux questions posées au début du présent document. (§101) À la lumière de cette exploration du rapport entre la mission et l'Esprit de Vie, dix affirmations sur la mission et l’évangélisation vont conclure le document. Ce sont les réponses aux dix questions de mission posées au début. En voilà le résumé : 1. L’objet de la mission de Dieu est la plénitude de la Vie (cf. Jean 10,10) : tel est le critère du discernement dans la mission. 2. La mission a son point de départ dans l’acte de création de Dieu et qu’elle se poursuit dans la re-création, par le pouvoir vivifiant de l’Esprit Saint. 3. La spiritualité est la source de l’énergie pour la mission, et la mission dans l’Esprit est transformatrice. 4. La mission de l’Esprit de Dieu consiste à renouveler toute la création. 5. Aujourd’hui, on voit naître, dans le Sud et dans l’Est du globe, des mouvements missionnaires qui présentent de multiples facettes et tendent vers de multiples directions. 6. Les personnes marginalisées sont des agents de mission et elles exercent un rôle prophétique soulignant bien que la plénitude de Vie s’adresse à tous. 7. L’économie de Dieu se fonde sur les valeurs de l’amour et de la justice pour tous, et la mission transformatrice s’oppose à l’idolâtrie inhérente à l’économie de marché. 8. L’Évangile de Jésus Christ est bonne nouvelle en tous temps et en tous lieux et il doit être proclamé dans l’Esprit d’amour et d’humilité. 9. Le dialogue et la coopération pour la Vie sont parties intégrantes de la mission et de l’évangélisation. 10. Dieu anime l’Église dans la mission et il lui donne le pouvoir et les moyens de la pratiquer. À ces affirmations suit un appel aux églises à s’associer toutes 'ensemble vers la Vie' : Le Dieu Trine invite l’ensemble de la création au Festin de Vie par Jésus Christ qui est venu «pour que les hommes aient la Vie et qu'ils l'aient en abondance» (Jn 10,10), par l’Esprit Saint qui affirme la vision du Royaume de Dieu : «Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle!» (Is 65,17). Humblement et dans l’espérance, nous nous mettons au service de la mission de Dieu, qui recrée tout et réconcilie tout. Et nous prions : «Dieu de la Vie, conduis-nous vers la justice et la paix!» (§112). Importance de la déclaration Ensemble vers la Vie est la pièce centrale de la session plénière sur la mission de l’Assemblée Générale du COE le 5 novembre 2013 à Busan, en Corée. Elle est activement distribuée globalement et œcuméniquement au niveau des églises, par exemple par un Guide Pratique. Elle a déjà été le sujet de beaucoup de débats. Elle a été l’objet d’une consultation avec l'Église catholique et prise comme base d'un Séminaire Œcuménique Européen. Ensemble vers la Vie sera la fondation des délibérations, des productions et des actions de la nouvelle CME et inspirera la politique et la direction futures du COE. Comme la déclaration de 1982 qui a servi trente ans, le nouveau document sera le point de référence clé pour quiconque voudra connaître l'approche COE à la mission et l’évangélisation, et s’y engager. Son étude sera vraisemblablement requise dans la formation à la mission des agents des églises et dans l’éducation du clergé à la mission. Selon moi, cette nouvelle déclaration sur la mission et l’évangélisation est importante à bien des égards. J'ai déjà attiré l'attention sur son appel global, son attention à la périphérie, son orientation de l'église vers la mission, et sa présentation claire de l’évangélisation. De plus, le fait qu'elle ait été construite selon une structure explicitement basée sur la pneumatologie, la rend unique parmi les documents du COE. L'association radicale de l'Esprit avec la Vie dans toute sa plénitude exclut de nombreux faux dualismes qui ont empoisonné la théologie de la mission au XXème siècle : esprit contre matière ; droiture contre justice ; inculturation contre libération ; exclusivisme contre inclusion, spécialement en ce qui concerne les autres églises ; enfin action contre spiritualité. Sa référence à beaucoup d'autres esprits, énergies ou pouvoirs, ajoute en outre une dimension dynamique et engagée à la pneumatologie, la rendant vraiment missionnaire. Le thème qui la parcourt tout entière, de 's’associer à l'Esprit' (§110) à travers un processus d'affirmation et de discernement des nombreux esprits dans notre monde pluriel (§§ 24-28), est un développement rafraichissant et pertinent de la théologie de la missio Dei.